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05/03/1985 | CJUE | N°47/84

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Darmon présentées le 5 mars 1985., Secrétaire d'État aux Finances contre Gaston Schul Douane-Expediteur BV., 05/03/1985, 47/84


CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. MARCO DARMON

présentées le 5 mars 1985

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1.  La Cour de cassation néerlandaise vous a saisis à l'occasion d'un litige qui vous est connu puisqu'il avait déjà été à l'origine de votre décision 15/81, Schul (ci-après Schul I), du 5 mai 1982 (Rec. 1982, p. 1409). Pour bien comprendre la portée exacte des questions renvoyées par la haute juridiction des Pays-Bas, il convient de rappeler brièvement les antécédents essentiels du liti

ge au principal.

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CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. MARCO DARMON

présentées le 5 mars 1985

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1.  La Cour de cassation néerlandaise vous a saisis à l'occasion d'un litige qui vous est connu puisqu'il avait déjà été à l'origine de votre décision 15/81, Schul (ci-après Schul I), du 5 mai 1982 (Rec. 1982, p. 1409). Pour bien comprendre la portée exacte des questions renvoyées par la haute juridiction des Pays-Bas, il convient de rappeler brièvement les antécédents essentiels du litige au principal.

2.  A l'origine de cette affaire, l'importation aux Pays-Bas par la société à responsabilité limitée Gaston Schul, transitaire en douane, d'un bateau de plaisance et de sport, à l'état de bien d'occasion, sur l'ordre et pour le compte d'un particulier domicilié aux Pays-Bas, lequel l'avait acheté en France à un autre particulier (15/81, précité, point 2). A l'occasion de cette importation, le fisc néerlandais a appliqué au prix de revente (soit 172300 HFL) une taxe à la valeur ajoutée (ci-après TVA)
au taux de 18% (soit 31014 HFL), taux normal qui est appliqué à l'intérieur du pays pour les livraisons à titre onéreux de biens. Le problème posé par cette perception, qui a été l'objet de votre premier arrêt Schul, est que, pour une transaction similaire effectuée entre particuliers aux Pays-Bas, aucune TVA n'est perçue.

L'administration néerlandaise s'était fondée sur l'article 1er de la loi interne relative à la taxe sur le chiffre d'affaires pris conformément à l'article 2 de la sixième directive 77/388 du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1). Par cet article 2, celle-ci prévoit en effet que :

« Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée:

...

2) les importations de biens. »

Contestant la décision ainsi prise par l'administration néerlandaise, le transitaire en douane avait saisi la cour d'appel de Bois-le-Duc. A la suite du renvoi par cette juridiction de certaines questions préjudicielles, vous avez notamment dit pour droit que :

« ... en vue d'apprécier la compatibilité, avec les exigences de l'article 95, d'une imposition de la TVA aux produits en provenance d'un autre Etat membre livrés par des particuliers, dans la mesure où la livraison de produits similaires effectuée par des particuliers à l'intérieur de l'État membre d'importation n'est pas imposée, (il convient) de prendre également en considération la TVA perçue dans l'État membre d'exportation » (15/81, précité, point 34).

Vous en avez déduit que:

« ... dans la mesure où un tel produit importé livré par un particulier, et ne pouvant pas légalement être dégrevé à l'occasion de l'exportation, reste effectivement grevé, au moment de son importation, d'une partie de la TVA acquittée dans l'État membre d'exportation, le montant de la TVA exigible à l'occasion de l'importation doit être diminué de la part résiduelle de la TVA de l'État membre d'exportation qui est encore incorporée dans la valeur du produit au moment de son importation »,

en ajoutant que:

« Le montant venant ainsi en diminution ne peut toutefois pas être supérieur au montant de la TVA effectivement acquitté dans l'État membre d'exportation» (15/81, précité, point 34).

3.  Il ressort de l'arrêt de renvoi de la Cour de cassation des Pays-Bas que, à la suite de votre arrêt, les parties n'ont plus contesté que, lors du calcul de la TVA à l'importation, il aurait dû être tenu compte du fait que ce bien avait déjà supporté en France une TVA d'un montant qui, après conversion, s'élève à 22298,91 HFL. Néanmoins, certains points restaient en discussion touchant aux modalités d'application de la déduction.

Plus particulièrement, la divergence a porté, d'une part, sur le problème de l'inclusion ou non dans la base d'imposition servant au calcul du montant de la TVA dans le pays d'importation de la TVA déjà supportée par ce bien dans l'État membre d'exportation, d'autre part, sur la détermination de la part de TVA, acquittée dans le pays d'exportation, à considérer comme encore incorporée au moment de l'importation.

Contrairement à la position soutenue devant elle par l'administration fiscale néerlandaise, la cour d'appel de Bois-le-Duc a considéré:

— que la base d'imposition sur laquelle la TVA néerlandaise était applicable devait être le prix de vente hors TVA du bien en cause;

— que l'intégralité de la TVA acquittée en France devait être déduite, sans en soustraire le montant correspondant à son utilisation pendant l'année séparant le premier achat de la revente..

C'est contre cette décision que le secrétaire d'État aux Finances néerlandais s'est pourvu en cassation, estimant:

— que la base d'imposition à prendre en considération pour le calcul de la TVA à l'importation est constituée par la valeur du bien au moment de l'importation, TVA acquittée dans l'État membre d'exportation comprise;

— que la durée de consommation du bien devait impliquer une diminution du montant à déduire de la TVA initialement acquittée dans l'État membre d'exportation.

Pour résoudre les deux problèmes ainsi soulevés, la Cour de cassation des Pays-Bas vous a renvoyé les deux questions préjudicielles suivantes:

« 1) Lorsqu'une taxe sur la valeur ajoutée (ci-après TVA) est perçue par un Etat membre lors de l'importation d'un produit originaire d'un autre État membre, lequel est livré par un (particulier) non-assujetti, alors que cette taxe n'est pas perçue lors de la livraison par un particulier de produits similaires à l'intérieur de l'État membre d'importation, l'État membre d'importation doit-il, en vue d'éviter que cette taxe ne constitue une imposition intérieure supérieure à celle qui trappe les
produits nationaux similaires au sens de l'article 95 du traité CEE, tenir compte du montant de la TVA acquittée dans l'État membre d'exportation, qui est encore incorporée dans la valeur du produit au moment de son importation :

a) de manière telle que ce montant ne figure pas dans la base d'imposition de la TVA due à l'importation et soit en outre déduit de la TVA due à l'importation;

b) de manière telle que le montant en question soit seulement déduit de la TVA due à l'importation?

2) Comment doit être calculé le montant visé dans le cas décrit sous 1 ? »

Suivant cette présentation, nous envisagerons et discuterons successivement les observations présentées sur chacune des deux questions préjudicielles.

4.  S'agissant en premier lieu de savoir quelle doit être la structure de la base d'imposition sur laquelle est assise la TVA à l'importation, on peut résumer ainsi les arguments échangés devant vous.

Pour le gouvernement néerlandais, la TVA à l'importation est assise sur la valeur du bien au moment de son importation, c'est-à-dire toutes taxes comprises, conformément aux dispositions de la loi néerlandaise sur la taxe sur le chiffre d'affaires de 1968 et à l'article 11, partie B, paragraphe 3, sous a), de la sixième directive, selon lequel:

« Sont à comprendre dans la base d'imposition, dans la mesure où ils n'y sont pas déjà compris :

a) les impôts, droits, prélèvements et autres taxes qui sont dus en dehors du pays d'importation, ainsi que ceux qui sont dus en raison de l'importation, à l'exception de la taxe sur la valeur ajoutée à percevoir. »

Le gouvernement néerlandais relève par ailleurs que, sur le marché intérieur, les transactions entre particuliers et assujettis portant sur des biens d'occasion sont soumises aux mêmes règles.

Pour les raisons que nous allons développer, cette argumentation ne saurait être accueillie.

— En effet, la non-inclusion dans la base d'imposition de la TVA acquittée dans l'État membre d'exportation s'inscrit dans la logique de votre arrêt Schul I. Vous y avez dit pour droit que, dans les circonstances de l'espèce (pas de dégrèvement à l'exportation, mais application d'une TVA à l'importation alors que la même transaction n'est pas assujettie à la TVA à l'intérieur du pays), la charge de TVA qui grève encore le produit au moment de l'importation doit être déduite du montant de la TVA
à l'importation, faute de quoi :

« la taxation à l'importation se révélerait en réalité comme une charge supplémentaire qui grèverait les produits importés plus lourdement que les produits nationaux similaires » (15/81, précité, point 31, souligné par nous).

Cette solution est notamment fondée sur l'article 95:

« lequel interdit de frapper, non seulement directement mais encore indirectement, les produits des autres États membres d'impositions intérieures supérieures à celles qui frappent les produits nationaux similaires » (15/81, point 32; c'est nous qui soulignons).

Vous avez ainsi appliqué en la matière une règle dont la formulation pourrait être: taxe sur taxe ne vaut. Or, l'inclusion du montant de la TVA acquittée dans l'État membre d'exportation dans la base d'imposition irait à l'encontre du principe ainsi dégagé, constituant une « charge supplémentaire » frappant « indirectement » les produits importés plus lourdement que les produits nationaux similaires.

— Quant à l'argument tiré de l'article 11, partie B, paragraphe 3, sous a), de la sixième directive, il y a lieu de relever que celle-ci, à l'exception de l'article 2, paragraphe 2, qui soumet toutes importations au paiement de la TVA (15/81, précité, point 15), ne s'applique pas aux transactions portant sur des biens d'occasion, effectuées par des non-assujettis.

En conséquence, tout argument tiré de la directive doit être accueilli avec réserve dès lors qu'il entre en contradiction avec le principe posé par l'article 95 du traité, tel que vous l'avez interprété (15/81, point 38).

— Au demeurant, le système mis en place par la sixième directive selon lequel, comme vous l'avez décrit,

« à chaque transaction, la TVA n'est exigible que déduction faite du montant de la TVA qui a grevé directement le coût des divers éléments constitutifs du prix » (15/81, précité, point 10),

suppose nécessairement, pour garder sa cohérence, qu'une base d'imposition du même type serve à l'établissement de la TVA à chaque stade du circuit commercial. En ce sens, l'article 11, partie B, paragraphe 3, sous a), ne saurait être interprété comme impliquant l'inclusion de la TVA acquittée dans l'État membre d'exportation dans la base d'imposition sur laquelle est assise la TVA à l'importation. Toute autre démarche, en effet, reviendrait sur le principe essentiel de neutralité des
impositions intérieures, en frappant plus lourdement le produit importé par rapport au produit national.

En définitive, comme l'ont souligné tant la requérante au principal que le gouvernement français et la Commission, l'inclusion dans la valeur du bien à l'importation de la TVA acquittée au stade antérieur entraînerait une double imposition puisque la TVA à l'importation serait partiellement assise sur la TVA de l'État membre d'exportation.

Il convient donc de répondre à la première question posée par la Cour de cassation néerlandaise que, dans les circonstances de l'espèce telles que nous les avons rappelées, la TVA à l'importation doit être calculée, conformément au principe posé par l'article 95 tel que la Cour l'a interprété dans son arrêt du 5 mai 1982, sur la base de la valeur du produit considéré au moment de l'importation, déduction faite du montant de la TVA résiduelle de l'État membre d'exportation.

5.  Cette première réponse laisse entier le problème de la détermination de la

« part résiduelle de la TVA de l'État membre d'exportation qui est encore incorporée dans la valeur du produit au moment de son importation» (15/81, précité, point 34, deuxième phrase, in fine; c'est nous qui soulignons)

dont l'établissement est décisif tant, comme nous l'avons indiqué, pour la détermination de la base d'imposition que, comme vous l'avez décidé, pour la fixation du solde de TVA à acquitter par l'importateur dans l'État membre d'importation. Plus exactement, il résulte de l'ordonnance de renvoi que le problème en discussion est délimité, à cet égard, aux modalités de calcul permettant de dégager ce montant résiduel.

Comme l'indique en effet votre décision Schul I, il faut déduire « la part de la TVA qui grève encore» le produit lors de l'importation, c'est-à-dire la «partie de la TVA acquittée dans l'État membre d'exportation » dont ce produit «reste effectivement grevé » ou encore «la part résiduelle ... qui est encore incorporée » dans la valeur du produit au moment de l'importation (15/81, précité, points 32 et 34; c'est nous qui soulignons).

Il est indéniable que le montant de la TVA initialement acquittée dans l'État membre d'exportation lors de l'achat du produit doit être réexaminé, ou plus exactement actualisé, au moment de la revente à l'exportation, dès lors que le produit a été, entre-temps, introduit dans lé circuit dé consommation. Le seul problème qui subsiste est celui de l'incidence de la période de consommation dans le calcul du montant de la TVA à retenir.

En effet, la TVA frappe la consommation (15/81, précité, point 10); dès lors, lorsque la consommation, commencée dans un Etat membre, se poursuit dans un autre Etat membre, on appliquera normalement, conformément aux règles énoncées par la sixième directive, la TVA du pays d'importation à la valeur du produit, après dégrèvement de la TVA acquittée dans l'Etat membre d'exportation: ce principe dit du pays de destination implique que la TVA applicable est celle du pays où le bien est consommé
(15/81, précité, points 13 à 15). Dans le cas de transactions entre non-assujettis, le problème consiste donc à calculer la fraction de la TVA encore incorporée dans la valeur du bien lors de l'importation, autrement dit à établir, comme l'a relevé le gouvernement français, la part de TVA acquittée dans l'État membre d'exportation qui peut être considérée comme n'ayant pas correspondu à l'utilisation du produit dans cet État. Prenons un exemple: si la valeur d'un bien au moment de l'importation
est très inférieure à sa valeur initiale, la déduction de la TVA intégralement acquittée lors de l'achat pourrait dépasser le prix de revente du bien considéré. Dans un tel cas, on ne saurait affirmer que seraient réalisés les objectifs de l'article 95 et ceux des articles 2 et 3 du traité (15/81, précité, points 26 et 33).

C'est à un problème de cet ordre que la juridiction de renvoi se trouve confrontée, étant observé qu'à l'inverse de l'exemple précité la valeur du bien au moment de l'importation est supérieure à sa valeur initiale. Pour résoudre ce problème, différentes méthodes ont été proposées par les parties au principal et celles qui sont intervenues au cours de la procédure préjudicielle. Trois orientations de solution se dégagent. Examinons-les successivement.

6.  Une première méthode (dite ci-après méthode « prorata temporis »), soutenue par l'inspecteur des. droits à l'importation et des accises néerlandais, par les gouvernements néerlandais et français et envisagée par la Commission, consiste à calculer la TVA résiduelle encore incorporée dans la valeur du bien à l'importation en fonction du rapport entre la durée réelle d'utilisation du bien et la durée totale de son utilisation. Ce dernier chiffre, et c'est là une variante, peut être calculé soit sur
la durée de vie supposée du bien — en l'occurrence trente ans pour un navire selon l'inspecteur néerlandais —, soit sur la base d'une durée d'amortissement forfaitaire — estimée à cinq années par les gouvernements français et néerlandais.

Plus concrètement, le navire en cause ayant été revendu après une année, cette méthode conduirait à établir une TVA résiduelle égale à la TVA initialement acquittée, déduction faite d'un trentième dans le premier cas ou d'un cinquième de ce chiffre dans le second cas.

Disons immédiatement que cette méthode, lorsqu'elle repose sur la durée de vie supposée du bien importé, ne nous paraît guère praticable à l'échelle de la Communauté. Il s'agit en effet toujours, comme le relève le gouvernement français, d'une simple appréciation, variable selon les États membres et les usages. Or, il est essentiel, afin d'éviter les distorsions de concurrence, que le système appliqué soit aussi neutre que possible à l'échelle de la Communauté. Il nous paraît donc préférable de
prendre en considération, à ce stade, la méthode « prorata temporis »forfaitaire, nous réservant de vérifier plus avant s'il convient de la retenir.

7.  Une seconde méthode fait l'objet d'une proposition de seizième directive de la Commission qui vise à établir le régime commun de TVA applicable aux transactions entre particuliers portant sur l'importation de biens d'occasion (JO C 226 du 28.8. 1984, p. 2).

La Commission distingue ici deux modalités différentes de calcul de la TVA résiduelle selon que le bien considéré a diminué ou augmenté de valeur entre sa première mise à la consommation et son importation. Présentons-les brièvement.

Si le bien s'est déprécié, la TVA initialement acquittée dans l'Etat membre d'importation sera réduite à proportion de la dépréciation constatée. Concrètement, ce résultat, selon la Commission, est le fruit d'une simple règle de trois consistant dans un premier temps à dégager la valeur hors TVA du bien à l'importation, mesurée par le prix de revente TVA comprise multiplié par le rapport constant entre le prix de vente initial hors TVA et le prix de vente initial TVA comprise. La TVA résiduelle
est alors le fruit de la différence entre la valeur brute de revente et la valeur ainsi dégagée. On arrive, plus directement semble-t-il, au même résultat en appliquant au montant de la TVA initialement acquittée le pourcentage de la dépréciation constatée.

Cette modalité ne serait pas applicable, selon la Commission, si le bien a augmenté de valeur, dans la mesure où elle donnerait un montant de TVA supérieur au montant acquitté initialement. La Commission propose donc dans ce cas de ne taxer que l'augmentation de valeur que le bien a connue par rapport au prix de vente iniţial, la TVA acquittée sur le montant initial restant acquise à l'État membre d'exportation.

8.  La troisième et dernière méthode est celle soutenue par le requérant au principal et retenue par la cour d'appel de Bois-le-Duc. Comme la précédente, elle est fonction de l'évolution de la valeur du bien considéré.

En cas de diminution, la modalité suggérée correspond à celle présentée par la Commission telle que nous venons de la décrire.

En cas d'augmentation de la valeur du bien, la requérante au principal considère que le montant de TVA initialement acquitté dans l'État membre d'exportation devrait être intégralement déduit du montant de la TVA à l'importation. Cette solution se déduirait du point 34 de votre décision Schul I, dont la dernière phrase précise que le montant de TVA résiduelle à déduire « ne peut toutefois pas être supérieur au montant de la TVA effectivement acquittée dans l'Etat membre d'exportation». Or,
l'application de la modalité prévue en cas de dépréciation du bien conduirait, comme nous l'avons déjà relevé, à dégager une TVA résiduelle supérieure à la TVA initiale.

9.  La description des différentes solutions ainsi retenues appelle de notre part les considérations suivantes. La solution proposée par la Commission en cas d'augmentation de la valeur du bien ne saurait être évidemment retenue, comme elle l'a elle-même reconnu. En effet, à titre transitoire et jusqu'à l'adoption, le cas échéant, de la proposition de seizième directive par le législateur communautaire, la méthode appropriée doit être recherchée dans la perspective tracée par votre arrêt Schul I,
qui, conformément au principe énoncé à l'article 95 du traité, prescrit la déduction de la TVA résiduelle.

Il reste donc à examiner les deux autres méthodes décrites.

10.  La méthode forfaitaire présente un double avantage. D'une part, elle est indépendante de l'évolution de la valeur du bien. D'autre part, elle peut être fondée sur une application par analogie de l'article 20 de la sixième directive, consacré à la « régularisation des déductions », qui prévoit:

«2) En ce qui concerne les biens d'investissement, une régularisation est opérée pendant une période de cinq années, dont celle au cours de laquelle le bien a été acquis ou fabriqué. Chaque année, cette régularisation ne porte que sur le cinquième de la taxe dont ces biens ont été grevés. »

Dans cette perspective, comme le relèvent les gouvernements français et néerlandais, la transposition de cette solution aux transactions visées en l'espèce aurait pour effet d'uniformiser les règles d'amortissement quelle que soit la qualité des cocontractants, assujettis ou non assujettis.

Nous ne pensons pas néanmoins pouvoir vous proposer de retenir cette méthode.

Comme le relève la Commission, il faut constater qu'en principe la TVA est assise sur le prix effectif à. l'importation, ce qui, vu l'état actuel de la réglementation communautaire, paraît exclure toute modalité forfaitaire du calcul de la TVA résiduelle qui affecterait la détermination du prix à l'importation. A cet égard, il faut souligner que vous vous êtes expressément référés dans votre arrêt Schul I à la partie de la TVA dont le produit reste «effectivement grevé, au moment de son
importation » (point 34; c'est nous qui soulignons).

Il ne nous semble pas, en outre, que l'on puisse fonder sur l'article 95 un système forfaitaire fixant à cinq années, pour \'ensemble des produits et \'ensemble des États membres, la période d'amortissement.

Enfin, cette méthode n'est pas sans inconvénient: ainsi, en cas de dépréciation du bien considéré, elle peut conduire à dégager une TVA résiduelle supérieure à la valeur du bien au moment de son importation. De plus, son adoption rendrait nécessaire l'établissement d'un système particulier pour les biens d'occasion dont la durée de vie effective est inférieure à cinq années.

11.  Ces constatations nous conduisent en définitive à vous proposer de retenir la combinaison appliquée par la cour d'appel de Bois-le-Duc.

Cette méthode a le mérite d'être praticable:

— en cas de dépréciation de la valeur du bien, la TVA de l'État membre d'exportation encore incorporée dans la valeur du bien considéré est calculée, au moment de l'importation, à proportion du pourcentage de la dépréciation constatée, selon les modalités déjà précisées; c'est donc bien la rémanence effective de la TVA qui est prise en compte, conformément à votre décision Schul I;

— en cas d'augmentation de la valeur du bien, le montant de la TVA à déduire est celui initialement acquitté dans l'État membre d'exportation. Cette seconde modalité intègre la réserve expresse contenue dans la dernière phrase du point 34 de votre arrêt Schul I.

Elle a en outre l'avantage de satisfaire non seulement au souci d'une répartition équitable des recettes fiscales entre les États membres, puisque l'État d'origine conserve la TVA initialement acquittée et que l'État d'importation peut frapper l'augmentation de valeur du bien, mais aussi au souci d'éviter une double imposition, conformément au principe posé par l'article 95 du traité, puisque, quelle que soit l'évolution de la valeur du bien considéré, le montant de la TVA venant en déduction
sera celui dont ce bien reste « effectivement grevé, au moment de son importation » (15/81, point 34).

Nous vous proposons donc de répondre à la seconde question que la TVA résiduelle encore incorporée dans la valeur du bien à l'importation est représentée :

— en cas de dépréciation de la valeur du bien importé, par le montant de la TVA initialement acquittée, affecté du pourcentage de cette dépréciation;

— en cas d'augmentation de la valeur de ce bien, par le montant intégral de la TVA initialement acquittée dans l'État membre d'exportation.

12.  Nous suggérons, en conséquence, de répondre ainsi qu'il suit aux questions renvoyées par la Cour de cassation des Pays-Bas.

Lorsqu'une taxe à la valeur ajoutée est perçue par un État membre au titre de l'importation de produits en provenance d'un autre Etat membre livres par un particulier, alors qu'une telle taxe n'est pas perçue au titre de la livraison de produits similaires effectuée par un particulier à l'intérieur de Etat membre d importation, ce dernier doit, conformément au principe posé par 1 article 95 du traite, tenir compte du montant de la taxe à la valeur ajoutée acquittée dans 1 Etat membre
d'exportation qui est encore incorporée dans la valeur du produit au moment de son importation, de manière telle que ce montant:

— soit déduit de la base d'imposition de la taxe à la valeur ajoutée due à l'importation,

— et soit représenté:

— en cas de dépréciation de la valeur du bien importé, par le montant de la TVA initialement acquittée, affecté du pourcentage de cette dépréciation;

— en cas d'augmentation de la valeur de ce bien, par le montant intégral de la TVA initialement acquittée dans l'État membre d'exportation.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 47/84
Date de la décision : 05/03/1985
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle: Hoge Raad - Pays-Bas.

Taxe sur le chiffre d'affaires à l'importation de produits livrés par des particuliers.

Taxe sur la valeur ajoutée

Fiscalité

Rapprochement des législations


Parties
Demandeurs : Secrétaire d'État aux Finances
Défendeurs : Gaston Schul Douane-Expediteur BV.

Composition du Tribunal
Avocat général : Darmon
Rapporteur ?: Koopmans

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1985:93

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