ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)
17 octobre 2024 ( *1 )
« Renvoi préjudiciel – Politique sociale – Égalité de traitement en matière d’emploi et de travail – Directive 2000/78/CE – Article 2, paragraphe 2, sous a) – Interdiction des discriminations fondées sur l’âge – Âge de départ obligatoire à la retraite – Législation nationale excluant tout report du départ à la retraite des juges fédéraux – Possibilité pour des fonctionnaires fédéraux et pour des juges des Länder de demander le report du départ à la retraite – Différence de traitement en fonction de
l’appartenance à une catégorie socioprofessionnelle ou du lieu du travail »
Dans l’affaire C–349/23 [Zetschek] ( i ),
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Verwaltungsgericht Karlsruhe (tribunal administratif de Karlsruhe, Allemagne), par décision du 24 avril 2023, parvenue à la Cour le 6 juin 2023, dans la procédure
HB
contre
Bundesrepublik Deutschland,
LA COUR (deuxième chambre),
composée de M. F. Biltgen (rapporteur), président de la première chambre, faisant fonction de président de la deuxième chambre, Mme M. L. Arastey Sahún, présidente de la cinquième chambre, et M. J. Passer, juge,
avocat général : M. J. Richard de la Tour,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
considérant les observations présentées :
– pour le gouvernement allemand, par MM. J. Möller, W. Ewer et M. Hellmann, en qualité d’agents,
– pour la Commission européenne, par M. T. S. Bohr, Mmes F. Clotuche-Duvieusart et E. E. Schmidt, en qualité d’agents,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 2, paragraphe 2, sous a), et de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail (JO 2000, L 303, p. 16).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant HB, qui est juge auprès du Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne), à la Bundesrepublik Deutschland (République fédérale d’Allemagne), représentée par le Bundesministerium der Justiz (ministère fédéral de la Justice, Allemagne) (ci-après le « BMJ »), au sujet du rejet, par la présidente de cette juridiction, de la demande de report du départ à la retraite introduite par HB.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
3 L’article 1er de la directive 2000/78 est libellé comme suit :
« La présente directive a pour objet d’établir un cadre général pour lutter contre la discrimination fondée sur la religion ou les convictions, [le] handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle, en ce qui concerne l’emploi et le travail, en vue de mettre en œuvre, dans les États membres, le principe de l’égalité de traitement. »
4 L’article 2 de cette directive dispose :
« 1. Aux fins de la présente directive, on entend par “principe de l’égalité de traitement” l’absence de toute discrimination directe ou indirecte, fondée sur un des motifs visés à l’article 1er.
2. Aux fins du paragraphe 1 :
a) une discrimination directe se produit lorsqu’une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne le serait dans une situation comparable, sur la base de l’un des motifs visés à l’article 1er ;
[...] »
5 L’article 3 de ladite directive, intitulé « Champ d’application », prévoit, à son paragraphe 1 :
« Dans les limites des compétences conférées à la Communauté, la présente directive s’applique à toutes les personnes, tant pour le secteur public que pour le secteur privé, y compris les organismes publics [...] »
6 L’article 6, paragraphe 1, de la même directive dispose :
« Nonobstant l’article 2, paragraphe 2, les États membres peuvent prévoir que des différences de traitement fondées sur l’âge ne constituent pas une discrimination lorsqu’elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l’emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires.
Ces différences de traitement peuvent notamment comprendre :
a) la mise en place de conditions spéciales d’accès à l’emploi et à la formation professionnelle, d’emploi et de travail, y compris les conditions de licenciement et de rémunération, pour les jeunes, les travailleurs âgés et ceux ayant des personnes à charge, en vue de favoriser leur insertion professionnelle ou d’assurer leur protection ;
b) la fixation de conditions minimales d’âge, d’expérience professionnelle ou d’ancienneté dans l’emploi, pour l’accès à l’emploi ou à certains avantages liés à l’emploi ;
c) la fixation d’un âge maximum pour le recrutement, fondée sur la formation requise pour le poste concerné ou la nécessité d’une période d’emploi raisonnable avant la retraite. »
Le droit allemand
La Loi fondamentale de la République fédérale d’Allemagne
7 Aux termes de l’article 95, paragraphes 1 et 2, du Grundgesetz für die Bundesrepublik Deutschland (Loi fondamentale de la République fédérale d’Allemagne) du 23 mai 1949 (BGBl. 1949 I, p. 1) :
« (1) Dans les domaines de la juridiction ordinaire, de la juridiction administrative, de la juridiction financière, de la juridiction du travail et de la juridiction sociale, la Fédération institue en tant que cours suprêmes [le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice), le Bundesverwaltungsgericht (Cour administrative fédérale), le Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances), le Bundesarbeitsgericht (Cour fédérale du travail) et le Bundessozialgericht (Cour fédérale du contentieux
social)].
(2) Les juges de ces cours suprêmes sont désignés par le ministre fédéral compétent pour la matière considérée, conjointement avec une commission chargée de l’élection des juges, composée des ministres des Länder compétents pour la matière considérée et d’un nombre égal de membres élus par le Bundestag [(Parlement fédéral, Allemagne)]. »
La loi relative à la sélection des juges
8 L’article 1er, paragraphe 1, du Richterwahlgesetz (loi relative à la sélection des juges) prévoit :
« Les juges des cours suprêmes fédérales sont désignés par le ministre fédéral compétent en collaboration avec le comité de sélection des juges et sont nommés par le président fédéral. »
Le DRiG
9 L’article 48 du Deutsches Richtergesetz (loi sur le statut de la magistrature, ci-après le « DRiG ») dispose :
« (1) Les juges nommés pour un mandat à durée indéterminée sont mis à la retraite à la fin du mois au cours duquel ils atteignent l’âge limite qui leur est applicable. Ils atteignent en règle générale l’âge limite à l’âge de 67 ans (âge légal de départ à la retraite).
(2) Le départ à la retraite ne peut pas être reporté.
(3) Les juges nommés pour un mandat à durée indéterminée et nés avant le 1er janvier 1947 atteignent l’âge légal de départ à la retraite à l’âge de 65 ans. Pour les juges nommés pour un mandat à durée indéterminée et nés après le 31 décembre 1946, l’âge légal de départ à la retraite est relevé comme suit :
Année de naissance Augmentation en mois Limite d’âge
Années Mois
[...]
1960 16 66 4
[...] »
Le BBG
10 L’article 51 du Bundesbeamtengesetz (loi sur les fonctionnaires fédéraux, ci-après le « BBG ») se lit comme suit :
« (1) Les fonctionnaires nommés à vie sont mis à la retraite à la fin du mois au cours duquel ils atteignent la limite d’âge qui leur est applicable. L’âge limite est en règle générale atteint à l’âge de 67 ans (âge légal de départ à la retraite) à moins qu’une autre limite d’âge (limite d’âge spéciale) ne soit fixée par la loi.
(2) Les fonctionnaires nommés à vie et nés avant le 1er janvier 1947 atteignent l’âge légal de départ à la retraite à l’âge de 65 ans. Pour les fonctionnaires nommés à vie et nés après le 31 décembre 1946, l’âge légal de départ à la retraite est relevé comme suit :
Année de naissance Augmentation en mois Limite d’âge
Années Mois
[...]
1960 16 66 4
[...] »
11 Aux termes de l’article 53, paragraphe 1, et paragraphe 1a, première phrase, du BBG :
« (1) Sur demande du fonctionnaire, le départ à la retraite peut être reporté jusqu’à trois ans si
1. cela est dans l’intérêt du service et
2. le temps de travail est d’au moins la moitié du temps de travail hebdomadaire régulier.
La demande doit être présentée au plus tard six mois avant le départ à la retraite. Le départ à la retraite peut, dans les mêmes conditions, en présence d’un âge limite spécial, être reporté jusqu’à trois ans.
(1a) La demande doit être accueillie lorsque
1. le fonctionnaire, pour des raisons familiales
a) était employé à temps partiel ou mis en disponibilité en vertu de l’article 92,
b) a eu recours à un congé pour soins familiaux en vertu de l’article 92a ou
c) a eu recours à un congé pour soins en vertu de l’article 92b,
2. la pension de retraite versée au fonctionnaire en cas de départ à la retraite du fait de l’atteinte de l’âge limite ne dépasse pas le plafond,
3. le temps de travail est d’au moins la moitié du temps de travail hebdomadaire régulier, et
4. les besoins du service ne font pas obstacle à un report.
[...] »
La loi relative aux juges et procureurs d’État du Land de Bade-Wurtemberg
12 L’article 6, paragraphes 1 et 2, du Landesrichter- und Staatsanwaltsgesetz des Landes Baden-Württemberg (loi relative aux juges et procureurs d’État du Land de Bade-Wurtemberg) dispose :
« (1) Le juge nommé pour un mandat à durée indéterminée ou déterminée part à la retraite à l’expiration du mois au cours duquel il atteint l’âge de 67 ans.
(2) Le départ à la retraite du fait de l’atteinte de la limite d’âge est reporté sur demande jusqu’à un an, mais pas au-delà de l’expiration du mois au cours duquel le juge atteint l’âge de 68 ans. La demande doit être présentée au plus tard six mois avant l’atteinte de la limite d’âge. »
Les travaux préparatoires relatifs au BBG et au DRiG
13 Le document du Parlement fédéral portant la référence BT‑Drs. 16/7076 reprend les travaux préparatoires relatifs au BBG et au DRiG et expose les intentions du législateur allemand quant à l’adaptation du BBG et à l’introduction de l’article 48 dans le DRiG. Il ressort de ce document que la loi ayant modifié tant le BBG que le DRiG vise « à créer pour l’État fédéral un droit moderne et transparent aux fonctionnaires, à la rémunération et à la pension, qui :
– renforce le principe de la performance,
– renforce la compétitivité et l’efficacité du service public,
– permet une utilisation plus souple du personnel et améliore la mobilité,
– ouvre des chances et des perspectives afin de renforcer la responsabilité, la motivation et la disponibilité des collaborateurs,
– garantit la pension des fonctionnaires à long terme et transfère dans le droit à pension les mesures prises dans le cadre du régime légal d’assurance vieillesse, compte tenu de la diversité des régimes,
– évite la bureaucratie et une densité de la réglementation. »
14 S’agissant de l’adaptation du BBG, ledit document contient l’indication suivante :
« 4. Actions liées au développement démographique
Comme dans le cadre du régime légal d’assurance vieillesse, l’âge de départ à la retraite des fonctionnaires est progressivement augmenté jusqu’à atteindre 67 ans. La préretraite progressive, en particulier celle dite du “modèle bloc”, qui entraîne une cessation anticipée d’activité, est restreinte. »
Le litige au principal et les questions préjudicielles
15 HB, né le 20 septembre 1960, est juge auprès du Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice) et est, en tant que juge fédéral, soumis à une limite d’âge stricte concernant le départ à la retraite, fixée à 67 ans. Le DRiG n’offre à HB aucune possibilité d’obtenir un report de l’âge de départ à la retraite et prévoit que, pour les personnes nées en 1960, l’âge légal de départ à la retraite est de 66 ans et quatre mois.
16 Le 30 septembre 2021, HB a demandé à la présidente du Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice) de lui communiquer, par une décision susceptible de recours, la date à laquelle il devrait partir à la retraite. Par lettre du 7 octobre 2021, elle l’a informé qu’il devrait partir à la retraite au terme du 31 janvier 2027, c’est-à-dire après avoir atteint l’âge légal de départ à la retraite fixé à 66 ans et 4 mois. Souhaitant exercer sa fonction de juge au Bundesgerichtshof (Cour fédérale de
justice) au-delà de l’âge légal de mise à la retraite, HB a introduit une réclamation contre cette lettre auprès du BMJ.
17 Cette réclamation ayant été rejetée, HB a introduit un recours devant le Verwaltungsgericht Karlsruhe (tribunal administratif de Karlsruhe, Allemagne), la juridiction de renvoi. À l’appui de son recours, HB soutient qu’il fait l’objet d’une discrimination directe fondée sur l’âge dès lors que, d’une part, les fonctionnaires fédéraux, dont l’âge légal de départ à la retraite est le même que le sien, peuvent, conformément à l’article 53 du BBG, reporter leur départ à la retraite pour une période
pouvant aller jusqu’à trois ans et, d’autre part, les juges du Land de Bade-Wurtemberg (Allemagne), dont l’âge de départ à la retraite est, en principe, pour eux aussi, fixé à 67 ans, peuvent, en vertu de l’article 6, paragraphe 2, première phrase, de la loi relative aux juges et procureurs d’État du Land de Bade-Wurtemberg, demander le report de leur départ à la retraite pour une période pouvant aller jusqu’à un an, sans toutefois aller au-delà de l’expiration du mois au cours duquel ils
atteignent l’âge de 68 ans.
18 Le BMJ, pour sa part, conteste l’existence, en l’occurrence, d’une discrimination directe fondée sur l’âge, au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous a), de la directive 2000/78. Il fait valoir à cet égard, notamment, que, pour déterminer s’il existe ou non une telle discrimination, on ne saurait procéder à une comparaison entre un juge fédéral, d’une part, et des fonctionnaires fédéraux ou des juges des Länder, d’autre part, dans la mesure où la désignation des juges fédéraux se distingue
fondamentalement de la nomination des fonctionnaires fédéraux et des juges des Länder. Par ailleurs, à supposer qu’il existe une inégalité de traitement, celle-ci serait justifiée puisque l’article 48, paragraphes 1 et 2, du DRiG viserait à obtenir une pyramide des âges équilibrée au sein de la magistrature étant donné que le départ à la retraite d’employés plus âgés permettrait précisément aux débutants dans le métier d’accéder à la fonction publique. La réglementation aurait, en outre, des
avantages en termes de prévisibilité du renouvellement du personnel eu égard aux spécificités de la sélection des juges. Enfin, l’ouverture prévisible et continue de postes de grade supérieur aurait pour effet d’encourager les juges à s’engager de manière renforcée.
19 Dans sa demande de décision préjudicielle, la juridiction de renvoi relève que, selon la jurisprudence constante de la Cour, issue des arrêts du 21 juillet 2011, Fuchs et Köhler (C–159/10 et C–160/10, EU:C:2011:508, point 34), du 6 novembre 2012, Commission/Hongrie (C–286/12, EU:C:2012:687, point 51), et du 3 juin 2021, Ministero della Giustizia (Notaires) (C–914/19, EU:C:2021:430, point 26), une disposition nationale, telle que l’article 48, paragraphe 1, DRiG, qui prévoit que des personnes
cessent de plein droit leurs fonctions lorsqu’elles atteignent un certain âge alors que des personnes moins âgées, exerçant les mêmes fonctions, peuvent continuer à exercer celles-ci, introduit une différence de traitement directement fondée sur l’âge, au sens de l’article 2, paragraphe 2, sous a), de la directive 2000/78.
20 Cette juridiction se demande toutefois si, en l’occurrence, il n’existe pas également une différence directement fondée sur l’âge au motif que la réglementation nationale en cause au principal ne permet pas à HB de reporter son départ à la retraite alors que les fonctionnaires fédéraux et – par exemple – les juges du Land de Bade-Wurtemberg ont cette faculté. Eu égard à la formulation extensive du champ d’application de la directive 2000/78, figurant à l’article 3, paragraphe 1, de celle-ci,
évoquant « toutes les personnes, tant pour le secteur public que pour le secteur privé, y compris les organismes publics », elle estime qu’une comparaison entre les juges fédéraux et les juges des Länder est pertinente aux fins de la résolution du litige au principal. Les différences existant en ce qui concerne la nomination, d’une part, des juges fédéraux, d’autre part, des fonctionnaires fédéraux et des juges des Länder ne devraient être prises en compte qu’au stade de l’examen de la
justification de la différence de traitement. Partant, afin de résoudre le litige au principal, il serait nécessaire de savoir si la différence de traitement ainsi circonscrite relève ou non de l’un des motifs de discrimination visés à l’article 1er de la directive 2000/78.
21 Dans ces conditions, le Verwaltungsgericht Karlsruhe (tribunal administratif de Karlsruhe) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) La circonstance que, en application de l’article 48, paragraphe 2, [du DRiG], les juges fédéraux ne peuvent pas repousser leur départ à la retraite alors que les fonctionnaires fédéraux et – par exemple – les juges du Land de Bade-Wurtemberg y sont autorisés constitue-t-elle une discrimination directe fondée sur l’âge, au sens de l’article 2, paragraphe 2, sous a), de la directive [2000/78] ?
2) Aux fins de l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive [2000/78], les éléments déduits du contexte général de la mesure en cause recouvrent-ils aussi les aspects qui ne sont absolument pas mentionnés dans les travaux préparatoires et au cours de l’ensemble du processus législatif parlementaire, et qui ne sont au contraire avancés que dans le cadre de la procédure judiciaire ?
3) Comment convient-il d’interpréter les notions de “objectivement” et de “raisonnablement” contenues à l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive [2000/78] et quel est leur point de référence ? L’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de [cette] directive requiert-il un double contrôle du caractère approprié ?
4) Convient-il d’interpréter l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive [2000/78] en ce sens que, du point de vue de la cohérence, il s’oppose à une réglementation nationale qui interdit aux juges fédéraux de repousser leur départ à la retraite alors que les fonctionnaires fédéraux et – par exemple – les juges du Land de Bade-Wurtemberg y sont autorisés ? »
Sur les questions préjudicielles
Sur la première question
22 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 2, paragraphe 2, sous a), de la directive 2000/78 doit être interprété en ce sens qu’une réglementation nationale en vertu de laquelle les juges fédéraux ne peuvent pas reporter leur départ à la retraite alors que des fonctionnaires fédéraux et des juges des Länder le peuvent instaure une différence de traitement directement fondée sur l’âge, au sens de cette disposition.
23 À cet égard, il convient de rappeler que l’article 2, paragraphe 2, sous a), de la directive 2000/78 précise qu’une discrimination directe se produit lorsqu’une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre se trouvant dans une situation comparable, sur la base de l’un des motifs visés à l’article 1er de cette directive.
24 Conformément à son article 1er, la directive 2000/78 « a pour objet d’établir un cadre général pour lutter contre la discrimination fondée sur la religion ou les convictions, [le] handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle, en ce qui concerne l’emploi et le travail, en vue de mettre en œuvre, dans les États membres, le principe de l’égalité de traitement ».
25 Partant, ainsi que la Cour l’a déjà jugé, les motifs énumérés à l’article 1er de la directive 2000/78 le sont de manière exhaustive et cette directive ne vise pas les discriminations fondées sur la catégorie professionnelle ou le lieu de travail (arrêt du 21 mai 2015, SCMD, C‑262/14, EU:C:2015:336, point 29 et jurisprudence citée).
26 En l’occurrence, la différence de traitement visée par la première question n’a pas trait à celle entre les juges fédéraux qui ne peuvent pas continuer à travailler au-delà de l’âge fixé à l’article 48, paragraphe 1, du DRiG et les juges fédéraux n’ayant pas atteint cet âge qui peuvent continuer à travailler, mais concerne celle entre, d’une part, les juges fédéraux et, d’autre part, les fonctionnaires fédéraux et les juges des Länder, notamment ceux du Land de Bade-Wurtemberg.
27 Or, ainsi qu’il ressort du cadre juridique national, les dispositions gouvernant l’exercice des fonctions de ces différents juges et de ces fonctionnaires sont prévues dans des actes législatifs clairement distincts. Les personnes relevant de ces groupes de personnes n’exercent pas les mêmes fonctions et les conditions d’exercice de ces fonctions sont propres à chacun de ces groupes.
28 Partant, la différence de traitement entre, d’une part, les juges fédéraux et, d’autre part, les fonctionnaires fédéraux et les juges des Länder, notamment ceux du Land de Bade-Wurtemberg, est fondée sur la fonction respectivement occupée par ces différents groupes de personnes.
29 Il s’ensuit qu’une différence de traitement telle que celle visée par la première question est fondée sur la catégorie professionnelle dont relèvent les intéressés au niveau fédéral ainsi qu’au niveau régional et non sur l’âge.
30 Ce motif de discrimination ne figurant pas parmi les motifs énumérés à l’article 1er de la directive 2000/78, il y a lieu de conclure qu’une situation telle que celle visée par la première question ne relève pas du cadre général établi par l’article 2, paragraphe 1, sous a), de la directive 2000/78.
31 Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la première question que l’article 2, paragraphe 2, sous a), de la directive 2000/78 doit être interprété en ce sens qu’une réglementation nationale en vertu de laquelle les juges fédéraux ne peuvent pas reporter leur départ à la retraite alors que des fonctionnaires fédéraux et des juges des Länder le peuvent n’instaure pas une différence de traitement directement fondée sur l’âge, au sens de cette disposition.
Sur les deuxième à quatrième questions
32 Compte tenu de la réponse apportée à la première question, il n’y a pas lieu de répondre aux deuxième à quatrième questions. En effet, ces dernières questions semblent avoir été posées uniquement dans l’hypothèse où il aurait été considéré que la différence de traitement entre, d’une part, les juges fédéraux et, d’autre part, les fonctionnaires fédéraux et les juges des Länder, notamment ceux du Land de Bade-Wurtemberg, est directement fondée sur l’âge, au sens de l’article 2, paragraphe 2,
sous a), de la directive 2000/78.
Sur les dépens
33 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit :
L’article 2, paragraphe 2, sous a), de la directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail,
doit être interprété en ce sens que :
une réglementation nationale en vertu de laquelle les juges fédéraux ne peuvent pas reporter leur départ à la retraite alors que des fonctionnaires fédéraux et des juges des Länder le peuvent n’instaure pas une différence de traitement directement fondée sur l’âge, au sens de cette disposition.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.
( i ) Le nom de la présente affaire est un nom fictif. Il ne correspond au nom réel d’aucune partie à la procédure.