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22/09/2005 | CJUE | N°C-221/03

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Commission des Communautés européennes contre Royaume de Belgique., 22/09/2005, C-221/03


Affaire C-221/03

Commission des Communautés européennes

contre

Royaume de Belgique

«Manquement d'État — Directive 91/676/CEE — Transposition incomplète — Protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles — Non-définition des eaux polluées ou susceptibles de l'être — Désignation incorrecte et insuffisante des zones vulnérables — Code de bonne pratique agricole — Insuffisances — Programme d'action — Insuffisances et application incomplète»

Conclusions de l'avocat général M. L.

A. Geelhoed, présentées le 3 mars 2005

Arrêt de la Cour (troisième chambre) du 22 septembre 2005

Som...

Affaire C-221/03

Commission des Communautés européennes

contre

Royaume de Belgique

«Manquement d'État — Directive 91/676/CEE — Transposition incomplète — Protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles — Non-définition des eaux polluées ou susceptibles de l'être — Désignation incorrecte et insuffisante des zones vulnérables — Code de bonne pratique agricole — Insuffisances — Programme d'action — Insuffisances et application incomplète»

Conclusions de l'avocat général M. L. A. Geelhoed, présentées le 3 mars 2005

Arrêt de la Cour (troisième chambre) du 22 septembre 2005

Sommaire de l'arrêt

1. Recours en manquement — Objet du litige — Détermination au cours de la procédure précontentieuse — Adaptation purement formelle des griefs postérieurement à l'avis motivé, en raison d'une modification de la législation nationale — Législation remédiant partiellement aux griefs formulés dans l'avis motivé — Admissibilité — Griefs nouveaux à l'encontre de cette législation nationale modifiée — Irrecevabilité

(Art. 226 CE)

2. Recours en manquement — Examen du bien-fondé par la Cour — Situation à prendre en considération — Situation à l'expiration du délai fixé par l'avis motivé — Mesures de transposition adoptées postérieurement — Effet rétroactif — Incidence sur la détermination de l'existence d'un manquement — Absence

(Art. 226 CE)

3. Environnement — Protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles — Directive 91/676 — Identification des eaux atteintes par la pollution — Désignation des zones vulnérables — Obligations des États membres — Portée

(Directive du Conseil 91/676, art. 3, § 1 et 2, et annexe I)

4. Environnement — Protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles — Directive 91/676 — Réexamen de la liste des zones vulnérables désignées — Portée

(Directive du Conseil 91/676, art. 3, § 4)

1. L'objet d'un recours en manquement intenté en application de l'article 226 CE est circonscrit par la procédure précontentieuse prévue par cette disposition, de sorte que la requête ne peut être fondée sur des griefs autres que ceux indiqués durant la procédure précontentieuse. Cette exigence ne saurait toutefois aller jusqu'à imposer en toute hypothèse une coïncidence parfaite entre les dispositions nationales qui sont mentionnées dans l'avis motivé et celles qui apparaissent dans la requête.
Lorsqu'un changement législatif est intervenu entre ces deux phases de procédure, il suffit en effet que le système mis en place par la législation contestée au cours de la procédure précontentieuse ait été, dans son ensemble, maintenu par les nouvelles mesures adoptées par l'État membre postérieurement à l'avis motivé et qui sont attaquées dans le cadre du recours.

Est recevable un recours qui vise de nouvelles mesures nationales introduisant des exceptions dans le système faisant l'objet de l'avis motivé, remédiant ainsi partiellement au grief. En effet, ne pas admettre la recevabilité du recours dans un tel cas de figure pourrait permettre à un État membre de faire obstacle à une procédure en manquement en modifiant légèrement sa législation à chaque notification d'un avis motivé, tout en maintenant par ailleurs la réglementation critiquée. En revanche, tel
ne serait pas le cas de griefs nouveaux par rapport a ceux énoncés dans l'avis motivé, développés à l'encontre de mesures nationales adoptées postérieurement à l'avis motivé, en vue de remédier aux griefs formulés dans celui-ci.

(cf. points 38-41)

2. Dans le cadre de la procédure en manquement instituée par l'article 226 CE, il ne saurait être admis, sous peine de permettre aux États membres de contourner cette procédure, que l'adoption par ceux-ci de mesures législatives, réglementaires ou administratives postérieurement à la date d'expiration du délai imparti par la Commission dans l'avis motivé puisse, par le simple fait que l'entrée en vigueur de ces mesures a été fixée avec effet rétroactif, constituer une mesure de transposition
dont la Cour devrait tenir compte pour déterminer l'existence d'un manquement à cette date.

(cf. point 60)

3. Il résulte de l'article 3, paragraphe 1, de la directive 91/676, concernant la protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles, lu en combinaison avec l'annexe I de celle-ci, que les États membres sont tenus d'identifier comme eaux atteintes par la pollution ou susceptibles de l'être si les mesures prévues à l'article 5 de la directive ne sont pas prises la totalité des eaux douces superficielles et les eaux souterraines qui contiennent ou risquent de
contenir une teneur en nitrates supérieure à 50 mg/l. Ils sont également tenus, en vertu de l'article 3, paragraphe 2, de la même directive, de désigner des zones vulnérables, sur la base des eaux définies conformément à l'article 3, paragraphe 1, de la directive, à moins qu'ils n'optent pour l'établissement et l'application à l'ensemble de leur territoire national des programmes d'action visés à l'article 5 de la directive.

Il s'ensuit qu'une simple habilitation à définir les eaux polluées ou susceptibles de l'être et à désigner des zones vulnérables, ne suffit pas pour transposer et mettre en oeuvre la directive en cause. En effet, ainsi qu'il ressort du libellé de l'article 3, paragraphes 1 et 2, susvisé, la définition de toutes les eaux atteintes par la pollution ou susceptibles de l'être si les mesures prévues à l'article 5 de la directive ne sont pas prises, d'une part, puis la désignation, sur la base des eaux
ainsi identifiées, des zones vulnérables, d'autre part, constituent chacune des obligations distinctes qui doivent être réalisées concrètement et séparément.

(cf. points 64-65, 73)

4. L'article 3, paragraphe 4, de la directive 91/676, concernant la protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles, vise uniquement la situation où un État membre réexamine et, le cas échéant, révise ou complète la liste existante des zones vulnérables désignées, afin de tenir compte des changements et des facteurs imprévisibles au moment de la désignation précédente. Elle ne vise pas, en revanche, la procédure initiale, prévue à l'article 3, paragraphes 1
et 2, de ladite directive, consistant à définir les eaux atteintes par la pollution ou susceptibles de l'être, puis à désigner des zones vulnérables sur la base de ces eaux ainsi définies.

(cf. point 80)

ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

22 septembre 2005 (*)

«Manquement d’État – Directive 91/676/CEE – Transposition incomplète – Protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles – Non‑définition des eaux polluées ou susceptibles de l’être – Désignation incorrecte et insuffisante des zones vulnérables – Code de bonne pratique agricole – Insuffisances – Programme d’action – Insuffisances et application incomplète»

Dans l’affaire C‑221/03,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 226 CE, introduit le 22 mai 2003,

Commission des Communautés européennes, représentée par M. G. Valero Jordana, en qualité d’agent, assisté de M^es M. van der Woude et T. Chellingsworth, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Royaume de Belgique, représenté initialement par M^me A. Snoecx, puis par M^me E. Dominkovits, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. A. Rosas, président de chambre, MM. A. Borg Barthet, S. von Bahr, J. Malenovský et A. Ó Caoimh (rapporteur), juges,

avocat général: M. L. A. Geelhoed,

greffier: M. R. Grass,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 12 janvier 2005,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 3 mars 2005,

rend le présent

Arrêt

1 Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que, en n’ayant pas adopté les mesures nécessaires pour mettre en œuvre complètement et correctement les articles 3, paragraphes 1 et 2, 4, 5, et 10 de la directive 91/676/CEE du Conseil, du 12 décembre 1991, concernant la protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles (JO L 375, p. 1) (ci‑après la «directive»), concernant la Région flamande et les articles 3,
paragraphes 1 et 2, et 5 de cette directive concernant la Région wallonne, le Royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de cette directive.

Le cadre juridique

La réglementation communautaire

2 Selon son article 1^er, la directive a pour objet de réduire la pollution des eaux provoquée ou induite par les nitrates à partir de sources agricoles et de prévenir toute nouvelle pollution de ce type.

3 Aux termes de l’article 2, sous j), de la directive:

«Aux fins de la présente directive, on entend par:

[…]

j) ‘pollution’: le rejet de composés azotés de sources agricoles dans le milieu aquatique, directement ou indirectement, ayant des conséquences de nature à mettre en danger la santé humaine, à nuire aux ressources vivantes et au système écologique aquatique, à porter atteinte aux agréments ou à gêner d’autres utilisations légitimes des eaux».

4 L’article 3, paragraphes 1, 2, 4 et 5, de la directive prévoit:

«1. Les eaux atteintes par la pollution et celles qui sont susceptibles de l’être si les mesures prévues à l’article 5 ne sont pas prises sont définies par les États membres en fonction des critères fixés à l’annexe I.

2. Dans un délai de deux ans à compter de la notification de la présente directive, les États membres désignent comme zones vulnérables toutes les zones connues sur leur territoire qui alimentent les eaux définies conformément au paragraphe 1 et qui contribuent à la pollution. Ils notifient cette désignation initiale à la Commission dans un délai de six mois.

[…]

4. Les États membres réexaminent et, au besoin, révisent ou complètent en temps opportun, au moins tous les quatre ans, la liste des zones vulnérables désignées, afin de tenir compte des changements et des facteurs imprévisibles au moment de la désignation précédente. Ils notifient à la Commission, dans un délai de six mois, toute révision ou ajout apporté à la liste des désignations.

5. Les États membres sont exemptés de l’obligation de désigner des zones vulnérables spécifiques lorsqu’ils établissent et appliquent à l’ensemble de leur territoire national les programmes d’action visés à l’article 5 conformément à la présente directive.»

5 Conformément à l’article 4, paragraphe 1, sous a), de la directive, en vue d’assurer, pour toutes les eaux, un niveau général de protection contre la pollution, les États membres établissent, dans un délai de deux ans à compter de la notification de la directive, un ou des codes de bonne pratique agricole, qui seront mis en œuvre volontairement par les agriculteurs et qui devraient contenir au moins les éléments énumérés à l’annexe II, A, de cette directive.

6 Aux termes de l’article 5 de la directive:

«1. Pour les besoins des objectifs visés à l’article 1^er et dans un délai de deux ans à compter de la désignation initiale visée à l’article 3 paragraphe 2 ou d’un an après chaque nouvelle désignation visée à l’article 3 paragraphe 4, les États membres établissent des programmes d’action portant sur les zones vulnérables désignées.

[…]

3. Les programmes d’action tiennent compte:

a) des données scientifiques et techniques disponibles concernant essentiellement les quantités respectives d’azote d’origine agricole ou provenant d’autres sources;

b) des conditions de l’environnement dans les régions concernées de l’État membre en question.

4. Les programmes d’action sont mis en œuvre dans un délai de quatre ans à compter de leur élaboration et ils contiennent les mesures obligatoires suivantes:

a) les mesures visées à l’annexe III;

b) les mesures que les États membres ont arrêtées dans le(s) code(s) de bonne pratique agricole élaboré(s) conformément à l’article 4, à l’exception de celles qui ont été remplacées par les mesures énoncées à l’annexe III.

5. En outre, les États membres prennent, dans le cadre des programmes d’action, toutes les mesures supplémentaires ou actions renforcées qu’ils estiment nécessaires, s’il s’avère, dès le début ou à la lumière de l’expérience acquise lors de la mise en œuvre des programmes d’action, que les mesures visées au paragraphe 4 ne suffiront pas pour atteindre les objectifs définis à l’article 1^er. Dans le choix de ces mesures ou actions, les États membres tiennent compte de leur efficacité et de leur
coût par rapport à d’autres mesures préventives envisageables.

[…]»

7 L’article 10 de la directive est libellé comme suit:

«1. Les États membres soumettent à la Commission, pour la période de quatre ans qui suit la notification de la présente directive et pour chaque période ultérieure de quatre ans, un rapport contenant les informations visées à l’annexe V.

2. Ils soumettent à la Commission un rapport, en vertu du présent article, dans un délai de six mois après l’expiration de la période sur laquelle il porte.»

8 L’annexe I de la directive, relative aux critères de définition des eaux visées à l’article 3, paragraphe 1, de celle‑ci, dispose dans sa partie A:

«Les eaux visées à l’article 3 paragraphe 1 sont définies en fonction, entre autres, des critères suivants:

1) si les eaux douces superficielles, notamment celles servant ou destinées au captage d’eau potable, contiennent ou risquent de contenir, si les mesures prévues à l’article 5 ne sont pas prises, une concentration de nitrates supérieure à celle prévue par la directive 75/440/CEE;

2) si les eaux souterraines ont, ou risquent d’avoir, une teneur en nitrate supérieure à 50 milligrammes par litre si les mesures prévues à l’article 5 ne sont pas prises;

3) si les lacs naturels d’eau douce, les autres masses d’eau douce, les estuaires, les eaux côtières et marines ont subi ou risquent dans un avenir proche de subir une eutrophisation si les mesures prévues à l’article 5 ne sont pas prises.»

9 L’annexe II de la directive, intitulée «Code(s) de bonne pratique agricole», énonce, dans sa partie A:

«Un ou des codes de bonne pratique agricole visant à réduire la pollution par les nitrates et tenant compte des conditions prévalant dans les différentes régions de la Communauté devraient contenir des règles couvrant les éléments ci‑après, pour autant qu’ils soient pertinents:

1) les périodes pendant lesquelles l’épandage de fertilisants est inapproprié;

2) les conditions d’épandage des fertilisants sur les sols en forte pente;

3) les conditions d’épandage des fertilisants sur des sols détrempés, inondés, gelés ou couverts de neige;

4) les conditions d’épandage des fertilisants près des cours d’eau;

[…]»

10 L’annexe III de la directive, intitulée «Mesures à inclure dans les programmes d’action conformément à l’article 5 paragraphe 4 point a)», est rédigée comme suit:

«1. Les mesures comportent des règles concernant:

1) les périodes durant lesquelles l’épandage de certains types de fertilisants est interdit;

2) la capacité des cuves destinées au stockage des effluents d’élevage; celle‑ci doit dépasser la capacité nécessaire au stockage durant la plus longue des périodes d’interdiction d’épandage dans la zone vulnérable, sauf s’il peut être démontré à l’autorité compétente que le volume d’effluents d’élevage qui dépasse la capacité de stockage réelle sera évacué d’une manière inoffensive pour l’environnement;

3) la limitation de l’épandage des fertilisants, conformément aux bonnes pratiques agricoles et compte tenu des caractéristiques de la zone vulnérable concernée, notamment:

a) de l’état des sols, de leur composition et de leur pente;

b) des conditions climatiques, des précipitations et de l’irrigation;

c) de l’utilisation des sols et des pratiques agricoles, notamment des systèmes de rotation des cultures;

et fondée sur un équilibre entre:

i) les besoins prévisibles en azote des cultures

et

ii) l’azote apporté aux cultures par le sol et les fertilisants correspondant à:

– la quantité d’azote présente dans le sol au moment où les cultures commencent à l’utiliser dans des proportions importantes (quantités restant à la fin de l’hiver),

– l’apport d’azote par la minéralisation nette des réserves d’azote organique dans le sol,

– les apports de composés azotés provenant des effluents d’élevage,

– les apports de composés azotés provenant des engrais chimiques et autres composés.

2. Ces mesures assurent que, pour chaque exploitation ou élevage, la quantité d’effluents d’élevage épandue annuellement, y compris par les animaux eux‑mêmes, ne dépasse pas une quantité donnée par hectare.

Cette quantité donnée par hectare correspond à la quantité d’effluents contenant 170 kilogrammes d’azote. Toutefois:

a) pour le premier programme d’action quadriennal, les États membres peuvent autoriser une quantité d’effluents contenant jusqu’à 210 kilogrammes d’azote;

b) pendant le premier programme d’action quadriennal et à l’issue de ce programme, les États membres peuvent fixer des quantités différentes de celles indiquées ci‑avant. Ces quantités doivent être déterminées de sorte à ne pas compromettre la réalisation des objectifs visés à l’article 1^er et doivent se justifier par des critères objectifs, tels que:

– des périodes de végétation longues,

– des cultures à forte absorption d’azote,

– des précipitations nettes élevées dans la zone vulnérable,

– des sols présentant une capacité de dénitrification exceptionnellement élevée.

Si un État membre autorise une quantité différente en vertu du point b), il en informe la Commission qui examinera sa justification conformément à la procédure prévue à l’article 9.

[...]»

11 L’annexe V de la directive, intitulée «Informations devant figurer dans les rapports visés à l’article 10», énumère celles‑ci dans les termes suivants:

«1. Un compte rendu des actions de prévention menées en vertu de l’article 4.

2. Une carte:

a) des eaux identifiées conformément à l’article 3 paragraphe 1 et à l’annexe I indiquant, dans chaque cas, lequel des critères mentionnés à l’annexe I a été utilisé en vue de cette identification;

b) des zones identifiées désignées faisant apparaître de manière distincte les zones anciennes et les zones désignées depuis le dernier rapport.

3. Un résumé des résultats de la surveillance exercée en vertu de l’article 6, comprenant un exposé des considérations qui ont conduit à la désignation de chaque zone vulnérable et à toute révision ou ajout apporté à la désignation.

4. Un résumé des programmes d’action élaborés en vertu de l’article 5 et, en particulier:

a) les mesures requises en vertu de l’article 5 paragraphe 4 points a) et b);

b) les informations requises en vertu du point 4 de l’annexe III;

c) toute mesure supplémentaire ou action renforcée prise en vertu de l’article 5 paragraphe 5;

d) un résumé des résultats des programmes de surveillance mis en œuvre au titre de l’article 5 paragraphe 6;

e) les estimations des États membres concernant les délais approximatifs dans lesquels on peut s’attendre à ce que les eaux définies conformément à l’article 3 paragraphe 1 réagissent aux mesures prévues dans le programme d’action, ainsi qu’une indication du niveau d’incertitude que présentent ces estimations.»

12 Selon l’article 12, paragraphe 1, de la directive, les États membres devaient mettre en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à celle‑ci dans un délai de deux ans à compter de sa notification et en informer immédiatement la Commission.

13 Il ressort d’une note figurant sous ledit article 12, paragraphe 1, que la directive a été notifiée aux États membres le 19 décembre 1991.

La réglementation nationale

14 La mise en œuvre de la directive relève des compétences des différentes régions du Royaume de Belgique, ainsi que, en ce qui concerne les eaux côtières et marines, des autorités fédérales belges.

En ce qui concerne la Région flamande

15 Le texte de base de la réglementation flamande relative à la mise en œuvre de la directive est constitué par le décret, du 23 janvier 1991, relatif à la protection de l’environnement contre la pollution due aux engrais (Moniteur belge du 28 février 1991), dans sa version modifiée par le décret, du 11 mai 1999, modifiant le décret, du 23 janvier 1991, relatif à la protection de l’environnement contre la pollution due aux engrais et modifiant le décret, du 28 juin 1985, relatif à l’autorisation
écologique (Moniteur belge du 20 août 1999, p. 30 995, ci-après le «décret sur les engrais»).

16 Les articles 15 à 15 quater du décret sur les engrais déterminent les critères sur la base desquels la Région flamande délimite les zones vulnérables au sens de la législation flamande, en distinguant quatre catégories, à savoir:

– les zones vulnérables «eaux» (article 15, paragraphes 2 à 7, du décret sur les engrais);

– les zones agricoles d’intérêt écologique (article 15 bis du décret sur les engrais);

– les zones vulnérables «nature» (article 15 ter du décret sur les engrais), et

– les zones saturées en phosphates (l’article 15 quater, paragraphe 2, du décret sur les engrais).

17 Il ressort du mémoire en duplique du gouvernement belge que seules les zones vulnérables «eaux» ont été désignées en application de la directive, ce qui n’a pas été démenti lors de l’audience publique.

18 L’article 15, paragraphes 2 et 4, du décret sur les engrais prévoit que le gouvernement flamand désigne les zones vulnérables «eaux». Il se fonde, à cette fin, sur plusieurs critères empruntés à l’annexe I de la directive.

19 L’article 15, paragraphe 6, dudit décret, après avoir précisé que «conformément aux paragraphes 2 jusqu’à 5 [de cet article] les zones vulnérables ‘eaux’ suivantes ont été désignées», énumère trois catégories de zones vulnérables, à savoir:

– les zones de captage d’eau et les zones de protection du type I, II et III pour les eaux souterraines, délimitées en application du décret, du 24 janvier 1984, portant des mesures en matière de gestion des eaux souterraines;

– les bassins sub‑hydrographiques des eaux de surface destinées à la production d’eau alimentaire, délimitées en application de la loi, du 26 mars 1971, sur la protection des eaux de surface contre la pollution, et

– les zones comptant des sols sensibles aux nitrates nécessitant un renforcement des normes, telles que déterminées par le gouvernement flamand et délimitées en application du décret du 24 janvier 1984.

20 La désignation concrète des zones vulnérables «eaux» est reprise dans les articles 2, 6, 9 et 10 de l’arrêté du gouvernement flamand, du 31 mars 2000, portant désignation des restrictions axées sur des zones, telles que visées aux articles 13 bis, 15, 15 bis, 15 quater, 15 quinquies et 17 du décret, du 23 janvier 1991, relatif à la protection de l’environnement contre la pollution due aux engrais (Moniteur belge du 26 avril 2000, p. 13 199), de même que dans la réglementation à laquelle il
renvoie. Selon l’article 20 dudit arrêté, celui-ci «produit ses effets le 1^er janvier 2000».

21 Des zones vulnérables «eaux» supplémentaires ont été désignées dans l’arrêté du gouvernement flamand, du 14 juin 2002, visant à examiner, revoir et compléter les zones d’eaux vulnérables telles que visées à l’article 15, paragraphes 3, 4 et 5, du décret, du 23 janvier 1991, relatif à la protection de l’environnement contre la pollution due aux engrais (Moniteur belge du 17 juillet 2002, p. 32 340).

22 Des règles concernant les modalités de l’épandage de fertilisants sont prévues à l’article 17 du décret sur les engrais. En particulier, l’article 17, paragraphes 1, 2 et 7, de ce décret détermine les périodes pendant lesquelles l’épandage de certains types de fertilisants sur des terres arables est interdit. Le texte intégral de l’article 17 du décret sur les engrais a été introduit par l’article 23 du décret du 11 mai 1999.

23 Les normes flamandes concernant la capacité des cuves destinées au stockage des effluents d’élevage sont établies à l’article 5.9.2.3, paragraphe 1, de l’arrêté, du 1^er juin 1995, fixant les dispositions générales et sectorielles en matière d’hygiène de l’environnement, dit le «Vlarem II» (Moniteur belge du 31 juillet 1995, ci‑après le «Vlarem II»). Le Vlarem II a été modifié à plusieurs reprises, notamment par l’arrêté, du 19 septembre 2003, modifiant l’arrêté du gouvernement flamand, du 6
février 1991, fixant le règlement flamand relatif à l’autorisation écologique et modifiant l’arrêté du gouvernement flamand, du 1^er juin 1995, fixant les dispositions générales et sectorielles en matière d’hygiène de l’environnement, (Moniteur belge du 10 octobre 2003, p. 49 393).

En ce qui concerne la Région wallonne

24 L’article 3 de l’arrêté du gouvernement wallon, du 5 mai 1994, relatif à la protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir des sources agricoles (Moniteur belge du 28 juin 1994), dispose que le ministre de la Région wallonne compétent désigne sur le territoire de celle‑ci des zones vulnérables selon les critères énoncés à l’article 4 du même arrêté. Ces critères sont empruntés à l’annexe I de la directive.

25 L’article 6 de l’arrêté du 5 mai 1994 dispose que, au plus tard le 19 décembre 1995, ledit ministre établit des programmes d’action, applicables aux zones vulnérables, qui ont force obligatoire.

26 Les articles 6 et 7 de l’arrêté du 5 mai 1994 mentionnent les mesures qui doivent figurer dans les programmes d’action.

27 L’article 3 de chacun des deux arrêtés ministériels, du 28 juin 1994, désignant, respectivement, la nappe de sables bruxelliens et la nappe du Crétacé de Hesbaye en zones vulnérables (Moniteur belge des 31 décembre 1994 et 4 janvier 1995) prévoit que l’administration prépare un programme d’action applicable à la zone vulnérable désignée pour le 19 décembre 1995, date à laquelle il aura force obligatoire. Il reprend notamment les mesures relatives au programme d’action visées aux articles 6 et
7 de l’arrêté du 5 mai 1994.

28 L’arrêté du gouvernement wallon, du 10 octobre 2002, relatif à la gestion durable de l’azote en agriculture (Moniteur belge du 29 novembre 2002, p. 54 075) a institué un programme d’action s’appliquant aux zones vulnérables désignées dans la Région wallonne.

Les faits et les procédures précontentieuses

29 Le présent recours a trait à deux procédures d’infraction, concernant la mise en œuvre de la directive en droit belge, introduites sous les références 94/2239 et 97/4750.

30 Dans le cadre de la procédure d’infraction 94/2239, la Commission a adressé au Royaume de Belgique une lettre de mise en demeure datée du 18 mai 1995, ainsi qu’une lettre de mise en demeure complémentaire datée du 28 octobre 1997. Après avoir examiné ses diverses réponses, la Commission lui a adressé, le 23 novembre 1998, un avis motivé l’invitant à prendre les mesures nécessaires pour s’y conformer dans un délai de deux mois à compter de sa notification. La Commission conclut dans cet avis
motivé que le Royaume de Belgique n’a pas pris les mesures nécessaires à la mise en œuvre de l’article 3, paragraphe 2, ainsi que des articles 4, 5, 6 et 12 de la directive. En ce qui concerne les articles 3, paragraphe 2, 5 (s’agissant de la Région flamande et de la Région de Bruxelles‑Capitale) et 6, de la directive, la Commission renvoie à la procédure d’infraction 97/4750.

31 Dans le cadre de la procédure d’infraction 97/4750, la Commission a adressé au Royaume de Belgique une lettre de mise en demeure datée du 28 octobre 1998, dans laquelle elle développe une série de griefs similaires à ceux exposés dans le cadre de la procédure 94/2239. Dans cette mise en demeure, la Commission conclut que le Royaume de Belgique n’a pas pris les mesures nécessaires à la mise en œuvre des articles 3, 5, 6, 10 et 12 de la directive. Les autorités belges ont répondu à cette mise
en demeure par divers courriers tant en ce qui concerne la Région flamande que la Région wallonne et la Région de Bruxelles‑Capitale. Le 9 novembre 1999, la Commission a émis un avis motivé dans lequel elle allègue la violation des articles 3, 5, 6, 10 et 12 de la directive, invitant le Royaume de Belgique à prendre les mesures nécessaires pour s’y conformer dans un délai de deux mois à compter de sa notification.

32 Il ressort de la requête de la Commission que le gouvernement belge a, par lettre du 23 décembre 1999, demandé un délai supplémentaire d’un mois pour répondre à l’avis motivé du 9 novembre 1999. Lors de l’audience, la Commission a confirmé qu’elle n’avait pas accordé un tel délai.

33 N’étant pas satisfaite des réponses apportées par les autorités belges aux avis motivés en ce qui concerne la Région flamande et la Région wallonne, la Commission a décidé d’introduire le présent recours.

Sur la recevabilité du recours

34 À titre liminaire, il convient de rappeler que, conformément à l’article 92, paragraphe 2, du règlement de procédure, la Cour peut à tout moment examiner d’office les fins de non‑recevoir d’ordre public (arrêt du 10 mai 2001, Commission/Pays‑Bas, C‑152/98, Rec. p. I‑3463, point 22).

35 Dans sa requête, la Commission a indiqué qu’elle a pris en considération des réglementations adoptées postérieurement aux délais impartis dans les deux procédures d’infraction visées par le présent recours, afin de permettre à la Cour de constater que les problèmes soulevés demeurent pertinents à l’heure actuelle. Dans ce contexte, ainsi que cela a été confirmé par la Commission lors de l’audience, plusieurs arguments avancés par cette dernière dans sa requête portent sur des développements
législatifs qui se sont produits après l’expiration des délais impartis par les avis motivés.

36 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la procédure précontentieuse a pour but de donner à l’État membre concerné l’occasion, d’une part, de se conformer à ses obligations découlant du droit communautaire et, d’autre part, de faire utilement valoir ses moyens de défense à l’encontre des griefs formulés par la Commission (arrêt Commission/Pays‑Bas, précité, point 23).

37 Il ressort également d’une jurisprudence constante que la régularité de cette procédure précontentieuse constitue une garantie essentielle voulue par le traité CE non seulement pour la protection des droits de l’État membre en cause, mais également pour assurer que la procédure contentieuse éventuelle aura pour objet un litige clairement défini. En effet, c’est seulement à partir d’une procédure précontentieuse régulière que la procédure contradictoire devant la Cour permettra à celle‑ci de
juger si l’État membre a effectivement manqué aux obligations précises dont la violation est alléguée par la Commission (voir, notamment, arrêts du 9 novembre 1999, Commission/Italie, C‑365/97, Rec. p. I‑7773, point 35, et du 10 avril 2003, Commission/Portugal, C‑392/99, Rec. p. I‑3373, point 133).

38 L’objet d’un recours intenté en application de l’article 226 CE est, par conséquent, circonscrit par la procédure précontentieuse prévue par cette disposition. Dès lors, la requête ne peut être fondée sur des griefs autres que ceux indiqués durant la procédure précontentieuse (voir, en ce sens, arrêts du 11 juillet 1984, Commission/Italie, 51/83, Rec. p. 2793, point 4, et Commission/Pays‑Bas, précité, point 23).

39 Cette exigence ne saurait toutefois aller jusqu’à imposer en toute hypothèse une coïncidence parfaite entre les dispositions nationales qui sont mentionnées dans l’avis motivé et celles qui apparaissent dans la requête. Lorsqu’un changement législatif est intervenu entre ces deux phases de procédure, il suffit en effet que le système mis en place par la législation contestée au cours de la procédure précontentieuse ait été, dans son ensemble, maintenu par les nouvelles mesures adoptées par
l’État membre postérieurement à l’avis motivé et qui sont attaquées dans le cadre du recours (voir arrêts du 1^er décembre 1965, Commission/Italie, 45/64, Rec. p. 1057; du 5 juillet 1990, Commission/Belgique, C‑42/89, Rec. p. I‑2821; du 17 novembre 1992, Commission/Grèce, C‑105/91, Rec. p. I‑5871, point 13; du 10 septembre 1996, Commission/Belgique, C‑11/95, Rec. p. I‑4115, point 74).

40 La Cour a également jugé qu’un recours était recevable lorsqu’il visait de nouvelles mesures nationales introduisant des exceptions dans le système faisant l’objet de l’avis motivé, remédiant ainsi partiellement au grief. En effet, ne pas admettre la recevabilité du recours dans un tel cas de figure pourrait permettre à un État membre de faire obstacle à une procédure en manquement en modifiant légèrement sa législation à chaque notification d’un avis motivé, tout en maintenant par ailleurs
la réglementation critiquée (voir arrêt du 1^er février 2005, Commission/Autriche, C‑203/03, non encore publié au Recueil, point 30).

41 En revanche, tel ne serait pas le cas de griefs nouveaux par rapport a ceux énoncés dans l’avis motivé, développés à l’encontre de mesures nationales adoptées postérieurement à l’avis motivé, en vue de remédier aux griefs formulés dans celui-ci.

42 Dans ces conditions, eu égard à la jurisprudence précitée, il conviendra d’examiner la recevabilité de chacun des griefs énoncés dans la requête en vérifiant la mesure dans laquelle il pourrait être pris en compte par la Cour.

Sur le fond

43 À l’appui de son recours, la Commission soulève essentiellement quatre griefs tirés d’une violation des articles 3, paragraphes 1 et 2, 4, 5 et 10 de la directive. Ces griefs sont plus précisément tirés:

– de l’absence d’identification des eaux polluées ou susceptibles de l’être (article 3, paragraphe 1, de la directive, lu en combinaison avec l’annexe I de celle‑ci), ainsi que de la désignation incorrecte et incomplète des zones vulnérables (article 3, paragraphe 2, de la directive, lu en combinaison avec l’annexe I de celle‑ci);

– de l’existence de lacunes dans le code flamand de bonne pratique agricole (article 4 de la directive, lu en combinaison avec l’annexe II de celle‑ci);

– de l’existence de lacunes dans les programmes d’action de la Région flamande et de la Région wallonne (article 5 de la directive, lu en combinaison avec l’annexe III de celle‑ci), et

– du caractère incomplet du rapport soumis par la Région flamande à la Commission (article 10 de la directive, lu en combinaison avec l’annexe V de celle‑ci).

Sur le grief tiré d’une violation de l’article 3 de la directive, lu en combinaison avec l’annexe I de celle‑ci

Argumentation des parties

– En ce qui concerne la Région flamande

44 La Commission reproche au Royaume de Belgique de ne pas avoir défini, conformément à l’article 3, paragraphe 1, de la directive, les eaux polluées ou susceptibles de l’être si les mesures prévues à l’article 5 de la directive ne sont pas prises.

45 Selon la Commission, la définition de ces eaux et la désignation des zones vulnérables au sens de l’article 3, paragraphes 1 et 2, de la directive doivent être conformes à la procédure prévue à cet article. Celle‑ci comprendrait deux étapes obligatoires, à savoir, en premier lieu, la définition par les États membres des eaux polluées ou susceptibles de l’être et, en second lieu, la désignation, sur la base des eaux ainsi définies, des zones vulnérables. La Région flamande aurait omis la
première étape décrite à l’article 3, paragraphe 1, de la directive en procédant immédiatement à la désignation des zones vulnérables.

46 De plus, la Commission soutient que l’article 15, paragraphe 4, du décret sur les engrais ne confère aux autorités flamandes qu’une habilitation à définir les eaux polluées ou susceptibles de l’être et à désigner des zones vulnérables. Une telle habilitation ne suffirait pas pour transposer et mettre en œuvre la directive. La désignation effective des zones vulnérables dans la Région flamande n’aurait été effectuée pour la première fois que dans l’arrêté du 31 mars 2000.

47 En outre, selon la Commission, bien que la Région flamande ait désigné plusieurs zones vulnérables dans l’arrêté du 31 mars 2000, cette désignation n’est pas conforme à l’article 3, paragraphe 2, de la directive. En effet, d’une part, la procédure prescrite par cet article n’aurait pas été respectée. D’autre part, les critères prévus à ce même article n’auraient pas été complètement pris en compte, ce qui aurait eu pour conséquence que les zones vulnérables désignées dans la Région flamande
auraient une surface largement insuffisante.

48 Par ailleurs, la Commission soutient qu’aucune communication ne lui a été adressée en ce qui concerne l’arrêté du 14 juin 2002, lequel aurait désigné des zones vulnérables supplémentaires.

49 Enfin, la désignation des zones vulnérables telle que celle figurant dans cet arrêté ne serait pas conforme à la procédure ou aux critères de l’article 3 de la directive, lu en combinaison avec l’annexe I de celle‑ci. Il apparaîtrait en effet que les eaux identifiées aux fins de cet arrêté comme atteintes par la pollution ou susceptibles de l’être n’étaient pas définies conformément à l’article 3, paragraphe 1, de la directive, avec la conséquence que la désignation des zones vulnérables
figurant dans ledit arrêté aurait été établie sur la base d’une identification incorrecte et incomplète des eaux concernées.

50 Le gouvernement belge ne conteste pas que la Région flamande n’a pas identifié les eaux polluées ou susceptibles de l’être dans le délai imparti par l’avis motivé du 9 novembre 1999. Il soutient toutefois que, à la suite de l’adoption de l’arrêté du 14 juin 2002, des eaux polluées ou susceptibles de l’être, situées sur le territoire de la Région flamande, ont été identifiées. Il reconnaît que ladite Région a désigné des zones vulnérables dans cet arrêté sans avoir au préalable identifié d’une
manière explicite des eaux polluées ou susceptibles de l’être, mais il justifie cette approche en soutenant que les deux étapes de l’article 3 de la directive forment un tout.

51 Par ailleurs, il ne conteste pas que, jusqu’à l’adoption de l’arrêté du 14 juin 2002, seules des zones destinées au captage d’eau, ou susceptibles de le devenir, avaient été désignées comme zones vulnérables «eaux». Toutefois, il considère que, étant donné qu’une série de mesures strictes s’appliquent aux zones «agricoles d’intérêt écologique», aux zones vulnérables «nature» et aux zones saturées en phosphates, l’objectif visé à l’article 1^er de la directive est atteint.

– En ce qui concerne la Région wallonne

52 La Commission fait valoir que la définition des eaux polluées ou susceptibles de l’être puis la désignation des zones vulnérables n’ont porté que sur une partie du territoire de la Région wallonne et ont été tardives.

53 À cet égard, la Commission renvoie au rapport du 20 septembre 1996, qui lui a été communiqué en application de l’article 10 de la directive, dont il ressortirait que, lors de la rédaction dudit rapport, le pays de Herve, la commune de Comines‑Warneton et le Condroz faisaient encore l’objet d’études en cours. D’après la Commission, ces trois zones auraient dû être désignées comme zones vulnérables au plus tard le 20 décembre 1993. Le 19 mars 2002, la commune de Comines‑Warneton et le Sud
namurois (partie du Condroz) auraient été désignés comme zones vulnérables. Cependant, la partie ouest du Sud namurois, c’est‑à‑dire la région «entre Sambre et Meuse» n’aurait été que partiellement désignée comme zone vulnérable, alors qu’il ressortirait d’un rapport du bureau d’études Environmental Resources Management du mois de février 2000, intitulé «Verification of vulnerable zones identified under the nitrate directive and sensitive areas identified under the urban waste water treatment
directive» (ci‑après le «rapport ERM»), produit par la Commission, que la charge en nitrates y serait aussi élevée que dans la partie est. De plus, le pays de Herve n’aurait pas encore, à la date de la requête, été désigné comme zone vulnérable.

54 Enfin, la Commission ajoute qu’une partie insuffisante du territoire du Crétacé de Hesbaye a été désignée comme zone vulnérable, alors que, d’après le rapport ERM, la partie ouest aurait également dû l’être.

55 La Commission fait valoir également que les autorités wallonnes n’ont pas tenu compte, en violation de l’article 3 de la directive, de l’eutrophisation des eaux côtières et marines lors de l’identification des eaux atteintes par la pollution ou susceptibles de l’être et de la désignation des zones vulnérables. La Commission souligne que le gouvernement belge lui‑même a fait état, auprès des commissions chargées de la mise en œuvre des conventions d’Oslo de 1972 sur les opérations d’immersion
de rejets en mer et de Paris de 1974 sur la pollution marine d’origine tellurique, de problèmes d’eutrophisation le long de la côte belge et dans l’estuaire de l’Escaut. Étant donné que les eaux côtières ou marines belges seraient eutrophisées en raison de l’apport d’éléments nutritifs charriés par les masses d’eaux polluées par des nitrates provenant d’activités agricoles, les autorités régionales compétentes auraient dû désigner comme zones vulnérables les zones du territoire de la Région wallonne
qui alimentent la mer du Nord et qui contribuent à cette pollution.

56 Tout en contestant que la désignation des zones vulnérables afférentes aux eaux wallonnes souterraines ait été tardive et en soutenant que la liste des zones vulnérables a été, en revanche, révisée et complétée conformément à l’article 3, paragraphe 4, de la directive, le gouvernement belge déclare prendre acte des arguments de la Commission sur ce point et demande que soient pris en considération les efforts qui ont été déployés depuis 1999.

57 S’agissant des eaux côtières et marines, le gouvernement belge ne conteste pas qu’elles sont eutrophisées, mais il estime que les zones situées en Région wallonne qui les alimentent et qui contribuent à la pollution ne doivent pas être désignées comme zones vulnérables, car l’eutrophisation et la teneur en nitrates des cours d’eaux dans la Région wallonne sont fortement influencées par les ménages et l’industrie. Il invoque également à ce sujet la faible contribution de l’agriculture wallonne
à l’eutrophisation de la mer du Nord et l’adoption par ladite Région des «mesures nécessaires pour endiguer cette faible contribution».

Appréciation de la Cour

– En ce qui concerne la Région flamande

58 À titre liminaire, il convient d’abord de constater que l’arrêté du 14 juin 2002, sur lequel porte une partie importante du premier grief de la Commission, est intervenu après les délais impartis par les avis motivés. En conséquence, dès lors que, par une partie de son premier grief, la Commission reproche au Royaume de Belgique des manquements supplémentaires par rapport à ceux figurant dans l’avis motivé du 9 novembre 1999, cette partie du grief doit, pour les motifs exposés aux points 34 à
42 du présent arrêt, être rejetée comme étant irrecevable.

59 Par ailleurs, il ressort du dossier que, bien que la Région flamande ait, comme la Commission le relève, désigné concrètement des zones vulnérables avant l’adoption de l’arrêté du 14 juin 2002, cette désignation concrète n’est survenue que lors de l’adoption de l’arrêté du 31 mars 2000, soit après le délai imparti par l’avis motivé du 9 novembre 1999.

60 À cet égard, s’il est vrai que l’arrêté du 31 mars 2000 est entré en vigueur avec effet rétroactif au 1^er janvier 2000, soit avant le délai imparti par l’avis motivé du 9 novembre 1999, il n’en demeure toutefois pas moins que, à la date de l’expiration de ce délai, ledit arrêté n’existait pas. Or, sous peine de permettre aux États membres de contourner la procédure en manquement instituée par l’article 226 CE, il ne saurait être admis que l’adoption par ceux‑ci de mesures législatives,
réglementaires ou administratives postérieurement à la date d’expiration du délai imparti par la Commission dans l’avis motivé puisse, par le simple fait que l’entrée en vigueur de ces mesures a été fixée avec effet rétroactif, constituer une mesure de transposition dont la Cour devrait tenir compte pour déterminer l’existence d’un manquement à cette date. Par conséquent, les dispositions de l’arrêté du 31 mars 2000 ne sauraient être prises en compte dans le cadre de ce recours en manquement.

61 Il s’ensuit également que, dans la mesure où la Commission a soulevé, dans son recours, des reproches spécifiques portant sur l’arrêté du 31 mars 2000, la Cour, pour les motifs exposés aux points 34 à 42 du présent arrêt, ne saurait les prendre en compte.

62 Dans ces conditions, il convient d’examiner le recours uniquement en ce qu’il se rapporte à la situation telle qu’elle existait à l’expiration du délai imparti par l’avis motivé du 9 novembre 1999.

63 Il ressort du dossier que, à l’expiration de ce délai, la désignation des zones vulnérables au sens de la directive était régie par l’article 15, paragraphes 2 à 6, du décret sur les engrais. En particulier, en vertu des paragraphes 2 et 4 de cette disposition, le gouvernement flamand est habilité à désigner les zones vulnérables «eaux» en se fondant sur plusieurs critères empruntés à l’annexe I de la directive. Par ailleurs, l’article 15, paragraphe 6, de ce décret énumère trois catégories
de zones vulnérables, lesquelles sont reproduites au point 19 du présent arrêt. Ainsi que l’observe la Commission, ces trois types de zones ont en commun leur situation dans des zones de captage d’eau alimentaire ou susceptibles de le devenir.

64 À cet égard, il convient de rappeler que la Cour a déjà jugé qu’il ressort de l’article 3, paragraphes 1 et 2, de la directive, lu en combinaison avec l’annexe I de celle-ci, que les États membres sont tenus de satisfaire, entre autres, aux obligations suivantes:

– définir comme eaux atteintes par la pollution ou susceptibles de l’être si les mesures prévues à l’article 5 de la directive ne sont pas prises, non pas seulement les eaux destinées à la consommation humaine, mais la totalité des eaux douces superficielles et des eaux souterraines qui contiennent ou risquent de contenir une teneur en nitrates supérieure à 50 mg/l, et

– désigner comme zones vulnérables toutes les zones connues sur leur territoire qui alimentent les eaux identifiées comme atteintes par la pollution ou susceptibles de l’être conformément à l’article 3, paragraphe 1, de la directive, ou opter pour l’établissement et l’application à l’ensemble de leur territoire national des programmes d’action visés à l’article 5 de la directive (voir, en ce sens, arrêt du 2 octobre 2003, Commission/Pays‑Bas, C‑322/00, Rec. p. I‑11267, point 34).

65 Il s’ensuit qu’une simple habilitation à définir les eaux polluées ou susceptibles de l’être et de désigner des zones vulnérables, telle que celle prévue à l’article 15 du décret sur les engrais, ne suffit pas pour transposer et mettre en œuvre la directive. En effet, ainsi qu’il ressort du libellé de l’article 3, paragraphes 1 et 2, de la directive, la définition de toutes les eaux atteintes par la pollution ou susceptibles de l’être si les mesures prévues à l’article 5 de la directive ne
sont pas prises, d’une part, puis la désignation, sur la base des eaux ainsi identifiées, des zones vulnérables, d’autre part, constituent chacune des obligations distinctes qui doivent être réalisées concrètement et séparément.

66 Or, force est de constater, et cela n’est pas contesté par le gouvernement belge, que, à l’expiration du délai imparti par l’avis motivé du 9 novembre 1999, la Région flamande n’avait pas défini les eaux polluées ou susceptibles de l’être si les mesures prévues à l’article 5 de la directive n’étaient pas prises.

67 Par ailleurs, il y a lieu d’observer que ce gouvernement ne conteste pas que, à l’expiration du délai imparti par l’avis motivé du 9 novembre 1999, seules des zones destinées au captage d’eau, ou susceptibles de le devenir, étaient visées par la législation flamande pertinente. Il en résulte que les zones qui échappent aux catégories de l’article 15, paragraphe 6, du décret sur les engrais, mais qui, conformément à l’article 3, paragraphe 2, de la directive, alimentent les eaux dont il est
établi qu’elles sont atteintes par la pollution, ou risquent de l’être, sont arbitrairement et incorrectement écartées du champ d’application de la directive. Ainsi que M. l’avocat général l’observe à juste titre, au point 56 des ses conclusions, cette situation est en soi incompatible avec la directive.

68 Dans ces conditions, il y a lieu de constater que, en ce qui concerne la Région flamande, le premier grief de la Commission est fondé en ce qu’il porte sur la situation dans cette Région telle qu’elle se présentait à l’expiration du délai imparti par l’avis motivé du 9 novembre 1999.

– En ce qui concerne la Région wallonne

69 À titre liminaire, il convient de constater, tout d’abord, que la désignation des zones vulnérables effectuée par la Région wallonne le 19 mars 2002, sur laquelle porte le reproche de la Commission concernant la non‑désignation de la région «entre Sambre et Meuse» comme zone vulnérable, est intervenue après le délai imparti par l’avis motivé du 9 novembre 1999. Il s’ensuit que, pour les motifs exposés aux points 34 à 42 du présent arrêt, la Cour ne saurait prendre en compte cet argument.

70 Par ailleurs, certes, la Commission reproche à la Région wallonne d’avoir désigné comme zone vulnérable une partie insuffisante du territoire du Crétacé de Hesbaye. Toutefois, ce reproche n’a figuré dans aucun des avis motivés.

71 Ainsi, dès lors que, par cette partie du grief, la Commission reproche au Royaume de Belgique un manquement ne figurant pas dans les avis motivés, il y a lieu, pour les motifs exposés aux points 34 à 42 du présent arrêt de la rejeter comme étant irrecevable.

72 S’agissant de la situation dans la Région wallonne telle qu’elle se présentait au terme du délai imparti par l’avis motivé du 9 novembre 1999, les griefs de la Commission portent, d’une part, sur les eaux souterraines et, d’autre part, sur les eaux côtières et marines belges.

73 En ce qui concerne, en premier lieu, les eaux souterraines, il convient de rappeler, ainsi qu’il ressort du point 64 du présent arrêt, qu’il résulte de l’article 3, paragraphe 1, de la directive, lu en combinaison avec l’annexe I de celle‑ci, que les États membres sont tenus d’identifier comme eaux atteintes par la pollution ou susceptibles de l’être si les mesures prévues à l’article 5 de la directive ne sont pas prises la totalité des eaux douces superficielles et les eaux souterraines qui
contiennent ou risquent de contenir une teneur en nitrates supérieure à 50 mg/l. Ils sont également tenus, en vertu de l’article 3, paragraphe 2, de la directive, de désigner des zones vulnérables, sur la base des eaux définies conformément à l’article 3, paragraphe 1, de la directive, à moins qu’ils n’optent pour l’établissement et l’application à l’ensemble de leur territoire national des programmes d’action visés à l’article 5 de la directive.

74 Il ressort du dossier que, dans la Région wallonne, la procédure réalisée en 1994, consistant à définir des eaux puis à désigner des zones vulnérables, a été insuffisante dans certaines zones, à savoir dans le pays de Herve, dans le Condroz et dans la commune de Comines‑Warneton.

75 En particulier, il ressort de la réponse de la Région wallonne à la lettre de mise en demeure du 28 octobre 1998 que, selon des études réalisées postérieurement à l’étude wallonne initiale de 1994, des dépassements importants du seuil pertinent d’une teneur en nitrates de 50mg/l ont été constatés dans ces zones, démontrant ainsi qu’une partie plus grande du territoire de la Région wallonne aurait dû être désignée comme zone vulnérable en vertu de l’article 3, paragraphe 2, de la directive.
Ainsi, dans le pays de Herve, une teneur en nitrates supérieure à 50 mg/l a été atteinte dans plusieurs captages et les zones dans lesquelles aucun dépassement de ce seuil n’a été relevé se sont avérées rares. De même, dans la commune de Comines‑Warneton, les relevés sur la teneur en nitrates ont varié entre 63 et 92 mg/l et dans le Condroz certains relevés ont présenté des dépassements ponctuels de la limite de 50 mg/l. Dans la même réponse, la Région wallonne mentionne l’existence d’une pollution
sérieuse de la région «entre Sambre et Meuse» avec des mesures dépassant 50 mg/l.

76 Or, il est constant que, à l’expiration du délai imparti par l’avis motivé du 9 novembre 1999, ces trois zones n’avaient pas été désignées comme zones vulnérables.

77 Dans ces conditions, force est de constater que, à l’expiration du délai imparti par l’avis motivé du 9 novembre 1999, le Royaume de Belgique n’avait pas satisfait à son obligation de définir toutes les eaux souterraines atteintes par la pollution ou susceptibles de l’être en vertu de l’article 3, paragraphe 1, de la directive et de désigner les zones vulnérables en application du paragraphe 2 du même article.

78 Cette constatation ne saurait être remise en cause par les arguments du gouvernement belge.

79 Ainsi, l’argument de ce gouvernement selon lequel les études concernant les régions en question n’étaient pas encore clôturées ne saurait justifier le non‑respect par le Royaume de Belgique de ses obligations découlant de l’article 3 de la directive. En effet, les paragraphes 1 et 2 de cette disposition imposent l’obligation de définir les eaux atteintes par la pollution ou susceptibles de l’être si les mesures prévues à l’article 5 de la directive ne sont pas prises, et de désigner comme
zones vulnérables toutes les zones remplissant les conditions de l’article 3, paragraphe 2, de la directive. Cette obligation implique que des données nécessaires à ces fins soient récoltées.

80 De même, l’argument du gouvernement belge fondé sur l’article 3, paragraphe 4, de la directive ne saurait être accueilli. En effet, cette disposition vise uniquement la situation où un État membre réexamine et, le cas échéant, révise ou complète la liste existante des zones vulnérables désignées, afin de tenir compte des changements et des facteurs imprévisibles au moment de la désignation précédente. Elle ne vise pas, en revanche, la procédure initiale, prévue à l’article 3 de la directive,
consistant à définir les eaux atteintes par la pollution ou susceptibles de l’être, puis à désigner des zones vulnérables sur la base de ces eaux ainsi définies.

81 En ce qui concerne, en second lieu, les griefs de la Commission relatifs aux eaux côtières et marines belges, il convient d’abord de rappeler que le quatrième considérant de la directive mentionne expressément la protection de la mer du Nord.

82 Or, force est de constater que le gouvernement belge ne conteste ni que la mer du Nord, en général, ainsi que les eaux côtières et marines belges, en particulier, sont eutrophisées, ni que certaines zones de la Région wallonne alimentent lesdites eaux et contribuent à la pollution.

83 Dans son mémoire en défense, le gouvernement belge fait valoir que ces dernières zones ne doivent pas être désignées comme zones vulnérables car l’eutrophisation et la teneur en nitrates des cours d’eaux dans la Région wallonne seraient fortement influencées par les ménages et l’industrie.

84 À cet égard, il y a lieu d’observer, ainsi que la Cour l’a déjà jugé, qu’il serait incompatible avec la directive de restreindre la définition des eaux atteintes par la pollution aux cas dans lesquels les sources agricoles provoquent, à elles seules, une concentration de nitrates supérieure à 50 mg/l, alors que la directive prévoit expressément que, lors de l’établissement des programmes d’action prévus à l’article 5 de celle‑ci, les quantités respectives d’azote d’origine agricole ou
provenant d’autres sources sont prises en compte (arrêt du 29 avril 1999, Standley e.a., C‑293/97, Rec. p. I‑2603, point 31). Par conséquent, le simple fait que des rejets domestiques ou industriels contribuent également à la teneur en nitrates des eaux wallonnes ne suffit pas en soi pour exclure l’application de la directive.

85 Le gouvernement belge invoque également une faible contribution de l’agriculture wallonne à l’eutrophisation de la mer du Nord.

86 À cet égard, il y a lieu d’observer que, selon un document fourni par le gouvernement belge, l’agriculture wallonne est responsable à hauteur de 19 % à l’azote total dans le bassin de la Meuse et à hauteur de 17 % à celui de l’Escaut, deux fleuves qui traversent la Région wallonne pour se jeter dans la mer du Nord. Force est de constater que de telles contributions, certes minoritaires, ne sont nullement insignifiantes.

87 Or, il ressort du point 35 de l’arrêt Standley e.a., précité, que la directive s’applique aux cas dans lesquels le rejet de composés azotés d’origine agricole contribue de manière significative à la pollution.

88 Au reste, l’eutrophisation de la mer du Nord est le fait d’un grand nombre d’acteurs qui, pris isolément, sont effectivement minoritaires. Suivre le raisonnement du gouvernement belge irait dès lors à l’encontre de l’une des finalités explicites de la directive, à savoir la protection de la mer du Nord.

89 Par conséquent, cet argument ne saurait être accueilli.

90 Le gouvernement belge met également en exergue diverses mesures destinées à endiguer la contribution de la Région wallonne à l’eutrophisation des eaux côtières et marines, notamment le programme wallon de gestion durable de l’azote en agriculture, ainsi que plusieurs mesures dites agro‑environnementales.

91 À cet égard, il suffit de constater que ces mesures, sans qu’il soit nécessaire d’examiner leurs effets bénéfiques éventuels sur la pollution des eaux, ne sont pas de nature à pallier l’absence de toute définition des eaux et de désignation des zones vulnérables en raison de leur effet sur l’eutrophisation des eaux côtières et marines belges.

92 Dans ces circonstances, il y a dès lors lieu de constater que les autorités wallonnes n’ont pas tenu compte, en violation de l’article 3 de la directive, de l’eutrophisation des eaux côtières et marines lors de l’identification des eaux atteintes par la pollution ou susceptibles de l’être et de la désignation des zones vulnérables dans la Région wallonne. Ainsi que M. l’avocat général le relève au point 31 de ses conclusions, toute constatation du fait que l’application de la directive par
les Régions est tardive ou insuffisante implique que le Royaume de Belgique a manqué à ses obligations.

93 En conséquence, il y a lieu de constater, ainsi que la Commission le fait valoir, d’une part, que la définition des eaux, puis la désignation des zones vulnérables, n’ont porté que sur une partie du territoire de la Région wallonne et, d’autre part, que les eaux côtières et marines n’ont pas été prises en compte à cette fin.

94 Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de conclure que, dans la mesure où il est recevable, le grief de la Commission tiré d’une violation de l’article 3 de la directive lu en combinaison avec l’annexe I de celle-ci est fondé, tant en ce qui concerne la Région flamande qu’en ce qui concerne la Région wallonne.

Sur le grief tiré d’une violation de l’article 4 de la directive, lu en combinaison avec l’annexe II de celle-ci

Argumentation des parties

95 La Commission fait grief au Royaume de Belgique de ne pas avoir inclus des éléments exigés par l’annexe II de la directive dans le code flamand de bonne pratique agricole – tel qu’il ressort de la réglementation flamande, notamment le décret sur les engrais – en particulier:

– les périodes pendant lesquelles l’épandage de fertilisants est inapproprié;

– les règles concernant les conditions d’épandage de fertilisants sur les sols en forte pente;

– les conditions d’épandage sur des sols détrempés, inondés, gelés ou couverts de neige, et

– les règles relatives à l’épandage de fertilisants près des cours d’eau.

96 Par la première branche de ce grief, la Commission fait valoir que le code flamand de bonne pratique agricole exclut, sans justification, du champ d’application des périodes pendant lesquelles l’épandage est interdit certains types de fertilisants, notamment du fumier, des «engrais chimiques lorsqu’il s’agit de terres arables couvertes» et d’autres engrais «contenant de l’azote sous une forme telle que seule une partie restreinte de l’azote total est dégagée dans l’année d’épandage».

97 Par la deuxième branche de ce grief, la Commission fait valoir que le code flamand de bonne pratique agricole ne contient pas de règles satisfaisantes concernant les conditions d’épandage de fertilisants sur les sols en forte pente. Même si l’article 17, paragraphe 5, du décret sur les engrais interdit l’épandage d’engrais sur des pentes non cultivées contiguës à un cours d’eau, il n’existerait aucune mesure relative aux conditions d’épandage de fertilisants sur les sols en forte pente
cultivés en bordure d’un cours d’eau, ni pour les sols qui ne sont pas en bordure des cours d’eau.

98 Quant à la troisième branche de ce grief, relative aux conditions d’épandage sur des sols détrempés, inondés, gelés ou couverts de neige, la Commission déplore que l’interdiction d’épandage contenue à l’article 17, paragraphe 1, 5º, du décret sur les engrais ne vise que les «terres arables».

99 Enfin, par la quatrième branche du présent grief, relative aux règles concernant l’épandage de fertilisants près des cours d’eau, la Commission considère que la distance de cinq mètres du bord supérieur du cours d’eau, contenue à l’article 17, paragraphe 1, 7º, du décret sur les engrais, est insuffisante pour atteindre le but visé à l’article 1^er de la directive.

100 Le gouvernement belge fait valoir, pour sa part, que les mesures reprises à l’article 17 du décret sur les engrais, à savoir l’essentiel du code flamand de bonne pratique agricole, sont applicables sur la totalité du territoire flamand et comportent les éléments indispensables énoncés à l’annexe II de la directive. Les obligations découlant dudit article 17 auraient été communiquées aux agriculteurs au moyen d’une brochure datée de décembre 2000 et de nombreuses réunions d’information se
seraient tenues dans toute la Région flamande.

101 S’agissant des périodes pendant lesquelles l’épandage de fertilisants est inapproprié, le gouvernement belge estime que l’épandage pendant toute l’année des «engrais chimiques lorsqu’il s’agit de terres arables couvertes» n’entraîne pas de risque significatif de pertes d’azote vers les eaux. En effet, les exploitants des serres (terres arables couvertes) ne feraient usage des engrais chimiques qu’au moment où ils s’attendent à la croissance. Pour le fumier et les engrais «contenant de l’azote
sous une forme telle que seule une partie restreinte de l’azote total est dégagée dans l’année d’épandage», le gouvernement belge fait état des modifications de la réglementation flamande intervenues les 15 mars 2002 et 28 mars 2003.

102 En ce qui concerne les conditions d’épandage de fertilisants sur les sols en forte pente, le gouvernement belge fait état de l’article 17, paragraphe 4, 1º, du décret sur les engrais, qui prévoit que, «en cas d’épandage, il faut éviter tout lessivage des engrais». Il considère que, dans ces conditions, spécifier en outre des règles concrètes relatives à l’épandage de fertilisants sur les sols en forte pente est superflu et doit être considéré comme un excès de droit.

103 Quant au reproche de la Commission selon lequel les conditions d’épandage sur des sols détrempés, inondés, gelés ou couverts de neige contenues dans la réglementation de la Région flamande ne viseraient que les terres arables, le gouvernement belge rétorque que, ainsi qu’il ressortirait de l’article 2, 2°, du décret sur les engrais, l’expression «terres arables» («cultuurgrond» dans la version néerlandaise dudit décret) couvre tous les types de terrains destinés à être utilisés pour les
cultures agricoles, quelle que soit l’espèce végétale concernée.

104 En ce qui concerne les règles relatives à l’épandage de fertilisants près des cours d’eau, le gouvernement belge rappelle que la directive ne contient aucune spécification relative à la distance qui doit être respectée par rapport aux cours d’eau pour prévenir la pollution. Il estime que la distance de cinq mètres est suffisante pour atteindre les objectifs poursuivis par l’article 1^er de la directive.

Appréciation de la Cour

105 À titre liminaire, il convient d’abord d’observer que ce grief ayant été formulé uniquement dans le cadre de la procédure d’infraction 94/2239, le délai pertinent pour déterminer l’existence du manquement allégué à l’article 4 de la directive, lu en combinaison avec l’annexe II de celle‑ci, est celui qui a été imparti au Royaume de Belgique par l’avis motivé du 23 novembre 1998.

106 Or, il ressort du dossier que les autorités belges ont reconnu dans une réponse du 19 février 1999 à l’avis motivé du 23 novembre 1998 que les quatre éléments invoqués par la Commission à l’appui du présent grief faisaient défaut dans le code flamand de bonne pratique agricole. Elles ont également annoncé que la législation flamande serait modifiée à cet égard dans un proche avenir.

107 Certes, le gouvernement belge conteste dans ses écrits devant la Cour que ce grief soit fondé et renvoie à cet égard à certaines dispositions de l’article 17 du décret sur les engrais. Force est toutefois de constater que ces dispositions ont été, ainsi qu’il ressort du point 22 de cet arrêt, introduites par le décret du 11 mai 1999, lequel n’a pas été adopté avant l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé du 23 novembre 1998.

108 Dès lors, il n’est pas nécessaire d’examiner si ces dispositions de l’article 17 du décret sur les engrais constituent, ainsi que le gouvernement belge le soutient, une application correcte des obligations découlant de l’annexe III de la directive. En effet, ainsi que la Cour l’a jugé à maintes reprises, l’existence d’un manquement doit être appréciée en fonction de la situation telle qu’elle se présente au terme du délai fixé dans l’avis motivé et les changements législatifs intervenus par la
suite ne sauraient être pris en compte par la Cour (voir, notamment, arrêt du 25 mai 2000, Commission/Grèce, C‑384/97, Rec. p. I‑3823, point 35).

109 Par conséquent, il y a lieu de conclure que le présent grief est fondé.

Sur le grief tiré d’une violation de l’article 5 de la directive, lu en combinaison avec l’annexe III de celle-ci

Argumentation des parties

– En ce qui concerne la Région flamande

110 Par ce grief, la Commission fait valoir que le programme d’action flamand, constitué par diverses dispositions de la législation flamande, notamment le décret sur les engrais et le Vlarem II, d’une part, n’est pas d’application complète dans toutes les zones vulnérables désignées par la Région flamande et, d’autre part, ne satisfait pas sous différents aspects aux exigences de l’article 5 de la directive, lu en combinaison avec l’annexe III de celle‑ci, en ce qui concerne:

– les périodes durant lesquelles l’épandage de certains types de fertilisants est interdit;

– la capacité des cuves destinées au stockage des effluents d’élevage;

– les limitations de l’épandage des fertilisants, compte tenu des caractéristiques de la zone vulnérable concernée, et

– la quantité maximale d’effluents d’élevage épandue annuellement.

111 Précisant ces lacunes alléguées du programme d’action flamand, la Commission fait valoir, premièrement, que dans certaines zones vulnérables désignées par la Région flamande, le programme d’action flamand n’est que partiellement appliqué. Ainsi, par exemple, la norme de fertilisation maximale annuelle de l’annexe III, point 2, de la directive (170 kilogrammes d’azote par hectare) ne serait pas appliquée dans les zones dites «agricoles d’intérêt écologique», «nature» ou «saturées en
phosphates».

112 Ensuite, la Commission fait valoir que, en vertu de l’article 17, paragraphe 7, du décret sur les engrais, l’interdiction d’épandre des effluents d’élevage durant certaines périodes de l’année ne s’applique pas au fumier.

113 Quant à la capacité des cuves destinées au stockage des effluents d’élevage, la Commission considère que l’article 5.9.2.3, paragraphe 1^er, du Vlarem II ne satisfait pas aux exigences de l’annexe III, point 1, 2), de la directive car il prescrit une capacité minimale uniquement pour le lisier et non pour les effluents solides.

114 La Commission fait également valoir que, lors de la détermination des quantités maximales de fertilisants pouvant être épandues dans les zones vulnérables dans la Région flamande, il n’a pas été tenu compte des critères visés à l’annexe III, point 1, 3), de la directive, notamment celui relatif à l’équilibre entre les besoins prévisibles en azote des cultures, d’une part, et l’azote apporté aux cultures par le sol et les fertilisants, d’autre part. Plus particulièrement, la réglementation
flamande aurait ignoré l’azote apporté aux cultures par le sol.

115 Enfin, la Commission fait valoir que, en dehors des zones vulnérables «eaux», les quantités maximales d’effluents d’élevage pouvant être épandues annuellement ne sont pas conformes aux exigences de l’annexe III, point 2, de la directive.

116 Le gouvernement belge estime, quant à l’absence d’une période pendant laquelle l’épandage de fumier est interdite, que le raisonnement de la Commission n’est plus pertinent depuis l’adoption du décret, du 28 mars 2003, modifiant le décret, du 23 janvier 1991, relatif à la protection de l’environnement contre la pollution due aux engrais (Moniteur belge du 8 mai 2003, p. 24 953), lequel instaure une période d’interdiction pour l’épandage de fumier.

117 S’agissant de la capacité des cuves destinées au stockage des effluents d’élevage, le gouvernement belge fait état d’une modification du Vlarem II apportée par l’arrêté du 19 septembre 2003, selon laquelle une capacité de stockage de trois mois pour le fumier, et de six mois pour les autres effluents solides, est prévue.

118 Le gouvernement belge nie que la Région flamande n’ait pas tenu compte, en établissant des normes en matière de limitations de l’épandage des fertilisants, de l’azote apporté aux cultures par le sol. Il estime que le reproche de la Commission est fondé sur une lecture erronée d’une réponse adressée par la Région flamande à la Commission pendant la procédure précontentieuse. Selon le gouvernement belge, le fondement scientifique sur lequel la Région flamande s’est basée a effectivement pris en
compte les réserves présentées dans le sol, notamment l’azote minéral se trouvant dans le profil du sol avant le début du cycle de la croissance végétale.

119 Quant à la quantité maximale d’effluents d’élevage épandue annuellement dans les zones vulnérables, le gouvernement belge a indiqué, dans son mémoire en duplique, que la désignation des zones vulnérables «nature» et des «zones agricoles d’intérêt écologique» n’a pas été fondée sur les critères de la directive. Il considère donc que les arguments de la Commission en ce qui concerne ces zones ne sont pas pertinents. S’agissant des zones vulnérables «saturées en phosphates», le gouvernement belge
reconnaît que la limite de 170 kilogrammes d’azote par hectare par an, contenue dans l’annexe III, point 2, de la directive, n’est pas reprise explicitement dans la réglementation flamande. Il estime toutefois que la limitation de fertilisation en phosphates dans ces zones à un maximum de 40 kilogrammes par hectare par an limite de facto l’apport maximal d’azote provenant d’effluents d’élevage à 170 kilogrammes par hectare par an.

– En ce qui concerne la Région wallonne

120 La Commission fait valoir que le programme d’action de la Région wallonne a été adopté tardivement par l’arrêté du 10 octobre 2002, soit après l’expiration des délais fixés dans les avis motivés.

121 La Commission soutient également que cet arrêté présente des insuffisances au regard des exigences de l’article 5 de la directive, lu en combinaison avec les annexes II et III de celle‑ci.

122 Le gouvernement belge prend acte des arguments de la Commission et estime que les efforts déployés depuis 1999 comme, par exemple, le programme wallon de gestion durable de l’azote en agriculture, doivent être pris en considération.

Appréciation de la Cour

– En ce qui concerne la Région flamande

123 Il y a lieu d’observer que ce grief est recevable dans la mesure où il porte sur la situation telle qu’elle existait en Région flamande à l’expiration du délai imparti par l’avis motivé du 9 novembre 1999. En effet, bien que la Commission semble considérer dans sa requête que l’arrêté du 31 mars 2000 définit les règles constituant le programme d’action flamand, il ressort du dossier que les griefs de la Commission sur ce point portent sur le programme d’action tel que prévu à l’article 17 du
décret sur les engrais et par le Vlarem II. Or, la procédure précontentieuse 97/4750 a porté sur cette version du programme d’action flamand.

124 Il convient dès lors d’examiner le bien‑fondé des arguments avancés par la Commission à l’appui du présent grief.

125 S’agissant de l’argument selon lequel le programme d’action flamand ne serait pas d’application dans les zones dites «agricoles d’intérêt écologique», «nature» et «saturées en phosphates», il convient de constater que, contrairement à ce que soutient la Commission, lesdites zones n’ont pas été désignées comme zones vulnérables au sens de la directive. En effet, il ressort de la législation flamande applicable, en particulier des articles 15 bis, ter et quater du décret sur les engrais, que,
contrairement à l’impression que le gouvernement belge a initialement créée dans son mémoire en défense, la désignation de ces zones n’est pas fondée sur les critères de la directive.

126 Ainsi, dès lors que, contrairement à ce que soutient la Commission, le programme d’action flamand était d’application dans toutes les zones désignées comme vulnérables au sens de la directive dans la Région flamande, le grief de la Commission doit, sur ce point, être rejeté.

127 Certes, le caractère insuffisant de la désignation des zones vulnérables en Région flamande a pour effet de réduire d’autant le champ d’application des dispositions pertinentes de l’annexe III de la directive. Toutefois, ainsi que la Commission l’a elle‑même reconnu lors de l’audience, cette insuffisance traduit une méconnaissance non pas de l’article 5 de la directive, lu en combinaison avec l’annexe III de celle‑ci, mais de l’article 5 de ladite directive, lu en combinaison avec l’article 3
de celle‑ci, laquelle méconnaissance n’a pas été invoquée par la Commission dans le cadre du présent recours.

128 S’agissant de l’annexe III, point 1, 1), de la directive, le gouvernement belge ne conteste pas que, à l’expiration du délai imparti par l’avis motivé du 9 novembre 1999, l’interdiction d’épandre des effluents d’élevage durant certaines périodes de l’année ne s’appliquait pas au fumier. Par ailleurs, quant à la circonstance alléguée selon laquelle le décret du 28 mars 2003 contiendrait une telle interdiction, il suffit de rappeler que, selon la jurisprudence constante mentionnée au point 108
du présent arrêt, les changements législatifs intervenus après la date d’expiration de l’avis motivé ne sauraient être pris en compte par la Cour dans le cadre d’un recours en manquement.

129 S’agissant de l’annexe III, point 1, 2) de la directive, ledit gouvernement ne conteste pas non plus que, au terme dudit délai, la réglementation de la Région flamande relative à la capacité des cuves destinées au stockage des effluents d’élevage n’était pas conforme aux exigences de cette disposition. Par ailleurs, quant à la circonstance alléguée selon laquelle le Vlarem II, tel que modifié par l’arrêté du 19 septembre 2003, instituerait dès cette date une capacité de stockage conforme à la
directive, il doit de nouveau être rappelé que, selon la jurisprudence mentionnée au point 108 du présent arrêt, les changements législatifs intervenus après la date d’expiration de l’avis motivé ne sauraient être pris en compte par la Cour dans le cadre d’un recours en manquement.

130 S’agissant de l’annexe III, point 1, 3), de la directive, la Cour a déjà rappelé que, aux termes de l’article 5, paragraphe 4, sous a), de cette directive, lu en combinaison avec l’annexe III, point 1, 3), de celle‑ci, les mesures à inclure dans les programmes d’action comportent des règles concernant la limitation de l’épandage des fertilisants fondée sur un équilibre entre les besoins prévisibles en azote des cultures et l’azote apporté aux cultures par le sol et les fertilisants (arrêt du 2
octobre 2003, Commission/Pays‑Bas, précité, point 71).

131 Or, il ressort du dossier que les normes de la réglementation de la Région flamande n’ont pas tenu compte des réserves réelles d’azote dans le sol. En effet, selon un «fondement scientifique des normes de fertilisation» joint à la réponse de la Région flamande du 24 décembre 1998 à la lettre de mise en demeure du 28 octobre 1998, «les normes ne tiennent pas compte des réserves réelles du sol». Cette constatation dépourvue d’ambiguïté ne saurait être contredite par l’allégation du gouvernement
belge selon laquelle lesdites normes «ont […] pour prémisse l’équilibre des réserves présentées dans le sol», la réalité d’une telle prémisse n’étant aucunement démontrée.

132 Il y a donc lieu de constater que lors de la détermination des quantités maximales de fertilisants pouvant être épandues dans les zones vulnérables dans la Région flamande, il n’a pas été tenu compte des critères visés à l’annexe III, point 1, 3), de la directive, notamment celui relatif à l’équilibre entre les besoins prévisibles en azote des cultures, d’une part, et l’azote apporté aux cultures par le sol et les fertilisants, d’autre part.

133 S’agissant de l’annexe III, point 2, de la directive, laquelle concerne les quantités maximales d’effluents d’élevage pouvant être épandues annuellement, les zones désignées par la Région flamande dites «agricoles d’intérêt écologique», «nature» et «saturées en phosphates» n’ont pas, ainsi qu’il ressort des points 17 et 125 du présent arrêt, été désignées comme zones vulnérables au sens de la directive. Or, il est constant que, au terme du délai pertinent, la limite annuelle de 170 kilogrammes
d’azote par hectare était respectée pour les zones vulnérables «eaux», à savoir les seules zones qui ont été désignées dans la Région flamande en application de la directive. Il y a donc lieu de relever que le reproche de la Commission, selon lequel cette limite n’était pas d’application dans toutes les zones vulnérables en Région flamande, n’est pas fondé.

134 Eu égard à ce qui précède, il convient de constater que, excepté le reproche selon lequel le programme d’action de la Région flamande n’est que partiellement d’application dans cette Région, notamment s’agissant des quantités maximales d’effluents d’élevage pouvant être épandues annuellement dans les zones vulnérables, le grief de la Commission tiré d’une violation de l’article 5 de la directive, lu en combinaison avec l’annexe III de celle ci, est fondé en ce qu’il vise la situation qui
prévalait en Région flamande à la date d’expiration du délai prévu dans l’avis motivé du 9 novembre 1999.

– En ce qui concerne la Région wallonne

135 À titre liminaire, il convient d’abord de constater que l’arrêté du 10 octobre 2002, sur lequel portent plusieurs allégations spécifiques soulevées par la Commission dans son recours, est intervenu après les délais impartis par les avis motivés. Par conséquent, les parties du grief par lesquels la Commission reproche au Royaume de Belgique des manquements supplémentaires par rapport à ceux figurant dans l’avis motivé, doivent, pour les motifs exposés aux points 34 à 42 du présent arrêt, être
rejetés comme étant irrecevables.

136 Pour le surplus, il suffit de relever que le gouvernement belge ne conteste pas que le programme d’action wallon a été adopté en dehors du délai imparti par l’avis motivé du 9 novembre 1999.

137 Dans ces conditions, il y a lieu de constater que le grief de la Commission tiré d’une violation de l’article 5 de la directive, lu en combinaison avec l’annexe III de celle‑ci, en ce qu’il vise la situation qui prévalait en Région flamande et en Région wallonne à la date d’expiration du délai prévu dans l’avis motivé du 9 novembre 1999, est fondé.

Sur le grief tiré d’une violation de l’article 10 de la directive, lu en combinaison avec l’annexe V de celle-ci

138 La Commission considère que, dans le rapport concernant la Région flamande, qui lui a été soumis en application de l’article 10 de la directive, les éléments suivants font défaut:

– la carte visée à l’annexe V, point 2, sous a), de la directive concernant les eaux identifiées conformément à l’article 3, paragraphe 1, de celle‑ci;

– le résumé des programmes de surveillance mis en œuvre conformément à l’article 6 de la directive;

– le résumé des résultats des programmes de surveillance mis en œuvre au titre de l’article 5, paragraphe 6, de la directive, et

– les estimations concernant les délais approximatifs dans lesquels on peut s’attendre à ce que les mesures prévues dans le programme d’action aient des effets.

139 Le gouvernement belge ne conteste pas ce grief.

140 Dans ces conditions, force est de constater que, en soumettant à la Commission un rapport incomplet, non conforme à l’article 10 de la directive, le Royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de cette disposition de la directive.

141 Compte tenu de l’ensemble de ce qui précède, il convient de constater que, en n’ayant pas adopté:

– en ce qui concerne la Région flamande, à l’expiration du délai imparti par l’avis motivé du 23 novembre 1998, les mesures nécessaires pour mettre en œuvre complètement et correctement l’article 4 de la directive et, à l’expiration du délai imparti par l’avis motivé du 9 novembre 1999, les mesures nécessaires pour mettre en œuvre complètement et correctement les articles 3, paragraphes 1 et 2, 5, et 10 de celle-ci, et

– en ce qui concerne la Région wallonne, à l’expiration du délai imparti par l’avis motivé du 9 novembre 1999, les mesures nécessaires pour mettre en œuvre complètement et correctement les articles 3, paragraphes 1 et 2, et 5, de ladite directive,

le Royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de la directive.

142 Il convient de constater également que, dans la mesure où, par son recours, la Commission soulève de nouveaux griefs par rapport à ceux énoncés dans les avis motivés, le recours est irrecevable.

143 En outre, la partie du grief tiré de la violation de l’article 5 de la directive, lu en combinaison avec l’annexe III de celle-ci, selon laquelle le programme d’action de la Région flamande n’est que partiellement d’application dans cette Région, notamment en ce qui concerne les quantités maximales d’effluents d’élevage pouvant être épandues annuellement dans les zones vulnérables, n’est pas fondée.

Sur les dépens

144 En vertu de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

145 Selon l’article 69, paragraphe 3, premier aliéna, de ce même règlement, la Cour peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens, notamment, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs.

146 En l’espèce, force est de constater que la Commission a consacré une partie importante de son recours et de ses écritures à de nouveaux griefs par rapport à ceux énoncés dans les avis motivés, alors qu’elle était parfaitement consciente du fait que, comme elle l’a admis tant dans sa requête que lors de l’audience, une infraction au sens de l’article 226 CE ne s’apprécie qu’au terme du délai imparti par l’avis motivé. Ce comportement a été susceptible d’amener la partie défenderesse à consacrer
des efforts non négligeables pour répondre à des griefs supplémentaires par rapport à ceux ayant fait l’objet des procédures précontentieuses.

147 Toutefois, et bien qu’une partie du recours soit déclarée irrecevable et qu’une partie du troisième grief doive être rejetée, il y a lieu de constater que le recours de la Commission est, pour l’essentiel, fondé.

148 Dans ces conditions, il convient de condamner le Royaume de Belgique aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) déclare et arrête:

1) En n’ayant pas adopté:

– en ce qui concerne la Région flamande, à l’expiration du délai imparti par l’avis motivé du 23 novembre 1998, les mesures nécessaires pour mettre en œuvre complètement et correctement l’article 4 de la directive 91/676/CEE du Conseil, du 12 décembre 1991, concernant la protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles, et, à l’expiration du délai imparti par l’avis motivé du 9 novembre 1999, les mesures nécessaires pour mettre en œuvre complètement et
correctement les articles 3, paragraphes 1 et 2, 5, et 10 de celle-ci, et

– en ce qui concerne la Région wallonne, à l’expiration du délai imparti par l’avis motivé du 9 novembre 1999, les mesures nécessaires pour mettre en œuvre complètement et correctement les articles 3, paragraphes 1 et 2, et 5 de cette directive,

le Royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de ladite directive.

2) Dans la mesure où, par ses griefs, la Commission des Communautés européennes soulève de nouveaux griefs ne figurant pas dans les avis motivés, le recours est irrecevable.

3) La partie du grief tiré de la violation de l’article 5 de la directive 91/676, lu en combinaison avec l’annexe III de celle-ci, selon laquelle le programme d’action de la Région flamande n’est que partiellement d’application dans cette Région, notamment en ce qui concerne les quantités maximales d’effluents d’élevage pouvant être épandues annuellement dans les zones vulnérables, n’est pas fondée.

4) Le Royaume de Belgique est condamné aux dépens.

Signatures

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* Langue de procédure: le français.


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : C-221/03
Date de la décision : 22/09/2005
Type de recours : Recours en constatation de manquement - fondé, Recours en constatation de manquement - non fondé, Recours en constatation de manquement - irrecevable

Analyses

Manquement d'État - Directive 91/676/CEE - Transposition incomplète - Protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles - Non-définition des eaux polluées ou susceptibles de l'être - Désignation incorrecte et insuffisante des zones vulnérables - Code de bonne pratique agricole - Insuffisances - Programme d'action - Insuffisances et application incomplète.

Environnement

Pollution


Parties
Demandeurs : Commission des Communautés européennes
Défendeurs : Royaume de Belgique.

Composition du Tribunal
Avocat général : Geelhoed
Rapporteur ?: Ó Caoimh

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2005:573

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