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06/02/1985 | CJUE | N°275/83

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Darmon présentées le 6 février 1985., Commission des Communautés européennes contre Royaume de Belgique., 06/02/1985, 275/83


CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. MARCO DARMON

présentées le 6 février 1985

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1.  Par ce recours en manquement, la Commission vise à faire constater l'incompatibilité au regard du droit communautaire de l'article 121 - 10 de la loi belge du 9 août 1963 instituant et organisant un régime d'assurance obligatoire contre la maladie et l'invalidité ( 1 ), telle que modifiée par la loi relative aux propositions budgétaires 1979-1980 du 8 août 1980 ( 2 ).


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CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. MARCO DARMON

présentées le 6 février 1985

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1.  Par ce recours en manquement, la Commission vise à faire constater l'incompatibilité au regard du droit communautaire de l'article 121 - 10 de la loi belge du 9 août 1963 instituant et organisant un régime d'assurance obligatoire contre la maladie et l'invalidité ( 1 ), telle que modifiée par la loi relative aux propositions budgétaires 1979-1980 du 8 août 1980 ( 2 ).

Cette disposition, entrée en vigueur le 1o octobre 1980, établit une retenue sur les pensions légales de vieillesse, de retraite, d'ancienneté et de survie à l'égard de toute personne bénéficiaire; le produit en est versé à l'Institut national d'assurance maladieinvalidité (ci-après INAMI) ( 3 ). Or, d'après l'article 33 du règlement no 1408/71 relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés et à leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté:

« L'institution d'un État membre débitrice d'une pension ou d'une rente qui applique une législation prévoyant des retenues de cotisations à la charge du titulaire d'une pension ou d'une rente, pour la couverture des prestations de maladie et de maternité, est autorisée à opérer ces retenues, calculées suivant ladite législation, sur la pension ou la rente dues par elle, dans la mesure où les prestations servies en vertu des articles 27, 28, 28 bis, 29, 31 et 32 sont à la charge d'une
institution dudit État membre » ( 4 ).

Autrement dit, une telle retenue sur pension ne peut être prélevée que sur les assurés sociaux qui bénéficient, de la part de l'institution sociale intéressée, des prestations en contrepartie desquelles la retenue est perçue. Par contre, dès lors que le service des prestations n'est pas assuré par l'institution de l'État membre où sont prélevées les retenues, celles-ci ne peuvent être perçues. Cette situation est précisément celle des assurés sociaux qui résident dans un autre État membre que la
Belgique et qui, en vertu des dispositions des articles 27 à 32 du règlement no 1408/71, bénéficient des prestations servies par l'institution sociale compétente de l'État membre où ils résident. Appliqué à ces derniers, l'article 121 - 10 de la loi belge viole le principe établi par l'article 33 du règlement no 1408/71.

2.  Le gouvernement belge ne conteste pas que l'application à tous les assurés sociaux, quel que soit l'État membre de résidence, de la législation belge critiquée constitue un manquement aux dispositions de l'article 33 du règlement no 1408/71.

A l'audience, il a fait préciser que deux mesures seraient adoptées afin d'y mettre un terme :

— d'une part, une circulaire adressée à 1'INAMI écarterait l'application de la disposition en cause aux pensionnés résidant dans un autre État membre,

— d'autre part, un projet de loi, dérogeant à la règle de la prescription triennale en matière de sécurité sociale, ouvrirait aux assurés sociaux concernés la faculté de demander le remboursement des retenues perçues depuis le 1er octobre 1980, en faisant courir le délai pour agir du jour de l'entrée en vigueur de la loi de modification.

3.  Nous ne croyons pas devoir porter une appréciation, au regard du manquement reproché, sur le dispositif ainsi décrit. Nous nous bornerons à constater qu'à ce jour, la situation justement critiquée demeure inchangée. Le gouvernement belge explique le retard mis à se conformer aux prescriptions de l'article 33 précité par les difficultés rencontrées aussi bien dans le choix que dans l'élaboration des mesures nationales rectificatives. A cet égard, il suffit de rappeler que, par une jurisprudence
constante, vous avez jugé

« qu'un État membre ne saurait exciper de dispositions ou pratiques de son ordre interne pour justifier le non-respect des obligations et délais résultant des règlements communautaires » ( 5 ).

4.  En conséquence, nous vous demandons de constater que la Belgique a manqué aux obligations imposées par l'article 33 du règlement no 1408/71 du Conseil en maintenant inchangées, sans prévoir une exception en faveur des ressortissants communautaires résidant dans un autre État membre, les prescriptions de l'article 120-10 de la loi du 9 août 1963 telle que modifiée par la loi du 8 août 1980.

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( 1 ) Moniteur belge des 1 e r et 2 novembre 1963, p. 10555.

( 2 ) Moniteur belge du 15 août 1980, p. 9463, article 161, p. 9514.

( 3 ) Article 121 - 10, alinéa 4.

( 4 ) JO L 141 du 5 juillet 1971, dans sa version modifiée par le règlement no 2864/72 du Conseil du 19 décembre 1972 (JO L 306 du 31 décembre 1972).

( 5 ) 30/72, Itaie (Rec. 1973, p. 161), point 11; voir plus récemment, à propos d'une directive, 279/83, Italie, du 4 octobre 1984, point 4.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 275/83
Date de la décision : 06/02/1985
Type de recours : Recours en constatation de manquement - fondé

Analyses

Sécurité sociale - Retenue de cotisation.

Sécurité sociale des travailleurs migrants


Parties
Demandeurs : Commission des Communautés européennes
Défendeurs : Royaume de Belgique.

Composition du Tribunal
Avocat général : Darmon
Rapporteur ?: Everling

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1985:52

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