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04/10/1983 | CJUE | N°46/82

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Rozès présentées le 4 octobre 1983., République fédérale d'Allemagne contre Commission des Communautés européennes., 04/10/1983, 46/82


CONCLUSIONS DE MME L'AVOCAT GÉNÉRAL SIMONE ROZÈS

PRÉSENTÉES LE 4 OCTOBRE 1983

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

I —

Vous êtes saisis d'un recours introduit le 8 février 1982 par la république fédérale d'Allemagne contre la Commission des Communautés européennes tendant à l'annulation de sa décision 81/1034 du 16 novembre 1981 excluant du financement par la section «garantie» du Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA) la somme de 32894745,37 DM.

Celle-ci comprenait deux postes: l'un de

945,51 DM pour le versement de l'aide au stockage privé de vin de table et l'autre de 16978093,28 DM p...

CONCLUSIONS DE MME L'AVOCAT GÉNÉRAL SIMONE ROZÈS

PRÉSENTÉES LE 4 OCTOBRE 1983

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

I —

Vous êtes saisis d'un recours introduit le 8 février 1982 par la république fédérale d'Allemagne contre la Commission des Communautés européennes tendant à l'annulation de sa décision 81/1034 du 16 novembre 1981 excluant du financement par la section «garantie» du Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA) la somme de 32894745,37 DM.

Celle-ci comprenait deux postes: l'un de 945,51 DM pour le versement de l'aide au stockage privé de vin de table et l'autre de 16978093,28 DM pour le versement par le bureau douanier compétent (Hamburg-Jonas) de montants compensatoires monétaires au titre de fournitures d'aide alimentaire allemande en blé et en farines de blé, exécutées pour le compte de l'Office d'intervention national.

L'exclusion aurait été justifiée au motif que cette somme ne répondait pas à la notion de «restitutions à l'exportation vers les pays tiers» et «d'interventions destinées à la régularisation des marchés agricoles», «respectivement accordées et entreprises selon les règles communautaires dans le cadre de l'organisation commune des marchés agricoles».

Le gouvernement de la République fédérale, tout en maintenant dans son intégralité son point de vue juridique notifié à la Commission, expose dans sa requête qu'il se borne à ces deux montants «essentiellement pour des raisons d'opportunité et d'administration rationnelles de l'instance».

Au cours de la procédure écrite, la Commission a accepté de financer la dépense relative à l'aide au stockage du vin (945,51 DM). Ce résultat a été entériné par la décision de la Commission 83/34 du 14 janvier 1983 relative à l'apurement des comptes présentés par la république fédérale d'Allemagne pour l'exercice financier 1976.

C'est donc à la seule question des montants compensatoires monétaires que nous limiterons nos observations.

II —

Retraçons au préalable le cadre juridique de l'aide alimentaire en céréales à l'époque des fournitures concernées.

L'aide alimentaire octroyée par la Communauté n'est pas prévue en tant que telle dans le traité de Rome instituant la Communauté économique européenne. Toutefois, lors de la négociation «Kennedy», la Communauté et les six États qui la composaient à l'époque avaient signé l'arrangement international sur les céréales du 18 août 1967. Il comprenait une convention relative au commerce du blé et une convention relative à l'aide alimentaire ( 1 ).

Venant à expiration le 30 juin 1971, il a été reconduit par l'accord international sur le blé de 1971, conclu au nom de la Communauté seulement le 25 juin 1974 ( 2 ), mais dont le Conseil avait décidé l'application provisoire le 7 juin 1971.

Comme l'arrangement de 1967, l'accord de 1971 se compose d'une convention sur le commerce du blé et d'une convention relative à l'aide alimentaire.

Aux termes de cette dernière, la Communauté s'engage à fournir annuellement, pendant une période déterminée, un tonnage également déterminé au moyen soit d'actions communautaires, soit d'actions nationales de moindre importance.

L'exécution des obligations qui en découle est assurée, d'une part, par l'achat de céréales ou de farines sur le marché de la Communauté ou par l'utilisation de produits détenus par les organismes d'intervention et, d'autre part, exceptionnellement, par la mobilisation de céréales sur le marché mondial ( 3 ).

Pour les opérations faisant l'objet du présent litige, il a été recouru à la première de ces modalités, soit à l'utilisation de stocks d'intervention.

Les critères suivant lesquels les céréales destinées à l'aide alimentaire pouvaient être mobilisées dans la Communauté et les modalités de l'intervention financière de celle-ci variaient en fonction du caractère national ou communautaire que revêt l'aide alimentaire.

a) Aide alimentaire à caractère national public

Dans ce cas, les céréales sont mobilisées par adjudication nationale de stocks d'intervention de l'Etat qui fournit l'aide selon le régime en vigueur à l'époque ( 4 ).

Il s'agit d'un produit couvert par une organisation commune de marchés agricoles. Son coût reste à la charge du budget de l'État donateur, mais le versement de la restitution normale à l'exportation, destinée à combler la différence entre les prix intérieurs de la Communauté et les coûts mondiaux, déduction faite des frais se situant en aval de la mise en fob, était financé par la section «garantie» du FEOGA (titre 6 du budget, «restitutions»). C'est ce que l'on appelle le «financement communautaire
des restitutions fob».

b) Aide alimentaire à caractère communautaire

Dans ce cas, il est généralement procédé à une adjudication des stocks détenus par un organisme d'intervention. Il s'agit alors d'une adjudication communautaire, ouverte à tout intéressé quel que soit son lieu d'établissement, et elle porte sur la fourniture du produit livré au stade fob, exceptionnellement à un stade ultérieur.

L'aide est alors entièrement prise en charge par le budget communautaire: non seulement la «mise en fob», voire, selon le cas, les frais de transport, d'assurance («mise en caf») ou de distribution, mais encore la valeur proprement dite du produit, en fonction du prix d'achat à l'intervention valable à la date d'enlèvement des stocks, sont imputés au titre 9 du budget («coopération avec les pays en voie de développement et les pays tiers»), chapitre 92 («aide alimentaire»): c'est ce que l'on appelle
le «financement communautaire des dons».

Ainsi la fourniture de l'aide alimentaire répond, par certains côtés, aux critères spécifiques des politiques nationales ou communautaire d'aide au développement et, par d'autres, elle présente un lien de rattachement avec les mesures de soutien des marchés agricoles.

Cette dualité se réflétait à l'époque dans la différence de traitement budgétaire des crédits consacrés à l'aide alimentaire. La présentation budgétaire ne permettait pas de ventiler clairement les dépenses entre interventions au titre de la politique agricole commune et interventions au titre de l'aide alimentaire communautaire proprement dite. Selon les produits, car l'aide alimentaire a été étendue à d'autres produits agricoles, notamment aux produits laitiers, et selon les modalités de
mobilisation et le caractère de l'aide, ces dépenses étaient financées soit totalement par le titre 9 du budget général des Communautés, soit par la section «garantie» du FEOGA (titre 6), soit partiellement par chacun d'eux ( 5 ).

Le règlement du Conseil no 2681/74 du 21 octobre 1974, applicable aux dépenses résultant de la fourniture de produits agricoles, payées par les États membres à partir du 1er janvier 1975, a pris des dispositions clarifiant la situation: désormais

— relèvent du titre 9 («dépenses d'aide alimentaire») les dépenses correspondant à la valeur de la marchandise dont la charge incombe à la Communauté en exécution des obligations découlant de conventions ou accords conclus par le Conseil;

— relève du titre 6 («FEOGA, section ‘garantie’») la partie des dépenses correspondant aux restitutions à l'exportation.

A partir de l'instauration des montants compensatoires monétaires dans les échanges intervenant, d'une part, entre États membres et, d'autre part, entre États membres et pays tiers ( 6 ), il était prévu que, dans ce dernier cas, les montants compensatoires octroyés à l'importation venaient en déduction des prélèvements, tandis que les montants octroyés à l'exportation s'ajoutaient aux restitutions.

La question se posait donc de savoir si, en cas de fournitures d'aide alimentaire par un État membre dont la monnaie était «appréciée», des montants compensatoires pouvaient être octroyés au départ de cet État et, dans l'affirmative, à quelles conditions le versement de ces montants pouvait être financé par la Communauté à l'instar des restitutions à l'exportation.

III —

Agissant comme mandataire de son gouvernement, l'organisme d'intervention allemand avait été chargé de mobiliser certaines quantités de blé et de farines de blé par prélèvement sur ses stocks en vue de fournitures au titre de l'aide alimentaire nationale. Il a procédé par voie d'adjudications après la publication d'avis parus au «Bundesanzeiger» qui ne comportaient aucune référence explicite à la réglementation communautaire. Les intéressés devaient exprimer leurs offres en DM; le prix offert devait
être un prix net, fob ou caf. L'opérateur ayant présenté l'offre la plus favorable — le «moins disant» — a été désigné par l'Office, et les fournitures ont été effectuées entre le 1er juillet 1972 et le 18 mars 1975.

Entre ces deux dates, l'Office d'intervention a présenté au bureau douanier de Hambourg environ deux cents demandes d'octroi de restitutions. Dans la plupart des cas, aucune restitution n'a été versée, car, de novembre 1973 à mars 1975, le taux de celle-ci était nul en raison de la hausse des prix mondiaux des céréales.

Les demandes de restitutions étaient accompagnées des exemplaires de contrôle nécessaires lorsque l'application d'une mesure communautaire (en l'espèce, l'octroi d'une restitution) est subordonnée à la preuve que les marchandises concernées ont reçu l'utilisation ou la destination prévue ( 7 ).

Les règles générales et modalités d'application prévues ( 8 ) pour les restitutions à l'exportation étaient applicables par analogie aux montants compensatoires monétaires.

Pour bénéficier de ces derniers, le demandeur devait se conformer à certaines obligations: apporter la preuve que les produits avaient été exportés en présentant l'exemplaire de contrôle, présenter une demande écrite établie sur un formulaire particulier prévu éventuellement par l'État membre intéressé et déposer un dossier de paiement du montant compensatoire monétaire dans les six mois suivant la date de l'accomplissement des formalités douanières sous peine de forclusion, sauf cas de force
majeure ( 9 ).

IV —

Le règlement no 456/75 de la Commission du 26 février 1975 ( 10 ) a complété le règlement no 1463/73 par l'article 16 bis suivant:

«1. Aucun montant compensatoire monétaire ne s'applique aux produits faisant l'objet d'opérations d'aide alimentaire communautaire ou nationale:

— dans les échanges intracommunautaires et lors de l'exportation vers les pays tiers, s'il s'agit de produits provenant des stocks d'intervention,

— lors de l'exportation vers les pays tiers, s'il s'agit de produits mobilisés sur le marché de la Communauté.

2. Aucun montant compensatoire monétaire n'est perçu sur l'exportation vers les pays tiers faite dans le cadre d'opérations d'aide alimentaire réalisées par des organisations à but humanitaire et agréées selon la procédure à l'article 6 du règlement no 974/71.»

Ces dispositions entraient en vigueur vingt jours après le 27 février 1975 (date de leur publication au Journal officiel); toutefois, le paragraphe 1 était applicable sur demande de l'intéressé à partir du 1er janvier 1974 ( 11 ).

Il découle de ce texte que, si des montants compensatoires monétaires avaient été perçus à l'occasion de l'exportation vers les pays tiers de produits provenant des stocks d'intervention et faisant l'objet d'une aide alimentaire nationale, l'exportateur pouvait rétroactivement demander à être exonéré de leur perception.

Toutefois, les autorités allemandes ont, a contrario, tiré une autre conclusion de ce texte: avant son entrée en vigueur, l'octroi des montants compensatoires monétaires aurait été licite pour l'exportation à destination de pays tiers de produits provenant des stocks d'intervention et faisant l'objet d'opérations d'aide alimentaire nationale. Il était donc possible de faire financer par le FEOGA, à concurrence des montants compensatoires, les exportations réalisées entre le 1er juillet 1972 et le 18
mars 1975, puisque la réalité de ces exportations était attestée par des exemplaires de contrôle, à la condition que les dossiers de paiement des restitutions puissent valoir comme demande formelle d'octroi des montants compensatoires monétaires. Les derniers dossiers de paiement des montants compensatoires relatifs aux fournitures exécutées entre le 1er juillet 1972 et le 18 mars 1975 ayant été déposés par l'Office d'intervention en août 1975 auprès du bureau douanier de Hambourg, celui-ci a
considéré que cette condition était remplie, et il a versé à l'Office un total de 16978093,28 DM dont les services allemands ont réclamé le financement par le FEOGA.

En vérifiant si les certificats d'exportation avaient été joints aux dossiers de paiement, les services de la Commission ont constaté qu'ils n'étaient pas accompagnés d'une demande écrite d'octroi des montants compensatoires.

Or, en exécution de l'article 13 du règlement no 1463/73, un avis du ministère fédéral de l'agriculture du 30 mai 1973, paru au Bundesanzeiger du 5 juin suivant, avait prescrit que les montants compensatoires monétaires à l'exportation devaient être demandés à l'aide de formulaires établis sur le modèle prescrit par le ministère des finances.

Dans un premier temps, les services de la Commission ont considéré que la demande proprement dite d'octroi des montants compensatoires avait été présentée après la date d'entrée en vigueur du règlement no 456/75 et que la présentation de l'exemplaire de contrôle ne pouvait en tenir lieu que si l'Office d'intervention avait, en présentant le dossier de paiement des restitutions, formellement exprimé l'intention de réclamer le bénéfice des montants compensatoires.

Les services de la Commission se conformaient ainsi à une remarque figurant au rapport annuel de la Cour des comptes relatif à l'exercice 1980 ( 12 ) qui précisait:

«Aucune restitution ni montant compensatoire monétaire n'est à payer aux commerçants exportateurs des aides alimentaires parce que c'est le prix normal du marché communautaire qui leur est versé... Pour éviter de telles erreurs, il serait nécessaire que les organismes nationaux chargés de payer l'aide alimentaire exigent du fournisseur la remise du certificat d'exportation (formulaire T 5 ou Ex 16), empêchant ainsi le fournisseur de percevoir, auprès d'un autre service, le montant des restitutions
qui sont liquidées sur présentation de ce certificat...»

Se référant à votre arrêt Schlüter du 6 juin 1972 ( 13 ), les autorités allemandes soutenaient que la présentation par l'Office d'intervention de l'exemplaire de contrôle au bureau douanier compétent pour payer les restitutions dans le délai prévu à l'article 14 du règlement no 1463/73 visait objectivement à obtenir tous les avantages (restitutions et montants compensatoires) auxquels l'exportateur pouvait prétendre sur la base des éléments de preuve fournis par ce document et qu'elle valait demande
d'octroi des montants compensatoires au sens de l'article 13 du règlement no 1463/73.

Au cours de la procédure écrite, la Commission a admis que la présentation des exemplaires de contrôle pouvait valoir demande de montant compensatoire. Mais elle a limité cette concession aux cas où ces exemplaires comportaient une référence au moins indirecte — qu'elle estime indispensable — à l'octroi de ces montants. Elle a ainsi reconnu que les exportations, pour lesquelles l'opérateur déclarait qu'il avait pris connaissance de l'avis du ministère fédéral du 30 mai 1973 ou se référait de quelque
autre façon aux montants compensatoires, ouvraient droit au bénéfice de ces montants; elle a apporté une correction positive de 11570202,60 DM, mais elle maintient son refus pour le reste (5407890,68 DM).

V —

Le problème se pose donc dans les termes suivants: peut-on considérer que le dépôt en temps voulu par un organisme officiel d'un dossier de paiement de restitution vaut rétroactivement demande d'octroi de montants compensatoires monétaires même en l'absence de versement de restitutions et alors que le formulaire ad hoc prévu pour cette demande n'a pas été rempli?

A l'appui de sa réponse affirmative à cette question, le gouvernement allemand expose que les exemplaires de contrôle T 5 ont été produits en temps voulu par l'Office d'intervention; or, ces documents apportent la preuve que les conditions de fond pour prétendre au versement des montants compensatoires étaient réunies, leur production doit être considérée comme valant demande de versement (la Commission l'aurait d'ailleurs ultérieurement admis, au moins partiellement).

Mais, à son avis, l'exigence dans ces exemplaires de contrôle d'une référence au moins indirecte aux montants compensatoires, afin de prouver qu'au moment de l'exportation l'opérateur était conscient de son droit à obtenir cet avantage et entendait s'en prévaloir, témoignerait d'un formalisme disproportionné et discriminatoire.

Disproportionné quant au but à atteindre, puisque la marchandise aurait reçu la destination ou l'utilisation prévue et qu'il n'y aurait aucun risque d'un double paiement des montants compensatoires.

Discriminatoire parce que, dans d'autres États membres, il n'était pas exigé de formulaire spécial de demande et que les montants compensatoires octroyés à ľex-portation de céréales vers les pays tiers dans le cadre d'une aide alimentaire nationale auraient été pris en charge par le FEOGA.

La Commission, après avoir assoupli sa position initiale en acceptant qu'une référence à l'avis du ministère fédéral prévoyant un formulaire particulier de demande ou aux montants compensatoires en général pouvait valoir demande au sens de l'article 14 du règlement no 1463/73, soutient qu'à défaut de ce minimum il n'y a même pas un «commencement» de demande.

Elle fait en outre observer que, dans certains cas où le «coefficient monétaire» ( 14 ) avait dans un premier temps été appliqué à la restitution, cette application avait par la suite été annulée. Étant donné que le coefficient monétaire n'est inapplicable que lorsque aucun montant compensatoire ne doit être payé ( 15 ), cette annulation montrerait clairement que, de l'avis des autorités allemandes compétentes, aucun montant compensatoire n'avait à être versé pour les fournitures concernées.
L'Office d'intervention partageait manifestement ce point de vue, puisqu'il ne s'était pas opposé à la non-application du coefficient monétaire et à la non-application des montants compensatoires, qui en découle implicitement. Cette déduction serait confirmée par le fait que l'Office n'a présenté de demande formelle de paiement des montants compensatoires qu'aux mois de juin et août 1975.

De même, lorsque le bureau douanier n'a pas octroyé de restitution pour la période allant de novembre 1973 à mars 1975, l'Office d'intervention n'avait pas protesté contre ce refus implicite d'octroi des montants compensatoires.

VI —

Nous hésitons entre ces deux thèses.

Logiquement, les montants compensatoires ne devraient être financés par le FEOGA que s'il s'agit d'adjudications communautaires. Il n'y a lieu de faire intervenir les montants compensatoires que pour rendre les offres comparables. Or, d'après les modalités des adjudications en cause, celles-ci ne mettaient en concours que des entreprises d'un État membre; elles portaient sur des céréales de l'Office d'intervention de cet État, bien que les formalités douanières d'exportation aient été accomplies
dans des États du Benelux.

Par ailleurs, dans les échanges avec les pays tiers, les montants compensatoires viennent — selon le cas — en supplément ou en déduction des prélèvements et des restitutions; ils s'ajoutent aux restitutions à l'exportation au départ des États à monnaie appréciée. S'il n'y a pas restitution, il ne devrait pas non plus, en principe, y avoir lieu à octroi de montants compensatoires.

Enfin, nous ne savons pas si les soumissionnaires avaient ou non inclus la composante «montants compensatoires» dans leurs offres ou si leur incidence a été d'office prise en compte. Toutefois, par votre arrêt Eggers du 6 octobre 1982 ( 16 ), vous avez jugé, comme le préconisait la Commission elle-même, que la remise d'un exemplaire de contrôle ne constituait pas un préalable nécessaire pour bénéficier des montants compensatoires et que les autorités nationales étaient tenues de délivrer tant
l'exemplaire de contrôle communautaire que l'exemplaire de contrôle national, nécessaires pour obtenir l'octroi du montant compensatoire à l'exportation. Il semble logique d'en déduire que la remise d'un exemplaire de contrôle, même ne contenant aucune référence expresse au montant compensatoire, vaut demande d'octroi de ce montant. En matière de restitutions à l'exportation, vous avez jugé par votre arrêt Unkel du 22 janvier 1975 ( 17 ) que les rubriques prévues à l'exemplaire de contrôle ( 18 ) ne
permettaient pas, par elles-mêmes, de constater en tout état de cause la réalisation de l'ensemble des conditions auxquelles est subordonné le bénéfice de la restitution et qu'il appartenait aux autorités nationales de constater, dans chaque cas, la valeur probante à cet égard des mentions portées sur cet exemplaire.

Les autorités allemandes pouvaient donc requérir la production de documents probatoires supplémentaires. En exécution de l'article 13 du règlement no 1463/73, elles avaient effectivement prévu un formulaire spécial par avis du 30 mai 1973. Cet avis indiquait même qu'une «demande séparée d'octroi des montants compensatoires monétaires devait être présentée même si par ailleurs la restitution à l'exportation faisait elle-même l'objet d'une demande». Cette exigence n'a été supprimée qu'à partir du 17
mai 1976 par avis du 2 juillet 1976.

Nous estimons néanmoins qu'il est de la seule responsabilité des autorités allemandes de se prévaloir de l'absence de respect de cette formalité. Elles y renoncent lorsqu'elles sont convaincues que la preuve a été rapportée du respect des conditions mises au paiement des montants compensatoires. Ainsi, elles se portent fort de la bonne foi des opérateurs et de leurs services officiels et de ce que, notamment, la possibilité d'obtenir un double paiement ou de faire revenir la marchandise dans le
circuit normal était exclue.

La seule façon pour la Commission de s'opposer avec succès à la demande de remboursement pour les cas restant en litige aurait été de rapporter la preuve que ces conditions n'étaient pas réunies et que les fournitures n'ont pas reçu la destination ou l'utilisation prévue ou prescrite.

Cette preuve n'ayant pas été rapportée, nous concluons à l'annulation de la décision 81/1034 du 16 novembre 1981, dans la mesure où elle refuse la prise en charge par le FEOGA, section «garantie», d'une somme de 5407890,68 DM au titre de montants compensatoires monétaires octroyés à l'exportation de fournitures dans le cadre de l'aide alimentaire nationale et à ce que les dépens soient mis à la charge de la Commission.

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( 1 ) La décision du Conseil du 17 mars 1970 portant conclusion de ces deux conventions a été publiée au Journal officiel des Communautés européennes L 66 du 23. 3. 1970, p. 1.

( 2 ) JO/CE L 219 du 9. 8. 1974, p. 24.

( 3 ) Article 22 bis du règlement no 120/67 du Conseil du 13 juin 1967, portant organisation commune des marchés dans le secteur des céréales, introduit par règlement no 289/69 du 17 février 1969; article 28, paragraphe 1, du règlement no 2727/75 du Conseil du 29 octobre 1975.

( 4 ) Règlement no 1693/72 du Conseil du 3 août 1972 fixant les critères de mobilisation des céréales destinées à l'aide alimentaire, JO/CE L 178, du 5. 8. 1972, p. 3, abrogé et remplacé par règlement no 2750/75 du 29 octobre 1975, JO/CE L 281, du 1. 11. 1975, p. 89; les modalités d'application du règlement no 1693/72 ont été arrêtées par règlement no 522/73 de la Commission du 14 février 1973, JO/CE L 50, du 23. 2. 1973, p. 33. Règlement no 1703/72 du Conseil du 3 août concerne le financement
communautaire des dépenses résultant de l'exécution de la convention d'aide alimentaire de 1967 et fixant les règles relatives au financement communautaire des dépenses résultant de l'exécution de la convention d'aide alimentaire de 1971, JO/CE L 180, du 8. 8. 1972, p. 1. Règlement no 2681/74 du Conseil du 21 octobre 1974 relatif au financement communautaire des dépenses résultant de la fourniture de produits agricoles au titre de l'aide alimentaire, JO/CE L 288, du 25 octobre 1974, p. 1.

( 5 ) Voir deuxième considérant du règlement no 2681/74 du Conseil du 21 octobre 1974, JO/CE L 288 du 25. 10. 1974, p. 1; ce règlement a pratiquement absorbé les dispositions du règlement no 1700/72, bien que celui-ci n'ait jamais été formellement abrogé.

( 6 ) Règlement du Conseil no 974/71 du 12 mai 1971, JO/CE L 106 du 12. 5. 1971, p. 1.

( 7 ) Règlement no 2315/69 de la Commission du 19 novembre 1969, relatif à l'emploi des documents de transit communautaire en vue de l'application de mesures communautaires entraînant le contrôle de l'utilisation et/ou de la destination des marchandises.

( 8 ) Article 16 du règlement no 120/67.

( 9 ) Article 14 du règlement no 1463/73.

( 10 ) JO/CE L 51 du 27. 2. 1975, p. 5.

( 11 ) Article 3 du règlement no 456/75; ces dispositions ont été reprises à l'article 18 du règlement no 1380/75 de la Commission du 29 mai 1975, portant modalités d'application des montants compensatoires monétaires, entré en vigueur le 1er juin 1975.

( 12 ) P. 110, no 9, point 17.

( 13 ) Affaire 94/71, Recueil 1972, p. 307.

( 14 ) Article 4, paragraphe 3, et article 18 du règlement de la Commission no 1380/75 du 29 mai 1975; arrêt Kühlhaus du 9 mars 1978, affaire 79/77, Recueil 1978, p. 611.

( 15 ) Article 4 du règlement no 1463/73.

( 16 ) Affaire 302/81, Recueil 1982, p. 3443.

( 17 ) Affaire 55/74, Recueil 1975, p. 9.

( 18 ) Article 1 du règlement no 2315/69 de la Commission du 19 novembre 1969, qui est devenu l'article 10 du règlement no 223/77 de la Commission du 22 décembre 1976, portant dispositions d'application ainsi que mesures de simplification du régime du transit communautaire, dans la version du règlement no 2105/81 de la Commission du 16 juillet 1981, JO/CE L 207 du 27. 7. 1981, p. 1.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 46/82
Date de la décision : 04/10/1983
Type de recours : Recours en annulation - fondé

Analyses

Absence de demande explicite d'octroi de montants compensatoires monétaires.

Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA)

Céréales

Vin

Mesures monétaires en agriculture

Agriculture et Pêche


Parties
Demandeurs : République fédérale d'Allemagne
Défendeurs : Commission des Communautés européennes.

Composition du Tribunal
Avocat général : Rozès
Rapporteur ?: Due

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1983:258

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