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13/07/2023 | CJUE | N°C-363/21

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Ferrovienord SpA et Federazione Italiana Triathlon contre Istituto Nazionale di Statistica - ISTAT et Ministero dell'Economia e delle Finanze., 13/07/2023, C-363/21


 ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

13 juillet 2023 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE – Obligation des États membres d’établir les voies de recours nécessaires pour assurer une protection juridictionnelle effective dans les domaines couverts par le droit de l’Union – Politique économique – Règlement (UE) no 549/2013 – Système européen des comptes nationaux et régionaux dans l’Union européenne (SEC) – Directive 2011/85/UE – Exigences applicables aux cadres budgétaires des États memb

res – Réglementation nationale
limitant la compétence du juge comptable – Principes d’effectivité et d’équiv...

 ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

13 juillet 2023 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE – Obligation des États membres d’établir les voies de recours nécessaires pour assurer une protection juridictionnelle effective dans les domaines couverts par le droit de l’Union – Politique économique – Règlement (UE) no 549/2013 – Système européen des comptes nationaux et régionaux dans l’Union européenne (SEC) – Directive 2011/85/UE – Exigences applicables aux cadres budgétaires des États membres – Réglementation nationale
limitant la compétence du juge comptable – Principes d’effectivité et d’équivalence – Article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne »

Dans les affaires jointes C‑363/21 et C‑364/21,

ayant pour objet deux demandes de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduites par la Corte dei conti (Cour des comptes, Italie), par décisions des 3 et 10 juin 2021, parvenues à la Cour respectivement le 9 et le 10 juin 2021, dans les procédures

Ferrovienord SpA

contre

Istituto Nazionale di Statistica – ISTAT (C‑363/21),

en présence de :

Procura generale della Corte dei conti,

Ministero dell’Economia e delle Finanze,

et

Federazione Italiana Triathlon

contre

Istituto Nazionale di Statistica – ISTAT,

Ministero dell’Economia e delle Finanze (C‑364/21),

en présence de :

Procura generale della Corte dei conti,

LA COUR (première chambre),

composée de M. A. Arabadjiev, président de chambre, MM. P. G. Xuereb, T. von Danwitz, A. Kumin (rapporteur) et Mme I. Ziemele, juges,

avocat général : M. M. Campos Sánchez-Bordona,

greffier : M. C. Di Bella, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 19 octobre 2022,

considérant les observations présentées :

– pour Ferrovienord SpA et la Federazione Italiana Triathlon, par Mes D. Lipani, J. Polinari et F. Sbrana, avvocati,

– pour la Procura generale della Corte dei conti, par M. A. Canale, procuratore generale, Mme A. Corsetti et M. A. Iadecola, vice procuratori generali,

– pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de Mes G. De Bellis et P. Garofoli, avvocati dello Stato,

– pour la Commission européenne, par M. C. Biz, Mmes F. Blanc, S. Delaude et F. Moro, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 12 janvier 2023,

rend le présent

Arrêt

1 Les demandes de décision préjudicielle portent sur l’interprétation du règlement (UE) no 549/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 21 mai 2013, relatif au système européen des comptes nationaux et régionaux dans l’Union européenne (JO 2013, L 174, p. 1), de la directive 2011/85/UE du Conseil, du 8 novembre 2011, sur les exigences applicables aux cadres budgétaires des États membres (JO 2011, L 306, p. 41), des principes d’équivalence et d’effectivité, de l’article 19 TUE ainsi que de
l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).

2 Ces demandes ont été présentées dans le cadre de deux litiges opposant, d’une part, dans l’affaire C‑363/21, Ferrovienord SpA à l’Istituto Nazionale di Statistica – ISTAT (Institut national de statistiques, Italie) et, d’autre part, dans l’affaire C‑364/21, la Federazione Italiana Triathlon (Fédération italienne du triathlon, Italie) (ci-après la « FITRI ») à l’ISTAT et au Ministero dell’Economia e delle Finanze (ministère de l’Économie et des Finances, Italie) au sujet de l’inscription, pour
l’année 2020, de Ferrovienord et de la FITRI sur la liste des administrations publiques relevant du compte de résultat consolidé des pouvoirs publics (ci-après la « liste ISTAT »).

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

La directive 2011/85

3 Aux termes des considérants 3, 4 et 23 de la directive 2011/85 :

« (3) L’application de pratiques de comptabilité publique exhaustives et fiables dans tous les sous-secteurs des administrations publiques est une condition préalable à la production de statistiques de grande qualité qui soient comparables d’un État membre à l’autre. Le contrôle interne devrait assurer que les règles existantes sont mises en œuvre dans l’ensemble des sous-secteurs de l’administration publique. Des audits indépendants, menés par des institutions publiques telles que les cours des
comptes ou des organismes d’audit privés, devraient encourager les meilleures pratiques internationales.

(4) La disponibilité des données budgétaires est cruciale pour le bon fonctionnement du cadre de surveillance budgétaire de l’Union. La fourniture régulière de données budgétaires actualisées et fiables est indispensable à l’exercice d’un suivi adéquat et en temps utile, permettant à son tour de réagir rapidement en cas d’évolution inattendue de la situation budgétaire. Un élément crucial pour garantir la qualité des données budgétaires est la transparence, qui implique nécessairement une
publication régulière de ces données.

[...]

(23) Les dispositions du cadre de surveillance budgétaire établi par le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et, en particulier, le [pacte de stabilité et de croissance (PSC)] s’appliquent aux administrations publiques dans leur ensemble, lesquelles comprennent les sous-secteurs administration centrale, administrations d’États fédérés, administrations locales et administrations de sécurité sociale au sens du règlement (CE) no 2223/96 [du Conseil, du 25 juin 1996, relatif au système
européen des comptes nationaux et régionaux dans la Communauté (JO 1996, L 310, p. 1]. »

4 L’article 1er de cette directive prévoit :

« La présente directive énonce des règles détaillées relatives aux caractéristiques des cadres budgétaires des États membres. Ces règles sont nécessaires pour garantir le respect, par les États membres, des obligations qui leur incombent en vertu du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne pour ce qui est d’éviter des déficits publics excessifs. »

5 L’article 2 de ladite directive dispose :

« Aux fins de la présente directive, les définitions des termes “public”, “déficit” et “investissement” figurant à l’article 2 du protocole (no 12) sur la procédure concernant les déficits excessifs annexé au traité sur l’Union européenne et au traité sur le fonctionnement de l’Union européenne sont applicables. La définition de l’expression “sous-secteurs des administrations publiques” énoncée à l’annexe A, point 2.70, du règlement [no 2223/96] est applicable.

En outre, la définition suivante est applicable :

on entend par “cadre budgétaire” l’ensemble de mesures, de procédures, de règles et d’institutions qui sous-tendent la conduite de la politique budgétaire des administrations publiques [...]

[...] »

6 L’article 3, paragraphe 1, de la directive 2011/85 est libellé comme suit :

« En ce qui concerne les systèmes nationaux de comptabilité publique, les États membres disposent de systèmes de comptabilité publique couvrant de manière exhaustive et cohérente tous les sous-secteurs des administrations publiques et contenant les informations nécessaires à la production de données fondées sur les droits constatés en vue de la préparation de données établies sur la base des normes du [système européen des comptes nationaux et régionaux dans la Communauté européenne, adopté par le
règlement no 2223/96, ci-après le “SEC 95”]. Ces systèmes de comptabilité publique sont soumis à un contrôle interne et à un audit indépendant. »

7 Aux termes de l’article 5 de cette directive :

« Chaque État membre dispose de règles budgétaires chiffrées qui lui sont propres et qui favorisent effectivement le respect de ses obligations découlant du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne dans le domaine de la politique budgétaire à un horizon pluriannuel, pour les administrations publiques dans leur ensemble. Ces règles favorisent notamment :

a) le respect des valeurs de référence pour le déficit public et la dette publique définies conformément au traité ;

b) l’adoption d’un horizon pluriannuel de programmation budgétaire, y compris le respect de l’objectif budgétaire à moyen terme des États membres. »

8 L’article 6, paragraphe 1, sous b), de ladite directive dispose :

« Sans préjudice des dispositions du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne relatives au cadre de surveillance budgétaire de l’Union, les règles budgétaires chiffrées spécifiques à chaque pays précisent les éléments tels que les suivants :

[...]

b) le suivi efficace et en temps utile du respect des règles, sur la base d’analyses fiables et indépendantes réalisées par des organismes indépendants ou jouissant d’une autonomie fonctionnelle à l’égard des autorités budgétaires des États membres ».

Le règlement (UE) no 473/2013

9 L’article 2, paragraphes 1 et 2, du règlement (UE) no 473/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 21 mai 2013, établissant des dispositions communes pour le suivi et l’évaluation des projets de plans budgétaires et pour la correction des déficits excessifs dans les États membres de la zone euro (JO 2013, L 140, p. 11), dispose :

« 1.   Aux fins du présent règlement, on entend par :

a) “organismes indépendants”, des organismes structurellement indépendants ou jouissant d’une autonomie fonctionnelle par rapport aux autorités budgétaires de l’État membre, et qui sont fondés sur des dispositions juridiques nationales garantissant un niveau élevé d’autonomie fonctionnelle et de responsabilité [...]

[...]

2.   S’appliquent également au présent règlement les définitions du “secteur des administrations publiques” et des “sous-secteurs du secteur des administrations publiques” établies au point 2.70 de l’annexe A du règlement [no 2223/96] [...] »

10 L’article 5, paragraphe 1, sous b), de ce règlement est libellé comme suit :

« Les États membres mettent en place des organismes indépendants chargés de surveiller le respect :

[...]

b) des règles budgétaires chiffrées visées à l’article 5 de la directive [2011/85]. »

Le règlement no 549/2013

11 Le système européen de comptes économiques intégrés (SEC) est l’outil statistique et l’instrument juridique que l’Union européenne a adopté pour assurer une information comparable sur la structure des économies des États membres et sur leur développement. Le premier SEC, à savoir le SEC 95, a été créé par le règlement no 2223/96. Le SEC 2010, instauré par le règlement no 549/2013, a succédé au SEC 95.

12 Aux termes des considérants 3 et 14 du règlement no 549/2013 :

« (3) Les citoyens de l’Union ont besoin des comptes économiques, qui constituent un outil fondamental pour analyser la situation économique d’un État membre ou d’une région. Par souci de comparabilité, il convient que ces comptes soient élaborés sur la base de principes uniques et non diversement interprétables. Les informations devraient être fournies dans les meilleurs délais et être aussi précises et complètes que possible afin de garantir une transparence maximale dans tous les secteurs.

[...]

(14) Le SEC 2010 est appelé à se substituer graduellement à tout autre système en tant que cadre de référence des normes, définitions, nomenclatures et règles comptables communes destiné à l’élaboration des comptes des États membres pour les besoins de l’Union, permettant ainsi d’obtenir des résultats comparables entre les États membres. »

13 L’article 1er, paragraphes 1 et 2, de ce règlement est ainsi rédigé :

« 1.   Le présent règlement établit le [SEC 2010].

2.   Le SEC 2010 prévoit :

a) une méthodologie (annexe A) relative aux normes, définitions, nomenclatures et règles comptables communes, destinée à permettre l’élaboration de comptes et de tableaux sur des bases comparables pour les besoins de l’Union, ainsi que des résultats selon les modalités prévues à l’article 3 ;

b) un programme (annexe B) définissant les délais dans lesquels les États membres doivent transmettre à la Commission [européenne] (Eurostat) les comptes et tableaux à élaborer en conformité avec la méthodologie visée au point a). »

14 L’article 3 dudit règlement dispose :

« 1.   Les États membres transmettent à la Commission (Eurostat) les comptes et tableaux qui figurent à l’annexe B dans les délais prescrits pour chaque tableau.

2.   Les États membres transmettent à la Commission les données et métadonnées requises par le présent règlement selon une norme d’échange définie et d’autres modalités.

[...] »

15 Le chapitre 1 de l’annexe A du même règlement, qui présente l’architecture générale et les principes fondamentaux du SEC 2010, contient notamment un point 1.57, qui est libellé comme suit :

« Par unité institutionnelle, il faut entendre une entité économique qui a capacité pour détenir des biens et des actifs, souscrire des engagements, exercer des activités économiques et réaliser, en son nom propre, des opérations avec d’autres unités. Dans le SEC 2010, les unités institutionnelles sont regroupées en cinq secteurs institutionnels nationaux qui s’excluent mutuellement, à savoir :

a) les sociétés non financières ;

b) les sociétés financières ;

c) les administrations publiques ;

d) les ménages ;

e) les institutions sans but lucratif au service des ménages.

Ensemble, ces cinq secteurs constituent l’économie nationale totale. Chaque secteur est en outre subdivisé en plusieurs sous-secteurs. Le SEC 2010 permet l’établissement d’un ensemble complet de comptes de flux et de patrimoine pour chaque secteur, pour chaque sous-secteur ainsi que pour l’économie totale. Les unités non résidentes peuvent interagir avec ces cinq secteurs nationaux, et les interactions sont présentées entre les cinq secteurs nationaux et un sixième secteur institutionnel, celui
du “reste du monde”. »

16 L’annexe A du règlement no 549/2013 comprend un chapitre 2, intitulé « Les unités et leurs regroupements », contenant les points 2.111 et 2.113, qui prévoient :

« 2.111 Définition : le secteur des administrations publiques [...] comprend toutes les unités institutionnelles qui sont des producteurs non marchands dont la production est destinée à la consommation individuelle et collective et dont les ressources proviennent de contributions obligatoires versées par des unités appartenant aux autres secteurs, ainsi que les unités institutionnelles dont l’activité principale consiste à effectuer des opérations de redistribution du revenu et de la richesse
nationale.

[...]

2.113 Le secteur des administrations publiques est subdivisé en quatre sous-secteurs :

a) l’administration centrale (à l’exclusion des administrations de sécurité sociale) [...]

b) les administrations d’États fédérés (à l’exclusion des administrations de sécurité sociale) [...]

c) les administrations locales (à l’exclusion des administrations de sécurité sociale) [...]]

d) les administrations de sécurité sociale [...] »

17 À l’annexe A de ce règlement figure un chapitre 20, intitulé « Les comptes des administrations publiques », qui comprend les points 20.05 à 20.07, qui se lisent comme suit :

« 20.05 Le secteur des administrations publiques [...] comprend toutes les unités d’administration publique et toutes les institutions sans but lucratif (ISBL) non marchandes qui se trouvent sous le contrôle d’unités d’administration publique. Il inclut également d’autres producteurs non marchands, identifiés aux points 20.18 à 20.39.

20.06 Les administrations publiques sont des entités juridiques, instituées par décision politique, qui exercent un pouvoir législatif, judiciaire ou exécutif sur d’autres unités institutionnelles dans un espace donné. Leurs principales fonctions consistent à fournir des biens et des services à la collectivité et aux ménages sur une base non marchande, ainsi qu’à redistribuer le revenu et la richesse.

20.07 Une unité d’administration publique a normalement le pouvoir de lever des fonds par le biais de transferts obligatoires provenant d’autres unités institutionnelles. Afin de répondre aux critères fondamentaux qui qualifient une unité institutionnelle, une unité d’administration publique doit disposer de ressources financières propres, obtenues par le biais de revenus provenant d’autres unités ou reçues d’autres unités d’administration publique sous forme de transferts, et avoir le pouvoir de
dépenser ces ressources pour atteindre les objectifs de sa politique. Elle doit également pouvoir emprunter des fonds en son nom propre. »

Le droit italien

La Constitution de la République italienne

18 L’article 103, deuxième alinéa, de la Costituzione della Repubblica Italiana (Constitution de la République italienne) prévoit que la Corte dei conti (Cour des comptes, Italie) est compétente en matière de comptabilité publique.

Loi no 196, portant dispositions en matière de comptabilité et de finances publiques

19 L’article 1er, paragraphes 1 à 3, de la legge n. 196 – Legge di contabilità e finanza pubblica (loi no 196, portant dispositions en matière de comptabilité et de finances publiques), du 31 décembre 2009 (GURI no 303, du 31 décembre 2009, supplément ordinaire no 245), dans sa version applicable aux faits du litige au principal, dispose :

« 1.   Les administrations publiques participent à la réalisation des objectifs des finances publiques définis dans le cadre national, conformément aux procédures et aux critères établis par l’Union européenne, et partagent les responsabilités qui en découlent. La participation à la réalisation de ces objectifs se déroule dans le respect des principes fondamentaux de l’harmonisation des comptes publics et de la coordination des finances publiques.

2.   Aux fins de l’application des dispositions en matière de finances publiques, on entend, par administrations publiques, pour l’année 2011, les entités et les personnes désignées à des fins statistiques dans la liste communiquée par l’[ISTAT] le 24 juillet 2010, publiée à la même date à la Gazzetta ufficiale della Repubblica italiana n. 171 ainsi que, à partir de l’année 2012, les entités et les personnes désignées chaque année à des fins statistiques par [l’ISTAT] dans la liste communiquée
par [celui-ci] le 30 septembre 2011, publiée à la même date à la Gazzetta ufficiale della Repubblica italiana n. 228 et ses mises à jour successives effectuées, en vertu du paragraphe 3 du présent article, sur la base des définitions figurant dans les règlements spécifiques de l’Union [...], les autorités indépendantes et, en tout cas, les administrations désignées à l’article 1er, paragraphe 2, du décret législatif no 165 du 30 mars 2001, tel que modifié.

3.   L’ISTAT désigne chaque année les administrations publiques visées au paragraphe 2 par une décision qui est publiée à la Gazzetta ufficiale au plus tard le 30 septembre. »

Loi no 243 – Dispositions pour la mise en œuvre du principe de l’équilibre budgétaire

20 L’article 2, paragraphe 1, sous a), de la legge « rinforzata » n. 243 – Disposizioni per l’attuazione del principio del pareggio di bilancio ai sensi dell’articolo 81, sesto comma, della Costituzione (loi « renforcée » no 243 – Dispositions pour la mise en œuvre du principe de l’équilibre budgétaire, au sens de l’article 81, sixième alinéa, de la Constitution), du 24 décembre 2012 (GURI no 12, du 15 janvier 2013, p. 14), définit les termes « administrations publiques » de la manière suivante :

« “administrations publiques”, les entités désignées selon les procédures et les actes prévus, en cohérence avec le droit de l’Union [...], par la réglementation en matière de comptabilité et de finances publiques, ventilées dans les sous-secteurs des administrations centrales, des administrations locales et des organismes nationaux de prévoyance sociale ».

21 L’article 20 de cette loi, intitulé « Fonctions de contrôle de la Cour des comptes sur les budgets des administrations publiques », prévoit, notamment, que la Corte dei conti (Cour des comptes) exerce le contrôle ex post de la gestion des budgets des administrations publiques, aux fins de la coordination des finances publiques et de l’équilibre budgétaire selon les formes et les modalités établies par la loi.

Loi no 161 – Dispositions destinées à l’exécution des obligations découlant de l’appartenance de l’Italie à l’Union européenne

22 L’article 30 de la legge n. 161 – Disposizioni per l’adempimento degli obblighi derivanti dall’appartenenza dell’Italia all’Unione europea – Legge europea 2013–bis (loi no 161 – Dispositions destinées à l’exécution des obligations découlant de l’appartenance de l’Italie à l’Union européenne – Loi européenne 2013 bis), du 30 octobre 2014 (GURI no 261, du 10 novembre 2014, supplément ordinaire no 83), dispose, à son paragraphe 1 :

« Afin de mettre pleinement en œuvre, pour les parties qui ne sont pas directement applicables, la directive [2011/85] et le règlement [no 473/2013], pour ce qui concerne particulièrement l’activité de suivi du respect des règles budgétaires, la [Corte dei conti (Cour des comptes)], dans le cadre de ses fonctions de contrôle, vérifie la conformité à la réglementation comptable des données budgétaires des administrations publiques [...] »

Loi no 228, du 24 décembre 2012

23 L’article 1er de la legge n. 228 – Disposizioni per la formazione del bilancio annuale e pluriennale dello Stato (loi no 228 – Dispositions pour la formation du budget annuel et pluriannuel de l’État), du 24 décembre 2012 (GURI no 302, du 29 décembre 2012, supplément ordinaire no 212), énonçait, à son paragraphe 169 :

« Les actes par lesquels l’ISTAT désigne chaque année les administrations publiques [...] peuvent faire l’objet d’un recours devant les chambres réunies de la Corte dei conti (Cour des comptes), siégeant en formation spéciale, conformément à l’article 103, deuxième alinéa, de la Constitution ».

Le code de justice comptable

24 L’article 11, paragraphe 6, sous b), de l’annexe 1 du decreto legislativo n. 174 – Codice di giustizia contabile, adottato ai sensi dell’articolo 20 della legge 7 agosto 2015, n. 124 (décret législatif no 174 – Code de justice comptable, adopté en vertu de l’article 20 de la loi no 124 du 7 août 2015), du 26 août 2016 (GURI no 209, du 7 septembre 2016, supplément ordinaire no 41) (ci–après le « code de justice comptable »), prévoyait :

« Les chambres réunies [de la Corte dei Conti (cour des comptes)] siégeant en formation spéciale, dans l’exercice de leur compétence exclusive de pleine juridiction en matière de comptabilité publique, statuent en premier et dernier ressort sur les litiges :

[...]

b) en matière de reconnaissance des administrations publiques opérée par l’ISTAT ».

Le décret-loi no 137/2020

25 L’article 23 quater du decreto-legge n. 137 – Ulteriori misure urgenti in materia di tutela della salute, sostegno ai lavoratori e alle imprese, giustizia e sicurezza, connesse all’emergenza epidemiologica da COVID-19 (décret-loi no 137 – Autres mesures urgentes en matière de protection de la santé, de soutien aux travailleurs et aux entreprises, de justice et de sécurité, liées à la crise épidémiologique de la Covid-19), du 28 octobre 2020 (GURI no 269, du 28 octobre 2020), tel que modifié par
la legge n. 176 (loi no 176), du 18 décembre 2020 (GURI no 319, du 24 décembre 2020, supplément ordinaire no 43) (ci–après le « décret-loi no 137/2020 »), dispose :

« 1.   Aux entités désignées dans la liste 1 annexée au présent décret, en tant qu’unités qui, selon les critères établis par le système européen des comptes nationaux et régionaux dans l’Union européenne (SEC 2010), prévu au règlement [no 549/2013], concourent à la détermination des soldes de finances publiques du compte de résultat consolidé des administrations publiques, s’appliquent en tout cas les dispositions en matière d’équilibre des budgets et de soutenabilité de la dette des
administrations publiques [...] ainsi que [les dispositions] en matière d’obligations de communication des données et des informations pertinentes en matière de finances publiques.

2.   À l’article 11, paragraphe 6, sous b), du code de justice comptable, figurant à l’annexe 1 du décret législatif no 174 du 26 août 2016, après l’expression “opérée par l’ISTAT”, sont ajoutés les termes : “aux seules fins de l’application de la réglementation nationale sur la limitation des dépenses publiques”. »

Les litiges au principal et les questions préjudicielles

26 Conformément notamment, au règlement no 549/2013, Ferrovienord et la FITRI (ci-après, prises ensemble, les « demanderesses au principal ») ont été inscrites par l’ISTAT sur la liste ISTAT, publiée le 30 septembre 2020.

27 Par des recours introduits devant la Corte dei conti (Cour des comptes), qui est la juridiction de renvoi, les demanderesses au principal contestent cette inscription au motif que les conditions requises à cette fin ne sont pas remplies.

28 Il ressort des ordonnances de renvoi que, jusqu’à l’année 2012, les décisions concernant l’inscription d’une entité sur la liste ISTAT pouvaient faire l’objet d’un recours devant le juge administratif. Par la suite, deux modifications législatives sont intervenues.

29 D’une part, en 2012, conformément à l’article 1er, paragraphe 169, de la loi no 228, du 24 décembre 2012, la compétence pour contrôler le bien-fondé de la désignation d’entités en tant qu’administrations publiques et de leur inscription sur la liste ISTAT a été attribuée à la Corte dei conti (Cour des comptes). Cette règle de compétence a été reprise à l’article 11, paragraphe 6, sous b), du code de justice comptable, qui prévoyait que « [l]es chambres réunies de la Corte dei conti [Cour des
comptes] siégeant en formation spéciale statuent en premier et dernier ressort, dans l’exercice de leur compétence exclusive en matière de comptabilité publique, sur les recours [...] relatifs à la désignation des administrations publiques effectuée par l’ISTAT ».

30 La juridiction de renvoi précise que le contrôle qui incombait alors au juge comptable devait être effectué sur la base des critères tirés du règlement no 549/2013, lesquels constituent, en vertu de la législation italienne, les conditions au vu desquelles une entité est inscrite sur la liste ISTAT. Par ailleurs, cette juridiction relève qu’une telle inscription fait naître des obligations précises, notamment comptables, à la charge des entités concernées qui, dès lors qu’elles sont inscrites sur
cette liste, concourent à la détermination des soldes de finances publiques du compte de résultat consolidé des administrations publiques, en vertu de l’article 23 quater, paragraphe 1, du décret-loi no 137/2020. Ainsi, selon la juridiction de renvoi, le contrôle du statut d’administrations publiques, au sens du règlement no 549/2013, est l’opération comptable qui précède l’élaboration des soldes sur la base desquels se développeraient les relations financières entre les États membres, notamment
en vertu de l’article 126 TFUE et du protocole no 12 sur la procédure concernant les déficits excessifs, annexé aux traités (ci-après le « protocole no 12 »).

31 D’autre part, en 2020, la portée du contrôle exercé par le juge comptable, portant sur la légalité d’une inscription sur la liste ISTAT, a été restreinte par l’article 23 quater, paragraphe 2, du décret-loi no 137/2020, qui a modifié l’article 11, paragraphe 6, sous b), du code de justice comptable, lequel prévoit désormais, en substance, que les chambres réunies de la Corte dei conti (Cour des comptes) statuent, sur les recours relatifs à la désignation des administrations publiques effectuée
par l’ISTAT, aux seules fins de l’application de la réglementation nationale sur la limitation des dépenses publiques.

32 Il ressort des décisions de renvoi que les parties en cause au principal s’opposent quant à l’interprétation qu’il convient de donner à cet article 11, paragraphe 6, sous b), du code de justice comptable, tel que modifié par l’article 23 quater du décret-loi no 137/2020.

33 Ainsi, selon la Procura generale della Corte dei Conti (ministère public près la Cour des comptes, Italie), s’il était interprété comme restreignant la possibilité de diriger un recours contre la liste ISTAT aux seules fins de l’application de la réglementation nationale sur la limitation des dépenses publiques, ledit article 23 quater ne serait pas conforme au droit de l’Union – notamment au règlement no 549/2013 ainsi qu’aux principes d’effectivité et d’équivalence – dans la mesure où il ne
garantirait pas aux entités concernées une protection juridictionnelle effective. En effet, ces dernières ne pourraient alors plus obtenir le contrôle juridictionnel de leur inscription en tant qu’administrations publiques sur la liste ISTAT. Les demanderesses au principal partagent cette position.

34 En revanche, l’ISTAT et le ministère de l’Économie et des Finances (ci-après, pris ensemble, les « défenderesses au principal ») estiment que l’article 23 quater du décret-loi no 137/2020, tout en restreignant la compétence de la Corte dei conti (Cour des comptes), étendrait, dans le même temps, celle du juge administratif, de telle sorte que les demanderesses au principal jouiraient de la pleine protection juridictionnelle de leurs intérêts. En tout état de cause, selon les défenderesses au
principal, la détermination des termes « administration publique » devrait relever de la seule compétence du juge administratif étant donné qu’elle porterait sur des aspects ne faisant pas partie des questions de nature comptable. Partant, l’article 23 quater du décret-loi no 137/2020 serait conforme au droit de l’Union.

35 En réponse à cette argumentation, la Procura generale della Corte dei Conti (ministère public près la Cour des comptes) a également relevé que, même s’il convenait de suivre l’interprétation de cet article 23 quater défendue par les défenderesses au principal, cette disposition ne serait pas, pour autant, conforme aux principes d’effectivité et d’équivalence des voies de recours. En effet, une telle interprétation conduirait à un risque d’allongement des procédures et de jugements contradictoires
étant donné que les entités concernées devraient alors introduire deux recours distincts devant deux juges différents pour faire valoir leurs droits.

36 Selon la juridiction de renvoi, la modification apportée à l’article 11, paragraphe 6, sous b), du code de justice comptable entraîne un défaut absolu de protection juridictionnelle pour les entités se trouvant dans une situation semblable à celle des demanderesses au principal. Ainsi, tout d’abord, faute de juge compétent pour garantir le respect du droit de l’Union en ce qui concerne la qualité d’administration publique et les obligations qui s’y rattachent, toute vérification du respect par
l’État italien des règles du droit de l’Union relatives à cette qualité, prévue par le règlement no 549/2013 et, partant, des soldes des finances publiques, au sens de l’article 126 TFUE, du protocole no 12 ainsi que du pacte de stabilité et de croissance, serait inexistante.

37 Ensuite, cette juridiction considère que la limitation des effets des décisions rendues par le juge comptable « aux seules fins de l’application de la réglementation nationale sur la limitation des dépenses publiques » conduirait, de fait, à éliminer toute possibilité de contrôle indépendant par ce juge sur les autorités budgétaires et sur la légalité des modalités de calcul des soldes des finances publiques qui servent à vérifier le respect de l’objectif budgétaire à moyen terme, mentionné à
l’article 5, sous b), de la directive 2011/85. Partant, l’article 23 quater du décret-loi no 137/2020 ne semblerait pas respecter la règle, prévue par le règlement no 473/2013 et la directive 2011/85, exigeant une séparation entre les autorités budgétaires et les organes d’audit, ce dernier pouvant se dérouler sous la forme juridictionnelle.

38 Enfin, selon ladite juridiction, dès lors que la qualité d’administration publique, au sens du droit de l’Union, fait naître pour les entités concernées des obligations et des limitations de leurs droits, le droit à un recours effectif aux fins de pouvoir contester cette qualité devrait leur être reconnu, conformément à l’article 19 TUE et à l’article 47 de la Charte.

39 À cet égard, la juridiction de renvoi relève, premièrement, que, bien qu’il appartienne, conformément au principe de l’autonomie procédurale, à l’ordre juridique interne de désigner les juridictions compétentes et de régler les modalités procédurales des recours, l’effectivité du recours serait réduite, en l’occurrence, étant donné que la décision que cette juridiction est susceptible d’adopter ne pourrait pas constituer pleinement une déclaration d’illégalité du classement de l’entité concernée
dans le secteur de l’administration publique aux fins du droit de l’Union. De surcroît, le recours, tel qu’il est prévu par l’article 23 quater du décret-loi no 137/2020, serait soumis à des règles procédurales extraordinaires qui s’écarteraient totalement de celles des voies de recours prévues par l’ordre juridique italien pour des situations analogues. Ainsi, en droit italien, toutes les questions de reconnaissance d’un statut relèveraient d’une action autonome en constatation exercée devant un
juge compétent dont la décision serait contraignante en ce qui concerne les effets liés à ce statut. Partant, la juridiction de renvoi doute que cet article 23 quater soit conforme aux principes d’effectivité et d’équivalence.

40 Deuxièmement, ladite juridiction est d’avis que, même si l’interprétation dudit article 23 quater proposée par les défenderesses au principal était retenue, il subsisterait un doute quant à la conformité de ce même article au principe de la protection juridictionnelle effective dans la mesure où, dans le bref laps de temps que dure l’exercice financier pendant lequel, après avoir été inscrite sur la liste ISTAT, les demanderesses au principal sont tenues d’exécuter les obligations qui découlent
de cette inscription, ces demanderesses devraient alors introduire deux recours distincts devant deux juges différents pour faire valoir leurs droits, ce qui risquerait de porter atteinte au principe de sécurité juridique en ce qui concerne leur statut. De même subsisterait, en suivant cette interprétation, un doute quant à la conformité de ce même article 23 quater au principe d’équivalence des voies de recours étant donné que la Constitution de la République italienne désigne le juge comptable
comme compétent en matière de détermination correcte des soldes budgétaires de l’État italien.

41 C’est dans ces conditions que la Corte dei Conti (Cour des comptes) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) La règle de l’application directe du [SEC 2010] et le principe de l’effet utile [du règlement no 549/2013] et de la directive [2011/85] s’opposent-ils à une législation nationale en vertu de laquelle la compétence du juge national sur l’application du SEC 2010 est limitée aux seules fins de la législation nationale en matière de limitation des dépenses publiques, et qui empêche le principal effet utile du régime de droit de l’Union, à savoir la vérification de la transparence et de la
fiabilité des soldes budgétaires, qui permet de contrôler la trajectoire de convergence de [la République italienne] vers la réalisation de l’objectif budgétaire à moyen terme ?

2) La règle de l’application directe du SEC 2010 et le principe de l’effet utile [du règlement no 549/2013] et de la directive 2011/85, pour ce qui concerne la séparation organisationnelle entre autorités budgétaires et organismes de contrôle, s’opposent-ils à une législation nationale en vertu de laquelle les effets des décisions rendues par le juge national compétent pour contrôler l’application du SEC 2010 sont limités aux seules fins de la législation nationale relative à la limitation des
dépenses publiques, et qui empêche ainsi tout contrôle indépendant portant sur l’identification des entités qui concourent à former les comptes de l’administration publique italienne (telle qu’elle est définie aux fins du droit de l’Union), qui permet de contrôler la trajectoire de convergence de [la République italienne] vers la réalisation de l’objectif budgétaire à moyen terme ?

3) Le principe de l’État de droit, sous la forme de l’effectivité de la protection juridictionnelle et de l’équivalence des voies de recours, s’oppose-t-il à une législation nationale :

a) qui empêche tout contrôle juridictionnel sur l’application du SEC 2010 faite par l’ISTAT aux fins de la définition du secteur S.13 et, partant, sur l’exactitude, la transparence et la fiabilité des soldes budgétaires, qui permet de contrôler la trajectoire de convergence de [la République italienne] vers la réalisation de l’objectif budgétaire à moyen terme (violation du principe de l’effectivité de la protection juridictionnelle) ;

b) qui, si la lecture de la règle qui est proposée par les administrations défenderesses devait être considérée comme exacte, le cas échéant du fait de l’intervention d’une loi d’interprétation authentique, impose à la requérante la charge d’introduire deux recours et, partant, l’expose au risque que des décisions contradictoires soient rendues concernant l’existence d’un statut relevant du droit de l’Union, ce qui rend de fait impossible la protection effective de son droit en temps utile,
dans le délai qui lui est imparti pour exécuter les obligations qui découlent [de la décision lui attribuant ce statut litigieux] (c’est–à–dire la durée de l’exercice financier) et met à néant la sécurité juridique quant à l’existence du statut d’administration publique ;

c) qui, toujours si la lecture de la règle qui est proposée par les administrations défenderesses devait être considérée comme exacte, le cas échéant du fait de l’intervention d’une loi d’interprétation authentique, prévoit que c’est un autre juge que celui auquel la [C]onstitution italienne réserve la compétence juridictionnelle sur le droit budgétaire qui est appelé à statuer sur l’exactitude de la définition du budget ? »

La procédure devant la Cour

42 Par décision du président de la Cour en date du 12 août 2021, les affaires C‑363/21 et C‑364/21 ont été jointes aux fins des phases écrite et orale de la procédure ainsi que de l’arrêt.

43 Par ailleurs, la juridiction de renvoi a demandé à la Cour de soumettre les présentes affaires à une procédure accélérée, en application de l’article 105, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour.

44 Cette dernière disposition prévoit que, à la demande de la juridiction de renvoi ou, à titre exceptionnel, d’office, le président de la Cour peut, lorsque la nature de l’affaire exige son traitement dans de brefs délais, le juge rapporteur et l’avocat général entendus, décider de soumettre un renvoi préjudiciel à une procédure accélérée dérogeant aux dispositions du règlement de procédure.

45 À l’appui de sa demande tendant à ce que les présentes affaires soient soumises à la procédure accélérée, la juridiction de renvoi fait valoir que les questions posées portent sur sa compétence juridictionnelle en matière budgétaire. Or, selon cette juridiction, si cette compétence n’était pas exercée dans la période de temps correspondant au cycle comptable concerné, à savoir l’année 2020, les règles prévues par le droit de l’Union seraient dépourvues d’effet utile. Ainsi, la détermination, pour
cette année 2020, des entités devant être considérées comme des administrations publiques et dont le résultat doit être pris en considération dans le compte de résultat consolidé de ces administrations devrait être effectuée avant l’expiration de ce cycle comptable.

46 À cet égard, il y a lieu, tout d’abord, de rappeler qu’il résulte de la jurisprudence de la Cour que la circonstance que la juridiction de renvoi est tenue de tout mettre en œuvre pour assurer un règlement rapide de l’affaire au principal ne saurait suffire en soi à justifier le recours à une procédure accélérée en application de l’article 105, paragraphe 1, du règlement de procédure (voir, en ce sens, arrêt du 13 octobre 2022, Gmina Wieliszew, C‑698/20, EU:C:2022:787, point 50 et jurisprudence
citée).

47 Ensuite, il est de jurisprudence établie que l’invocation d’intérêts économiques, y compris ceux qui sont susceptibles d’avoir un impact sur les finances publiques, pour importants et légitimes qu’ils soient, n’est pas de nature à justifier, à elle seule, le recours à une procédure accélérée (arrêt du 28 avril 2022, Phoenix Contact, C‑44/21, EU:C:2022:309, point 15 et jurisprudence citée).

48 Enfin, la Cour a déjà précisé que le risque d’une violation du droit de l’Union ainsi que d’une atteinte à son effet utile, lequel se présente dans un grand nombre d’affaires faisant l’objet de demandes de décision préjudicielle, n’est pas susceptible, à lui seul, de justifier le recours à la procédure accélérée prévue à l’article 105, paragraphe 1, du règlement de procédure, compte tenu de la nature dérogatoire de cette procédure (ordonnance du président de la Cour du 13 juillet 2017, Anodiki
Services, C‑260/17, EU:C:2017:560, point 11).

49 Par ailleurs, la juridiction de renvoi ne précise pas si une réponse de la Cour dans un bref délai lui permettrait de trancher les affaires dont elle est saisie avant l’expiration du cycle comptable concerné.

50 Dans ces conditions, le président de la Cour a décidé, le 12 août 2021, le juge rapporteur et l’avocat général entendus, qu’il n’y avait pas lieu de faire droit à la demande visée au point 43 du présent arrêt, au motif que les circonstances invoquées par la juridiction de renvoi dans le cadre des présentes affaires ne permettent pas de considérer que les conditions définies à l’article 105, paragraphe 1, du règlement de procédure sont réunies.

Sur les questions préjudicielles

Sur la recevabilité des première et deuxième questions ainsi que de la troisième question, sous a)

51 Selon le gouvernement italien, les première et deuxième questions ainsi que la troisième question, sous a), sont irrecevables, dans la mesure où elles reposeraient sur le postulat erroné selon lequel la modification législative, introduite par l’article 23 quater du décret-loi no 137/2020, conduirait à une absence de contrôle juridictionnel du bien-fondé de l’inscription d’une entité sur la liste ISTAT. Ce gouvernement fait valoir, à cet égard, que la limitation de la compétence de la Corte dei
conti (Cour des comptes), résultant de cette modification, a été suivie d’une extension de la compétence générale du juge administratif, qui serait le juge « naturel » pour statuer sur les actes de l’administration.

52 À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, dans le cadre de la coopération entre cette dernière et les juridictions nationales instituée à l’article 267 TFUE, il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la
pertinence des questions qu’il pose à la Cour. En conséquence, dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation du droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer (arrêt du 25 mai 2023, WertInvest Hotelbetrieb, C‑575/21, EU:C:2023:425, point 29 et jurisprudence citée).

53 Il s’ensuit que les questions relatives à l’interprétation du droit de l’Union posées par le juge national dans le cadre réglementaire et factuel qu’il définit sous sa propre responsabilité, et dont il n’appartient pas à la Cour de vérifier l’exactitude, bénéficient d’une présomption de pertinence. Le rejet par la Cour d’une demande formée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec
la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (arrêt du 25 mai 2023, WertInvest Hotelbetrieb, C‑575/21, EU:C:2023:425, point 30 et jurisprudence citée).

54 En outre, il y a lieu de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante de la Cour, dans le cadre de la procédure prévue à l’article 267 TFUE, fondée sur une nette séparation des fonctions entre les juridictions nationales et la Cour, cette dernière n’a pas compétence pour interpréter le droit national et qu’il appartient au seul juge national de constater et d’apprécier les faits du litige au principal ainsi que de déterminer l’exacte portée des dispositions législatives,
réglementaires ou administratives nationales (arrêt du 28 avril 2022, SeGEC e.a., C‑277/21, EU:C:2022:318, point 21 ainsi que jurisprudence citée).

55 La Cour est uniquement habilitée à se prononcer sur l’interprétation ou la validité du droit de l’Union au regard de la situation factuelle et juridique telle que décrite par la juridiction de renvoi, sans pouvoir la remettre en cause ni vérifier son exactitude (arrêt du 9 septembre 2021, Real Vida Seguros, C‑449/20, EU:C:2021:721, point 13 et jurisprudence citée).

56 Dès lors, il y a lieu de répondre aux première et deuxième questions ainsi qu’à la troisième question, sous a), en partant de la prémisse, exposée dans les décisions de renvoi, selon laquelle l’article 23 quater du décret-loi no 137/2020 a conduit à une absence de contrôle juridictionnel de l’application, par l’ISTAT, du règlement no 549/2013, aux fins de la définition du secteur des administrations publiques.

57 Cela étant, ainsi qu’il résulte de la formulation de la troisième question, sous b) et c), la juridiction de renvoi tient compte de l’interprétation du droit national, telle que proposée par les défenderesses au principal. Ainsi, rien ne s’oppose à ce que la Cour procède à une interprétation des règles pertinentes du droit de l’Union en prenant également en considération cette interprétation du droit national.

58 En effet, la Cour, appelée à fournir au juge national une réponse utile, tout en se limitant à l’interprétation du droit de l’Union, est compétente pour lui donner des indications tirées du dossier de l’affaire au principal ainsi que des observations écrites et orales qui lui ont été soumises, de nature à permettre à la juridiction nationale de statuer (voir, en ce sens, arrêt du 28 avril 2022, SeGEC e.a., C‑277/21, EU:C:2022:318, point 22 ainsi que jurisprudence citée).

59 Dans ces conditions, les première et deuxième questions ainsi que la troisième question, sous a), sont recevables.

Sur le fond

60 Par ses première à troisième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les règlements nos 473/2013 et 549/2013, la directive 2011/85 ainsi que l’article 19, paragraphe 1, deuxième alinéa, TUE, lus à la lumière de l’article 47 de la Charte et des principes d’équivalence et d’effectivité, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale qui limite la compétence du juge comptable pour statuer sur le
bien-fondé de l’inscription d’une entité sur la liste des administrations publiques.

61 Selon cette juridiction, la limitation de compétence introduite par l’article 23 quater du décret-loi no 137/2020, selon laquelle la Corte dei conti (Cour des comptes) peut connaître des litiges relatifs à la désignation des administrations publiques opérée par l’ISTAT « aux seules fins de l’application de la réglementation nationale sur la limitation des dépenses publiques », aurait entraîné un défaut de contrôle juridictionnel portant sur le bien-fondé de la désignation d’entités, telles que
les demanderesses au principal, en tant qu’administrations publiques. Par conséquent, cette limitation exclurait, de fait, premièrement, l’application correcte des règles comptables et budgétaires de l’Union visées tant par le règlement no 549/2013 que par la directive 2011/85 et, partant, le respect des exigences figurant à l’article 126 TFUE et dans le protocole no 12, deuxièmement, tout contrôle indépendant sur les autorités nationales budgétaires, tel que prévu par cette directive et le
règlement no 473/2013 ainsi que, troisièmement, la garantie d’une protection juridictionnelle effective garantie par l’article 19 TUE et par l’article 47 de la Charte.

62 En outre, ladite juridiction de renvoi précise que, même si l’interprétation de cet article 23 quater proposée par les défenderesses au principal et mentionnée au point 34 du présent arrêt était retenue, un doute subsisterait quant à la conformité de ce même article, notamment, au principe de la protection juridictionnelle effective dans la mesure où les demanderesses au principal devraient alors introduire deux recours distincts devant deux juges différents pour faire valoir leurs droits, ce qui
risquerait de porter atteinte au principe de sécurité juridique en ce qui concerne la détermination de leur statut au regard de la mise en œuvre du règlement no 549/2013.

63 Dès lors, il convient de vérifier, d’une part, si l’absence de possibilité de contester le bien-fondé de l’inscription d’une entité en tant qu’administration publique sur la liste ISTAT, telle qu’elle découle, selon la juridiction de renvoi, de l’article 23 quater du décret-loi no 137/2020, se heurte aux exigences ressortant des règlements nos 473/2013 et 549/2013 ainsi que de la directive 2011/85 et, partant, à l’efficacité de ces derniers ainsi qu’à l’exigence d’une protection juridictionnelle
effective imposée par le droit de l’Union. D’autre part, il y a lieu d’examiner si cet article 23 quater, tel qu’interprété par les défenderesses au principal, est conforme à l’exigence d’une telle protection juridictionnelle effective.

64 En ce qui concerne, premièrement, le point de savoir si une réglementation nationale, en l’occurrence, ledit article 23 quater, tel qu’interprété par la juridiction de renvoi, respecte les exigences découlant du règlement no 549/2013, il y a lieu de rappeler qu’il ressort du considérant 14 de ce règlement que le SEC 2010 établit un cadre de référence destiné, pour les besoins de l’Union, et en particulier pour la définition et le suivi des politiques économiques et sociales de l’Union, à
l’élaboration des comptes des États membres. À cet égard, aux termes du considérant 3 dudit règlement, l’élaboration de ces comptes devrait s’effectuer sur la base de principes uniques et non diversement interprétables, de manière à permettre l’obtention de résultats comparables (arrêt du 3 octobre 2019, Fonds du Logement de la Région de Bruxelles-Capitale, C‑632/18, EU:C:2019:833, point 32).

65 Ainsi qu’il résulte de l’article 1er de ce même règlement, le SEC 2010 prévoit une méthodologie, qui figure à l’annexe A, relative, en particulier, aux définitions et règles comptables communes, destinée à permettre l’élaboration de comptes nationaux et régionaux ainsi que de tableaux sur des bases comparables pour les besoins de l’Union. Conformément à l’article 3 du règlement no 549/2013, ces comptes doivent être transmis par les États membres à la Commission (Eurostat).

66 À cet égard, le chapitre 1, point 1.57, de cette annexe prévoit le rattachement de toute unité institutionnelle – définie comme une entité économique qui dispose de la capacité de détenir des biens et des actifs, de souscrire à des engagements, d’exercer des activités économiques et de réaliser, en son nom propre, des opérations avec d’autres unités – à l’un des six secteurs principaux identifiés par le SEC 2010, à savoir les sociétés non financières, les sociétés financières, les administrations
publiques, les ménages, les institutions sans but lucratif au service des ménages et le reste du monde (arrêt du 3 octobre 2019, Fonds du Logement de la Région de Bruxelles-Capitale, C‑632/18, EU:C:2019:833, point 33).

67 Le secteur des « administrations publiques » est défini à l’annexe A, chapitre 2, point 2.111, ainsi qu’au chapitre 20, points 20.05 et suivants, du règlement no 549/2013.

68 Eu égard aux articles 1 et 3 de ce règlement, ainsi qu’à l’objectif qu’il poursuit, tel que rappelé au point 64 du présent arrêt, les États membres, dans le cadre de l’élaboration de leurs comptes nationaux et régionaux pour les besoins de l’Union, doivent déterminer le secteur afférent aux « administrations publiques » en appliquant cette définition.

69 Or, afin d’assurer que l’autorité nationale compétente respecte, aux fins de la qualification d’une entité d’« administration publique », au sens du règlement no 549/2013, la définition du droit de l’Union qui s’y rapporte et qui s’impose à elle, sa décision doit pouvoir être contestée et faire l’objet d’un contrôle juridictionnel. En effet, en l’absence d’une possibilité de contester cette qualification, l’effet utile du droit de l’Union ne serait pas garanti.

70 Par conséquent, l’effet utile de ce règlement s’oppose à une réglementation nationale qui exclut, de fait, toute possibilité de contrôle juridictionnel du bien-fondé de la qualification d’une entité d’administration publique.

71 S’agissant, deuxièmement, du point de savoir si une réglementation nationale, telle que l’article 23 quater du décret-loi no 137/2020, respecte les exigences découlant de la directive 2011/85, il convient de rappeler que, conformément à son article 1er, cette directive énonce des règles détaillées relatives aux caractéristiques des cadres budgétaires des États membres. Ces règles sont nécessaires pour garantir le respect, par les États membres, des obligations qui leur incombent en vertu du
traité FUE pour ce qui est d’éviter des déficits publics excessifs.

72 L’expression « cadre budgétaire » est définie à l’article 2 de ladite directive comme désignant l’ensemble de mesures, de procédures, de règles et d’institutions qui sous-tendent la conduite de la politique budgétaire des administrations publiques. Par ailleurs, cet article 2 dispose, à son premier alinéa, que la définition de l’expression « sous-secteurs des administrations publiques », énoncée à l’annexe A, point 2.70, du règlement no 2223/96 (identique à celle figurant dans l’annexe A,
point 2.113, du règlement no 549/2013), est applicable aux fins de la même directive. À cet égard, il convient de préciser également que, conformément au considérant 23 de la directive 2011/85, les dispositions du cadre de surveillance budgétaire établi par le traité FUE, en particulier, le pacte de stabilité et de croissance, s’appliquent aux administrations publiques dans leur ensemble, lesquelles comprennent ces sous-secteurs.

73 Il résulte de ce qui précède que les exigences applicables aux cadres budgétaires des États membres, lesquelles figurent dans cette directive, s’appliquent, sur le fondement des mesures nationales de transposition, aux administrations publiques dans leur ensemble.

74 En outre, selon l’article 5 de la directive 2011/85, chaque État membre doit disposer de règles budgétaires chiffrées qui lui sont propres et qui favorisent effectivement le respect de ses obligations découlant du traité FUE dans le domaine de la politique budgétaire à un horizon pluriannuel, pour les administrations publiques dans leur ensemble. Ces règles favorisent, notamment, le respect des valeurs de référence pour le déficit public et la dette publique définies conformément au traité ainsi
que l’adoption d’un horizon pluriannuel de programmation budgétaire, y compris le respect de l’objectif budgétaire à moyen terme des États membres.

75 Dans ces conditions, les règles budgétaires chiffrées afférentes aux administrations publiques concourent à la discipline budgétaire de l’État membre dont ces administrations dépendent.

76 En outre, il convient de relever que le considérant 4 de la directive 2011/85 précise que la disponibilité des données budgétaires est cruciale pour le bon fonctionnement du cadre de surveillance budgétaire de l’Union, que la fourniture régulière de données budgétaires actualisées et fiables est indispensable à l’exercice d’un suivi adéquat et en temps utile, permettant à son tour de réagir rapidement en cas d’évolution inattendue de la situation budgétaire et qu’un élément crucial pour garantir
la qualité des données budgétaires est la transparence, qui implique nécessairement une publication régulière de ces données.

77 Ainsi, bien que, comme l’a souligné la Commission, cette directive n’impose des obligations aux administrations publiques qu’au travers de mesures nationales la transposant, il n’en reste pas moins que l’objet, la finalité ainsi que l’effet utile de ladite directive risqueraient d’être compromis si, faute d’une possibilité de contrôle juridictionnel portant sur la qualité d’« administration publique », des données budgétaires d’entités étaient publiées et transmises à la Commission (Eurostat)
alors que ces entités n’avaient pas cette qualité.

78 Par conséquent, une interprétation de la directive 2011/85 à même de préserver l’effet utile de celle-ci s’oppose à une réglementation nationale qui exclut toute possibilité de contrôle juridictionnel du bien-fondé de la désignation d’une entité en tant qu’administration publique.

79 En ce qui concerne, troisièmement, le point de savoir si une réglementation nationale, telle que l’article 23 quater du décret-loi no 137/2020, respecte l’exigence d’un contrôle indépendant sur les autorités budgétaires de l’État membre concerné, découlant du règlement no 473/2013 et de la directive 2011/85, il convient de relever, comme M. l’avocat général l’a fait, en substance, au point 80 de ses conclusions, que ces instruments de l’Union laissent les États membres libres de déterminer les
organismes indépendants chargés de surveiller les systèmes nationaux de comptabilité publique ou le respect effectif de la discipline budgétaire incombant à ces États.

80 Ainsi, tout d’abord, conformément à l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2011/85, lu en combinaison avec le considérant 3 de celle-ci, ces systèmes nationaux doivent être soumis à un contrôle interne et à un audit indépendant, ce dernier pouvant être mené par une ou par plusieurs institutions publiques, telles que, par exemple, les cours des comptes ou par des organismes d’audit privés. En ce qui concerne le contrôle interne, celui-ci devrait permettre de s’assurer que les règles existantes
en matière de comptabilité publique sont mises en œuvre dans l’ensemble des sous-secteurs de l’administration publique.

81 Ensuite, l’article 6, paragraphe 1, sous b), de cette directive prévoit que les règles budgétaires chiffrées spécifiques à chaque pays doivent, notamment, préciser les modalités d’un suivi efficace et en temps utile du respect de ces règles, effectué sur la base d’analyses fiables et indépendantes réalisées par des organismes indépendants ou jouissant d’une autonomie fonctionnelle à l’égard des autorités budgétaires des États membres.

82 Enfin, le règlement no 473/2013 fournit, à son article 2, paragraphe 1, sous a), une définition des termes « organismes indépendants ». Il s’agit d’organismes structurellement indépendants ou jouissant d’une autonomie fonctionnelle par rapport aux autorités budgétaires de l’État membre, et qui sont fondés sur des dispositions juridiques nationales garantissant un niveau élevé d’autonomie fonctionnelle et de responsabilité. L’article 5, paragraphe 1, sous b), de ce règlement précise que les États
membres mettent en place des organismes indépendants chargés de surveiller le respect des règles budgétaires chiffrées visées à l’article 5 de la directive 2011/85.

83 Ainsi, la directive 2011/85 et le règlement no 473/2013 n’exigent, comme l’a relevé M. l’avocat général aux points 83 et 85 de ses conclusions, l’institution d’organismes indépendants qu’aux fins du respect des règles budgétaires chiffrées de l’Union, mais laissent les États membres libres de limiter la portée du contrôle juridictionnel de leurs cours des comptes en ce qui concerne l’application du règlement no 549/2013.

84 S’agissant, quatrièmement, du point de savoir si une réglementation nationale, telle que l’article 23 quater du décret-loi no 137/2020, respecte l’exigence d’une protection juridictionnelle effective imposée par le droit de l’Union, il y a lieu de rappeler que l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE oblige les États membres à établir les voies de recours nécessaires pour assurer aux justiciables, dans les domaines couverts par le droit de l’Union, le respect de leur droit à une telle
protection (arrêt du 21 décembre 2021, Randstad Italia, C‑497/20, EU:C:2021:1037, point 56 et jurisprudence citée).

85 La Cour a également précisé que le principe de protection juridictionnelle effective des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union, auquel se réfère ainsi cette disposition, constitue un principe général du droit de l’Union qui découle des traditions constitutionnelles communes aux États membres, qui a été consacré par les articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, et qui est à
présent affirmé à l’article 47 de la Charte (arrêt du 21 décembre 2021, Randstad Italia, C‑497/20, EU:C:2021:1037, point 57 et jurisprudence citée).

86 En outre, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 51, paragraphe 1, de la Charte, les dispositions de celle-ci s’adressent aux États membres uniquement lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union.

87 À cet égard, il y a lieu de relever que, ainsi qu’il résulte des points 64 à 78 du présent arrêt, la situation juridique en cause au principal est régie, d’un point de vue matériel, par le règlement no 549/2013 et la directive 2011/85, ces derniers imposant des règles comptables et budgétaires à l’État membre concerné dont le plein respect doit pouvoir être exigé d’entités, telles que les demanderesses au principal, devant un juge. Or, dans ces conditions, les dispositions de la Charte sont
applicables.

88 Cela étant, ni ce règlement ni cette directive ne prévoient les modalités procédurales des recours en justice permettant d’assurer leur effet utile, ne précisant pas, notamment, quelle juridiction nationale doit assurer la protection juridictionnelle effective.

89 Or, en l’absence de règles de l’Union en la matière, il appartient, en vertu du principe de l’autonomie procédurale, à l’ordre juridique interne de chaque État membre de régler les modalités procédurales des voies de recours visées au point 84 du présent arrêt, à condition, toutefois, que ces modalités ne soient pas, dans les situations relevant du droit de l’Union, moins favorables que dans des situations similaires soumises au droit interne (principe d’équivalence) et qu’elles ne rendent pas
impossible en pratique ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par le droit de l’Union (principe d’effectivité) (arrêt du 21 décembre 2021, Randstad Italia, C‑497/20, EU:C:2021:1037, point 58 et jurisprudence citée).

90 L’examen de l’article 23 quater du décret-loi no 137/2020 au regard des principes d’équivalence et d’effectivité doit être effectué en tenant compte du fait que, ainsi qu’il résulte des points 32 à 35 du présent arrêt, cette disposition fait l’objet d’une interprétation divergente par les parties en cause au principal, ce dont la juridiction de renvoi a pris acte dans le cadre de ses questions préjudicielles. En outre, lors de l’audience, le gouvernement italien a fait valoir que, conformément à
ladite disposition, la Corte dei conti (Cour des comptes) pourrait se prononcer par voie incidente sur la validité des décisions de l’ISTAT portant sur l’inscription d’une entité sur la liste ISTAT, en écartant, le cas échéant, l’application de ces décisions.

91 En ce qui concerne le principe d’équivalence, il y a lieu de relever que la Cour ne dispose d’aucun élément de nature à susciter un doute sur le respect de ce principe par la réglementation nationale en cause au principal.

92 En ce qui concerne le principe d’effectivité, il convient de rappeler que le droit de l’Union n’a pas pour effet de contraindre les États membres à instituer des voies de droit autres que celles établies par le droit interne, à moins, toutefois, qu’il ne ressorte de l’économie de l’ordre juridique national en cause qu’il n’existe aucune voie de recours juridictionnelle permettant, fût-ce de manière incidente, d’assurer le respect des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union, ou que
la seule voie d’accès à un juge revient à contraindre les justiciables d’enfreindre le droit (arrêt du 21 décembre 2021, Randstad Italia, C‑497/20, EU:C:2021:1037, point 62 et jurisprudence citée).

93 En outre, il importe de souligner que, conformément à la jurisprudence de la Cour, chaque cas dans lequel se pose la question de savoir si une disposition procédurale nationale rend impossible ou excessivement difficile l’application du droit de l’Union doit être analysé en tenant compte de la place de cette disposition dans l’ensemble de la procédure, du déroulement et des particularités de celle-ci devant les diverses instances nationales. Dans cette perspective, il y a lieu de prendre en
considération, le cas échéant, les principes qui sont à la base du système juridictionnel national, tels que la protection des droits de la défense, le principe de sécurité juridique et le bon déroulement de la procédure (arrêt du 17 novembre 2022, Harman International Industries, C‑175/21, EU:C:2022:895, point 68 et jurisprudence citée).

94 En l’occurrence, eu égard à la jurisprudence citée aux points 92 et 93 du présent arrêt, s’il était constaté par le juge national que l’entrée en vigueur de l’article 23 quater du décret-loi no 137/2020 entraîne une absence de tout contrôle juridictionnel des décisions de l’ISTAT relatives à l’inscription d’entités dans le secteur des administrations publiques, tel que défini dans le règlement no 549/2013, il conviendrait alors de considérer que cette disposition rend impossible ou excessivement
difficile l’application de ce règlement et, partant, ne permet pas de garantir l’effet utile de la directive 2011/85. En effet, dans une telle hypothèse, ces entités ne pourraient saisir aucun juge aux fins du contrôle des mesures prises par l’ISTAT en application de ce règlement.

95 En revanche, si l’interprétation de l’article 23 quater du décret-loi no 137/2020 défendue par les défenderesses au principal ainsi que, lors de l’audience, par le gouvernement italien devait être retenue par la juridiction de renvoi, à savoir que seul le juge administratif dispose de la compétence pour annuler l’inscription d’une entité sur la liste ISTAT et que le juge comptable peut contrôler uniquement la légalité de cette inscription de manière incidente lorsqu’il statue sur l’application de
la réglementation nationale sur la limitation des dépenses publiques, il ne saurait être considéré que cette disposition porte atteinte au principe d’effectivité ou qu’elle révèle un élément dont il ressortirait que l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE serait méconnu.

96 En effet, dans une telle hypothèse, il existerait une voie de recours juridictionnelle permettant d’assurer le contrôle des mesures prises par l’ISTAT en application du règlement no 549/2013 et de la directive 2011/85.

97 En outre, ainsi que l’a indiqué le gouvernement italien lors de l’audience et sous réserve de vérification incombant à la juridiction de renvoi, les entités inscrites sur la liste ISTAT qui souhaitent contester leur désignation en tant qu’administrations publiques ne sont pas tenues d’introduire deux recours distincts, à savoir un recours devant le juge administratif et un autre devant la Corte dei conti (Cour des comptes). Ainsi, d’une part, elles pourraient demander au juge administratif
l’annulation erga omnes de la décision les ayant inscrites sur cette liste. D’autre part, devant la Corte dei conti (Cour des comptes), elles pourraient contester les conséquences de leur inscription sur ladite liste et obtenir, le cas échéant, de manière incidente, la non-application de cette inscription.

98 Cela étant, dans l’hypothèse visée au point 95 du présent arrêt, le risque existe que des jugements contradictoires quant au bien-fondé de l’inscription d’une entité sur la liste ISTAT soient adoptés, ce qui créerait une situation d’insécurité juridique. Cependant, la simple possibilité que de telles divergences puissent survenir n’est pas suffisante pour conclure à une méconnaissance de l’article 19 TUE, lu à la lumière de l’article 47 de la Charte et du principe d’effectivité, pour autant
qu’une entité contestant la décision de qualification à son égard peut se limiter à l’introduction d’un seul recours pour voir sa demande examinée. Il n’en demeure pas moins qu’il incombe à l’ordre juridique italien de prévoir les modalités concrètes d’exercice des voies de recours, de sorte que ne soit pas affecté de manière disproportionnée le droit à un recours effectif visé à l’article 47 de la Charte (voir, en ce sens, arrêt du 12 janvier 2023, Nemzeti Adatvédelmi és Információszabadság
Hatóság, C‑132/21, EU:C:2023:2, point 51 et jurisprudence citée).

99 Par ailleurs, dès lors qu’un recours devant un juge indépendant existe pour statuer sur le litige au principal, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, la circonstance que le juge compétent, à savoir, selon les défenderesses au principal, le juge administratif, ne serait pas, ainsi que l’indique cette juridiction, celui désigné par la Constitution de la République italienne comme étant le juge compétent en matière budgétaire est dénué de pertinence du point de vue du droit de
l’Union.

100 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre aux première à troisième questions que les règlements nos 473/2013 et 549/2013, la directive 2011/85 ainsi que l’article 19, paragraphe 1, deuxième alinéa, TUE, lus à la lumière de l’article 47 de la Charte et des principes d’équivalence et d’effectivité, doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation nationale qui limite la compétence du juge comptable pour statuer sur le
bien-fondé de l’inscription d’une entité sur la liste des administrations publiques, pour autant que l’effet utile de ces règlements et de cette directive ainsi que la protection juridictionnelle effective imposée par le droit de l’Union sont garantis.

Sur les dépens

101 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit :

  Le règlement (UE) no 473/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 21 mai 2013, établissant des dispositions communes pour le suivi et l’évaluation des projets de plans budgétaires et pour la correction des déficits excessifs dans les États membres de la zone euro, le règlement (UE) no 549/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 21 mai 2013, relatif au système européen des comptes nationaux et régionaux dans l’Union européenne, la directive 2011/85/UE du Conseil, du 8 novembre 2011, sur
les exigences applicables aux cadres budgétaires des États membres, et l’article 19, paragraphe 1, deuxième alinéa, TUE, lus à la lumière de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et des principes d’équivalence et d’effectivité,

  doivent être interprétés en ce sens que :

  ils ne s’opposent pas à une réglementation nationale qui limite la compétence du juge comptable pour statuer sur le bien-fondé de l’inscription d’une entité sur la liste des administrations publiques, pour autant que l’effet utile de ces règlements et de cette directive ainsi que la protection juridictionnelle effective imposée par le droit de l’Union sont garantis.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : l’italien.


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : C-363/21
Date de la décision : 13/07/2023

Analyses

Renvoi préjudiciel – Article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE – Obligation des États membres d’établir les voies de recours nécessaires pour assurer une protection juridictionnelle effective dans les domaines couverts par le droit de l’Union – Politique économique – Règlement (UE) no 549/2013 – Système européen des comptes nationaux et régionaux dans l’Union européenne (SEC) – Directive 2011/85/UE – Exigences applicables aux cadres budgétaires des États membres – Réglementation nationale limitant la compétence du juge comptable – Principes d’effectivité et d’équivalence – Article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.


Parties
Demandeurs : Ferrovienord SpA et Federazione Italiana Triathlon
Défendeurs : Istituto Nazionale di Statistica - ISTAT et Ministero dell'Economia e delle Finanze.

Origine de la décision
Date de l'import : 15/07/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2023:563

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