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06/10/1983 | CJUE | N°321/82

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Rozès présentées le 6 octobre 1983., Volkswagenwerk AG contre Hauptzollamt Braunschweig., 06/10/1983, 321/82


CONCLUSIONS DE MME L'AVOCAT GÉNÉRAL

SIMONE ROZÈS

PRÉSENTÉES LE 6 OCTOBRE 1983

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

Le Finanzgericht de Hambourg vous interroge sur l'interprétation du règlement du Conseil du 10 décembre 1979 (n° 2789/79) portant ouverture de préférences tarifaires pour certains produits originaires de pays en voie de développement ( 1 ), lequel a servi de base au règlement de la Commission du 20 décembre 1979 (n° 3067/79) relatif à la définition de la notion de produits originaires pour l'application de

préférences tarifaires accordées par la Communauté économique européenne à certains produits
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CONCLUSIONS DE MME L'AVOCAT GÉNÉRAL

SIMONE ROZÈS

PRÉSENTÉES LE 6 OCTOBRE 1983

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

Le Finanzgericht de Hambourg vous interroge sur l'interprétation du règlement du Conseil du 10 décembre 1979 (n° 2789/79) portant ouverture de préférences tarifaires pour certains produits originaires de pays en voie de développement ( 1 ), lequel a servi de base au règlement de la Commission du 20 décembre 1979 (n° 3067/79) relatif à la définition de la notion de produits originaires pour l'application de préférences tarifaires accordées par la Communauté économique européenne à certains produits
de pays en voie de développement ( 2 ).

I —

Le régime préférentiel, qui est à la base de ces règlements et qui a déjà fait l'objet de l'affaire Weidenmann ( 3 ), peut être caractérisé de la manière suivante:

Les préférences tarifaires octroyées par la Communauté constituent un instrument de politique commerciale d'aide au développement permettant aux pays bénéficiaires d'importer dans la Communauté des produits finis et semifinis en franchise douanière. A cette fin, le Conseil suspend pour une année civile, à concurrence d'un certain plafond quantitatif, les droits de douane du tarif douanier commun applicables à ces marchandises originaires des pays concernés. Comme preuve de l'origine des
marchandises, un certificat d'origine, établi par les autorités gouvernementales compétentes du pays d'exportation bénéficiaire, doit être présenté. La quantité importée est imputée sur les plafonds par les États membres et le résultat est communiqué à la Commission. Si les plafonds sont atteints, la Commission peut rétablir par voie de règlement la perception des droits de douane à l'importation des produits en cause originaires des pays bénéficiaires.

Dans le cadre du régime de dispense des formalités douanières qui lui a été accordé en application de l'article 40, a), de la loi allemande sur les douanes ( 4 ), la société Volkswagenwerk AG, ayant son siège à Wolfsburg, a déclaré, le 11 mars 1980, auprès du Zollamt de Wolfsburg, quatre lots de batteries-accumulateurs de la position tarifaire 85.04 du tarif douanier commun en provenance de la Yougoslavie, qu'elle avait comptabilisés au cours du mois de février 1980 au tarif préférentiel «franchise»
et pour lesquels elle réclamait la franchise douanière prévue par le règlement n° 2789/79 du Conseil. Toutefois, c'est seulement en avril 1980 qu'elle a présenté les certificats d'origine requis pour établir l'origine des accumulateurs.

Or, entretemps, le règlement de la Commission, du 3 mars 1980 (n° 545/80) ( 5 ), avait rétabli, à compter du 8 mars 1980, la perception des droits de douane applicables aux accumulateurs électriques originaires de Yougoslavie.

Par avis de redressement du 19 mars 1980, le Hauptzollamt a appliqué aux accumulateurs le tarif de 9,5 % applicable aux pays tiers et perçu 28914,50 DM de droits de douane, au motif que les certificats d'origine n'avaient pas été présentés au cours de la période pendant laquelle le tarif préférentiel était en vigueur.

La réclamation introduite contre cet avis de redressement ayant été rejetée, la société Volkswagenwerk AG a formé un recours devant le Finanzgericht de Hambourg, dans lequel elle fait valoir pour l'essentiel que les conditions d'application du tarif préférentiel étaient réunies au moment, décisif selon elle, de la mise en libre pratique, c'est-à-dire au moment de la comptabilisation des marchandises.

Considérant que les règlements en question ne comportent pas de disposition explicite sur le point de savoir jusqu'à quelle date limite un certificat d'origine peut être présenté pour que la marchandise puisse bénéficier du tarif préférentiel et que la jurisprudence de la Cour n'apporte pas de réponse claire à cet égard, le Finanzgericht a sursis à statuer par ordonnance du 29 octobre 1982 et vous saisit, en application de l'article 177 du traité, de la question préjudicielle suivante :

«Le règlement (CEE) n° 2769/79 (en particulier, les articles 2 et 3), en combinaison avec le règlement (CEE) n° 3067/79 (en particulier, les articles 7 et 11), doit-il être interprété en ce sens qu'il exclut que le certificat d'origine puisse être présenté valablement après que les droits de douane ont été rétablis?»

II —

Pour répondre à cette question, il convient d'abord de rappeler qu'en vertu de l'article 1 du règlement n° 2789/79, l'application de la franchise qu'il prévoit est exclue lorsque, comme cela s'est produit en l'espèce, la Commission rétablit la perception des droits de douane par voie de règlement en application des dispositions combinées des articles 2 et 4, paragraphe 2, de ce règlement. Le cas d'espèce est cependant caractérisé par le fait que les formalités d'importation ont été accomplies avant
le rétablissement des droits de douane, à l'exception de la présentation du certificat d'origine, qui n'est intervenue qu'après la suppression du régime préférentiel.

L'article 3, paragraphe 2, du règlement précité dispose qu'

«une marchandise ne peut être imputée sur un plafond ou un montant maximal que si le certificat d'origine... est présenté avant la date du rétablissement de la perception des droits».

En d'autres termes, une imputation n'est plus possible lorsque la présentation du certificat d'origine intervient seulement à la date du rétablissement de la perception des droits ou postérieurement. Comme le fait observer la Commission, la possibilité d'imputer des marchandises sur les plafonds ou les montants maximaux constitue la condition logique et légale de l'octroi de la franchise douanière. Partant, les marchandises qui ne peuvent plus être imputées, parce que le droit de douane a été
rétabli entretemps, ne peuvent non plus bénéficier de la franchise douanière prévue à l'article 1, paragraphe 1, du règlement.

La conclusion, selon laquelle une franchise douanière ne peut plus être accordée lorsque le certificat d'origine n'est présenté qu'au moment du rétablissement des droits de douane ou ultérieurement, est également étayée, comme la Commission le souligne, par la directive de la Commission du 17 décembre 1981 (82/57/CEE) ( 6 ) qui, bien qu'elle n'eût pas encore trouvé application pendant la période en question, a concrétisé la directive du Conseil du 24 juillet 1979 (79/695/CEE) ( 7 ) en vigueur à
l'époque. Il résulte clairement des dispositions combinées de l'article 7, paragraphe 2, et de l'article 3, paragraphe 1, c), de cette directive de la Commission que, lorsqu'un droit à l'importation réduit ou une franchise de droit n'est applicable qu'aux marchandises mises en libre pratique dans le cadre de certains plafonds, l'imputation à effectuer dans les limites autorisées ne peut intervenir qu'au moment de la présentation effective du document auquel est subordonnée l'application des
préférences tarifaires. S'agissant d'un plafond, le certificat d'origine doit donc, aux termes de cette disposition, être présenté avant le rétablissement du droit normal à l'importation.

En revanche, l'article 7, paragraphe 3, de la directive 82/57/CEE, à laquelle la juridiction de renvoi se réfère, ne devrait pas entrer en ligne de compte. Comme le relève également la Commission, cette disposition suppose que

«la période pour laquelle le droit à l'importation réduit ou nul a été fixé ...»

est venue à expiration sans être interrompue par un rétablissement des droits de douane.

Ce point de vue est conforme à votre arrêt Weidenmann. Dans cette affaire, qui concernait les régimes préférentiels correspondants du règlement du Conseil du 17 novembre 1975 (n° 3004/75) ( 8 ) et du règlement de la Commission du3 décembre 1975 (n° 3214/75) ( 9 ), vous avez dit pour droit:

«le système de préférences tarifaires, s'il comporte l'exigence d'un certificat d'origine justifiant l'application des taux préférentiels, ne peut cependant être interprété de manière à autoriser des mesures administratives trop restrictives dans l'organisation concrète du contrôle en fonction de l'origine de la marchandise».

Vous avez déduit de cet objectif du règlement ainsi que de l'article 3, paragraphe 2, du règlement n° 3004/75, qui correspond à l'article 3, paragraphe 2, du règlement n° 2789/79, que la présentation d'un certificat d'origine peut en principe intervenir également postérieurement à la déclaration en douane, dès lors — et c'est la restriction qui importe en l'espèce — qu'elle précède le rétablissement par voie de règlement de la perception des droits. Or, les faits qui étaient à l'origine de cet arrêt
avaient ceci de particulier que la perception des droits n'avaient pas encore été rétablie à l'époque par la Commission. En conséquence, vous avez constaté que s'il n'y avait pas eu rétablissement des droits durant l'année en cause, la production a posteriori d'un certificat d'origine ne pouvait mettre en cause l'application utile de ce règlement.

Enfin, le dispositif de votre arrêt implique que les droits de douane n'aient pas été rétablis: le membre de phrase «même si le certificat d'origine a été présenté après la période d'application dudit règlement» suppose, comme la Commission le souligne à juste titre, que l'année d'application du tarif préférentiel soit venue à expiration comme prévu et n'ait pas été prématurément interrompue par le rétablissement des droits de douane.

On ne saurait déduire de cet arrêt que la présentation du certificat d'origine après le rétablissement de la perception des droits doit entraîner également l'octroi de la franchise douanière.

L'exclusion d'un traitement préférentiel en pareil cas ne se heurte pas non plus au principe de la protection de la confiance légitime. Il n'y a pas lieu, en l'espèce, d'envisager une telle protection puisque l'article 3, paragraphe 2, du règlement n° 2789/79 dispose clairement qu'aux fins de l'importation le certificat d'origine doit être présenté avant le rétablissement des droits de douane.

L'importateur ne saurait non plus se prévaloir des articles 7 et 11 du règlement d'application de la Commission n° 3067/79; comme l'observe la juridiction de renvoi, ces dispositions ne prévoient pas de dérogation expresse à l'article 3, paragraphe 2, du règlement n° 2789/79; elles n'ont trait qu'à la validité du certificat d'origine et elles ne sauraient être interprétées dans un sens contraire à leur base légale.

III —

En réponse à la question posée, nous concluons à ce que vous disiez pour droit que :

le règlement n° 2789/79 doit être interprété en ce sens qu'il n'y a pas lieu à octroi de franchise douanière lorsque le certificat d'origine des marchandises importées dans la Communauté n'est présenté qu'après la suppression des préférences douanières par la Commission.

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( 1 ) JOCE L 328 du 24. 12. 1979, p 25.

( 2 ) JOCE L 349 du 31 12. 1979, p 1

( 3 ) Arrêt du 10. 6. 1982, affaire 231/81, Recueil p. 2259.

( 4 ) Zollgesetz du 14. 6. 1961, Bundesgesetzblatt I, p. 737.

( 5 ) JOCE L 60 du 5. 3. 1980, p. 14.

( 6 ) JOCE L 28 du 5 2. 1982, p 38

( 7 ) JOCE L 205 du 13 8 1979, p 19.

( 8 ) JOCE L 310 du 29. 11 1975, p 24

( 9 ) JOCE L 323 du 15. 12. 1975, p. l.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 321/82
Date de la décision : 06/10/1983
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle: Finanzgericht Hamburg - Allemagne.

Préférences tarifaires - Présentation des certificats d'origine.

Union douanière

Etats d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP)

Relations extérieures

Libre circulation des marchandises


Parties
Demandeurs : Volkswagenwerk AG
Défendeurs : Hauptzollamt Braunschweig.

Composition du Tribunal
Avocat général : Rozès
Rapporteur ?: Koopmans

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1983:276

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