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12/12/2014 | CJUE | N°T-342/14

CJUE | CJUE, Ordonnance du Tribunal, CR contre Parlement européen et Conseil de l'Union européenne., 12/12/2014, T-342/14


ORDONNANCE DU TRIBUNAL (chambre des pourvois)

12 décembre 2014 ( *1 )

«Pourvoi — Fonction publique — Fonctionnaires — Rémunération — Allocations familiales — Allocation pour enfant à charge — Répétition de l’indu — Exception d’illégalité de l’article 85, paragraphe 2, du statut — Sécurité juridique — Proportionnalité — Obligation de motivation — Pourvoi manifestement non fondé»

Dans l’affaire T‑342/14 P,

ayant pour objet un pourvoi formé contre l’arrêt du Tribunal de la fonction publique de l’Union

européenne (troisième chambre) du 12 mars 2014, CR/Parlement (F‑128/12, RecFP, EU:F:2014:38), et tendant à l’annulation de cet ...

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (chambre des pourvois)

12 décembre 2014 ( *1 )

«Pourvoi — Fonction publique — Fonctionnaires — Rémunération — Allocations familiales — Allocation pour enfant à charge — Répétition de l’indu — Exception d’illégalité de l’article 85, paragraphe 2, du statut — Sécurité juridique — Proportionnalité — Obligation de motivation — Pourvoi manifestement non fondé»

Dans l’affaire T‑342/14 P,

ayant pour objet un pourvoi formé contre l’arrêt du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (troisième chambre) du 12 mars 2014, CR/Parlement (F‑128/12, RecFP, EU:F:2014:38), et tendant à l’annulation de cet arrêt,

CR, ancien fonctionnaire du Parlement européen, demeurant à Malling (France), représenté par Me A. Salerno, avocat,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant

Parlement européen, représenté par Mmes V. Montebello-Demogeot et E. Taneva, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

et

Conseil de l’Union européenne, représenté initialement par MM. M. Bauer et A. Bisch, puis par MM. Bauer et E. Rebasti, en qualité d’agents

partie intervenante en première instance,

LE TRIBUNAL (chambre des pourvois),

composé de MM. M. Jaeger, président, S. Papasavvas (rapporteur) et S. Frimodt Nielsen, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

1 Par son pourvoi, introduit au titre de l’article 9 de l’annexe I du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, le requérant, M. CR, demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (troisième chambre) du 12 mars 2014, CR/Parlement et Conseil (F‑128/12, RecFP, ci-après l’«arrêt attaqué», EU:F:2014:38), par lequel celui-ci a rejeté son recours ayant pour objet l’annulation, d’une part, de la décision du 9 décembre 2011 de l’autorité investie du
pouvoir de nomination du Parlement européen (ci-après l’«AIPN») de procéder à la récupération de l’ensemble des sommes indûment perçues par M. CR au titre de l’allocation pour enfant à charge (ci-après la «décision litigieuse») et, d’autre part et pour autant que de besoin, de la décision du 2 juillet 2012 portant rejet de sa réclamation introduite contre la décision litigieuse.

Faits à l’origine du litige

2 Les faits à l’origine du litige sont énoncés, aux points 4 à 12 de l’arrêt attaqué, dans les termes suivants :

«4 [M. CR], fonctionnaire de grade AD 12, est entré en fonction au Parlement le 1er juillet 1983 et y a occupé depuis cette date différentes positions administratives. En particulier, à partir du 1er janvier 2004 et jusqu’au mois de mai 2008, il a été affecté au service juridique où, entre le 1er février 2005 et le 30 avril 2008, il faisait partie d’une unité qui travaillait sur les droits statutaires.

5 Père de quatre enfants, [M. CR] a bénéficié, à partir du mois d’octobre 1991, de l’allocation pour enfant à charge prévue par l’article 67, paragraphe 1, sous b), du statut [des fonctionnaires des Communautés européennes].

6 Par note du 13 octobre 2011, le chef de l’unité ‘Droits individuels et rémunérations’, au sein de la direction ‘Gestion de la vie administrative’ de la direction générale du personnel du Parlement a signalé [à M. CR] que les données à la disposition du Parlement laissaient à penser qu’il avait le droit de bénéficier d’allocations pour enfant à charge versées par les autorités françaises et lui a demandé de présenter un justificatif de la Caisse d’allocations familiales (ci-après la ‘CAF’) de son
lieu de résidence concernant sa situation, à savoir soit une attestation de paiement soit un refus de paiement. Il était ensuite indiqué que, faute de fournir ce justificatif avant le 31 octobre 2011, premièrement, l’allocation pour enfant à charge versée jusque-là allait être diminuée du montant que [M. CR] était susceptible de recevoir de la CAF et, deuxièmement, l’administration allait procéder à une révision détaillée de son dossier ainsi que, le cas échéant, à la récupération de toute somme
indûment payée.

7 Suite à la réception de la note du 13 octobre 2011, [M. CR] a pris contact avec la CAF pour demander le justificatif requis par le Parlement et a informé l’administration du Parlement qu’il pensait qu’il ne serait pas en mesure de l’obtenir dans le délai fixé.

8 Par lettre du 11 novembre 2011, le chef de l’unité ‘Droits individuels et rémunérations’ a informé [M. CR] que, puisqu’il n’avait pas fourni le justificatif requis dans le délai imparti, l’allocation pour enfant à charge servie par le Parlement allait être diminuée d’office, à partir du mois de décembre 2011, du montant représentant la somme qu’il était susceptible de recevoir de la CAF. La note ajoutait que cette diminution allait être appliquée rétroactivement depuis la date de naissance du
deuxième enfant d[e M. CR], en janvier 1996, événement ayant ouvert le droit à l’allocation versée par la CAF.

9 Par note du 9 décembre 2011, le directeur de la direction ‘Gestion de la vie administrative’ (ci-après le ‘directeur’) a informé [M. CR] que l’examen de son dossier avait permis de constater qu’il était bénéficiaire d’allocations familiales versées par la CAF ‘depuis septembre 1999, suite à la naissance de [son] deuxième enfant’. Selon le directeur, [M. CR] avait ‘délibérément induit l’administration en erreur en vue d’obtenir le versement des allocations familiales sans déduction des montants
de même nature versés par ailleurs’, puisqu’il avait omis de faire état à l’administration des allocations nationales qu’il percevait et de mettre à jour ses données dans la fiche annuelle de renseignements des deux dernières années. Par suite, considérant que les conditions de l’article 85, second alinéa, seconde phrase, du statut étaient remplies, le directeur a informé [M. CR] qu’en sa qualité d’[AIPN] il avait décidé de procéder à la récupération des sommes indûment perçues non pas seulement
depuis les cinq dernières années, mais depuis septembre 1999, et ce en opérant des retenues sur son traitement de janvier 2012 à janvier 2014 […]

10 Par lettre du 5 janvier 2012, la CAF a répondu à la demande d’informations d[e] [M. CR] et lui a délivré un relevé pour la période comprise entre le 1er avril 1998 et le 31 décembre 2011 des prestations qu’il avait perçues de cette dernière, parmi lesquelles une prestation dénommée ‘allocation familiale’ versée à partir de septembre 1999. Par ailleurs, la CAF indiquait [à M. CR] qu’il n’était pas possible d’établir une attestation à compter du mois de janvier 1996.

11 Le 7 mars 2012, [M. CR] a introduit une réclamation sur le fondement de l’article 90, paragraphe 2, du statut, à l’encontre de la décision litigieuse uniquement en ce qu’elle imposait la récupération des sommes indûment perçues au-delà de la période quinquennale. En effet, [M. CR] ne contestait pas la récupération des sommes indûment perçues les cinq dernières années.

12 Par décision du 2 juillet 2012, le secrétaire général du Parlement, agissant en tant qu’AIPN, a rejeté la réclamation, tout en informant [M. CR] que le service compétent avait procédé à un nouveau calcul du montant à récupérer sur la base des informations communiquées par la lettre de la CAF du 5 janvier 2012.»

Procédure en première instance et arrêt attaqué

3 Par requête déposée au greffe du Tribunal de la fonction publique le 29 octobre 2012, M. CR a introduit un recours, enregistré sous la référence F‑128/12, tendant, d’une part, à l’annulation partielle de la décision litigieuse, et, d’autre part et pour autant que de besoin, à l’annulation de la décision portant rejet de sa réclamation introduite contre cette dernière, ainsi qu’à la condamnation du Parlement aux dépens de l’instance.

4 Par mémoire parvenu au greffe du Tribunal de la fonction publique le 1er mars 2013, le Conseil de l’Union européenne a demandé à intervenir au soutien des conclusions du Parlement. Par ordonnance du 8 mai 2013, le président de la troisième chambre dudit Tribunal de la fonction publique a fait droit à cette demande.

5 Par l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a, tout d’abord, relevé que les conclusions tendant à l’annulation de la décision de rejet de la réclamation étaient dépourvues de contenu autonome et devaient être regardées comme étant formellement dirigées contre la décision litigieuse, telle que précisée par la décision de rejet de la réclamation. Il a, ensuite, relevé, s’agissant des conclusions visant à l’annulation de la décision litigieuse, que M. CR avait invoqué, en substance, deux
moyens, tirés, respectivement, le premier, d’une violation de l’article 85, second alinéa, seconde phrase, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le «statut») et, le second, de l’illégalité de cette même disposition, soulevée par la voie de l’exception.

6 Après avoir examiné d’office la recevabilité du second moyen, tiré de l’illégalité de l’article 85, second alinéa, seconde phrase, du statut, lequel a été soulevé pour la première fois devant lui, et l’avoir déclaré recevable, le Tribunal de la fonction publique a rejeté ledit moyen, pris en ses deux branches, au fond. En particulier, le Tribunal de la fonction publique a constaté que l’inopposabilité à l’administration du délai de prescription quinquennale pour l’exercice de l’action de
répétition de l’indu, lorsqu’elle était en mesure d’établir que l’intéressé l’avait délibérément induite en erreur, n’était contraire ni au principe de sécurité juridique ni au principe de proportionnalité.

7 S’agissant du premier moyen, tiré de la violation de l’article 85, second alinéa, seconde phrase, du statut, le Tribunal de la fonction publique a constaté que les éléments de preuve sur lesquels était fondée la décision litigieuse étaient susceptibles de prouver à suffisance de droit la volonté de M. CR d’induire l’administration en erreur et que les conditions requises par l’article 85, second alinéa, seconde phrase, du statut, étaient donc remplies. Il a, ainsi, rejeté le moyen en cause comme
étant dénué de tout fondement en droit et, par voie de conséquence, l’intégralité du recours.

Procédure devant le Tribunal et conclusions des parties

Procédure

8 Par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 19 mai 2014, M. CR a formé le présent pourvoi.

9 Par décision du même jour, le Tribunal a, d’office, en application de l’article 18, paragraphe 4, des instructions au greffier, accordé l’anonymat à M. CR.

10 M. CR n’ayant pas déposé de demande afin d’être autorisé à déposer un mémoire en réplique dans le délai prévu à l’article 143, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, la procédure écrite a été clôturée le 22 septembre 2014, ce dont les parties ont été informées par lettre du greffier du Tribunal du 29 septembre suivant.

Conclusions des parties

11 M. CR conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

— à titre principal, annuler l’arrêt attaqué ;

— régler le litige en annulant la décision litigieuse, pour autant que celle-ci lui impose le remboursement de l’intégralité des sommes indûment perçues au titre des allocations familiales ;

— à titre subsidiaire, renvoyer l’affaire devant le Tribunal de la fonction publique ;

— condamner le Parlement aux dépens afférents à la procédure en première instance ainsi qu’à la procédure du pourvoi.

12 Le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

— rejeter le pourvoi comme non fondé ;

— condamner M. CR aux dépens.

13 Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

— rejeter le pourvoi comme non fondé ;

— condamner M. CR aux dépens.

Sur le pourvoi

14 En vertu de l’article 145 du règlement de procédure, le Tribunal peut, lorsque le pourvoi est manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, le rejeter à tout moment par voie d’ordonnance motivée. En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide, en application de cet article, de statuer sans poursuivre la procédure.

15 À l’appui de son pourvoi, M. CR soulève, en substance, un moyen unique, tiré d’une erreur de droit, subdivisé en deux branches. Par la première branche, il fait valoir que le Tribunal de la fonction publique a considéré à tort que l’article 85, second alinéa, seconde phrase, du statut était conforme au principe de sécurité juridique. Par la seconde branche, il soutient que le Tribunal de la fonction publique a violé l’obligation de motivation, en ce qu’il ne se serait pas prononcé sur la
violation du principe de proportionnalité, invoquée à l’encontre de cette même disposition.

16 À titre liminaire, il y a lieu de constater que, dans la mesure où M. CR, dans le cadre du présent pourvoi, se limite à contester l’arrêt attaqué en ce qu’il rejette le moyen tiré de l’illégalité de l’article 85, second alinéa, seconde phrase, du statut comme non fondé et qu’il ne remet nullement en cause les appréciations du Tribunal de la fonction publique relatives au moyen tiré de la violation de ladite disposition (voir point 7 ci-dessus), ces dernières sont devenues définitives (voir, en ce
sens, arrêt du 18 juin 2009, Commission/Traore, T‑572/08 P, RecFP, EU:T:2009:209, point 55 et jurisprudence citée).

Sur la première branche du moyen unique, tirée d’une erreur de droit viciant l’arrêt attaqué, en ce que le Tribunal de la fonction publique a jugé que l’article 85, second alinéa, seconde phrase, du statut était conforme au principe de sécurité juridique

17 Aux termes de l’article 85, premier alinéa, du statut, toute somme indûment perçue donne lieu à répétition si le bénéficiaire a eu connaissance de l’irrégularité du versement ou si celle-ci était si évidente qu’il ne pouvait manquer d’en avoir connaissance.

18 En vertu de l’article 85, second alinéa, du statut, la demande de répétition doit intervenir au plus tard au terme d’un délai de cinq ans commençant à courir à compter de la date à laquelle la somme a été versée. Ce délai n’est pas opposable à l’AIPN lorsque celle-ci est en mesure d’établir que l’intéressé a délibérément induit l’administration en erreur en vue d’obtenir le versement de la somme considérée.

19 M. CR fait valoir que le raisonnement du Tribunal de la fonction publique méconnaît les exigences du principe de sécurité juridique. À cet égard, il soutient que, compte tenu du fait que ledit principe constitue un principe général du droit, l’affirmation selon laquelle, lorsque le législateur édicte des règles de prescription et fixe des délais encadrant l’action de l’administration, il serait libre d’arbitrer entre les exigences dudit principe et celui de légalité en échappant à la censure du
juge serait contradictoire. Par ailleurs, M. CR considère que les circonstances que, d’une part, même en l’absence de prescription, l’administration est tenue d’agir dans un délai raisonnable et que, d’autre part, le respect d’un tel délai est susceptible d’être contrôlé par le juge, n’offrent pas le même niveau de sécurité juridique que l’existence d’un délai de prescription fixe.

20 Le Parlement et le Conseil contestent cette argumentation.

21 Il importe de relever, tout d’abord, qu’il résulte de l’argumentation que M. CR a invoquée devant le Tribunal de la fonction publique, telle que résumée au point 47 de l’arrêt attaqué, que celui-ci, sans remettre en cause le caractère irrégulier des sommes qu’il avait indûment perçues (voir point 69 de l’arrêt attaqué), faisait valoir, en substance, que l’inopposabilité à l’administration du délai de prescription quinquennale aux fins de l’exercice de l’action en répétition de l’indu, dans les
circonstances visées par l’article 85, second alinéa, seconde phrase, du statut, se heurtait au principe de sécurité juridique.

22 Force est de constater d’emblée que l’arrêt attaqué a apporté une réponse appropriée à cette argumentation, sans qu’aucune contradiction de motifs puisse être relevée.

23 En effet, ainsi que le Tribunal de la fonction publique l’a rappelé, en se référant à une jurisprudence constante de la Cour, pour remplir sa fonction, qui est d’assurer la sécurité juridique, un délai de prescription doit être fixé d’avance et la fixation de sa durée ainsi que de ses modalités d’application relèvent de la compétence du législateur de l’Union européenne (voir arrêt du 2 octobre 2003, International Power e.a./NALOO, C‑172/01 P, C‑175/01 P, C‑176/01 P et C‑180/01 P, Rec,
EU:C:2003:534, point 106 et jurisprudence citée). Le Tribunal de la fonction publique s’est ensuite appuyé, à juste titre, sur la jurisprudence du Tribunal relative au pouvoir discrétionnaire dont dispose le législateur aux fins de l’institution de la prescription des délais (arrêt du 6 octobre 2005, Sumitomo Chemical et Sumika Fine Chemicals/Commission, T‑22/02 et T‑23/02, Rec, EU:T:2005:349, points 82 et 83). Il en a déduit, à bon droit, que l’inopposabilité du délai de cinq ans à l’action de
l’administration en répétition de l’indu, lorsque celle-ci est en mesure d’établir que l’intéressé l’a délibérément induite en erreur, n’était pas contraire au principe de sécurité juridique, pourvu qu’elle agisse dans un délai raisonnable. Il a ainsi rejeté le grief soulevé devant lui, sans qu’il ait été nécessaire d’examiner si l’administration avait agi dans un délai raisonnable en l’espèce, faute pour M. CR d’avoir présenté des arguments sur ce point.

24 Il convient de relever, au demeurant, que M. CR avait invoqué cette même jurisprudence à l’appui de ses prétentions dans le recours en première instance. Or, contrairement aux affirmations de ce dernier, il ne saurait en être déduit que, en l’absence de délai impératif fixé par une règle du droit de l’Union, il y a violation du principe de sécurité juridique. Au contraire, ainsi qu’il résulte de la jurisprudence citée au point 50 de l’arrêt attaqué, l’obligation de l’administration d’agir dans un
délai raisonnable, dont le respect est susceptible d’être contrôlé par le juge de l’Union, offre un niveau de protection suffisant dans les situations où aucun délai de prescription n’est fixé par les textes.

25 La jurisprudence bien établie sur laquelle s’est fondé le Tribunal de la fonction publique ne saurait non plus être remise en cause par l’argument de M. CR, tiré d’une référence vague à un arrêt de la Cour européenne de droits de l’homme (voir Cour eur. D. H., arrêt Oleksandr Volkov c. Ukraine, no 21722/11, 9 janvier 2013). En effet, force est de constater que l’absence de délai de prescription pour l’imposition d’une sanction disciplinaire par les autorités nationales à l’égard d’un juge
national ne saurait être comparée à l’absence de délai de prescription aux fins de la récupération de sommes indûment perçues en cas de fraude par un fonctionnaire d’une institution de l’Union. Par ailleurs et en dépit du fait que la Cour européenne des droits de l’homme a considéré dans cet arrêt que l’imprescriptibilité de l’imposition d’une telle sanction était contraire au principe de sécurité juridique, il n’en demeure pas moins qu’elle ne s’est pas prononcée sur l’existence d’une obligation
impartie aux autorités ukrainiennes afin qu’elles agissent dans un délai raisonnable, laquelle pèse sur les institutions de l’Union. En tout état de cause, l’argument de M. CR est dénué de pertinence dans le cadre de l’examen du présent grief, dès lors qu’il semble viser l’appréciation portée par le Tribunal de la fonction publique sur la proportionnalité de la mesure par rapport au but poursuivi par l’article 85, second alinéa, seconde phrase, du statut.

26 Enfin, pour autant que les arguments de M. CR puissent être compris comme mettant en cause l’impartialité du juge et sa faculté d’apprécier si l’administration a respecté le délai raisonnable, il suffit de constater que, selon le Tribunal de la fonction publique, M. CR n’avait pas formulé de reproches à l’égard de l’administration en ce qu’elle n’aurait pas agi dans un délai raisonnable et que ce dernier ne conteste pas cette appréciation dans le cadre du présent pourvoi. Partant, force est de
constater que c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal de la fonction publique a considéré, au point 51 de l’arrêt attaqué, qu’il n’y avait pas lieu de se pencher sur la question de savoir si l’administration avait effectivement agi dans un délai raisonnable.

27 À supposer même que tel aurait pu être le cas, une constatation selon laquelle l’administration aurait violé le délai raisonnable n’aurait pas pu conduire à déclarer illégale la disposition du statut en cause, de sorte que le grief aurait, en tout état de cause, été déclaré inopérant.

28 Partant, il convient de conclure que c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal de la fonction publique a écarté l’illégalité invoquée.

29 Dans ces conditions, il y lieu de rejeter la première branche du moyen unique comme étant manifestement non fondée.

Sur la seconde branche du moyen unique, tirée d’une violation de l’obligation de motivation, en ce que le Tribunal de la fonction publique a omis de répondre au grief tiré de la violation du principe de proportionnalité, invoquée à l’égard de l’article 85, second alinéa, seconde phrase, du statut

30 M. CR soutient que le Tribunal de la fonction publique n’a pas répondu à la question de savoir si l’absence de tout délai de prescription à l’action de l’administration était nécessaire pour que l’objectif poursuivi par l’article 85, second alinéa, seconde phrase, du statut, à savoir sanctionner un comportement qu’elle considérait comme étant entaché de fraude, soit atteint.

31 Le Parlement et le Conseil contestent cette argumentation.

32 Par le présent grief, M. CR invoque, en substance, une violation de l’obligation de motivation.

33 Il convient de rappeler, à cet égard, que, dans le cadre du pourvoi, le contrôle du Tribunal a pour objet, notamment, de vérifier si le Tribunal de la fonction publique a répondu à suffisance de droit à l’ensemble des arguments invoqués par M. CR. Toutefois, l’obligation pour le Tribunal de la fonction publique de motiver ses décisions ne saurait être interprétée comme impliquant que celui-ci fût tenu de répondre dans le détail à chaque argument invoqué par M. CR, en particulier s’il ne revêtait
pas un caractère suffisamment clair et précis (voir arrêt du 15 octobre 2014, Cour des comptes/BF, T‑663/13 P, RecFP, EU:T:2014:883, point 70 et jurisprudence citée).

34 Force est de relever que, contrairement à ce que prétend M. CR, il ressort de l’analyse figurant aux points 56 à 64 de l’arrêt attaqué que le Tribunal de la fonction publique a répondu à suffisance de droit à la question de l’illégalité de l’article 85, second alinéa, seconde phrase, du statut, invoquée à l’égard du principe de proportionnalité. En effet, il importe de relever que, dans un premier temps, aux points 56 à 58 de l’arrêt attaqué, ledit Tribunal a examiné l’argument de M. CR selon
lequel l’absence de tout délai de prescription à l’action de l’administration pour la récupération de sommes indûment perçues serait illégale au regard dudit principe. À cet égard, il a relevé que la jurisprudence invoquée par M. CR visait l’interprétation d’un règlement relatif, notamment, à des sanctions administratives applicables à des irrégularités commises par des opérateurs économiques et qu’elle n’était donc pas pertinente pour les relations entre les institutions de l’Union et leurs
agents. Il a, en tout état de cause, écarté la thèse de M. CR selon laquelle un délai de prescription trentenaire et, à plus forte raison, l’absence totale de délai de prescription à l’action de l’administration étaient contraires au principe de proportionnalité, comme non fondée.

35 Dans un second temps, le Tribunal de la fonction publique a examiné la légalité de l’article 85, second alinéa, seconde phrase, du statut, conformément à une jurisprudence bien établie, à la lumière de l’objectif poursuivi par ladite disposition, qui visait, de toute évidence, la protection des intérêts financiers de l’Union dans le contexte spécifique des relations entre les institutions de l’Union et leurs agents, c’est-à-dire les personnes liées à ces institutions par le devoir de loyauté
prévu à l’article 11 du statut. Il en a déduit que, dans la situation particulière visée par cette disposition, imposant à l’administration, dans le cas où elle est en mesure d’établir que l’agent concerné l’a délibérément induite en erreur, et ce en méconnaissance de son devoir de loyauté, l’obligation de récupérer intégralement les sommes indûment perçues, l’inopposabilité du délai de prescription quinquennale n’allait pas au-delà de ce qui était nécessaire pour atteindre l’objectif poursuivi
et qu’elle était d’ailleurs compatible avec l’article 73 bis du règlement (CE, Euratom) no 1995/2006 du Conseil, du 13 décembre 2006, modifiant le règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO L 390, p. 1), également invoqué par M. CR.

36 Il s’ensuit que l’appréciation du Tribunal de la fonction publique relative à la violation du principe de proportionnalité, soulevée par M. CR par la voie de l’exception d’illégalité, est conforme aux exigences requises par la jurisprudence citée au point 33 ci-dessus et que l’arrêt attaqué est donc suffisamment motivé.

37 Quant aux arguments de M. CR par lesquels il admet que, en cas de mauvaise foi établie, le bénéfice de la prescription quinquennale puisse lui être refusé à titre de sanction, tout en contestant la possibilité qu’une telle sanction puisse revêtir la forme d’une absence totale de prescription, force est de relever qu’ils sont dénués de pertinence dans le cadre du présent grief, dès lors qu’ils visent à contester le bien-fondé des motifs de l’arrêt attaqué (voir, en ce sens, ordonnance du
16 septembre 2013, Bouillez/Conseil, T‑31/13 P, RecFP, EU:T:2013:521, point 20 et jurisprudence citée).

38 Au vu de ce qui précède, il suffit de constater que l’arrêt attaqué n’est entaché d’aucune erreur de droit et, par suite, de rejeter la seconde branche du moyen unique, ainsi que le pourvoi dans son ensemble, comme étant manifestement non fondés.

Sur les dépens

39 Conformément à l’article 148, premier alinéa, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, le Tribunal statue sur les dépens. En outre, aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 144 de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Par ailleurs, conformément à l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa, dudit règlement, les institutions qui sont
intervenues au litige supportent leurs propres dépens.

40 En l’espèce, M. CR ayant succombé et le Parlement ayant conclu en ce sens, il suffit de constater que M. CR supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par le Parlement dans le cadre de la présente instance. Le Conseil supportera ses propres dépens.

  Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (chambre des pourvois)

ordonne :

  1) Le pourvoi est rejeté.

  2) M. CR supportera ses propres dépens, ainsi que ceux exposés par le Parlement européen dans le cadre de la présente instance.

  3) Le Conseil de l’Union européenne supportera ses propres dépens.

  Fait à Luxembourg, le 12 décembre 2014.

Le greffier

E. Coulon
 
Le président

M. Jaeger

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( *1 ) Langue de procédure : le français.


Synthèse
Formation : Chambre des pourvois
Numéro d'arrêt : T-342/14
Date de la décision : 12/12/2014
Type d'affaire : Pourvoi - non fondé
Type de recours : Recours de fonctionnaires

Analyses

Pourvoi - Fonction publique - Fonctionnaires - Rémunération - Allocations familiales - Allocation pour enfant à charge - Répétition de l’indu - Exception d’illégalité de l’article 85, paragraphe 2, du statut - Sécurité juridique - Proportionnalité - Obligation de motivation - Pourvoi manifestement non fondé.

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents


Parties
Demandeurs : CR
Défendeurs : Parlement européen et Conseil de l'Union européenne.

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Papasavvas

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:T:2014:1084

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