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11/11/2020 | CJUE | N°C-585/19

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Academia de Studii Economice din Bucureşti contre Organismul Intermediar pentru Programul Operaţional Capital Uman – Ministerul Educaţiei Naţionale., 11/11/2020, C-585/19


 CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. GIOVANNI PITRUZZELLA

présentées le 11 novembre 2020 ( 1 )

Affaire C‑585/19

Academia de Studii Economice din București

contre

Organismul Intermediar pentru Programul Operațional Capital Uman – Ministerul Educației Naționale

[demande de décision préjudicielle formée par le Tribunalul Bucureşti (tribunal de grande instance de Bucarest, Roumanie)]

« Renvoi préjudiciel – Directive 2003/88/CE – Travailleurs ayant conclu plusieurs contrats de travail –

Temps de travail et périodes de repos – Limites maximales à la durée journalière et hebdomadaire de travail – Application par tra...

 CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. GIOVANNI PITRUZZELLA

présentées le 11 novembre 2020 ( 1 )

Affaire C‑585/19

Academia de Studii Economice din București

contre

Organismul Intermediar pentru Programul Operațional Capital Uman – Ministerul Educației Naționale

[demande de décision préjudicielle formée par le Tribunalul Bucureşti (tribunal de grande instance de Bucarest, Roumanie)]

« Renvoi préjudiciel – Directive 2003/88/CE – Travailleurs ayant conclu plusieurs contrats de travail – Temps de travail et périodes de repos – Limites maximales à la durée journalière et hebdomadaire de travail – Application par travailleur ou par contrat »

1. Les limites à la durée de la journée et de la semaine de travail qui sont imposées par la directive 2003/88/CE ( 2 ) sont-elles également applicables dans le cas où un travailleur a conclu plusieurs contrats avec le même employeur ? Ou bien doivent-elles être appliquées « par contrat », de sorte qu’il faut déterminer, pour chaque contrat de travail, si ces limites ont été dépassées ?

2. Telles sont, en substance, les questions juridiques qui sous-tendent la présente affaire, laquelle fournit à la Cour l’occasion de préciser, pour la première fois, l’interprétation de certaines dispositions de la directive 2003/88 qui sont appliquées, à cet égard, de manière différente selon les États membres.

I. Le cadre juridique

A.   Le droit de l’Union

3. Les considérants 1, 4, 5 et 11 de la directive 2003/88 énoncent :

« (1) La directive 93/104/CE du Conseil du 23 novembre 1993 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail [(JO 1993, L 307, p. 18)], qui fixe des prescriptions minimales de sécurité et de santé en matière d’aménagement du temps de travail, applicables aux périodes de repos journalier, aux temps de pause, au repos hebdomadaire, à la durée maximale hebdomadaire de travail, au congé annuel ainsi qu’à certains aspects du travail de nuit, du travail posté et du rythme de travail, a
été modifiée de façon substantielle. Il convient, dans un souci de clarté, de procéder à une codification des dispositions en question.

[...]

(4) L’amélioration de la sécurité, de l’hygiène et de la santé des travailleurs au travail représente un objectif qui ne saurait être subordonné à des considérations de caractère purement économique.

(5) Tous les travailleurs doivent disposer de périodes de repos suffisantes. La notion de repos doit être exprimée en unités de temps, c’est-à-dire en jours, heures et/ou fractions de jour ou d’heure. Les travailleurs de la Communauté doivent bénéficier de périodes minimales de repos – journalier, hebdomadaire et annuel – et de périodes de pause adéquates. Il convient, dans ce contexte, de prévoir également un plafond pour la durée de la semaine de travail.

[...]

(11) Les modalités de travail peuvent avoir des effets préjudiciables sur la sécurité et la santé des travailleurs. L’organisation du travail selon un certain rythme doit tenir compte du principe général de l’adaptation du travail à l’homme. »

4. L’article 1er de la directive 2003/88 prévoit :

« 1.   La présente directive fixe des prescriptions minimales de sécurité et de santé en matière d’aménagement du temps de travail.

2.   La présente directive s’applique :

a) aux périodes minimales de repos journalier, de repos hebdomadaire et de congé annuel ainsi qu’au temps de pause et à la durée maximale hebdomadaire de travail, et

b) à certains aspects du travail de nuit, du travail posté et du rythme de travail.

3.   La présente directive s’applique à tous les secteurs d’activités, privés ou publics, au sens de l’article 2 de la directive 89/391/CEE, sans préjudice des articles 14, 17, 18 et 19 de la présente directive [...] »

5. Aux termes de l’article 2 de la directive 2003/88 :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

1.   “temps de travail” : toute période durant laquelle le travailleur est au travail, à la disposition de l’employeur et dans l’exercice de son activité ou de ses fonctions, conformément aux législations et/ou pratiques nationales ;

2.   “période de repos” : toute période qui n’est pas du temps de travail ;

[...] »

6. L’article 3 de la directive 2003/88, intitulé « Repos journalier », dispose :

« Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie, au cours de chaque période de vingt-quatre heures, d’une période minimale de repos de onze heures consécutives. »

7. L’article 6 de la directive 2003/88, intitulé « Durée maximale hebdomadaire de travail », dispose :

« Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que, en fonction des impératifs de protection de la sécurité et de la santé des travailleurs :

a) la durée hebdomadaire du travail soit limitée au moyen de dispositions législatives, réglementaires ou administratives ou de conventions collectives ou d’accords conclus entre partenaires sociaux ;

b) la durée moyenne de travail pour chaque période de sept jours n’excède pas quarante-huit heures, y compris les heures supplémentaires. »

8. Conformément à l’article 17 de la directive 2003/88, intitulé « Dérogations » :

« 1.   Dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs, les États membres peuvent déroger aux articles 3 à 6, 8 et 16 lorsque la durée du temps de travail, en raison des caractéristiques particulières de l’activité exercée, n’est pas mesurée et/ou prédéterminée ou peut être déterminée par les travailleurs eux-mêmes, et notamment lorsqu’il s’agit :

a) de cadres dirigeants ou d’autres personnes ayant un pouvoir de décision autonome ;

b) de main-d’œuvre familiale, ou

c) de travailleurs dans le domaine liturgique des églises et des communautés religieuses.

[...] »

9. L’article 22 de la directive 2003/88, intitulé « Dispositions diverses », dispose :

« 1.   Un État membre a la faculté de ne pas appliquer l’article 6 tout en respectant les principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs et à condition qu’il assure, par les mesures nécessaires prises à cet effet, que :

a) aucun employeur ne demande à un travailleur de travailler plus de quarante-huit heures au cours d’une période de sept jours, calculée comme moyenne de la période de référence visée à l’article 16, point b), à moins qu’il ait obtenu l’accord du travailleur pour effectuer un tel travail ;

b) aucun travailleur ne puisse subir aucun préjudice du fait qu’il n’est pas disposé à donner son accord pour effectuer un tel travail ;

c) l’employeur tienne des registres mis à jour de tous les travailleurs qui effectuent un tel travail ;

d) les registres soient mis à la disposition des autorités compétentes qui peuvent interdire ou restreindre, pour des raisons de sécurité et/ou de santé des travailleurs, la possibilité de dépasser la durée maximale hebdomadaire de travail ;

e) l’employeur, sur demande des autorités compétentes, donne à celles-ci des informations sur les accords donnés par les travailleurs pour effectuer un travail dépassant quarante-huit heures au cours d’une période de sept jours, calculée comme moyenne de la période de référence visée à l’article 16, point b).

[...]

3.   Si les États membres exercent l’une ou l’autre des facultés prévues au présent article, ils en informent immédiatement la Commission. »

B.   Le droit roumain

10. Les articles 111, 112, 114 et 135 de la Legea nr. 53/2003 privind Codul muncii (loi no 53/2003, du 24 janvier 2003, portant code du travail) prévoient :

« Article 111 : Le temps de travail correspond à toute période durant laquelle le salarié est au travail, à la disposition de l’employeur et dans l’exercice de son activité ou de ses fonctions, conformément aux dispositions de son contrat de travail, de la convention collective applicable et/ou de la législation en vigueur.

Article 112, paragraphe 1 : La durée normale du temps de travail, pour les travailleurs engagés à temps plein, est de 8 heures par jour et 40 heures par semaine.

[...]

Article 114, paragraphe 1 : La durée maximale légale du temps de travail ne peut pas dépasser 48 heures par semaine, y compris les heures supplémentaires.

[...]

Article 135, paragraphe 1 : Entre deux jours de travail, les salariés ont le droit à un repos qui ne peut être inférieur à 12 heures consécutives. »

II. Les faits, la procédure au principal et les questions préjudicielles

11. L’Academia de Studii Economice din București (Académie d’études économiques de Bucarest, ci-après l’« ASE »), un établissement roumain d’enseignement supérieur, a bénéficié d’un financement européen non remboursable du Fonds social européen qui a été accordé par les autorités roumaines, en l’occurrence l’Organismul Intermediar pentru Programul Operațional Capital Uman – Ministerul Educației Naționale (Organisme intermédiaire pour le programme opérationnel « Capital humain » – Ministère de
l’Éducation nationale, ci-après l’« OI POCU MEN »), aux fins de la mise en œuvre des activités du projet POSDRU/89/1.5/S/59184 (programme opérationnel sectoriel de développement des ressources humaines intitulé « Performance et excellence dans le domaine de la recherche postdoctorale en sciences économiques en Roumanie », ci-après le « projet »).

12. Le 4 juin 2018, l’OI POCU MEN a, dans un rapport constatant des irrégularités financières, considéré comme non éligibles une partie des coûts salariaux relatifs à des experts de l’équipe de mise en œuvre du projet, au motif que ces salariés avaient déclaré certains jours, entre octobre 2012 et janvier 2013, un nombre total d’heures conventionnelles supérieur au plafond de treize heures de travail par jour qui avait été fixé dans les instructions de l’OI POCU MEN conformément aux dispositions de
la directive 2003/88.

13. Les dépenses considérées comme non éligibles, d’un montant de 13808 lei roumains (RON) (environ 2904 euros), correspondent aux coûts salariaux (salaire net, impôts, cotisations du salarié et de l’employeur) relatifs aux membres de l’équipe de mise en œuvre du projet.

14. Selon les indications de la juridiction de renvoi, il ressort du dossier de la procédure au principal que ces experts ont été engagés par le même employeur, l’ASE, en vertu d’une pluralité de contrats de travail. Il semble qu’ils aient été engagés par cet établissement à titre de travailleurs salariés, sur la base d’un contrat individuel à durée indéterminée prévoyant quarante heures de travail par semaine à temps plein, mais qu’ils aient également conclu un ou plusieurs contrats individuels de
travail à temps partiel à durée déterminée avec le même employeur. Certains jours, ces salariés ont dès lors déclaré un nombre total d’heures de travail compris entre quatorze et seize heures.

15. Un recours gracieux formé par l’ASE contre le procès-verbal de constat d’irrégularités a été rejeté par l’OI POCU MEN, par la décision 1035/DDDZ/02.08.2018, dont l’annulation est demandée dans le cadre de l’affaire pendante devant la juridiction de renvoi, le Tribunalul Bucureşti (tribunal de grande instance de Bucarest, Roumanie).

16. La décision susmentionnée est fondée, entre autres, sur l’argument selon lequel la limite prévue à l’article 3 de la directive 2003/88 (treize heures de travail journalier par salarié) s’applique non pas à chaque contrat de travail, mais au travailleur, indépendamment du nombre de contrats conclus.

17. La juridiction de renvoi précise que les sommes déclarées inéligibles correspondent aux coûts afférents aux salaires des experts qui ont cumulé pendant certains jours, au cours de la période comprise entre octobre 2012 et janvier 2013, les heures travaillées conformément au programme de base, c’est-à-dire huit heures par jour, et les heures travaillées dans le cadre du projet et dans le cadre d’autres projets ou activités. Pour ce qui est de ces personnes, le nombre total des heures travaillées
par jour avait dépassé le plafond de treize heures, qui avait été fixé dans les instructions de l’autorité gestionnaire du projet, lesquelles avaient été données, selon l’OI POCU MEN, en conformité avec les articles 3 et 6 de la directive 2003/88.

18. C’est dans ces circonstances que le Tribunalul București (tribunal de grande instance de Bucarest) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) La notion de “temps de travail”, qui est définie à l’article 2, point 1, de la directive 2003/88 comme “toute période durant laquelle le travailleur est au travail, à la disposition de l’employeur et dans l’exercice de son activité ou de ses fonctions”, se rapporte-t-elle à un seul contrat (à temps plein) ou à tous les contrats (de travail) conclus par le travailleur ?

2) Les obligations à la charge des États membres prévues à l’article 3 de la directive 2003/88 (obligation de prendre les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie, au cours de chaque période de vingt-quatre heures, d’une période minimale de repos de onze heures consécutives) et à l’article 6, sous b), de la directive 2003/88 (fixation d’une durée moyenne de travail hebdomadaire n’excédant pas quarante-huit heures, y compris les heures supplémentaires) doivent-elles être
interprétées en ce sens que les limites qu’elles fixent se rapportent à un seul contrat ou à tous les contrats conclus avec le même employeur ou des employeurs différents ?

3) Au cas où les réponses aux deux premières questions impliquent une interprétation de nature à exclure que les États membres puissent prévoir, au niveau national, que les articles 3 et 6, sous b), de la directive 2003/88 s’appliquent contrat par contrat, en l’absence de dispositions de droit national qui prévoient que le temps de repos quotidien minimal et le temps de travail hebdomadaire maximal se rapportent au travailleur (indifféremment du nombre de contrats de travail conclus avec le même
employeur ou avec des employeurs différents), une institution publique d’un État membre, qui opère au nom de l’État, peut-elle invoquer une application directe des dispositions des articles 3 et 6, sous b), de la directive 2003/88 et sanctionner un employeur pour le non-respect des limites prévues par ladite directive en matière de repos quotidien et/ou de temps de travail hebdomadaire maximal ? »

III. Analyse juridique

A.   Observations liminaires

1. Sur la recevabilité

19. La Commission et certaines des parties qui sont intervenues ont défendu la thèse de l’irrecevabilité des questions préjudicielles posées pour des raisons diverses qui tiennent, en substance : a) à l’absence de certains éléments de fait aux fins de l’appréciation et b) à l’absence de lien direct entre ceux-ci et l’objet du litige au principal. En outre, plusieurs parties ont également invoqué l’irrecevabilité partielle de certaines parties des questions.

20. La décision de renvoi, qui concerne, comme je l’ai exposé, l’inéligibilité de certaines dépenses aux fins du financement par des fonds publics et non pas, directement, le calcul du nombre d’heures de travail aux fins de la vérification du respect des limites prévues par la directive 2003/88, aurait assurément pu être plus complète sous plusieurs aspects factuels. Toutefois, elle fournit un minimum d’informations relatives aux faits du litige au principal et mentionne les dispositions applicables
du droit de l’Union et de la législation nationale, ce qui permet d’avoir une compréhension suffisante de l’objet de ce litige et, de manière générale, des questions posées.

21. En particulier, la décision de renvoi établit que l’OI POCU MEN a émis le titre de créance en raison du non-respect, par l’ASE, des règles relatives au nombre maximal d’heures de travail par jour : cela me semble suffisant pour justifier l’examen des dispositions de la directive 2003/88 qui sont relatives aux limites applicables au temps de travail journalier. Il appartiendra à la juridiction de renvoi de vérifier si l’OI POCU MEN a ou non émis à juste titre le titre de créance litigieux, mais,
dès lors que les questions soulevées portent sur l’interprétation d’une règle de droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer. En effet, ainsi que la Cour l’a récemment confirmé, « il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige au principal et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement
que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour » ( 3 ).

22. À la lumière de cette « présomption de pertinence [...] [l]e refus de la Cour de statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation d’une règle de l’Union sollicitée n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux
questions qui lui sont posées » ( 4 ).

23. Il reste des doutes sur certaines parties des questions préjudicielles, que la Cour pourrait déclarer irrecevables. Je me réfère, en particulier, aux conséquences du non-respect de la limite relative à la durée de travail hebdomadaire qui est prévue à l’article 6, sous b), de la directive 2003/88 et qui fait l’objet de la seconde partie de la deuxième question préjudicielle. En effet, l’exposé des faits figurant dans la demande de décision préjudicielle ne comporte aucune indication sur les
raisons pour lesquelles cette dernière disposition serait pertinente, étant donné que seul le dépassement du plafond journalier de la durée de travail est reproché à l’ASE. Toutefois, les développements que je consacrerai, du point de vue du fond, aux finalités du respect des limites de durée seront de caractère général et ne nécessitent pas une séparation stricte entre les aspects liés aux limites journalières et ceux qui sont liés aux limites hebdomadaires.

24. En revanche, je considère comme irrecevable la partie de la deuxième question préjudicielle qui concerne l’application des limites relatives à la durée journalière et hebdomadaire du travail résultant des dispositions de la directive 2003/88 aux contrats de travail conclus avec plusieurs employeurs. À cet égard, il ressort du dossier, ainsi que des observations de l’ASE, que tous les contrats concernés, et tout au moins ceux qui ont été conclus avec les experts qui étaient enseignants
universitaires (sur lesquels porte le litige au principal), ont uniquement été conclus avec cette université. Par conséquent, cette partie de la deuxième question est hypothétique ( 5 ). En tout état de cause, elle ne satisfait pas aux exigences figurant à l’article 94 du règlement de procédure de la Cour, étant donné que le juge national n’a pas fourni un exposé des données factuelles sur lesquelles cette partie des questions préjudicielles est fondée ( 6 ).

2. Sur les finalités de la directive 2003/88 et la position du travailleur dans le système de protection instauré par le droit de l’Union

25. Ce qui doit guider la Cour dans le cadre de la réponse aux questions posées au sujet du temps de travail, c’est la finalité de protection de la directive 2003/88 eu égard, en particulier, à la situation de faiblesse du travailleur dans la relation contractuelle avec l’employeur.

26. En effet, la directive 2003/88 a pour objectif de fixer des prescriptions minimales destinées à améliorer la protection de la santé et de la sécurité sur le lieu de travail, un objectif atteint, entre autres, par un rapprochement des réglementations nationales concernant la durée du temps de travail ( 7 ).

27. Cette aspiration est un élément clé de la construction du droit social européen. Après avoir établi, sur le fondement de l’article 153 TFUE, les principes généraux en matière de protection de la sécurité et de la santé des travailleurs dans la directive 89/391/CEE du Conseil du 12 juin 1989, le législateur a donné une forme concrète à ces lignes directrices à travers une série de directives spécifiques, parmi lesquelles, justement, la directive 2003/88 qui a codifié la directive
antérieure 93/104/CE du Conseil du 23 novembre 1993 ( 8 ).

28. Pour atteindre ces objectifs, les dispositions de la directive 2003/88 fixent des périodes minimales de repos journalier et hebdomadaire, ainsi qu’un plafond de quarante-huit heures pour la durée moyenne hebdomadaire de travail, heures supplémentaires comprises.

29. Ces dispositions mettent en œuvre l’article 31 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») qui, après avoir énoncé, à son paragraphe 1, que « [t]out travailleur a droit à des conditions de travail qui respectent sa santé, sa sécurité et sa dignité », dispose, au paragraphe 2, que « [t]out travailleur a droit à une limitation de la durée maximale du travail et à des périodes de repos journalier et hebdomadaire, ainsi qu’à une période annuelle de congés
payés ». Ce droit se rattache directement au respect de la dignité humaine, qui est protégée plus largement au chapitre I de la Charte ( 9 ).

30. Dans un arrêt récent de la grande chambre, la Cour a précisé, sur la question des sources et de la position systématique, que « le droit de chaque travailleur à une limitation de la durée maximale du travail et à des périodes de repos journalier et hebdomadaire constitue non seulement une règle du droit social de l’Union revêtant une importance particulière, mais est aussi expressément consacré à l’article 31, paragraphe 2, de la Charte, à laquelle l’article 6, paragraphe 1, TUE reconnaît la
même valeur juridique que les traités [...] Les dispositions de la directive 2003/88, notamment ses articles 3, 5 et 6, précisent ce droit fondamental et doivent, dès lors, être interprétées à la lumière de ce dernier » ( 10 ).

31. La Cour a rappelé ensuite que « la directive 2003/88 a pour objet de fixer des prescriptions minimales destinées à améliorer les conditions de vie et de travail des travailleurs par un rapprochement des réglementations nationales concernant, notamment, la durée du temps de travail » ( 11 ), en précisant que « [c]ette harmonisation au niveau de l’Union européenne en matière d’aménagement du temps de travail vise à garantir une meilleure protection de la sécurité et de la santé des travailleurs,
en faisant bénéficier ceux-ci de périodes minimales de repos – notamment journalier et hebdomadaire – ainsi que de périodes de pause adéquates, et en prévoyant une limite maximale à la durée hebdomadaire de travail » ( 12 ).

32. Cet arrêt a rappelé ensuite la position du travailleur dans le système de protection de l’Union, à savoir que « le travailleur doit être considéré comme la partie faible dans la relation de travail, de telle sorte qu’il est nécessaire d’empêcher que l’employeur ne dispose de la faculté de lui imposer une restriction de ses droits » ( 13 ); en outre, il convient de garder à l’esprit que « compte tenu de cette situation de faiblesse, un travailleur peut être dissuadé de faire valoir explicitement
ses droits à l’égard de son employeur, dès lors, notamment, que la revendication de ceux-ci est susceptible de l’exposer à des mesures prises par ce dernier de nature à affecter la relation de travail au détriment de ce travailleur » ( 14 ).

33. Les principes énoncés ci-dessus engendrent un certain nombre de conséquences : a) quant à l’interprétation de la directive à la lumière de ses finalités de protection ; b) quant à la possibilité pour le travailleur de disposer des droits que cette directive lui confère ; c) quant aux limites au pouvoir d’appréciation des États membres dans le cadre de l’application des dispositions figurant dans ladite directive.

34. Il découle tout d’abord du lien fonctionnel susmentionné entre la directive 2003/88 et les droits sociaux fondamentaux reconnus par la Charte que l’interprétation de la directive 2003/88 et la détermination de son champ d’application doivent être propres à permettre la jouissance pleine et effective des droits subjectifs que celle-ci reconnaît aux travailleurs, en éliminant tout obstacle susceptible, de fait, de limiter ou de compromettre cette jouissance.

35. Une interprétation de la directive 2003/88 de nature à permettre la mise en œuvre cohérente de ses objectifs et la protection pleine et effective des droits qu’elle confère aux travailleurs implique, par conséquent, d’identifier les obligations spécifiques incombant aux entités concernées par sa mise en œuvre, qui soient propres à éviter que le déséquilibre structurel de la relation économique entre employeur et salarié compromette la jouissance effective des droits conférés par cette directive.
Cela signifie que les dispositions que ladite directive renferme ne sauraient, ainsi que la Cour l’a récemment rappelé, faire l’objet d’une interprétation restrictive au détriment des droits que le travailleur tire de celle-ci ( 15 ).

36. La deuxième conséquence de cette interprétation est que le travailleur ne peut pas disposer des droits susmentionnés.

37. Il y a lieu de considérer que les travailleurs ne peuvent pas disposer des droits qui leur sont conférés par la directive 2003/88 et, en particulier, des droits au repos journalier et hebdomadaire qui découlent des limites fixées respectivement à la durée de la journée de travail et à la durée de la semaine de travail, étant donné que ces droits sont étroitement liés à des droits primaires et fondamentaux et qu’ils visent à la protection d’un intérêt public, le droit à la santé et à la sécurité
au travail.

38. Cela signifie que les droits susmentionnés ne relèvent pas de l’ensemble des droits de nature strictement contractuelle auquel le travailleur peut décider de renoncer en échange d’un supplément de rémunération ou d’autres avantages, mais font partie du socle restreint de droits fondamentaux ( 16 ), reconnus par des sources du droit primaire de rang constitutionnel ou par des sources équivalentes, qui ne concernent pas exclusivement la relation contractuelle entre l’employeur et le travailleur,
mais la « personne du travailleur ».

39. Il en découle que la possibilité de disposer de tels droits ne saurait relever de la libre volonté du travailleur, dès lors que le législateur national et, en dernière analyse, l’employeur doivent reconnaître et garantir ces droits sans pouvoir appliquer d’autres dérogations que celles qui sont expressément prévues par la directive 2003/88.

40. Une confirmation de cette interprétation peut également être tirée de la jurisprudence récente de la Cour. En effet, l’arrêt CCOO susmentionné indique que les États membres sont tenus « de prendre les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie [...] d’une période minimale de repos de onze heures consécutives au cours de chaque période de vingt-quatre heures » et ont « l’obligation de prévoir un plafond de quarante-huit heures pour la durée moyenne hebdomadaire de travail, limite
maximale à propos de laquelle il est expressément précisé qu’elle inclut les heures supplémentaires, et à laquelle, en dehors de l’hypothèse [...] visée à l’article 22, paragraphe 1, de cette directive, il ne peut en aucun cas être dérogé, fût-ce moyennant le consentement du travailleur concerné» ( 17 ).

41. J’en arrive à la troisième conséquence, qui découle des principes rappelés ci-dessus et qui concerne les limites du pouvoir d’appréciation des États membres dans le cadre de l’application des dispositions figurant dans la directive 2003/88.

42. Pour garantir la pleine effectivité de la directive 2003/88, il importe que les États membres assurent le respect de ces périodes minimales de repos et empêchent tout dépassement de la durée maximale hebdomadaire de travail.

43. Certes, les articles 3 et 5 ainsi que l’article 6, sous b), de la directive 2003/88 ne déterminent pas les modalités concrètes par lesquelles les États membres doivent assurer la mise en œuvre des droits qu’ils prévoient. Ainsi qu’il ressort de leurs termes mêmes, ces dispositions confient aux États membres le soin d’adopter ces modalités, en prenant les « mesures nécessaires » à cet effet.

44. Les États membres disposent ainsi d’une marge d’appréciation à cette fin, mais, compte tenu de l’objectif essentiel poursuivi par la directive 2003/88, qui est de garantir une protection efficace des conditions de vie et de travail des travailleurs ainsi qu’une meilleure protection de leur sécurité et de leur santé, ils sont tenus de garantir que l’effet utile de ces droits soit intégralement assuré, en faisant bénéficier effectivement ces travailleurs des périodes minimales de repos journalier
et hebdomadaire et de la limite maximale de la durée moyenne hebdomadaire de travail prévues par cette directive.

45. Il s’ensuit que les modalités définies par les États membres pour assurer la mise en œuvre des prescriptions de la directive 2003/88 ne doivent pas être susceptibles de « vider de leur substance » les droits consacrés à l’article 31, paragraphe 2, de la Charte et aux articles 3 et 5 ainsi qu’à l’article 6, sous b), de cette directive ( 18 ).

B.   Les questions préjudicielles

1. Les première et deuxième questions préjudicielles

46. Par les deux premières questions, à l’exclusion de la partie qui est à mon avis irrecevable ( 19 ), la juridiction nationale souhaite savoir, en substance, si, dans le cas où plusieurs contrats de travail individuels ont été conclus par un travailleur avec le même employeur, les dispositions de l’article 2, point 1, de l’article 3 et de l’article 6, sous b), de la directive 2003/88 doivent être appliquées par contrat ou par travailleur.

47. Eu égard à ce qui a été exposé ci-dessus en ce qui concerne les finalités de la directive 2003/88 et la position du travailleur dans le système de protection instauré par le droit de l’Union, il convient de privilégier l’interprétation selon laquelle les limites à la durée journalière de travail ( 20 ), fixées indirectement par la directive 2003/88 qui impose un repos minimal de onze heures, doivent être appliquées par travailleur.

48. C’est le travailleur (et non le contrat de travail) qui est protégé par la directive et les limites à la durée journalière (et hebdomadaire) de travail servent à assurer cette protection à deux égards : sur le plan du droit public, étant donné que la protection de la santé est assurément un intérêt public qui occupe le premier rang par rapport aux intérêts privés des parties, et sur le plan contractuel, dès lors que le travailleur, en sa qualité de partie faible à la relation, doit être protégé
contre d’éventuels abus de la part de l’employeur qui pourrait lui imposer (contractuellement) des restrictions de ses droits ( 21 ).

49. Une interprétation en vertu de laquelle les limites imposées par la directive pourraient être contournées en demandant simplement au travailleur de conclure plusieurs contrats de travail stipulant chacun une durée journalière et hebdomadaire de travail inférieure aux limites prévues serait contraire à la jurisprudence constante de la Cour qui a été exposée ci-dessus.

50. Le libellé de l’article 3 de la directive 2003/88 milite lui aussi très clairement en ce sens : « Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie, au cours de chaque période de vingt-quatre heures, d’une période minimale de repos de onze heures consécutives » (mise en italique par mes soins).

51. L’approche systématique proposée, combinée au libellé, plaide sans équivoque, en cas de pluralité de contrats conclus par un travailleur avec le même employeur, en ce sens que : a) les dispositions figurant dans la directive 2003/88 doivent être interprétées à la lumière de la finalité de protection de cette directive ainsi que de manière à garantir un effet utile à ladite directive et, en dernière analyse, la jouissance pleine et effective des droits subjectifs que celle-ci reconnaît aux
travailleurs, en éliminant tout obstacle susceptible, de fait, d’en limiter ou d’en compromettre la jouissance ; b) il y a lieu de considérer que les travailleurs ne peuvent pas disposer des droits que leur confère la directive, compte tenu du lien étroit de ceux-ci avec des droits primaires et fondamentaux, et que, pour la même raison, les législateurs nationaux ne peuvent pas adopter de dérogations à cet égard dans des cas autres que ceux qui sont expressément prévus par la directive
elle-même ; c) les modalités définies par les États membres pour assurer la mise en œuvre des prescriptions de la directive 2003/88 ne doivent pas être susceptibles de vider de leur substance les droits consacrés par celle-ci.

52. Les arguments avancés par certaines des parties afin de démontrer que l’application des limites de durée prévues par la directive et par la législation nationale doit être effectuée par contrat et non par travailleur sont, par conséquent, réfutés par l’interprétation proposée.

53. Ils peuvent être résumés comme suit : il ne ressort pas des termes de la directive que les limites doivent être appliquées par travailleur et, en revanche, l’applicabilité des limites par contrat est démontrée par le fait que cela est expressément prévu dans certaines réglementations sectorielles ; les propositions successives de modification de la directive qui ont été présentées par la Commission afin d’introduire l’application par travailleur dans le texte n’ont pas recueilli de consensus au
sein du Conseil et, partant, sont restées sans suite ; la situation de fait dans les États membres est diverse du fait de la marge d’appréciation dans l’application des dispositions de la directive 2003/88 et, si la majorité des États appliquent les dispositions limitatives par travailleur, certains d’entre eux appliquent en revanche ces dispositions par contrat ; il en est également ainsi pour des motifs de nature économique et une éventuelle interprétation de la directive qui imposerait
l’application des limites par travailleur pourrait avoir des répercussions importantes ; il devrait être permis au travailleur d’accepter de travailler pendant une durée supérieure à celle qui est prévue par les limites figurant dans la directive, en vertu de plusieurs contrats, du fait de la liberté d’exercer une activité professionnelle qui est sauvegardée par le droit de l’Union ; pour certains types de travailleurs, les limites prévues par la directive 2003/88 ne sont pas applicables et il
faut appliquer au contraire les dérogations prévues par cette directive.

54. D’une part, l’argument textuel, qui renvoie à une forme bien connue d’argumentation en matière d’interprétation juridique, exprimée par la maxime « ubi lex voluit dixit, ubi noluit tacuit », n’est pas particulièrement convaincant et il est contredit par les résultats de l’interprétation systématique et téléologique de la directive 2003/88, précédemment exposés, lesquels montrent qu’il est nécessaire que les limites de durée de la journée (et de la semaine) de travail soient respectées pour
chaque travailleur afin d’assurer l’effet utile des dispositions du droit de l’Union ( 22 ).

55. D’autre part, l’existence d’une mention expresse, pour certains cas spéciaux, de l’application par travailleur n’est nullement en contradiction avec l’interprétation que je propose. Certaines catégories de travailleurs et les travailleurs de certains secteurs spécifiques, en effet, ont besoin d’une protection particulière – de par les caractéristiques intrinsèques de la prestation, comme les travailleurs exécutant des activités mobiles de transport routier ( 23 ) – et le droit de l’Union a
expressément prévu, pour ceux-ci, la mention de l’application par travailleur.

56. Les pratiques différentes des États membres (ainsi que la Commission l’a elle-même indiqué dans son rapport sur la mise en œuvre par les États membres de la directive 2003/88 ( 24 ) et dans sa communication interprétative relative à cette directive ( 25 )), ainsi que les conditions dans lesquelles cette directive a été adoptée, les autres directives en matière de temps de travail et les propositions, présentées par le Parlement européen, de modification de la directive 2003/88 qui ont été
rejetées jusqu’à présent constituent toutes des éléments qui ne jouent pas un rôle décisif en l’espèce. Ces éléments pourraient présenter de l’intérêt dans le cadre d’une réflexion future sur la question des contrats de travail multiples signés avec plusieurs employeurs. En effet, ils portent en germe plusieurs questions relatives à la responsabilité contractuelle des divers employeurs en ce qui concerne le respect de l’obligation de sécurité, ainsi qu’à la possibilité d’avoir connaissance de
situations échappant partiellement au contrôle de l’employeur.

57. Les arguments avancés par plusieurs États membres au sujet de la marge de manœuvre qui leur est laissée pour ce qui est des modalités de mise en œuvre des dispositions de l’article 3 et de l’article 6, sous b), de la directive 2003/88 sont dépourvus de fondement ( 26 ). En effet, il me semble que la question qui nous est posée concerne non pas les modalités de la mise en œuvre de ces règles, mais la portée desdites règles. Il appartient par conséquent à la Cour d’interpréter ces mêmes règles
afin d’en déterminer la portée de manière uniforme : le dépassement des limites susmentionnées du seul fait que le travailleur a conclu plusieurs contrats de travail « viderait de sa substance » le cœur même de la protection en portant gravement atteinte à l’effet utile de la directive, comme je l’ai indiqué dans les présentes conclusions.

58. S’agissant de l’impact économique éventuel de l’interprétation proposée, il suffit de rappeler que, ainsi qu’il ressort du considérant 4 de la directive 2003/88, la protection efficace de la sécurité et de la santé des travailleurs ne saurait être subordonnée à des considérations purement économiques ( 27 ).

59. Du reste, le dossier ne comporte pas d’analyse précise et détaillée de l’impact économique qu’une telle interprétation pourrait avoir sur les divers systèmes économiques qui appliquent actuellement les limites prévues par la directive 2003/88 par contrat.

60. Pour ce qui est du droit du travailleur de travailler et d’exercer une profession librement choisie ou acceptée, dont il est rappelé qu’il s’agit de l’un des droits reconnus de manière inconditionnelle par la Charte ( 28 ), les principes formulés ci-dessus, relatifs aux finalités de protection de la directive 2003/88 et à la position de faiblesse du travailleur, montrent qu’il existe des limites externes, relevant du droit public, qui sont liées à des intérêts généraux, tels que la protection de
la santé et de la sécurité sur le lieu de travail, lesquels prévalent sur d’éventuels intérêts de droit privé appartenant éventuellement au travailleur lui‑même, conformément à l’interprétation correcte de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte ( 29 ).

61. S’agissant, enfin, des dérogations prévues par la directive 2003/88, en particulier à l’article 17, paragraphe 1, pour justifier la non-application des articles 3 et 6 de cette directive à certains travailleurs, la Cour a rappelé à plusieurs reprises que cette disposition s’applique aux travailleurs « dont le temps de travail, dans son intégralité, n’est pas mesuré ou prédéterminé, ou peut être déterminé par les travailleurs eux-mêmes en raison des caractéristiques particulières de l’activité
exercée » ( 30 ). Étant donné qu’il est affirmé, dans la décision de renvoi, que les travailleurs en cause au principal étaient titulaires de contrats de travail à temps plein qui prévoyaient quarante heures de travail par semaine, il est peu probable – me semble-t-il – que ces travailleurs, y compris ceux qui sont enseignants universitaires, relèvent de cette catégorie de travailleurs. En toute hypothèse, il appartiendra à la juridiction nationale de vérifier si tel est le cas.

62. Si les arguments en faveur de l’applicabilité par contrat des limites de durée de la journée (et de la semaine) de travail qui sont prévues par la directive 2003/88 sont infirmés par l’interprétation systématique et téléologique que je propose, il reste cependant à clarifier certains points pour délimiter correctement la portée de mes conclusions.

63. L’applicabilité des limites de durée de la journée (et de la semaine) de travail à chaque travailleur, indépendamment du nombre de contrats que celui-ci a conclus avec le même employeur, présuppose qu’il ait été établi, par la juridiction nationale, que le cas d’espèce relève des notions de « travailleur » et de « temps de travail » au sens donné à ces termes en droit de l’Union.

64. Comme la Commission l’a rappelé, à juste titre, dans ses observations écrites, les dispositions figurant dans la directive 2003/88 s’appliquent, en effet, uniquement aux « travailleurs » au sens de cette directive.

65. La Cour a également rappelé récemment que « la notion de “travailleur” ne saurait recevoir une interprétation variant selon les droits nationaux, mais revêt une portée autonome propre au droit de l’Union. Elle doit être définie selon des critères objectifs qui caractérisent la relation de travail en considération des droits et des devoirs des personnes concernées » ( 31 ).

66. Le juge national « doit se fonder sur des critères objectifs et apprécier globalement toutes les circonstances de l’affaire dont il est saisi, ayant trait à la nature tant des activités concernées que de la relation entre les parties en cause » ( 32 ).

67. Aux fins de la qualification, il convient de rappeler que « la caractéristique essentielle de la relation de travail est la circonstance qu’une personne accomplit, pendant un certain temps, en faveur d’une autre et sous la direction de celle-ci, des prestations en contrepartie desquelles elle reçoit une rémunération » ( 33 ).

68. Une relation de travail suppose donc « l’existence d’un lien de subordination entre le travailleur et son employeur. L’existence d’un tel lien doit être appréciée dans chaque cas particulier en fonction de tous les éléments et de toutes les circonstances caractérisant les relations entre les parties » ( 34 ).

69. Le temps consacré par les travailleurs en cause au principal à la prestation de services relatifs au projet serait uniquement pertinent aux fins de la détermination de la période minimale de repos journalier ou de la durée maximale hebdomadaire de travail qui sont prévues par l’article 3 et l’article 6, sous b), de la directive 2003/88 si, dans le cadre de ce projet, il existait un lien de subordination entre l’ASE et ces experts. Il semble ressortir du dossier que nous nous trouvons en présence
de travail subordonné, mais il appartiendra au juge national de vérifier si tel est le cas, en prenant en considération, notamment, les caractéristiques spécifiques de la prestation prévue au contrat ( 35 ) (apparemment des activités d’enseignement et de recherche).

70. Par conséquent, l’interprétation proposée n’exclut pas, comme la Commission l’a relevé à juste titre ( 36 ), que les travailleurs exercent, en sus des prestations de nature subordonnée, des activités indépendantes ou bénévoles, lorsque cela est autorisé par les dispositions nationales en vigueur ; il est évident que, dans ce cas, le temps consacré à ces dernières activités, de nature non subordonnée, n’entrerait pas dans le calcul des limites prévues par la directive 2003/88.

71. En ce qui concerne la notion de « temps de travail », la Cour a précisé à plusieurs reprises que les notions de « temps de travail » et de « période de repos », au sens de la directive 2003/88, constituent des notions du droit de l’Union qu’il convient de définir selon des caractéristiques objectives, en se référant au système et à la finalité de cette directive, visant à établir des prescriptions minimales destinées à améliorer les conditions de vie et de travail des travailleurs ( 37 ); elles
ne doivent donc « pas être interprétées en fonction des prescriptions des différentes réglementations des États membres [...] Seule une telle interprétation autonome est de nature à assurer à cette directive sa pleine efficacité ainsi qu’une application uniforme desdites notions dans l’ensemble des États membres [...] [L]a circonstance que la définition de la notion de temps de travail fait référence aux “législations et/ou pratiques nationales” ne signifie pas que les États membres peuvent
déterminer unilatéralement la portée de cette notion. Aussi ces États ne sauraient-ils subordonner à quelque condition que ce soit le droit des travailleurs à ce que les périodes de travail et, corrélativement, celles de repos soient dûment prises en compte, un tel droit résultant directement des dispositions de cette directive. Toute autre interprétation tiendrait en échec l’objectif de la directive 93/104 ( 38 ) d’harmoniser la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs au moyen
de prescriptions minimales » ( 39 ).

72. Lorsque la directive 2003/88 définit la notion de « temps de travail », utile aux fins de la mise en œuvre de la protection qu’elle prévoit, elle fait référence à « toute période durant laquelle le travailleur est au travail, à la disposition de l’employeur et dans l’exercice de son activité ou de ses fonctions» ( 40 ) (article 2, point 1).

73. Dans ces conditions et conformément à l’interprétation téléologique proposée ci-dessus, le respect des limites de durée de la journée (et de la semaine) de travail prévues par la directive doit être apprécié in concreto eu égard aux heures effectivement travaillées. En effet, étant donné qu’il s’agit de dispositions qui visent à protéger le travailleur non pas sur le plan économique, mais sur le plan de sa santé et de sa sécurité sur le lieu de travail, le dépassement éventuel des limites
contractuelles ne saurait, à lui seul et s’il n’est pas suivi d’un dépassement effectif, permettre de considérer que les limites prévues ont été enfreintes.

74. Il incombera au juge national de vérifier si, dans l’affaire au principal, les travailleurs employés par l’ASE ont exercé des fonctions de nature subordonnée et si les heures prévues au contrat constituaient un temps de travail effectif au sens de la directive 2003/88 (telle qu’interprétée par la jurisprudence de la Cour). Il lui incombera également de vérifier, par exemple, si les conditions d’application de l’article 17 de cette directive sont réunies.

75. De même, il incombera au juge national d’apprécier, à l’issue de cette vérification, le bien-fondé de la demande de remboursement des heures en vertu de la loi ou du contrat entre les parties.

76. Je mentionnerai, pour finir, les demandes de limitation des effets dans le temps qui ont été formulées par certaines des parties qui sont intervenues.

77. La demande de limitation des effets dans le temps présentée en premier lieu par le gouvernement roumain, au motif que l’application par travailleur des dispositions en question de la directive 2003/88 aurait un impact systémique sur le marché du travail en Roumanie, où de nombreux travailleurs cumulent des contrats avec plusieurs employeurs, ne nécessiterait pas de réponse si la Cour devait considérer que, comme je le suggère, la deuxième question préjudicielle est irrecevable dans la mesure où
elle concerne le cas des contrats conclus avec plusieurs employeurs.

78. Pour ce qui est de la demande formulée en second lieu par le gouvernement roumain, il me semble que cette demande peut être rejetée, étant donné que les conséquences financières qui pourraient découler pour un État membre d’une décision préjudicielle ne justifient pas, par elles-mêmes, la limitation des effets de cette décision dans le temps ( 41 ).

79. Pour ce qui est de la demande de l’ASE, qui est présentée pour le cas où la Cour considérerait que les dispositions de la directive 2003/88 en question doivent être appliquées par travailleur, il me semble qu’elle peut être rejetée en raison du fait qu’elle n’est absolument pas motivée ( 42 ).

2. La troisième question préjudicielle

80. Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si, en cas d’application, pour chaque travailleur, des dispositions de la directive 2003/88 qui prévoient une période minimale de repos journalier et une durée maximale hebdomadaire de travail, un organisme public qui agit pour le compte de l’État peut invoquer l’effet direct de l’article 3 et de l’article 6, sous b), de la directive 2003/88 à l’encontre d’un employeur qui ne se conforme pas à ces dispositions.

81. Je partage le point de vue de la Commission, laquelle affirme, dans ses observations écrites, qu’une réponse de la Cour à cette question ne se justifie pas ( 43 ). En effet, le dossier tend à indiquer que la procédure au principal concerne une application « horizontale » du principe de l’effet direct entre deux établissements publics de l’État roumain. En outre, dans la législation roumaine, l’article 135, paragraphe 1, de la loi no 53/2003 portant code du travail prévoit que tout salarié a
droit, entre deux jours de travail, à une période de repos minimale de douze heures, alors que la durée minimale imposée par l’article 3 de la directive 2003/88 est de onze heures de repos par jour. Par conséquent, la législation nationale, qui limite le temps de travail à douze heures par jour, est plus protectrice que les dispositions de cette directive. Le principe de l’effet direct permet aux particuliers d’invoquer directement les règles fixées par une directive dans le cadre d’une action
engagée contre un État membre lorsque cette directive n’a pas été transposée dans le droit national ou lorsque sa transposition n’est pas correcte. Toutefois, aucune norme nationale incompatible avec les dispositions du droit de l’Union (en l’occurrence la directive 2003/88) n’a été contestée en l’espèce.

82. La question de l’effet direct ne se pose, ainsi, que dans le cas où aucune interprétation du droit national conforme au droit de l’Union n’est possible ( 44 ). En l’espèce, il me semble que rien ne laisse supposer que l’OI POCU MEN n’aurait pas pu fonder sa décision sur les dispositions de la loi roumaine interprétées à la lumière des dispositions pertinentes de la directive 2003/88. Il appartiendra au juge national de vérifier que tel est le cas, mais je ne vois pas d’obstacle à
l’interprétation conforme.

83. Dans l’hypothèse où le juge national viendrait à conclure qu’une interprétation conforme à ces dispositions n’est pas possible, il devra vérifier si les conditions permettant d’invoquer l’effet direct des dispositions figurant dans la directive 2003/88 sont réunies.

84. Comme chacun sait, il est nécessaire, en premier lieu, que les dispositions de l’article 3 et de l’article 6, sous b), de la directive 2003/88 soient inconditionnelles et suffisamment claires ( 45 ). Il me semble qu’il ne peut pas y avoir beaucoup de doutes sur ce point, étant donné que la Cour en a déjà jugé ainsi en ce qui concerne l’article 6, sous b), de la directive 2003/88.

85. En second lieu, dès lors qu’il ressort de la décision de renvoi que l’OI POCU MEN est une institution publique qui opère pour le compte de l’État, il est nécessaire que le juge national vérifie si l’ASE est un organisme qui, quelle que soit sa forme juridique, a été chargé en vertu d’un acte de l’autorité publique de fournir, sous le contrôle de cette dernière, un service d’intérêt public et qui dispose, à cet effet, de pouvoirs exorbitants par rapport aux règles applicables dans les relations
entre particuliers ( 46 ). La lecture du dossier ne laisse guère de doute quant à la nature publique de l’ASE, mais il s’agit là d’une constatation de fait qui relève de la compétence du juge national.

IV. Conclusion

86. À la lumière des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre à la demande de décision préjudicielle du Tribunalul Bucureşti (tribunal de grande instance de Bucarest, Roumanie) dans les termes suivants :

1) La notion de « temps de travail », qui est définie à l’article 2, point 1, de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, comme « toute période durant laquelle le travailleur est au travail, à la disposition de l’employeur et dans l’exercice de son activité ou de ses fonctions », se rapporte à tous les contrats de travail conclus par le travailleur avec le même employeur.

2) Les obligations à la charge des États membres qui sont prévues à l’article 3 de la directive 2003/88 (obligation de prendre les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie, au cours de chaque période de vingt-quatre heures, d’une période minimale de repos de onze heures consécutives) et à l’article 6, sous b), de la directive 2003/88 (fixation d’une durée moyenne de travail hebdomadaire n’excédant pas quarante-huit heures, y compris les heures supplémentaires) doivent être
interprétées en ce sens que les limites qu’elles fixent se rapportent à tous les contrats conclus avec le même employeur.

3) Lorsqu’il examine si les limites prévues à l’article 3 et à l’article 6, sous b), de la directive 2003/88 ont été dépassées, le juge national doit vérifier la nature subordonnée des prestations stipulées au contrat, condition d’application de la notion de « travailleur » en droit de l’Union, l’accomplissement effectif des « heures de travail » au sens du droit de l’Union et la non-applicabilité des dérogations prévues à l’article 17 de la directive 2003/88.

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( 1 ) Langue originale : l’italien.

( 2 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail (JO 2003, L 299, p. 9).

( 3 ) Voir arrêt du 3 septembre 2020, Vivendi (C‑719/18, EU:C:2020:627, point 32 et jurisprudence citée).

( 4 ) Voir arrêt du 3 septembre 2020, Vivendi (C‑719/18, EU:C:2020:627, point 33 et jurisprudence citée).

( 5 ) Voir, en ce sens, arrêt du 22 janvier 2020, Baldonedo Martín (C‑177/18, EU:C:2020:26, points 68 et 72 à 74).

( 6 ) Voir, par analogie, arrêt du 26 octobre 2017, Balgarska energiyna borsa (C‑347/16, EU:C:2017:816, points 56 et 58 à 60).

( 7 ) Voir, en ce sens, arrêts du 10 septembre 2015, Federación de Servicios Privados del sindicato Comisiones obreras (C‑266/14, EU:C:2015:578, point 23), et du 9 novembre 2017, Maio Marques da Rosa (C‑306/16, EU:C:2017:844, point 45).

( 8 ) Une jurisprudence constante de la Cour indique en effet que, puisque les articles 1er à 8 de la directive 2003/88 sont rédigés dans des termes en substance identiques à ceux des articles 1er à 8 de la directive 93/104/CE du Conseil, du 23 novembre 1993, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail (JO 1993, L 307, p. 18), telle que modifiée par la directive 2000/34/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 juin 2000 (JO 2000, L 195, p. 41), l’interprétation de ces
articles par la Cour est transposable aux articles susmentionnés de la directive 2003/88 (voir, notamment, ordonnance du 4 mars 2011, Grigore, C‑258/10, non publiée, EU:C:2011:122, point 39 et jurisprudence citée, ainsi que arrêt du 21 février 2018, Matzak, C‑518/15, EU:C:2018:82, point 32).

( 9 ) Voir également, en ce sens, conclusions de l’avocat général Tanchev dans l’affaire King (C‑214/16, EU:C:2017:439, point 36).

( 10 ) Voir arrêt du 14 mai 2019, CCOO (C‑55/18, EU:C:2019:402, points 30 et 31 ainsi que jurisprudence citée). L’article 31 de la Charte énonce que : « 1) Tout travailleur a droit à des conditions de travail qui respectent sa santé, sa sécurité et sa dignité. 2) Tout travailleur a droit à une limitation de la durée maximale du travail et à des périodes de repos journalier et hebdomadaire, ainsi qu’à une période annuelle de congés payés ».

( 11 ) Voir arrêt du 14 mai 2019, CCOO (C‑55/18, EU:C:2019:402, point 36 et jurisprudence citée).

( 12 ) Voir arrêt du 14 mai 2019, CCOO (C‑55/18, EU:C:2019:402, point 37 et jurisprudence citée).

( 13 ) Voir arrêt du 14 mai 2019, CCOO (C‑55/18, EU:C:2019:402, point 44 et jurisprudence citée).

( 14 ) Voir arrêt du 14 mai 2019, CCOO (C‑55/18, EU:C:2019:402, point 45 et jurisprudence citée).

( 15 ) Voir arrêt du 14 mai 2019, CCOO (C‑55/18, EU:C:2019:402, point 32 et jurisprudence citée).

( 16 ) Pour une reconnaissance expresse de cette nature par la Cour, voir point 29 des présentes conclusions et jurisprudence citée.

( 17 ) Voir arrêt du 14 mai 2019, CCOO (C‑55/18, EU:C:2019:402, points 38 et 39 ainsi que jurisprudence citée). Mise en italique par mes soins.

( 18 ) Voir arrêt du 14 mai 2019, CCOO (C‑55/18, EU:C:2019:402, point 43 et jurisprudence citée).

( 19 ) Relative, comme il a été exposé dans les présentes conclusions, à l’éventualité qu’un travailleur conclue plusieurs contrats de travail avec des employeurs différents, éventualité qui appellerait d’autres considérations.

( 20 ) Le raisonnement vaut également pour les limites à la durée hebdomadaire de travail (fixées à quarante-huit heures en moyenne, y compris les heures supplémentaires), dans le cas où la Cour déciderait de ne pas considérer comme irrecevable cette partie de la deuxième question préjudicielle au motif qu’elle n’est pas directement liée aux faits en cause au principal.

( 21 ) Voir point 31 des présentes conclusions.

( 22 ) Pour un raisonnement analogue, toujours au sujet du temps de travail, mais pour ce qui est des systèmes de mesure, voir mes conclusions dans l’affaire CCOO (C‑55/18, EU:C:2019:87, points 74 et suiv.).

( 23 ) Article 4 de la directive 2002/15/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mars 2002, relative à l’aménagement du temps de travail des personnes exécutant des activités mobiles de transport routier (JO 2002, L 80, p. 35).

( 24 ) Rapport du 26 avril 2017, COM(2017) 254 final.

( 25 ) Communication du 24 mai 2017 (JO 2017, C 165, p. 1).

( 26 ) Voir points 41 et suiv. des présentes conclusions.

( 27 ) Voir arrêt du 14 mai 2019, CCOO (C‑55/18, EU:C:2019:402, points 66 et 67 ainsi que jurisprudence citée).

( 28 ) Article 15, paragraphe 1.

( 29 )

( 30 ) Voir arrêt du 26 juillet 2017, Hälvä e.a. (C‑175/16, EU:C:2017:617, point 32 et jurisprudence citée). En effet, la dérogation prévue à l’article 17, paragraphe 1, de la directive 2003/88 doit recevoir une interprétation qui limite sa portée à ce qui est strictement nécessaire pour sauvegarder les intérêts que cette dérogation permet de protéger (arrêt du 26 juillet 2017, Hälvä e.a., C‑175/16, EU:C:2017:617, point 31 et jurisprudence citée).

( 31 ) Voir arrêt du 20 novembre 2018, Sindicatul Familia Constanţa e.a. (C‑147/17, EU:C:2018:926, point 41 et jurisprudence citée).

( 32 ) Voir arrêt du 26 mars 2015, Fenoll (C‑316/13, EU:C:2015:200, point 29 et jurisprudence citée).

( 33 ) Voir arrêt du 20 novembre 2018, Sindicatul Familia Constanţa e.a. (C‑147/17, EU:C:2018:926, point 41 et jurisprudence citée).

( 34 ) Voir arrêt du 20 novembre 2018, Sindicatul Familia Constanţa e.a. (C‑147/17, EU:C:2018:926, point 42 et jurisprudence citée).

( 35 ) Voir, également, point 68 des présentes conclusions en ce qui concerne les dérogations prévues par la directive 2003/88.

( 36 ) Observations écrites, point 64.

( 37 ) Voir arrêts du 10 septembre 2015, Federación de Servicios Privados del sindicato Comisiones obreras (C‑266/14, EU:C:2015:578, point 27), et du 21 février 2018, Matzak (C‑518/15, EU:C:2018:82, point 62).

( 38 ) Qui est le même, comme je l’ai indiqué dans les présentes conclusions, que celui de la directive 2003/88, si bien que les interprétations déjà fournies par la Cour quant aux dispositions de la directive antérieure restent valables.

( 39 ) Arrêt du 9 septembre 2003, Jaeger (C‑151/02, EU:C:2003:437, points 58 et 59).

( 40 ) Mise en italique par mes soins.

( 41 ) Voir arrêt du 27 février 2014, Transportes Jordi Besora (C‑82/12, EU:C:2014:108, point 48 et jurisprudence citée).

( 42 ) Voir arrêt du 3 octobre 2019, Schuch-Ghannadan (C‑274/18, EU:C:2019:828, point 66).

( 43 ) Observations écrites, points 67 et suiv.

( 44 ) Voir arrêts du 6 novembre 2018, Bauer et Willmeroth (C‑569/16 et C‑570/16, EU:C:2018:871, point 65), et du 24 juin 2019, Popławski (C‑573/17, EU:C:2019:530, point 55).

( 45 ) Voir arrêt du 14 octobre 2010, Fuß (C‑243/09, EU:C:2010:609, point 57). À mon avis, le même raisonnement vaut pour l’article 3 de cette directive.

( 46 ) Arrêts du 24 janvier 2012, Dominguez (C‑282/10, EU:C:2012:33, points 38 et 39), et du 12 décembre 2013, Portgás (C‑425/12, EU:C:2013:829, points 23 à 30).


Synthèse
Formation : Cinquième chambre
Numéro d'arrêt : C-585/19
Date de la décision : 11/11/2020
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Renvoi préjudiciel – Politique sociale – Protection de la sécurité et de la santé des travailleurs – Aménagement du temps de travail – Directive 2003/88/CE – Article 2 – Notion de “temps de travail” – Article 3 – Période minimale de repos journalier – Travailleurs ayant conclu plusieurs contrats de travail avec un même employeur – Application par travailleur.

Rapprochement des législations

Libre circulation des travailleurs

Politique sociale


Parties
Demandeurs : Academia de Studii Economice din Bucureşti
Défendeurs : Organismul Intermediar pentru Programul Operaţional Capital Uman – Ministerul Educaţiei Naţionale.

Composition du Tribunal
Avocat général : Pitruzzella

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2020:899

Source

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