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11/11/2020 | CJUE | N°C-300/19

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, UQ contre Marclean Technologies SLU., 11/11/2020, C-300/19


 ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

11 novembre 2020 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Politique sociale – Licenciements collectifs – Directive 98/59/CE – Article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, sous a) – Notion de “licenciement collectif” – Modalités de calcul du nombre de licenciements – Période de référence à prendre en compte »

Dans l’affaire C‑300/19,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Juzgado de lo Social no 3 de Barcelona (t

ribunal du travail no 3 de Barcelone, Espagne), par décision du 25 mars 2019, parvenue à la Cour le 12 avril 2019, dans la pro...

 ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

11 novembre 2020 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Politique sociale – Licenciements collectifs – Directive 98/59/CE – Article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, sous a) – Notion de “licenciement collectif” – Modalités de calcul du nombre de licenciements – Période de référence à prendre en compte »

Dans l’affaire C‑300/19,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Juzgado de lo Social no 3 de Barcelona (tribunal du travail no 3 de Barcelone, Espagne), par décision du 25 mars 2019, parvenue à la Cour le 12 avril 2019, dans la procédure

UQ

contre

Marclean Technologies SLU,

en présence de :

Ministerio Fiscal,

Fondo de Garantía Salarial,

LA COUR (première chambre),

composée de M. J.-C. Bonichot, président de chambre, M. L. Bay Larsen, Mme C. Toader, MM. M. Safjan (rapporteur) et N. Jääskinen, juges,

avocat général : M. M. Bobek,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

– pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna, en qualité d’agent,

– pour la Commission européenne, par M. B.-R. Killmann et Mme S. Pardo Quintillán, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 11 juin 2020,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, sous a), de la directive 98/59/CE du Conseil, du 20 juillet 1998, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux licenciements collectifs (JO 1998, L 225, p. 16).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant UQ à Marclean Technologies SLU au sujet de la légalité de son licenciement individuel.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3 Aux termes des considérants 2 à 4, 7 et 8 de la directive 98/59 :

« (2) considérant qu’il importe de renforcer la protection des travailleurs en cas de licenciements collectifs en tenant compte de la nécessité d’un développement économique et social équilibré dans la Communauté ;

(3) considérant que, malgré une évolution convergente, des différences subsistent entre les dispositions en vigueur dans les États membres en ce qui concerne les modalités et la procédure des licenciements collectifs ainsi que les mesures susceptibles d’atténuer les conséquences de ces licenciements pour les travailleurs ;

(4) considérant que ces différences peuvent avoir une incidence directe sur le fonctionnement du marché intérieur ;

[...]

(7) considérant qu’il est par conséquent nécessaire de promouvoir ce rapprochement dans le progrès au sens de l’article 117 du traité [CE] ;

(8) considérant que, pour le calcul du nombre de licenciements prévu dans la définition des licenciements collectifs au sens de la présente directive, il convient d’assimiler aux licenciements d’autres formes de cessation du contrat de travail intervenues à l’initiative de l’employeur, pour autant que les licenciements soient au moins au nombre de cinq ».

4 La section I de cette directive, intitulée « Définitions et champ d’application », est constituée de l’article 1er de celle-ci, dont le paragraphe 1 énonce :

« Aux fins de l’application de la présente directive :

a) on entend par “licenciements collectifs” : les licenciements effectués par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne des travailleurs lorsque le nombre de licenciements intervenus est, selon le choix effectué par les États membres :

i) soit, pour une période de trente jours :

– au moins égal à 10 dans les établissements employant habituellement plus de 20 et moins de 100 travailleurs,

– au moins égal à 10 % du nombre des travailleurs dans les établissements employant habituellement au moins 100 et moins de 300 travailleurs,

– au moins égal à 30 dans les établissements employant habituellement au moins 300 travailleurs ;

ii) soit, pour une période de quatre-vingt-dix jours, au moins égal à 20, quel que soit le nombre des travailleurs habituellement employés dans les établissements concernés ;

b) [...]

Pour le calcul du nombre de licenciements prévus au premier alinéa, point a), sont assimilées aux licenciements les cessations du contrat de travail intervenues à l’initiative de l’employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne des travailleurs, à condition que les licenciements soient au moins au nombre de cinq. »

Le droit espagnol

5 L’Estatuto de los Trabajadores (statut des travailleurs) résulte du Real Decreto Legislativo 2/2015, por el que se aprueba el texto refundido de la Ley del Estatuto de los Trabajadores (décret royal législatif 2/2015, portant approbation du texte refondu de la loi portant statut des travailleurs), du 23 octobre 2015 (BOE no 255, du 24 octobre 2015, p. 100224). L’article 51 de ce statut, intitulé « Licenciement collectif », énonce, à son paragraphe 1 :

« Aux fins des dispositions de la présente loi, on entend par “licenciement collectif” la cessation de contrats de travail pour des causes économiques, techniques, d’organisation ou de production lorsque, au cours d’une période de 90 jours, elle affecte au minimum :

a) 10 travailleurs dans les entreprises qui en emploient moins de 100 ;

b) 10 % du nombre des travailleurs dans les entreprises qui emploient entre 100 et 300 travailleurs ;

c) 30 travailleurs dans les entreprises qui emploient plus de 300 travailleurs.

[...]

Pour le calcul du nombre de cessations de contrat auquel se réfère le premier alinéa du présent paragraphe, il faut également tenir compte de toutes les autres cessations intervenues au cours de la période de référence à l’initiative de l’entrepreneur pour d’autres motifs non inhérents à la personne du travailleur et distincts de ceux prévus à l’article 49, paragraphe 1, sous c), de la présente loi, pourvu que le nombre de cessations soit au moins égal à cinq.

Lorsque, au cours de périodes successives de 90 jours et en vue d’éluder les prescriptions du présent article, l’entreprise procède à des cessations de contrat au titre de l’article 52, sous c), de la présente loi pour un nombre inférieur aux seuils indiqués et sans qu’il y ait de cause nouvelle justifiant son action, ces cessations nouvelles sont réputées effectuées en fraude à la loi et seront déclarées nulles et de nul effet. »

6 L’article 122 de la Ley 36/2011, reguladora de la jurisdicción social (loi 36/2011, portant réglementation de la juridiction en matière sociale), du 10 octobre 2011 (BOE no 245, du 11 octobre 2011, p. 106584), intitulé « Appréciation de la résiliation du contrat », prévoit :

« 1.   Est déclarée justifiée la décision de cessation du contrat de travail dans le cadre de laquelle l’employeur, après accomplissement des formalités requises, atteste l’existence du motif prévu par la loi, lequel motif est indiqué dans la communication écrite. S’il ne l’atteste pas, cette décision est déclarée abusive.

2.   La décision de résiliation est nulle :

[...]

b) lorsqu’elle a été prise en fraude à la loi, en éludant les dispositions prévues en matière de licenciements collectifs, dans les cas visés à l’article 51, paragraphe 1, dernier alinéa [du statut des travailleurs].

[...] »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

7 Le 31 octobre 2016, UQ a commencé à travailler comme contrôleuse qualité pour le compte de Marclean Technologies. Comme tous les autres travailleurs employés par cette dernière, elle a exercé ses fonctions au sein des établissements de Sandhar Group, où elle a effectué des tâches de contrôle des pièces fabriquées par cette société.

8 Le 28 mai 2018, UQ a été déclarée en situation d’incapacité temporaire de travail.

9 Le 31 mai 2018, Marclean Technologies a notifié à UQ une décision de licenciement. À la date de ce licenciement, Marclean Technologies a reconnu que celui-ci était abusif et cette société a, par la suite, versé à UQ l’indemnisation qui, selon elle, est due dans les cas où un licenciement est déclaré abusif par la justice.

10 Le 11 juin 2018, UQ a formé devant le Juzgado de lo Social no 3 de Barcelona (tribunal du travail no 3 de Barcelone, Espagne), la juridiction de renvoi, un recours contre son licenciement, en demandant que celui-ci soit déclaré nul ou, à titre subsidiaire, abusif.

11 Entre le 31 mai et le 14 août 2018, sept personnes ont cessé de travailler pour Marclean Technologies. Quatre d’entre elles ont arrêté de travailler pour des causes non imputables à leur personne, deux ont cessé de travailler volontairement et la dernière a vu son contrat de travail temporaire arriver à échéance.

12 Le 15 août 2018, 29 autres personnes employées par Marclean Technologies ont cessé de travailler pour cette société. À cette même date, Marclean Technologies a intégralement cessé ses activités. Le 16 août 2018, ces 29 personnes ont commencé à travailler pour le compte de Risk Steward SL.

13 Devant la juridiction de renvoi, Marclean Technologies a produit des documents selon lesquels lesdites 29 personnes avaient présenté des démissions volontaires, datant du 26 juillet 2018, avec effet au 15 août 2018.

14 De son côté, UQ a fait valoir que, puisque ces démissions coïncidaient et que, de cette manière, les travailleurs concernés n’auraient pas droit aux prestations de chômage, cette situation consistait, en réalité, en un licenciement collectif caché. Dès lors, son licenciement devrait être considéré comme étant nul, en application de l’article 122, paragraphe 2, de la loi 36/2011, portant réglementation de la juridiction en matière sociale.

15 Marclean Technologies a rétorqué que le licenciement d’UQ était motivé non seulement par une diminution de l’activité de cette société, mais également par des inexécutions du contrat de travail imputables à cette travailleuse ainsi qu’à d’autres membres du personnel, qui ont également été licenciés.

16 Par ordonnance du 6 février 2019, la juridiction de renvoi a constaté qu’entre 30 et 35 travailleurs avaient été licenciés, ce qui pouvait être qualifié, selon elle, de « licenciement collectif », au sens de l’article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, sous a), de la directive 98/59. Cette juridiction relève que la transposition de cette directive dans le droit espagnol fait référence à une période de 90 jours. À cet égard, elle précise que ses interrogations ne portent pas sur la question de
savoir si la réglementation espagnole est plus favorable que ladite directive à cet égard.

17 Cette juridiction nourrit des doutes quant à la définition de la période de référence de 30 ou de 90 jours à prendre en compte pour considérer que des cessations de contrats de travail constituent un « licenciement collectif », au sens de l’article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, sous a), de la directive 98/59. Elle indique que, au cours des 90 jours à compter de la date de licenciement d’UQ, 35 cessations de travail pour le compte de Marclean Technologies pourraient être prises en compte pour
le calcul du nombre de licenciements, au sens de l’article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, sous a), ii), de cette directive.

18 Toutefois, la juridiction de renvoi souligne que le Tribunal Supremo (Cour suprême, Espagne), dans le cadre de l’interprétation de l’article 51, paragraphe 1, du statut des travailleurs, a considéré que la période de 90 jours visée à cette disposition devait être calculée en se référant exclusivement à la période précédant la date du licenciement contesté.

19 Par ailleurs, l’article 51, paragraphe 1, dernier alinéa, du statut des travailleurs permettrait de prendre en compte les cessations de travail postérieures au licenciement contesté, mais uniquement dans le cas où l’employeur a agi frauduleusement. Cette disposition viserait ainsi à lutter contre les comportements frauduleux consistant à « égrener » les licenciements pour éviter la consultation et la participation des représentants des travailleurs.

20 Selon la juridiction de renvoi, il serait possible d’atteindre cet objectif de consultation et de participation de manière plus rigoureuse en prenant en compte la période de référence aussi bien avant qu’après la date du licenciement du travailleur concerné, ce qui permettrait à celui-ci d’invoquer d’autres licenciements individuels qu’il pouvait ignorer au moment où le sien s’est produit, mais qui, par la suite, additionnés à celui-ci, atteignent le nombre requis pour que soit constatée
l’existence d’un licenciement collectif, au sens de la directive 98/59.

21 À cet égard, l’article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, sous a), de cette directive devrait être interprété de manière autonome. Rien ne s’opposerait à ce que la période de référence prévue à cette disposition soit prise en compte dans toute son étendue, à savoir pour les cessations de travail antérieures ou postérieures au licenciement individuel objet de la procédure, cette période pouvant même être calculée en partie avant et en partie après ledit licenciement.

22 Dans ces conditions, le Juzgado de lo Social no 3 de Barcelona (tribunal du travail no 3 de Barcelone) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) L’article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, sous a), i) et ii), de la directive [98/59] doit-il être interprété en ce sens que les 30 ou les 90 jours pris en compte aux fins de la période de référence fixée pour conclure à l’existence d’un licenciement collectif précèdent toujours la date du licenciement individuel objet de la procédure ?

2) L’article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, sous a), i) et ii), de la directive 98/59 doit-il être interprété en ce sens que les 30 ou les 90 jours pris en compte aux fins de la période de référence fixée pour conclure à l’existence d’un licenciement collectif peuvent suivre la date du licenciement individuel objet de la procédure, sans qu’il soit nécessaire que les cessations de relations de travail postérieures soient considérées comme frauduleuses ?

3) Les périodes de référence prévues à l’article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, sous a), i) et ii), de la directive 98/59 peuvent-elles être interprétées de manière à permettre la prise en compte des licenciements ou des cessations de travail survenus au cours d’une période de 30 ou 90 jours, le licenciement objet de la procédure s’étant produit pendant cette période ? »

Sur les questions préjudicielles

23 Par ses questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, sous a), de la directive 98/59 doit être interprété en ce sens que, aux fins d’apprécier si un licenciement individuel contesté fait partie d’un licenciement collectif, la période de référence de 30 ou de 90 jours prévue à cette disposition doit être calculée en prenant en compte, soit exclusivement une période antérieure à ce licenciement
individuel, soit également une période postérieure audit licenciement, non seulement en cas de fraude, mais même en l’absence de fraude, soit toute période de 30 ou de 90 jours au cours de laquelle ledit licenciement individuel est intervenu.

24 L’article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, sous a), de la directive 98/59 énonce que la notion de « licenciement collectif » vise les licenciements effectués par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne des travailleurs pour autant que certaines conditions de nature quantitative et temporelle sont réunies (arrêts du 10 décembre 2009, Rodríguez Mayor e.a., C‑323/08, EU:C:2009:770, point 35, ainsi que du 22 février 2018, Porras Guisado, C‑103/16, EU:C:2018:99,
point 42).

25 En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que le législateur espagnol a retenu une période de référence de 90 jours. Conformément à l’article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, sous a), ii), de la directive 98/59, le nombre de licenciements intervenus, pour considérer qu’il existe un licenciement collectif, au sens de cette directive, doit, pour une telle période de référence, être au moins égal à 20, quel que soit le nombre des travailleurs habituellement employés dans les
établissements concernés.

26 Il convient d’examiner de quelle manière la période de référence prévue par la réglementation nationale doit être prise en compte d’un point de vue temporel.

27 À cet égard, aux fins du calcul des seuils fixés à l’article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, sous a), i) et ii), de la directive 98/59, il y a lieu de rappeler que cette directive ne saurait être interprétée en ce sens que les modalités de calcul de ces seuils, et partant lesdits seuils eux-mêmes, sont à la disposition des États membres, dès lors qu’une telle interprétation permettrait à ces derniers d’altérer le champ d’application de ladite directive et de priver ainsi celle-ci de son plein
effet (arrêts du 18 janvier 2007, Confédération générale du travail e.a., C‑385/05, EU:C:2007:37, point 47, ainsi que du 11 novembre 2015, Pujante Rivera, C‑422/14, EU:C:2015:743, point 31).

28 La juridiction de renvoi envisage, dans ses questions, trois méthodes possibles aux fins de déterminer si le nombre de licenciements requis à l’article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, sous a), de la directive 98/59 a été atteint. Elle se réfère, en premier lieu, à deux méthodes consistant, lorsqu’un licenciement individuel est contesté, à calculer la période de référence en prenant en compte, soit exclusivement la période antérieure à ce licenciement, soit également la période postérieure
audit licenciement, en cas de fraude. En second lieu, selon la troisième méthode que cette juridiction suggère, la période de référence est constituée de toute période de 30 ou de 90 jours au cours de laquelle le licenciement individuel contesté est intervenu, sans qu’il soit établi de distinction selon que cette période est antérieure, postérieure ou est en partie située avant ou après ce licenciement individuel.

29 Or, il convient de constater que ni la première ni la deuxième méthode présentées par la juridiction de renvoi ne sont conformes à la directive 98/59.

30 En effet, d’une part, le libellé même de l’article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, sous a), de cette directive ne contient aucune mention d’une limite temporelle exclusivement antérieure ou postérieure au licenciement individuel contesté pour calculer le nombre de licenciements intervenus.

31 D’autre part et surtout, l’application des deux premières méthodes présentées par la juridiction de renvoi serait susceptible de porter atteinte à la finalité de la directive 98/59 qui vise, ainsi qu’il ressort de son considérant 2, notamment le renforcement de la protection des travailleurs en cas de licenciements collectifs.

32 En effet, limiter la période de référence soit exclusivement à la période antérieure au licenciement individuel contesté, soit également à la période postérieure audit licenciement en cas de fraude pourrait restreindre les droits des travailleurs concernés, en ce que ces deux méthodes empêcheraient de prendre en compte des licenciements intervenus dans une période de 30 ou de 90 jours, mais en dehors de cette période antérieure ou de la période postérieure, même si le nombre total de
licenciements a dépassé le nombre requis à l’article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, sous a), de la directive 98/59.

33 En revanche, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 32 de ses conclusions, il résulte de l’économie et de la finalité de cette directive que celle-ci impose qu’une telle période soit continue.

34 S’agissant de la troisième méthode présentée par la juridiction de renvoi, selon laquelle la période de référence est constituée de toute période de 30 ou de 90 jours au cours de laquelle le licenciement individuel contesté est intervenu, il y a lieu de constater que cette méthode apparaît comme étant la seule qui soit conforme à la finalité de cette directive, telle que rappelée au point 31 du présent arrêt, et au respect de son effet utile.

35 Le plein effet de cette directive se trouverait limité, en contradiction avec la finalité qu’elle poursuit, si elle était interprétée en ce sens que les juridictions nationales ne peuvent tenir compte des licenciements intervenus avant ou après la date du licenciement individuel contesté en vue d’établir ou non l’existence d’un licenciement collectif, au sens de ladite directive.

36 Par conséquent, ainsi que l’a relevé la Commission européenne dans ses observations écrites, il y a lieu d’examiner la période couvrant le licenciement individuel contesté et pendant laquelle s’est produit le plus grand nombre de licenciements effectués par l’employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne des travailleurs, au sens de l’article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, sous a), de la directive 98/59.

37 Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre aux questions posées que l’article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, sous a), de la directive 98/59 doit être interprété en ce sens que, aux fins d’apprécier si un licenciement individuel contesté fait partie d’un licenciement collectif, la période de référence prévue à cette disposition pour déterminer l’existence d’un licenciement collectif doit être calculée en prenant en compte toute période de 30 ou de 90 jours consécutifs
au cours de laquelle ce licenciement individuel est intervenu et pendant laquelle s’est produit le plus grand nombre de licenciements effectués par l’employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du travailleur, au sens de cette même disposition.

Sur les dépens

38 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit :

  L’article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, sous a), de la directive 98/59/CE du Conseil, du 20 juillet 1998, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux licenciements collectifs, doit être interprété en ce sens que, aux fins d’apprécier si un licenciement individuel contesté fait partie d’un licenciement collectif, la période de référence prévue à cette disposition pour déterminer l’existence d’un licenciement collectif doit être calculée en prenant en compte
toute période de 30 ou de 90 jours consécutifs au cours de laquelle ce licenciement individuel est intervenu et pendant laquelle s’est produit le plus grand nombre de licenciements effectués par l’employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du travailleur, au sens de cette même disposition.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure : l’espagnol.


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : C-300/19
Date de la décision : 11/11/2020
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par le Juzgado de lo Social n° 3 de Barcelona.

Renvoi préjudiciel – Politique sociale – Licenciements collectifs – Directive 98/59/CE – Article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, sous a) – Notion de “licenciement collectif” – Modalités de calcul du nombre de licenciements – Période de référence à prendre en compte.

Rapprochement des législations

Politique sociale


Parties
Demandeurs : UQ
Défendeurs : Marclean Technologies SLU.

Composition du Tribunal
Avocat général : Bobek
Rapporteur ?: Safjan

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2020:898

Source

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