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17/10/2024 | CJUE | N°C-239/23

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Karl und Georg Anwander GbR Güterverwaltung contre Land Baden-Württemberg., 17/10/2024, C-239/23


 ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

17 octobre 2024 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Politique agricole commune (PAC) – Financement par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) – Règlement (UE) no 1305/2013 – Articles 31 et 32 – Paiements en faveur des zones soumises à des contraintes naturelles ou à d’autres contraintes spécifiques – Zones de montagne – Indemnité compensatoire – Dispositions administratives nationales excluant le paiement de cette indemnité pour des zones éligibles situées dans une régio

n du même État membre autre que
celle du siège de l’exploitation agricole – Dispositions utilisant le siè...

 ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

17 octobre 2024 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Politique agricole commune (PAC) – Financement par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) – Règlement (UE) no 1305/2013 – Articles 31 et 32 – Paiements en faveur des zones soumises à des contraintes naturelles ou à d’autres contraintes spécifiques – Zones de montagne – Indemnité compensatoire – Dispositions administratives nationales excluant le paiement de cette indemnité pour des zones éligibles situées dans une région du même État membre autre que
celle du siège de l’exploitation agricole – Dispositions utilisant le siège de l’exploitation agricole comme condition d’octroi de ladite indemnité compensatoire »

Dans l’affaire C‑239/23,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Verwaltungsgericht Sigmaringen (tribunal administratif de Sigmaringen, Allemagne), par décision du 28 mars 2023, parvenue à la Cour le 17 avril 2023, dans la procédure

Karl und Georg Anwander GbR Güterverwaltung

contre

Land Baden-Württemberg,

en présence de :

Freistaat Bayern,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de M. F. Biltgen, président de la première chambre, faisant fonction de président de la deuxième chambre, Mme M. L. Arastey Sahún (rapporteure), présidente de la cinquième chambre, et M. J. Passer, juge,

avocat général : M. N. Emiliou,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

– pour Karl und Georg Anwander GbR Güterverwaltung, par Me F. Schröder, Rechtsanwalt,

– pour le Land Baden-Württemberg, par Mme F. Steier, en qualité d’agent,

– pour le Freistaat Bayern, par Mme C. Vilgertshofer et M. J. Vogel, en qualité d’agents,

– pour la Commission européenne, par Mmes J. Aquilina, A. C. Becker et L. Radu Bouyon, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 25 avril 2024,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 31 et 32 du règlement (UE) no 1305/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, relatif au soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) et abrogeant le règlement (CE) no 1698/2005 du Conseil (JO 2013, L 347, p. 487, et rectificatif JO 2016, L 130, p. 1), tel que modifié par le règlement (UE) 2017/2393 du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre
2017 (JO 2017, L 350, p. 15) (ci-après le « règlement no 1305/2013 »).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Karl und Georg Anwander GbR Güterverwaltung au Land Baden-Württemberg (Land de Bade-Wurtemberg, Allemagne), représenté par le Landratsamt Ravensburg (services administratifs de la circonscription de Ravensbourg, Allemagne), au sujet du rejet, par ces services, de la demande d’indemnité compensatoire sollicitée par la requérante au principal au titre de l’année 2019 pour des surfaces agricoles situées dans le Freistaat Bayern (Land de
Bavière, Allemagne).

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

Le règlement no 1305/2013

3 Les considérants 7, 9, 25, 26 et 50 du règlement no 1305/2013 énoncent :

« (7) Afin d’assurer un démarrage immédiat et une mise en œuvre efficace des programmes de développement rural, le soutien du [Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader)] devrait reposer sur l’existence d’un cadre administratif solide. Les États membres devraient ainsi évaluer l’applicabilité et le respect de certaines conditions ex ante. Chaque État membre devrait établir un programme national de développement rural couvrant tout son territoire, une série de programmes régionaux
ou à la fois un programme national et un ensemble de programme[s] régionaux. Chaque programme devrait définir une stratégie pour atteindre des objectifs liés aux priorités de l’Union [européenne] pour le développement rural et un certain nombre de mesures. La programmation devrait respecter les priorités de l’Union pour le développement rural, tout en étant adaptée aux contextes nationaux et en complétant les autres politiques de l’Union, notamment la politique des marchés agricoles, la
politique de cohésion et la politique commune de la pêche. Les États membres qui optent pour l’élaboration d’un ensemble de programmes régionaux devraient être en mesure d’élaborer également un cadre national, sans dotation budgétaire distincte, en vue de faciliter la coordination entre les régions pour relever les défis qui se posent à l’échelle nationale.

[...]

(9) Les programmes de développement rural devraient recenser les besoins de la zone couverte et décrire une stratégie cohérente pour y répondre, à la lumière des priorités de l’Union pour le développement rural. Cette stratégie devrait reposer sur la fixation d’objectifs. Il convient d’établir les liens entre les besoins recensés, les objectifs définis et le choix des mesures retenues pour les atteindre. Il convient que les programmes de développement rural contiennent également toutes les
informations nécessaires pour évaluer leur conformité avec les exigences du présent règlement.

[...]

(25) Les paiements destinés aux agriculteurs dans des zones de montagne ou dans d’autres zones soumises à des contraintes naturelles ou à d’autres contraintes spécifiques devraient, en encourageant la poursuite de l’exploitation des terres agricoles, contribuer à la préservation du paysage rural ainsi qu’à la sauvegarde et à la promotion de systèmes agricoles durables. Afin de garantir l’efficacité de cette aide, les paiements devraient indemniser les agriculteurs pour les pertes de revenus et les
coûts supplémentaires liés au handicap de la zone concernée. Afin de garantir l’utilisation efficace des ressources du Feader, l’aide devrait être limitée aux agriculteurs actifs au sens de l’article 9 du règlement (UE) no 1307/2013 [du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, établissant les règles relatives aux paiements directs en faveur des agriculteurs au titre des régimes de soutien relevant de la politique agricole commune et abrogeant le règlement (CE) no 637/2008 du
Conseil et le règlement (CE) no 73/2009 du Conseil (JO 2013, L 347, p. 608)].

(26) En vue de garantir une utilisation efficace des fonds de l’Union et l’égalité de traitement pour les agriculteurs dans l’ensemble de l’Union, il y a lieu de définir, selon des critères objectifs, les zones de montagne et les zones soumises à des contraintes naturelles ou à d’autres contraintes spécifiques. Dans le cas des zones soumises à des contraintes naturelles, il devrait s’agir de critères biophysiques s’appuyant sur des preuves scientifiques solides. [...]

[...]

(50) Une seule et même autorité de gestion devrait être responsable de la gestion et de la mise en œuvre de chaque programme de développement rural. Ses tâches devraient être définies dans le présent règlement. [...] »

4 L’article 1er, paragraphe 1, du règlement no 1305/2013 dispose :

« Le présent règlement établit les règles générales régissant le soutien de l’Union en faveur du développement rural financé par le [Feader] et institué par le règlement (UE) no 1306/2013 [du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, relatif au financement, à la gestion et au suivi de la politique agricole commune et abrogeant les règlements (CEE) no 352/78, (CE) no 165/94, (CE) no 2799/98, (CE) no 814/2000, (CE) no 1290/2005 et [(CE)] no 485/2008 du Conseil (JO 2013, L 347, p. 549)].
Il fixe les objectifs auxquels la politique de développement rural doit contribuer et les priorités de l’Union pour le développement rural. Il définit le cadre stratégique dans lequel s’inscrit la politique de développement rural et définit les mesures à adopter afin de mettre en œuvre la politique de développement rural. En outre, il établit les règles en matière de programmation, de mise en réseau, de gestion, de suivi et d’évaluation sur la base d’un partage de responsabilités entre les États
membres et la Commission [européenne], et les règles visant à garantir la coordination entre le Feader et les autres instruments de l’Union. »

5 L’article 2, paragraphe 1, deuxième alinéa, sous b), du règlement no 1305/2013 définit le terme « région » de la manière suivante :

« “région”, une unité territoriale correspondant au niveau 1 ou 2 de la nomenclature des unités territoriales statistiques (NUTS 1 et 2) au sens du règlement (CE) no 1059/2003 du Parlement européen et du Conseil[, du 26 mai 2003, relatif à l’établissement d’une nomenclature commune des unités territoriales statistiques (NUTS) (JO 2003, L 154, p. 1)] ».

6 L’article 5 du règlement no 1305/2013 prévoit :

« La réalisation des objectifs du développement rural, lesquels contribuent à la stratégie Europe 2020 pour une croissance intelligente, durable et inclusive, s’effectue dans le cadre des six priorités suivantes de l’Union pour le développement rural, qui reflètent les objectifs thématiques correspondants du [Cadre commun stratégique (CSC)] :

[...]

4) restaurer, préserver et renforcer les écosystèmes liés à l’agriculture et à la foresterie, en mettant l’accent sur les domaines suivants :

a) restaurer, préserver et renforcer la biodiversité, y compris dans les zones relevant de Natura 2000, et dans les zones soumises à des contraintes naturelles ou à d’autres contraintes spécifiques, et l’agriculture à haute valeur naturelle, ainsi que les paysages européens ;

[...] »

7 L’article 6, paragraphe 2, de ce règlement énonce :

« Un État membre peut présenter un programme unique couvrant tout son territoire ou une série de programmes régionaux. Autrement, dans des cas dûment justifiés, il peut présenter un programme national et une série de programme régionaux. Si un État membre présente un programme national et une série de programmes régionaux, des mesures et/ou des types d’opérations sont programmés soit au niveau national soit au niveau régional, et la cohérence entre les stratégies prévues par le programme national
et les programmes régionaux est assurée. »

8 L’article 13 dudit règlement dispose :

« Chaque mesure de développement rural est programmée pour contribuer spécifiquement à la réalisation d’une ou de plusieurs priorités de l’Union pour le développement rural. Une liste indicative des mesures présentant un intérêt particulier pour les priorités de l’Union figure à l’annexe VI. »

9 Aux termes de l’article 31 du règlement no 1305/2013 :

« 1.   Les paiements destinés aux agriculteurs situés dans des zones de montagne et d’autres zones soumises à des contraintes naturelles ou autres contraintes spécifiques sont accordés annuellement par hectare de surface agricole, afin d’indemniser les agriculteurs pour tout ou partie des coûts supplémentaires et de la perte de revenu résultant de ces contraintes pour la production agricole dans la zone concernée.

[...]

2.   Les paiements sont accordés aux agriculteurs qui s’engagent à exercer leur activité agricole dans les zones désignées en vertu de l’article 32 et qui sont des agriculteurs actifs au sens de l’article 9 du règlement [no 1307/2013], tel qu’il s’applique dans l’État membre concerné.

[...] »

10 L’article 32 du règlement no 1305/2013 prévoit :

« 1.   Les États membres, sur la base des dispositions des paragraphes 2 à 4, délimitent les zones pouvant bénéficier des paiements prévus à l’article 31, dans les catégories suivantes :

a) les zones de montagne ;

b) les zones autres que les zones de montagne, qui sont soumises à des contraintes naturelles importantes ; et

c) les autres zones soumises à des contraintes spécifiques.

2.   Afin de pouvoir bénéficier des paiements prévus à l’article 31, les zones de montagne sont caractérisées par une limitation considérable des possibilités d’utilisation des terres et un accroissement sensible des coûts de production en raison de :

a) l’existence de conditions climatiques très difficiles dues à l’altitude, se traduisant par une période de végétation sensiblement raccourcie ;

b) la présence, à une altitude moindre, de fortes pentes dans la majeure partie du territoire concerné telles que la mécanisation n’est pas possible ou bien nécessite l’utilisation d’un matériel particulier très onéreux, ou la combinaison de ces deux facteurs, lorsque l’importance de la contrainte résultant de chacun d’eux pris séparément est moins accentuée, à condition que de cette combinaison résulte une contrainte équivalente.

[...]

3.   Afin de pouvoir bénéficier des paiements prévus à l’article 31, les zones autres que les zones de montagne sont considérées comme soumises à des contraintes naturelles importantes lorsqu'au moins 60 % de la surface agricole remplit au moins l’un des critères énumérés à l’annexe III, à la valeur seuil indiquée.

Le respect de ces conditions est assuré au niveau des unités administratives locales (niveau “UAL 2”) ou au niveau d’une unité locale nettement délimitée qui couvre une zone géographique clairement d’un seul tenant et dotée d’une identité économique et administrative définissable.

Lorsqu’ils délimitent les zones concernées par le présent paragraphe, les États membres procèdent à un exercice d’affinement basé sur des critères objectifs, afin d’exclure les zones dans lesquelles des contraintes naturelles importantes, visées au premier alinéa, ont été démontrées, mais ont été surmontées par des investissements ou par l’activité économique, ou par une productivité normale des terres dûment attestée, ou dans lesquelles les méthodes de production ou les systèmes agricoles ont
compensé la perte de revenus ou les coûts supplémentaires visés à l’article 31, paragraphe 1.

[...] »

11 L’article 60, paragraphe 2, premier alinéa, de ce règlement énonce :

« Les dépenses ne peuvent bénéficier d’une participation du Feader que si elles sont effectuées pour des opérations décidées par l’autorité de gestion du programme concerné ou sous sa responsabilité [...] »

12 L’article 65, paragraphe 2, dudit règlement dispose :

« Les États membres désignent, pour chaque programme de développement rural, les autorités suivantes :

a) l’autorité de gestion, qui peut être un organisme public ou privé, national ou régional, ou l’État membre exerçant lui-même cette fonction, et qui est chargée de la gestion du programme concerné ;

b) l’organisme payeur agréé au sens de l’article 7 du règlement [no 1306/2013] ;

[...] »

13 Aux termes de l’article 66, paragraphe 1, du même règlement :

« L’autorité de gestion est responsable de la gestion et de la mise en œuvre efficaces, effectives et correctes du programme, [...] »

Le règlement no 1307/2013

14 L’article 9 du règlement no 1307/2013, intitulé « Agriculteur actif », énonce les conditions auxquelles doivent répondre les personnes physiques ou morales ou les groupements de telles personnes pour être considérés comme étant des agriculteurs actifs au sens de cette disposition.

Le droit allemand

Le droit fédéral

15 L’article 3, paragraphe 1, du Grundgesetz für die Bundesrepublik Deutschland (Loi fondamentale de la République fédérale d’Allemagne), du 23 mai 1949 (BGBl. 1949 I, p. 1), dans sa version applicable au litige au principal, dispose :

« Tous les êtres humains sont égaux devant la loi. »

16 L’article 2 de la Verordnung über die Durchführung von Stützungsregelungen und des Integrierten Verwaltungs- und Kontrollsystems (règlement du ministère fédéral de l’Alimentation et de l’Agriculture, adopté en accord avec, entre autres, les ministères fédéraux des Finances ainsi que de l’Économie et de l’Énergie, sur la mise en œuvre des dispositions en matière de soutien et du système intégré de gestion et de contrôle), du 24 février 2015 (BGBl. 2015 I, p. 166) (ci-après la « InVeKoSV »),
prévoit :

« 1.   Sauf disposition contraire prévue par le présent règlement ou par l’article 1er, paragraphe 1, points 4 à 6, les organes compétents du Land en vertu du droit de ce dernier (les organes compétents du Land), dans lequel l’agriculteur a son siège d’exploitation, sont territorialement compétents aux fins de la mise en œuvre du présent règlement et des dispositions visées à l’article 1er, paragraphe 1.

2.   Le siège d’exploitation pertinent aux fins de la détermination de l’organe du Land compétent est, sous réserve d’une reprise de compétence conformément au paragraphe 3, le lieu situé dans le ressort du bureau des impôts compétent pour l’établissement de l’impôt sur le revenu de l’agriculteur. Pour les personnes morales, les groupements de personnes et les masses de valeurs, l’organe compétent est l’organe du Land dans le ressort duquel se trouve l’organe de direction de ces derniers.

3.   Si l’agriculteur n’a qu’un seul établissement et que cet établissement est situé dans un Land différent de celui où se trouve le siège d’exploitation, l’organe du Land dans le ressort duquel se trouve l’établissement peut, en accord avec l’organe du Land territorialement compétent en vertu du paragraphe 2 et avec le consentement de l’agriculteur, reprendre la compétence dans le champ d’application du présent règlement ; le siège d’exploitation est alors le lieu de l’établissement.

[...] »

Le droit du Land de Bade-Wurtemberg

17 Le point 1.1 de la Verwaltungsvorschrift des Ministeriums Ländlicher Raum zur Förderung landwirtschaftlicher Betriebe in Berggebieten und in bestimmten benachteiligten Gebieten (VwV Ausgleichszulage Landwirtschaft) (disposition administrative du ministère de l’Espace rural relative à la promotion des exploitations agricoles dans les zones de montagne et dans certaines zones défavorisées), du 6 novembre 2019 (GABl. 2019, p. 389) (ci-après la « VwV AZL »), telle que modifiée par la
Verwaltungsvorschrift (disposition administrative) du 15 novembre 2021 (GABl. 2021, p. 532), prévoit :

« L’objectif de ce soutien est d’assurer, dans les zones défavorisées délimitées [zones de montagne, zones défavorisées pour des raisons naturelles importantes, zones défavorisées pour d’autres raisons spécifiques, hors zones de montagne selon la liste des zones en vigueur (voir point 4)], l’utilisation durable des surfaces agricoles par l’exploitation et de contribuer ainsi à la conservation du paysage ainsi qu’au maintien et à la promotion de mesures d’exploitation durable. »

18 Le point 2.1 de la VwV AZL dispose :

« Seuls les agricultrices et agriculteurs actifs au sens de l’article 9 du règlement [no 1307/2013] qui exploitent eux-mêmes des surfaces situées dans les zones soumises à des contraintes, nouvellement délimitées, du Bade-Wurtemberg, peuvent bénéficier d’un soutien. Une aide ne peut être octroyée qu’aux agricultrices et agriculteurs dont le siège d’exploitation, au sens de l’article 2 de l’InVeKoSV, est situé dans le Bade-Wurtemberg et dont le siège d’entreprise se trouve dans un État membre de
l’Union. »

19 Aux termes du point 3.2.1 de la VwV AZL :

« Une compensation est octroyée uniquement pour les surfaces situées dans les zones éligibles nouvellement délimitées du Bade-Wurtemberg (voir point 4.2). »

20 Le point 4.2 de la VwV AZL prévoit :

« Les catégories suivantes de zones (zones soumises à des contraintes) font l’objet d’un dépôt dans le registre des zones [...] et sont pertinentes :

– les zones de montagne,

– les zones autres que les zones de montagne qui sont soumises à des contraintes naturelles importantes,

– les autres zones soumises à des contraintes spécifiques. »

Le droit du Land de Bavière

21 Le point 2 de la Richtlinie des Bayerischen Staatsministeriums für Ernährung, Landwirtschaft und Forsten zur Gewährung der Ausgleichszulage in benachteiligten Gebieten (AGZ) gemäß Verordnung (EU) Nr. 1305/2013 (lignes directrices du ministère bavarois de l’Alimentation, de l’Agriculture et des Forêts relatives à l’octroi de l’indemnité compensatoire dans les zones soumises à des contraintes conformément au règlement no 1305/2013), du 1er mars 2019 (BayMBl. 2019 no 143, ci-après l’« AGZ »),
dispose :

« L’indemnité compensatoire est octroyée pour les surfaces affectées à un usage agricole, situées dans des zones de Bavière, soumises à des contraintes. Les zones soumises à des contraintes ont été déterminées au niveau cadastral par un avis du ministère bavarois de l’Alimentation, de l’Agriculture et des Forêts, du 29 novembre 2018, relatif au registre des zones agricoles soumises à des contraintes au sens de l’article 32 du règlement [no 1305/2013]. Les données relatives aux surfaces, figurant
dans le système intégré de gestion et de contrôle, contiennent les informations pertinentes quant à l’appartenance à une zone. »

22 Le point 4 de l’AGZ prévoit :

« Le bénéficiaire de l’aide doit

– exploiter une surface affectée à un usage agricole d’au moins 3 hectares dans des zones soumises à des contraintes en Bavière,

– avoir son siège d’exploitation au sens de l’article 2 de l’InVeKoSV en Bavière. Si l’agriculteur n’est pas soumis à l’impôt sur le revenu en Allemagne ou, dans le cas des personnes morales, des groupements de personnes et des masses de valeurs, si l’organe de direction de ces derniers n’est pas situé en Allemagne, la majeure partie de la surface affectée à un usage agricole, exploitée par l’agriculteur en Allemagne, doit se trouver en Bavière [...] »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

23 La requérante au principal gère une exploitation laitière qui est située en partie dans le Land de Bade-Wurtemberg et en partie dans le Land de Bavière. Le siège de son exploitation se trouve dans le Bade-Wurtemberg. Elle exploite des surfaces agricoles d’environ 100 à 111 hectares dans le Bade-Wurtemberg et d’environ 27 hectares en Bavière, toutes ces surfaces étant situées dans une zone de montagne.

24 Les surfaces situées en Bavière sont classées en tant que surfaces éligibles aux aides de l’Union pour les zones de montagne et sont susceptibles de bénéficier d’une indemnité compensatoire de 50 euros par hectare.

25 Jusqu’à l’année 2018, la requérante au principal a obtenu de l’autorité compétente du Land de Bade-Wurtemberg le versement de l’indemnité compensatoire sollicitée tant pour les surfaces agricoles situées au Bade-Wurtemberg que pour celles situées en Bavière.

26 Le 8 mai 2019, elle a introduit, auprès de cette même autorité, une demande d’indemnité compensatoire, au titre de l’année 2019, pour l’exploitation de surfaces agricoles soumises à des contraintes naturelles, y compris pour les surfaces d’environ 27 hectares situées en Bavière.

27 Par décision du 5 décembre 2019, les services administratifs de la circonscription de Ravensbourg ont accordé une indemnité compensatoire d’un montant de 4095,66 euros pour les surfaces agricoles situées dans le Bade-Wurtemberg. En revanche, la demande de la requérante au principal a été rejetée en ce qui concerne les surfaces situées en Bavière, au motif qu’elles ne se trouvaient pas dans le Bade-Wurtemberg.

28 Par décision du 11 mai 2021, le Regierungspräsidium Tübingen (préfecture de Tübingen, Allemagne) a rejeté la réclamation introduite par la requérante au principal contre la décision du 5 décembre 2019.

29 Le 17 juin 2021, la requérante au principal a introduit un recours devant le Verwaltungsgericht Sigmaringen (tribunal administratif de Sigmaringen, Allemagne), qui est la juridiction de renvoi, tendant, d’une part, à l’annulation de la décision du 5 décembre 2019, telle que confirmée par la décision du 11 mai 2021, et, d’autre part, à l’octroi d’une indemnité compensatoire d’un montant de 1371,26 euros pour les surfaces agricoles éligibles au paiement de cette indemnité pour les zones de montagne
situées en Bavière. À titre subsidiaire, elle demande à ce qu’il soit constaté que le rejet de la demande d’indemnité compensatoire concernant ces surfaces ainsi que les bases juridiques sur lesquelles la décision de rejet a été adoptée, à savoir les points 2.1 et 3.2.1 de la VwV AZL, contreviennent aux articles 31 et 32 du règlement no 1305/2013.

30 Or, la juridiction de renvoi nourrit des doutes quant à l’interprétation de ces deux derniers articles et quant à l’étendue de la marge d’appréciation dont disposent les États membres, en vertu de ce règlement, pour déterminer ou préciser les conditions d’octroi des indemnités compensatoires telles que celles sollicitées par la requérante au principal.

31 Cette juridiction indique à cet égard, d’une part, que, en vertu du droit allemand, un grand nombre de paiements effectués par l’État à des tiers au titre de différentes aides est octroyé non pas sur le fondement d’une base juridique contraignante ayant valeur de loi, mais au regard de « dispositions administratives » revêtant un caractère de droit interne à l’administration, dont les seuls destinataires sont les fonctionnaires de l’entité administrative concernée. Partant, de telles dispositions
administratives ne lieraient que l’entité administrative compétente, raison pour laquelle l’effet contraignant de ces dispositions ne saurait être qu’indirect, en ce sens que cette entité serait tenue, en vertu du principe d’égalité de traitement, consacré par l’article 3, paragraphe 1, de la Loi fondamentale de la République fédérale d’Allemagne, de traiter le demandeur du paiement concerné de la même manière que ceux à l’égard desquels ladite entité a déjà appliqué les contenus de ces
dispositions administratives.

32 D’autre part, la juridiction de renvoi précise que les conditions d’octroi des indemnités compensatoires pour les zones soumises à des contraintes naturelles prévues à l’article 31 du règlement no 1305/2013 sont régies, tant au Bade-Wurtemberg qu’en Bavière, par des dispositions administratives qui subordonneraient l’octroi de telles indemnités compensatoires, respectivement, au fait que le siège de l’exploitation de l’agriculteur concerné ainsi que la surface éligible se trouvent dans le Land
dans lequel une telle indemnité a été sollicitée.

33 Cette juridiction fait observer que, dès lors qu’une telle indemnité compensatoire ne saurait être sollicitée que dans le Land où se trouve le siège de l’exploitation de l’agriculteur concerné, il ne serait pas possible d’introduire une demande dans plusieurs Länder. Dans une situation telle que celle dont ladite juridiction est saisie, dans laquelle le siège de l’exploitation de la requérante au principal se trouve dans le Bade-Wurtemberg, cette dernière ne saurait ni demander l’octroi
d’indemnités compensatoires dans ce Land pour ses surfaces situées en Bavière, ni déposer une demande de versement de ces indemnités auprès du Land de Bavière pour lesdites surfaces.

34 Dans ce contexte, la juridiction de renvoi s’interroge, premièrement, sur l’étendue de la marge d’appréciation que le droit de l’Union reconnaît aux États membres lors de la détermination des conditions d’octroi des indemnités compensatoires pour des zones éligibles aux aides prévues à l’article 31 du règlement no 1305/2013, notamment dans une situation telle que celle dont elle est saisie, qui porte sur des zones relevant de la compétence de deux Länder différents.

35 Selon cette juridiction, le libellé de l’article 32, paragraphe 2, premier alinéa, de ce règlement ainsi que le considérant 26 de celui-ci sembleraient indiquer que les États membres ou leurs régions ne peuvent recourir, lors de la délimitation des zones éligibles à l’octroi desdites indemnités compensatoires, qu’à des critères liés aux propriétés biophysiques des surfaces concernées, à savoir leurs caractéristiques naturelles. En revanche, il ne ressortirait pas dudit règlement que les États
membres peuvent appliquer des critères n’ayant aucun rapport avec les caractéristiques naturelles de ces surfaces, le caractère directement applicable du même règlement plaidant en ce sens que les États membres ou leurs régions ne sauraient recourir à des critères de délimitation qui ne sont pas énumérés à cet article 32.

36 Deuxièmement, cette juridiction se demande si, dès lors qu’un État membre ou une région d’un État membre a décidé de prévoir un régime de paiement d’indemnités compensatoires aux agriculteurs situés dans des zones de montagne et d’autres zones soumises à des contraintes naturelles ou autres contraintes spécifiques, l’article 31, paragraphe 1, du règlement no 1305/2013 confère aux agriculteurs concernés un droit, au titre du droit de l’Union, à l’octroi d’une telle indemnité compensatoire. Si le
libellé de l’article 31, paragraphe 1, premier alinéa, et paragraphe 2, de ce règlement pourrait corroborer une telle interprétation, celle-ci pourrait en revanche s’avérer contraire à l’économie générale dudit règlement, qui exigerait l’existence d’un programme de développement rural établi par les États membres ou par leurs régions, sans toutefois les obliger à intégrer des indemnités compensatoires à ce titre dans leurs programmes respectifs.

37 Troisièmement, la juridiction de renvoi se demande si le droit de l’Union, et plus précisément le règlement no 1305/2013, détermine la nature et la portée juridiques que doivent revêtir les actes de mise en œuvre de ce droit, adoptés par l’État membre ou la région concernés, qui fixent les conditions d’éligibilité aux indemnités compensatoires que ces actes prévoient, dans la mesure où la fixation de critères d’éligibilité au moyen de dispositions administratives, à savoir des normes juridiques
non contraignantes, pourrait nuire à l’effet utile de ce règlement.

38 Dans ces conditions, le Verwaltungsgericht Sigmaringen (tribunal administratif de Sigmaringen) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) Une disposition administrative et une pratique en matière de soutien au niveau national excluant le paiement d’une indemnité compensatoire pour des surfaces situées dans des zones de montagne et dans certaines zones soumises à des contraintes au seul motif que les surfaces éligibles à l’indemnité compensatoire sont situées en dehors de la région, au sens de l’article 2, paragraphe 1, deuxième alinéa, sous b), du règlement [no 1305/2013], de l’État membre qui octroie l’indemnité compensatoire
est-elle conforme à l’article 31, paragraphe 1, premier alinéa, et paragraphe 2, ainsi qu’à l’article 32, paragraphe 1, sous a), paragraphe 2, premier alinéa, et paragraphe 3, deuxième et troisième alinéas, du règlement [no 1305/2013] ? Le siège d’exploitation de l’agriculteur qui exploite la surface est-il un critère de délimitation licite à cet égard ?

2) L’article 31, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement [no 1305/2013] doit-il être interprété en ce sens que les dispositions d’un État membre ou d’une région de l’État membre qui a décidé d’octroyer des paiements aux agriculteurs exerçant dans des zones de montagne et des zones soumises à d’autres contraintes au sens de l’article 31, paragraphe 1, du règlement [no 1305/2013] doivent être rédigées de telle sorte que le paiement doit également être octroyé pour des surfaces qui ont été
classées, par un autre État membre ou une autre région du même État membre qui a également décidé d’octroyer des paiements aux agriculteurs exerçant dans des zones de montagne et des zones soumises à d’autres contraintes au sens de l’article 31, paragraphe 1, du règlement [no 1305/2013], comme zone de montagne ou zone soumise à d’autres contraintes au sens de l’article 32, paragraphe 1, du règlement [no 1305/2013] ?

3) L’article 31, paragraphe 1, premier alinéa, et paragraphe 2, du règlement [no 1305/2013] doit-il être interprété en ce sens qu’il découle en principe directement de cette disposition un droit, au titre du droit de l’Union, en faveur de l’agriculteur à l’octroi du paiement (indemnité compensatoire) par l’État membre ou la région de l’État membre, lorsque l’agriculteur est un agriculteur actif et qu’il exploite des surfaces qui ont été classées par l’État membre ou la région de l’État membre
comme zone de montagne ou zone soumise à d’autres contraintes au sens de l’article 32, paragraphe 1, du règlement [no 1305/2013] et que l’État membre concerné ou sa région a décidé d’octroyer des paiements (indemnités compensatoires) au sens de l’article 31, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement [no 1305/2013] ?

En cas de réponse affirmative à cette question :

a) [Contre] qui est dirigé le droit découlant, au titre du droit de l’Union, de l’article 31, paragraphe 1, du règlement [no 1305/2013] ? Est-il toujours dirigé contre l’État membre lui-même ou, en tout état de cause, contre la région [article 2, paragraphe 1, deuxième alinéa, sous b), du règlement no 1305/2013] de l’État membre, dès lors que cette région a décidé, indépendamment de l’État membre, d’octroyer des indemnités compensatoires aux agriculteurs conformément à l’article 31 du
règlement [no 1305/2013] ?

b) Le droit à l’indemnité compensatoire au titre du droit de l’Union suppose-t-il en principe que l’agriculteur remplisse d’autres conditions allant au-delà de celles prévues à l’article 31, paragraphe 1, premier alinéa, et paragraphe 2, du règlement [no 1305/2013], qui sont exigées par l’État membre ou sa région qui octroie l’indemnité compensatoire dans le cadre de la mise en œuvre de cette disposition en droit interne ?

4) En cas de réponse négative à la troisième question :

L’article 31, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement [no 1305/2013] doit-il être interprété en ce sens que les dispositions d’un État membre ou d’une de ses régions qui contiennent les conditions d’octroi du paiement (indemnité compensatoire) au sens de l’article 31, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement [no 1305/2013] doivent présenter une qualité juridique permettant aux agriculteurs d’avoir droit à l’octroi du paiement (indemnité compensatoire) s’ils remplissent les conditions de
paiement établies par l’État membre concerné ou ses régions, indépendamment de la pratique effective de l’État membre ou de sa région en matière de soutien ? »

Sur les questions préjudicielles

Sur les première et deuxième questions

39 Par ses première et deuxième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 2, paragraphe 1, deuxième alinéa, sous b), l’article 31, paragraphe 1, premier alinéa, et paragraphe 2, ainsi que l’article 32, paragraphe 1, sous a), paragraphe 2, premier alinéa, et paragraphe 3, deuxième et troisième alinéas, du règlement no 1305/2013 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation ou à une pratique administrative
d’un État membre et/ou d’une région d’un État membre qui, d’une part, excluent l’octroi d’une indemnité compensatoire aux agriculteurs situés dans des zones de montagne et d’autres zones soumises à des contraintes naturelles ou autres contraintes spécifiques au motif que les zones éligibles à cette indemnité sont situées en dehors du territoire de la région de l’État membre dont le programme de développement rural prévoit ladite indemnité, et, d’autre part, utilisent, comme critère pour un tel
octroi, le siège de l’exploitation de l’agriculteur qui exploite la zone concernée.

40 En premier lieu, il importe de relever que, ainsi qu’il ressort de son article 1er, paragraphe 1, le règlement no 1305/2013 fixe les objectifs auxquels la politique de développement rural doit contribuer et les priorités de l’Union en la matière. Il définit le cadre stratégique dans lequel s’inscrit cette politique ainsi que les mesures à adopter afin de mettre en œuvre celle-ci. En outre, il établit les règles en matière de programmation, de mise en réseau, de gestion, de suivi et d’évaluation
sur la base d’un partage de responsabilités entre les États membres ou leurs régions et la Commission, ainsi que les règles visant à garantir la coordination entre le Feader et les autres instruments de l’Union.

41 Sur la base d’un tel partage de responsabilités, les États membres mettent en œuvre le règlement no 1305/2013 au moyen de leurs programmes de soutien au développement rural. Ce règlement leur laisse la possibilité d’adopter un ensemble de mesures visant à répondre aux priorités de l’Union pour le développement rural (voir, en ce sens, arrêt du 1er décembre 2022, DELID, C‑409/21, EU:C:2022:946, point 25 et jurisprudence citée).

42 Chaque État membre devrait, ainsi, établir un programme national de développement rural couvrant tout son territoire, une série de programmes régionaux ou à la fois un programme national et un ensemble de programmes régionaux, ces programmes mettant en œuvre une stratégie visant à répondre aux priorités de l’Union pour le développement rural (arrêt du 1er décembre 2022, DELID, C‑409/21, EU:C:2022:946, point 26 et jurisprudence citée).

43 Le règlement no 1305/2013 laisse ainsi aux États membres une marge d’appréciation quant aux modalités de mise en œuvre des aides qu’il prévoit (arrêt du 1er décembre 2022, DELID, C‑409/21, EU:C:2022:946, point 27 et jurisprudence citée).

44 Cette marge d’appréciation peut concerner notamment les critères de sélection des projets, afin de veiller à ce que les ressources financières destinées au développement rural soient utilisées de la meilleure façon possible et pour cibler les mesures au titre des programmes de développement rural conformément aux priorités de l’Union pour le développement rural et en vue de garantir l’égalité de traitement des demandeurs (arrêt du 1er décembre 2022, DELID, C‑409/21, EU:C:2022:946, point 28 et
jurisprudence citée).

45 Au titre de ces mesures qui, ainsi qu’il ressort de l’article 6, paragraphe 2, du règlement no 1305/2013, lu à la lumière du considérant 7 de celui-ci, peuvent être programmées soit au niveau national soit au niveau régional figurent, conformément à l’article 31, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement no 1305/2013, les paiements destinés aux agriculteurs dont l’exploitation est située dans des zones de montagne et d’autres zones soumises à des contraintes naturelles ou autres contraintes
spécifiques. Ces paiements sont accordés annuellement par hectare de surface agricole, afin d’indemniser les agriculteurs pour tout ou partie des coûts supplémentaires et de la perte de revenu résultant de ces contraintes pour la production agricole dans la zone concernée.

46 Les zones de montagne et les autres zones soumises à des contraintes naturelles ou autres contraintes spécifiques pour lesquelles un agriculteur peut bénéficier des paiements visés au point 45 du présent arrêt sont ainsi délimitées, sur la base de l’article 32 dudit règlement, dans les programmes nationaux ou régionaux concernés.

47 Il s’ensuit que, lorsqu’un État membre a opté pour établir non pas un programme national, mais une série de programmes régionaux, il appartient aux régions concernées de cet État membre, au sens de l’article 2, paragraphe 1, deuxième alinéa, sous b), du règlement no 1305/2013, de choisir les mesures à retenir pour atteindre les objectifs en matière de développement rural, dont, le cas échéant, celle prévue à l’article 31 de ce règlement, et de les intégrer dans leurs programmes respectifs.

48 Le caractère distinct et autonome des différents programmes régionaux est au demeurant également mis en exergue par l’article 65, paragraphe 2, sous a), dudit règlement, lu à la lumière du considérant 50 du même règlement, en vertu duquel les États membres désignent, pour chaque programme de développement rural, une seule autorité de gestion, cette dernière étant, au titre de l’article 66, paragraphe 1, du règlement no 1305/2013, responsable de la gestion et de la mise en œuvre efficaces,
effectives et correctes du programme.

49 De même, selon l’article 60, paragraphe 2, de ce règlement, les dépenses ne peuvent bénéficier d’une participation du Feader que si elles sont effectuées pour des opérations décidées « par l’autorité de gestion du programme concerné ou sous sa responsabilité ».

50 Ainsi, lorsqu’une programmation régionale des mesures concernées est retenue, il est inhérent à l’économie du règlement no 1305/2013 que la marge d’appréciation dont disposent les régions des États membres, en vertu des articles 31 et 32 du règlement no 1305/2013, puisse être mise en œuvre dans leurs seuls programmes régionaux et, dans ce cas, au regard du seul territoire de la collectivité régionale concernée.

51 En pareil cas, il est également conforme à ladite économie qu’une région d’un État membre ne puisse ni délimiter des zones éligibles, au sens de l’article 32 de ce règlement, ni accorder le paiement d’indemnités compensatoires pour de telles zones, en vertu de l’article 31, paragraphe 2, dudit règlement, en dehors de son territoire, une limitation territoriale de l’octroi desdites indemnités étant inhérente à la même économie.

52 En second lieu, il convient de déterminer si le siège de l’exploitation de l’agriculteur sollicitant le paiement d’une indemnité compensatoire au titre de l’article 31, paragraphe 1, premier alinéa, et paragraphe 2, du règlement no 1305/2013 constitue un critère licite en vue d’accorder ou non une telle indemnité.

53 Tout d’abord, il y a lieu de rappeler qu’il ressort de l’article 31, paragraphe 1, premier alinéa, de ce règlement que les paiements destinés aux agriculteurs situés dans des zones de montagne et d’autres zones soumises à des contraintes naturelles ou autres contraintes spécifiques sont accordés annuellement par hectare de surface agricole, le paragraphe 2 de cet article 31 précisant que lesdits paiements sont accordés aux agriculteurs qui s’engagent à exercer leur activité agricole dans les
zones délimitées en vertu de l’article 32 dudit règlement et qui sont des agriculteurs actifs, au sens de l’article 9 du règlement no 1307/2013.

54 Ensuite, il ressort de l’article 32, paragraphe 2, du règlement no 1305/2013 que les zones de montagne éligibles à de tels paiements sont caractérisées par une limitation considérable des possibilités d’utilisation des terres et un accroissement sensible des coûts de production en raison de l’existence de conditions climatiques très difficiles dues à l’altitude, se traduisant par une période de végétation sensiblement raccourcie ou la présence, à une altitude moindre, de fortes pentes dans la
majeure partie du territoire concerné. Dans ce dernier cas, la mécanisation n’est pas possible ou bien nécessite l’utilisation d’un matériel particulier très onéreux, ou la combinaison de ces deux facteurs, lorsque l’importance de la contrainte résultant de chacun d’eux pris séparément est moins accentuée, à condition que de cette combinaison résulte une contrainte équivalente.

55 Enfin, il importe de souligner que l’article 32, paragraphe 3, du règlement no 1305/2013, lu conjointement avec l’annexe III de celui-ci, énumère les caractéristiques permettant de délimiter les zones autres que les zones de montagne éligibles aux indemnités compensatoires, à savoir, là encore, des critères biophysiques ou naturels des zones concernées.

56 En effet, alors que l’article 32, paragraphe 3, premier alinéa, de ce règlement précise que de telles zones requièrent qu’au moins 60 % de leur surface agricole remplisse au moins l’un des critères énumérés à l’annexe III, à la valeur seuil indiquée, l’article 32, paragraphe 3, troisième alinéa, dudit règlement précise que la délimitation de ces mêmes zones requiert de la part des États membres un exercice d’affinement basé sur des critères objectifs, afin d’exclure les zones dans lesquelles les
contraintes naturelles importantes, visées au premier alinéa, ont été démontrées, mais ont été surmontées par des investissements ou par l’activité économique, ou par une productivité normale des terres dûment attestée, ou dans lesquelles les méthodes de production ou les systèmes agricoles ont compensé la perte de revenus ou les coûts supplémentaires visés à l’article 31, paragraphe 1, du même règlement.

57 À cet égard, ainsi qu’il ressort du point 43 du présent arrêt, les États membres ou leurs régions disposent d’une marge d’appréciation en vertu du règlement no 1305/2013.

58 Il apparaît cependant que les critères de délimitation des zones éligibles au paiement d’une indemnité compensatoire aux agriculteurs situés dans des zones de montagne et d’autres zones soumises à des contraintes naturelles ou autres contraintes spécifiques posés par l’article 32 de ce règlement se rattachent aux caractéristiques biophysiques ou naturelles des zones concernées, à savoir à des éléments objectifs résultant des propriétés naturelles des zones en cause.

59 Une telle interprétation est corroborée par le considérant 26 du règlement no 1305/2013, aux termes duquel, « [e]n vue de garantir une utilisation efficace des fonds de l’Union et l’égalité de traitement pour les agriculteurs dans l’ensemble de l’Union, il y a lieu de définir, selon des critères objectifs, les zones de montagne et les zones soumises à des contraintes naturelles ou à d’autres contraintes spécifiques. Dans le cas des zones soumises à des contraintes naturelles, il devrait s’agir de
critères biophysiques s’appuyant sur des preuves scientifiques solides ».

60 En revanche, force est de constater, d’une part, que le siège de l’exploitation de l’agriculteur sollicitant le paiement d’une indemnité compensatoire, prévue à l’article 31, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement no 1305/2013, ne figure pas parmi les critères de délimitation énoncés par ce règlement.

61 Dans ce contexte, il convient de préciser, ainsi que le relève la Commission dans ses observations écrites, que le critère du siège de l’exploitation d’un agriculteur dans un État membre ou dans une région d’un État membre ne présente aucun lien avec les caractéristiques biophysiques ou naturelles d’une zone, qui conduisent à son éligibilité en tant que zone de montagne ou zone soumise à des contraintes naturelles ou à d’autres contraintes spécifiques.

62 Au demeurant, les questions posées reposent, précisément, sur la prémisse selon laquelle les surfaces agricoles en cause au principal sont situées dans des zones que la région compétente, à savoir le Land de Bavière, a effectivement désignées, en application de l’article 32 du règlement no 1305/2013, comme zones pouvant bénéficier des paiements prévus à l’article 31 de ce règlement.

63 D’autre part, dans la mesure où le critère du siège de l’exploitation d’un agriculteur constitue une condition supplémentaire d’éligibilité fixée par la région compétente dans l’exercice de sa marge d’appréciation visée au point 43 du présent arrêt, force est de constater que ce critère est susceptible de nuire à l’effet utile des articles 31 et 32 du règlement no 1305/2013 et d’enfreindre le principe de non-discrimination inscrit à l’article 40, paragraphe 2, TFUE, dans une situation telle que
celle en cause au principal, dès lors que ce critère prive des zones éligibles au paiement d’une indemnité compensatoire d’un tel paiement au seul motif que le siège de l’exploitation de l’agriculteur concerné est situé dans une autre région de l’État membre concerné.

64 À cet égard, comme le relève M. l’avocat général au point 57 de ses conclusions, lorsqu’un État membre ou une région d’un État membre soumet ainsi, dans son programme de développement rural, les paiements d’indemnités compensatoires en faveur des zones de montagne ou des zones soumises à d’autres contraintes au respect d’un critère afférent au siège de l’exploitation d’un agriculteur, il s’écarte, dans l’exercice de la marge d’appréciation qui lui est reconnue, par ailleurs, des conditions
limitativement énumérées par le règlement no 1305/2013 relatives, d’une part, à la délimitation des zones éligibles, en vertu de l’article 31, paragraphe 1, premier alinéa, et de l’article 32 de ce règlement, et, d’autre part, au statut d’agriculteur actif de l’agriculteur sollicitant le paiement d’une indemnité compensatoire, prévu à l’article 31, paragraphe 2, dudit règlement, nuisant ainsi à l’effet utile de ces dispositions et enfreignant le principe de non-discrimination inscrit à
l’article 40, paragraphe 2, TFUE (voir, par analogie, arrêts du 25 octobre 2012, Ketelä, C‑592/11, EU:C:2012:673, point 44 et jurisprudence citée, ainsi que du 11 avril 2024, Baramlay, C‑6/23, EU:C:2024:294, point 53).

65 Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre aux première et deuxième questions que l’article 2, paragraphe 1, deuxième alinéa, sous b), l’article 31, paragraphe 1, premier alinéa, et paragraphe 2, ainsi que l’article 32, paragraphe 1, sous a), paragraphe 2, premier alinéa, et paragraphe 3, deuxième et troisième alinéas, du règlement no 1305/2013 doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation ou à une pratique administrative d’un État
membre et/ou d’une région d’un État membre qui excluent l’octroi d’une indemnité compensatoire aux agriculteurs situés dans des zones de montagne et d’autres zones soumises à des contraintes naturelles ou autres contraintes spécifiques au motif que les zones éligibles à cette indemnité sont situées en dehors du territoire de la région de l’État membre dont le programme de développement rural prévoit ladite indemnité. En revanche, ces mêmes dispositions s’opposent à ce que le lieu du siège de
l’exploitation de l’agriculteur qui exploite la zone concernée soit retenu comme critère d’octroi de la même indemnité.

Sur la troisième question

Sur le premier volet de la troisième question

66 Par le premier volet de la troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 31, paragraphe 1, premier alinéa, et paragraphe 2, du règlement no 1305/2013 doit être interprété en ce sens qu’il découle directement de ces dispositions, au titre du droit de l’Union, un droit au paiement d’une indemnité compensatoire aux agriculteurs situés dans des zones de montagne et d’autres zones soumises à des contraintes naturelles ou autres contraintes spécifiques lorsqu’un État
membre ou une région d’un État membre prévoit, dans son programme de développement rural, d’accorder de telles indemnités pour ce type de zones.

67 À cet égard, il convient de rappeler, ainsi qu’il ressort du point 53 du présent arrêt, que l’article 31, paragraphe 1, premier alinéa, de ce règlement prévoit que les paiements destinés aux agriculteurs dont l’exploitation est située dans des zones de montagne et d’autres zones soumises à des contraintes naturelles ou autres contraintes spécifiques « sont accordés » annuellement par hectare de surface agricole, le paragraphe 2 de cet article 31 précisant que lesdits paiements « sont accordés »
aux agriculteurs qui s’engagent à exercer leur activité agricole dans les zones délimitées en vertu de l’article 32 dudit règlement et qui sont des agriculteurs actifs, au sens de l’article 9 du règlement no 1307/2013.

68 Certes, les États membres ou leurs régions peuvent, en principe, choisir ce qu’ils incluent ou non dans leurs programmes de développement rural. Par ailleurs, il y a lieu de relever que, ainsi que le précise le libellé de l’article 13 du règlement no 1305/2013, la liste des mesures, figurant à l’annexe VI de ce règlement et présentant un intérêt particulier pour les priorités de l’Union pour le développement rural, n’est qu’indicative [voir, en ce sens, arrêt du 6 octobre 2021, Lauku atbalsta
dienests (Aides au démarrage d’entreprises agricoles), C‑119/20, EU:C:2021:817, points 60 et 61].

69 En outre, le paiement d’une indemnité compensatoire en faveur des zones de montagne et d’autres zones soumises à des contraintes naturelles ou autres contraintes spécifiques, prévu à l’article 31, paragraphe 1, premier alinéa, et paragraphe 2, du règlement no 1305/2013, ne saurait être qualifié comme étant une mesure que les États membres ou leurs régions doivent obligatoirement intégrer dans leurs programmes de développement rural respectifs.

70 Il découle cependant du libellé de l’article 31, paragraphe 1, premier alinéa, et paragraphe 2, du règlement no 1305/2013 que, ainsi que le relève, en substance, M. l’avocat général aux points 65 et 67 de ses conclusions, dès lors qu’un État membre ou une région d’un État membre prévoit, dans son programme de développement rural, des paiements en faveur des zones de montagne et d’autres zones soumises à des contraintes naturelles ou autres contraintes spécifiques, qui ont été délimitées en tant
que zones éligibles, conformément à l’article 32 de ce règlement, tout « agriculteur actif », au sens de l’article 9 du règlement no 1307/2013, dispose d’un droit au paiement d’une telle indemnité.

71 Il s’ensuit que, dès lors qu’un État membre ou une région d’un État membre a opté, dans l’exercice de la marge d’appréciation que lui confère le règlement no 1305/2013, pour l’élaboration d’un programme de développement rural prévoyant l’octroi d’une indemnité compensatoire en faveur des zones désignées éligibles, le caractère inconditionnel du libellé de l’article 31, paragraphe 1, premier alinéa, et paragraphe 2, de ce règlement rend un tel octroi obligatoire, si bien que, lorsqu’une telle
option a été exercée, cette marge d’appréciation ne saurait être invoquée afin de ne pas accorder le paiement d’une telle indemnité compensatoire.

72 En revanche, lorsque le paiement en faveur des zones de montagne et d’autres zones soumises à des contraintes naturelles ou autres contraintes spécifiques n’est pas prévu dans le programme de développement rural concerné, aucun droit au paiement d’une indemnité compensatoire, au sens de l’article 31, paragraphe 1, premier alinéa, et paragraphe 2, du règlement no 1305/2013, ne saurait naître en faveur des agriculteurs exploitant des surfaces agricoles dans ces zones.

73 Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la troisième question que l’article 31, paragraphe 1, premier alinéa, et paragraphe 2, du règlement no 1305/2013 doit être interprété en ce sens qu’il découle directement de ces dispositions, au titre du droit de l’Union, un droit au paiement d’une indemnité compensatoire aux agriculteurs situés dans des zones de montagne et d’autres zones soumises à des contraintes naturelles ou autres contraintes spécifiques lorsqu’un État
membre ou une région d’un État membre prévoit, dans son programme de développement rural, d’accorder de telles indemnités pour ce type de zones.

Sur la première sous-question du second volet de la troisième question

74 Par la première sous-question du second volet de la troisième question, posée en cas de réponse affirmative au premier volet de la troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 2, paragraphe 1, deuxième alinéa, sous b), et l’article 31, paragraphe 1, du règlement no 1305/2013 doivent être interprétés en ce sens que le droit au paiement d’une indemnité compensatoire aux agriculteurs situés dans des zones de montagne et d’autres zones soumises à des contraintes
naturelles ou autres contraintes spécifiques est exigible à l’encontre de l’État membre ou de la région de l’État membre concerné, lorsque cet État ou cette région, celle-ci indépendamment dudit État membre, a décidé d’accorder des indemnités compensatoires en faveur des zones éligibles à ces dernières situées sur son territoire.

75 Ainsi qu’il ressort du point 51 du présent arrêt, il est inhérent à l’économie du règlement no 1305/2013 qu’une région de l’État membre concerné ne puisse ni délimiter des zones éligibles, au sens de l’article 32 de ce règlement, ni accorder des indemnités compensatoires pour de telles zones, conformément à l’article 31, paragraphe 2, dudit règlement, en dehors de son territoire.

76 Partant, le droit d’un agriculteur actif, au sens de l’article 9 du règlement no 1307/2013, au paiement d’une indemnité compensatoire, en vertu de l’article 31, paragraphe 1, premier alinéa, et paragraphe 2, du règlement no 1305/2013, ne saurait être exigible qu’à l’encontre de la collectivité territoriale ayant décidé, dans son programme de développement rural, d’octroyer le paiement d’indemnités compensatoires pour les seules zones éligibles situées sur son propre territoire.

77 Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de répondre à la première sous-question du second volet de la troisième question que l’article 2, paragraphe 1, deuxième alinéa, sous b), et l’article 31, paragraphe 1, du règlement no 1305/2013 doivent être interprétés en ce sens que le droit au paiement d’une indemnité compensatoire aux agriculteurs situés dans des zones de montagne et d’autres zones soumises à des contraintes naturelles ou autres contraintes spécifiques est exigible à l’encontre de l’État
membre ou de la région de l’État membre concerné, lorsque cet État ou cette région, celle-ci indépendamment dudit État membre, a décidé d’accorder des indemnités compensatoires en faveur des zones éligibles à ces dernières situées sur son territoire.

Sur la seconde sous-question du second volet de la troisième question

78 Par la seconde sous-question du second volet de la troisième question, également posée en cas de réponse affirmative au premier volet de cette question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 31, paragraphe 1, premier alinéa, et paragraphe 2, du règlement no 1305/2013 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce que l’État membre ou la région d’un État membre prévoyant le paiement d’une indemnité compensatoire aux agriculteurs situés dans des zones de montagne et
d’autres zones soumises à des contraintes naturelles ou autres contraintes spécifiques dans son programme de développement rural exige que l’agriculteur concerné remplisse d’autres conditions que celles prévues par ces dispositions.

79 À la lecture de la décision de renvoi, il apparaît que cette question est soumise à la Cour en complément des première et deuxième questions, par lesquelles la juridiction de renvoi demande également si le siège de l’exploitation de l’agriculteur sollicitant le paiement d’une indemnité compensatoire au titre de l’article 31, paragraphe 1, premier alinéa, et paragraphe 2, du règlement no 1305/2013 constitue un critère licite en vue d’accorder ou non une telle indemnité.

80 Or, ainsi qu’il ressort du point 64 du présent arrêt, l’article 31, paragraphe 1, premier alinéa, et l’article 32 du règlement no 1305/2013 énumèrent des conditions limitatives relatives, d’une part, à la délimitation des zones éligibles et, d’autre part, au statut d’agriculteur actif, dont les États membres ou leurs régions ne peuvent s’écarter dans l’exercice de la marge d’appréciation qui leur est reconnue par ce règlement.

81 En outre, force est de constater que cette juridiction n’expose pas davantage, aux fins de la résolution du litige au principal, à quelles autres conditions que celle afférente à ce siège elle entendrait, plus précisément, se référer dans cette seconde sous-question.

82 À cet égard, s’il est vrai que les questions préjudicielles portant sur le droit de l’Union bénéficient d’une présomption de pertinence, il convient de souligner que, selon une jurisprudence constante, la justification du renvoi préjudiciel est non pas la formulation d’opinions consultatives sur des questions générales ou hypothétiques, mais le besoin inhérent à la solution effective d’un contentieux (arrêt du 28 mars 2017, Rosneft, C‑72/15, EU:C:2017:236, point 194 et jurisprudence citée).

83 En l’occurrence, il ressort de la réponse apportée aux première et deuxième questions que la condition tenant à l’exigence que le siège de l’exploitation agricole soit situé dans une zone éligible à l’indemnité compensatoire est contraire aux articles 31 et 32 du règlement no 1305/2013. Dans ces conditions, il n’apparaît pas, sur la base des informations figurant dans la décision de renvoi, que la juridiction de renvoi ait besoin, en outre, d’une appréciation d’autres conditions qu’exigerait
l’État membre ou la région de l’État membre prévoyant le paiement d’une indemnité compensatoire dans son programme de développement rural afin de trancher le litige en cause au principal.

84 En l’absence de précisions à cet égard, il s’ensuit que la seconde sous-question du second volet de la troisième question est irrecevable.

Sur la quatrième question

85 Eu égard à la réponse apportée à la troisième question, il n’y a pas lieu de répondre à la quatrième question.

Sur les dépens

86 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit :

  1) L’article 2, paragraphe 1, deuxième alinéa, sous b), l’article 31, paragraphe 1, premier alinéa, et paragraphe 2, ainsi que l’article 32, paragraphe 1, sous a), paragraphe 2, premier alinéa, et paragraphe 3, deuxième et troisième alinéas, du règlement (UE) no 1305/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, relatif au soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) et abrogeant le règlement (CE) no 1698/2005 du Conseil, tel
que modifié par le règlement (UE) 2017/2393 du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2017,

doivent être interprétés en ce sens que :

ils ne s’opposent pas à une réglementation ou à une pratique administrative d’un État membre et/ou d’une région d’un État membre qui excluent l’octroi d’une indemnité compensatoire aux agriculteurs situés dans des zones de montagne et d’autres zones soumises à des contraintes naturelles ou autres contraintes spécifiques au motif que les zones éligibles à cette indemnité sont situées en dehors du territoire de la région de l’État membre dont le programme de développement rural prévoit ladite
indemnité. En revanche, ces mêmes dispositions s’opposent à ce que le lieu du siège de l’exploitation de l’agriculteur qui exploite la zone concernée soit retenu comme critère d’octroi de la même indemnité.

  2) L’article 31, paragraphe 1, premier alinéa, et paragraphe 2, du règlement no 1305/2013, tel que modifié par le règlement 2017/2393,

doit être interprété en ce sens que :

il découle directement de ces dispositions, au titre du droit de l’Union, un droit au paiement d’une indemnité compensatoire aux agriculteurs situés dans des zones de montagne et d’autres zones soumises à des contraintes naturelles ou autres contraintes spécifiques lorsqu’un État membre ou une région d’un État membre prévoit, dans son programme de développement rural, d’accorder de telles indemnités pour ce type de zones.

  3) L’article 2, paragraphe 1, deuxième alinéa, sous b), et l’article 31, paragraphe 1, du règlement no 1305/2013, tel que modifié par le règlement 2017/2393,

doivent être interprétés en ce sens que :

le droit au paiement d’une indemnité compensatoire aux agriculteurs situés dans des zones de montagne et d’autres zones soumises à des contraintes naturelles ou autres contraintes spécifiques est exigible à l’encontre de l’État membre ou de la région de l’État membre concerné lorsque cet État ou cette région, celle-ci indépendamment dudit État membre, a décidé d’accorder des indemnités compensatoires en faveur des zones éligibles à ces dernières situées sur son territoire.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : C-239/23
Date de la décision : 17/10/2024

Analyses

Renvoi préjudiciel – Politique agricole commune (PAC) – Financement par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) – Règlement (UE) no 1305/2013 – Articles 31 et 32 – Paiements en faveur des zones soumises à des contraintes naturelles ou à d’autres contraintes spécifiques – Zones de montagne – Indemnité compensatoire – Dispositions administratives nationales excluant le paiement de cette indemnité pour des zones éligibles situées dans une région du même État membre autre que celle du siège de l’exploitation agricole – Dispositions utilisant le siège de l’exploitation agricole comme condition d’octroi de ladite indemnité compensatoire.


Parties
Demandeurs : Karl und Georg Anwander GbR Güterverwaltung
Défendeurs : Land Baden-Württemberg.

Origine de la décision
Date de l'import : 19/10/2024
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2024:888

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