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22/09/1983 | CJUE | N°2/82,

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général VerLoren van Themaat présentées le 22 septembre 1983., SA Delhaize Frères "Le Lion" et autres contre État belge., 22/09/1983, 2/82,


CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. PIETER VERLOREN VAN THEMAAT,

PRÉSENTÉES LE 22 SEPTEMBRE 1983 ( 1 )

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1. L'objet des questions posées

Dans toutes les observations écrites et orales, qui ont été présentées dans les affaires jointes 2, 3 et 4/82, on s'est également penché, pour diverses raisons, sur des questions que le juge de renvoi n'avait nullement posées. Tant en raison de votre jurisprudence concernant la répartition des tâches entre les juges nationaux et la Cour dans

le cadre d'une procédure à titre préjudiciel que pour éviter d'entraver la procédure nationale de rec...

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. PIETER VERLOREN VAN THEMAAT,

PRÉSENTÉES LE 22 SEPTEMBRE 1983 ( 1 )

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1. L'objet des questions posées

Dans toutes les observations écrites et orales, qui ont été présentées dans les affaires jointes 2, 3 et 4/82, on s'est également penché, pour diverses raisons, sur des questions que le juge de renvoi n'avait nullement posées. Tant en raison de votre jurisprudence concernant la répartition des tâches entre les juges nationaux et la Cour dans le cadre d'une procédure à titre préjudiciel que pour éviter d'entraver la procédure nationale de recours qui est encore pendante dans les affaires principales,
nous ne nous écarterons dans nos conclusions des questions qui vous ont été posées que dans la mesure nécessaire à une bonne compréhension de la réponse à ces questions.

Nous commencerons dès lors par rappeler les questions qui vous ont été posées. Celles-ci sont énoncées comme suit dans les trois affaires jointes ( 2 ) :

1) Un contrôle sanitaire — systématique — à l'importation de viandes et volailles ayant fait l'objet des directives du Conseil 64/432/CEE (JO du 29. 7. 1964, p. 1977) et 64/433/CEE (JO du 26. 7. 1964, p. 2012), ainsi que de la directive 71/118/CEE (JO L 55, 1971, p. 23) du Conseil, relatives à des problèmes de police sanitaire en matière d'échanges intracommunautaires respectivement d'animaux des espèces bovine et porcine, de viandes fraîches et de viandes fraîches de volaille, contrôle portant sur
l'évolution de l'état de ces viandes et volailles au cours du transport depuis l'État expéditeur, ainsi que sur leur état de conservation au moment où elles pénètrent sur le territoire belge, rentre-t-il dans le champ d'application du contrôle sanitaire effectué dans le pays expéditeur conformément aux directives considérées?

2) Dans la négative, ce contrôle est-il compatible avec les articles 30 et suivants du traité CEE et peut-il éventuellement se justifier par application de l'article 36 du traité CEE?

L'objet des questions ainsi énoncées appelle les observations suivantes. A cet égard, nous nous pencherons également sur les explications de fait données par le juge de renvoi lui-même.

a) Manifestement, la première question est uniquement relative au champ d'application des directives concernées, et notamment à la question de savoir si les obligations de contrôle de l'état de la marchandise au cours du transport, qui résultent de ces directives et incombent à l'État exportateur, visent à assurer seulement un bon état de la marchandise au moment de l'expédition ou également au cours du transport et au moment et au lieu de destination. Ainsi qu'il ressort du dossier, la réponse des
demandeurs au principal et de la Commission à cette question est affirmative et celle des gouvernements belge et français négative. Contrairement au gouvernement belge, le gouvernement français aboutit toutefois à la même conclusion que la Commission, cela sur la base de son interprétation de votre jurisprudence relative à l'article 36 du traité.

b) En ce qui concerne les conséquences de la réponse à la première question pour les pouvoirs de contrôle de l'État importateur, le juge de renvoi n'a posé une question complémentaire que dans l'hypothèse d'une réponse négative à la première question. En cas de réponse positive à la première question, le juge de renvoi juge manifestement évident le fait qu'il ressort des directives que les contrôles systématiques sont interdits. Eu égard aux divergences d'opinion qui sont apparues au cours de la
procédure orale en ce qui concerne la notion de «contrôle systématique», nous estimons qu'il vaut mieux parler ici de «contrôles systématiques, qui ne sont pas limités à des contrôles par sondage d'une petite partie des envois». A notre avis, il n'est pas non plus nécessaire de se pencher longuement sur les conséquences juridiques d'une réponse positive à la première question.

c) Étant donné que le gouvernement belge a affirmé au cours de la procédure orale, sans que cette affirmation ait été contestée, qu'à l'époque dont il s'agit en l'espèce, les contrôles systématiques avaient lieu non pas à la frontière mais à l'intérieur du pays, il importe de constater que les questions elles-mêmes ne concernent pas seulement les contrôles frontaliers.

d) Il ressort du premier alinéa de la page 7 de l'ordonnance de renvoi que le juge de renvoi s'est expressément abstenu de demander à la Cour si les contrôles systématiques qui ont été effectués pouvaient peut-être être justifiés sur la base de prescriptions nationales visant à empêcher la présence de résidus de substances à effet bactériostatique et de substances à action hormonale et antihormonale, c'est-à-dire des matières qui ne sont pas réglées par les directives en question. Les raisons
indiquées plus haut font que dans votre réponse, vous ne devrez pas vous pencher plus qu'il n'est nécessaire pour éviter tout malentendu quant à l'objet de votre réponse, sur les limites de droit communautaire applicables à cet égard.

e) Dans votre réponse, vous ne devrez pas non plus vous pencher sur le litige relatif au paiement des droits de contrôle, qui constitue l'objet réel de la procédure principale, étant donné qu'aucune question n'a été posée à ce sujet. A cet égard, nous observerons seulement qu'ainsi qu'il ressort de votre jurisprudence relative aux droits perçus au titre du contrôle sanitaire, même une réponse négative à la première question qui vous a été posée n'a pas automatiquement pour effet que les droits en
question seraient licites.

f) A la fin de l'ordonnance de renvoi, le juge clarifie encore la question posée en observant qu'«il convient en considérant la question posée de tenir compte du fait que le contrôle sanitaire belge à l'importation comporte d'une part des mesures qui ne sont que la répétition du contrôle effectué dans le pays expéditeur conformément aux exigences des directives considérées, et, d'autre part, des mesures tendant comme il a été dit ci-dessus à vérifier l'évolution de l'état des marchandises concernées
au cours du transport depuis l'État expéditeur ainsi que leur état de conservation au moment où elles pénètrent sur le territoire belge». Nous avons déjà dit que, selon le gouvernement belge, cette explication au sujet de la question posée est fondée sur un malentendu dans la mesure où le contrôle aurait lieu non pas au moment où la marchandise parvient sur le territoire belge, mais seulement au moment où elle arrive dans un bureau de douane situé à l'intérieur du pays à proximité du lieu de
destination. Ensuite, il faut se rappeler au sujet de cette explication que l'élément de répétition des contrôles effectués dans le pays expéditeur ne figure pas dans la question elle-même.

En ce qui concerne l'exactitude des faits mentionnés dans l'explication susmentionnée, vous ne pouvez du reste évidemment pas vous prononcer dans le cadre de la procédure préjudicielle.

g) Enfin, nous observerons encore que la directive 64/432/CEE, mentionnée par le juge de renvoi, a en l'espèce moins d'importance, étant donné qu'elle concerne le transport de bétail sur pied, tandis que, ainsi qu'il ressort de ce que la Commission a déclaré au cours de la procédure orale, la directive 64/433/CEE a été modifiée par la directive 69/349/CEE (JO L 256, 1969, p. 5).

h) Bien qu'aucune des procédures principales ne concernait le bétail sur pied, le juge de renvoi a apparemment estimé que la directive 64/432/CEE avait aussi une importance indirecte pour les questions posées.

2. Réponses aux questions posées

Pour les réponses aux questions ainsi précisées, nous mettons en avant le fait qu'il résulte de votre jurisprudence que dans la Communauté l'article 36 du traité CEE ne permet pas que des contrôles sanitaires nationaux aient lieu d'une manière systématique et illimitée dans le pays importateur, même lorsqu'aucune directive d'harmonisation n'existe en ce qui concerne les contrôles sanitaires. Outre le principe de proportionnalité et les obligations de tenir alors aussi compte de contrôles équivalents
dans le pays exportateur, les interdictions de discriminations arbitraires et de restrictions déguisées aux échanges sont importantes ici. A notre avis, il y a également discrimination prohibée lorsque le contrôle de l'état des marchandises à la fin du parcours intérieur a lieu moins fréquemment ou est effectué sur le lieu réel de la commercialisation, tandis que les contrôles de la viande importée s'effectuent habituellement en un lieu du territoire national autre que le lieu réel de destination et
que les produits importés, qui ont fait l'objet d'un contrôle, doivent ensuite être rechargés, avec tous les risques que cette interruption du transport comporte pour l'état de la viande et que la Commission a soulignés avec raison au cours de la procédure orale. Pour éviter qu'on ne puisse penser que toute forme de contrôle national est compatible avec le droit communautaire pour autant que les directives ne contiennent pas de dispositions en la matière, il nous paraît souhaitable que vous
indiquiez aussi en termes généraux dans votre réponse les limites de droit communautaire existant dans ce cas, d'autant plus que les directives d'harmonisation, telles que celles dont il s'agit en l'espèce, ne peuvent nullement avoir pour but ou effet de remplacer les articles 30 à 36 par d'autres restrictions à la liberté de contrôle des États membres. Au contraire, elles peuvent seulement avoir pour effet de restreindre encore plus les mesures de contrôle nationales restrictives des échanges, qui
sont encore permises par l'article 36 (cf. votre arrêt dans l'affaire de Peijper, 104/75, Recueil 1976, p. 613).

En ce qui concerne la première question, posée par le juge de renvoi et que nous avons précisée plus haut, nous estimons avec la Commission qu'il résulte clairement du texte, de l'économie et des buts des trois directives que les garanties, que les obligations de contrôle imposées au pays exportateur visent à atteindre en ce qui concerne l'état de conservation de la viande pendant le transport, valent pour tout le trajet pendant lequel la marchandise est transportée, donc aussi pour la partie du
trajet située entre la frontière et le lieu de destination dans le pays importateur.

A cet égard, nous renvoyons, outre aux garanties détaillées et permanentes par nature dans les autres points de ce chapitre, en particulier au point 50 du chapitre XIII de l'annexe I de la directive n° 69/349/CEE, qui est pertinente pour la période en cause et qui a modifié la directive n° 64/433/CEE du 26 juin 1964 relative à des problèmes sanitaires en matière d'échanges intracommunautaires de viandes fraîches. Le point 50 précité indique expressément que le but est de créer des garanties pendant
(tout) le transport. La même chose vaut pour le point 36 du chapitre XI de l'annexe I de la directive n° 71/118/CEE du 15 février 1971 relative à des problèmes en matière d'échanges de viandes fraîches de volaille et pour les garanties de transport visées dans la directive n° 64/432/CEE.

Contrairement au gouvernement belge, mais en accord avec les requérantes au principal et la Commission, nous estimons ensuite que l'arrêt Simmenthal (affaire 35/76, Recueil 1976, p. 1871) et votre arrêt du 12 juillet 1979 dans l'affaire Commission Allemagne du 12 juillet 1979 (affaire 153/78, Recueil 1979, p. 2555) sont en l'espèce importants pour la réponse à la question posée. A cet égard, nous renvoyons en particulier aux points 25 à 29 et 36 à 38 des motifs de l'arrêt Simmenthal. Il résulte du
point 28 des motifs que les considérations juridiques relatives au fait que le contrôle est en principe transféré à l'État membre exportateur et qu'il n'est par conséquent plus justifié d'effectuer des contrôles systématiques dans le pays importateur au sens de l'article 36 du traité CEE valent aussi pour le contrôle des garanties de transport dans le pays exportateur. Le fait que selon le gouvernement belge et contrairement au point 36 des motifs de l'arrêt précité, il ne soit pas en l'espèce
question de contrôles frontaliers, mais de contrôles à l'intérieur du pays ne saurait porter atteinte à la pertinence de l'attendu précité, étant donné que l'article 36 du traité CEE vaut pour toutes les restrictions à l'importation à la frontière. La même chose vaut dès lors pour l'objet du point précité des motifs. En ce qui concerne votre arrêt dans l'affaire 153/78, nous estimons que le point 11 des motifs est particulièrement important en l'espèce, étant donné qu'il présuppose déjà clairement
votre opinion selon laquelle les garanties de l'état de la viande, contenues dans la directive en question, valent pour tout le trajet durant lequel la marchandise est transportée, et que la circonstance que le transport implique ou non le franchissement d'une frontière intracommunautaire est sans importance pour la signification de ces garanties.

3. Conclusion

Sur la base de ces considérations, nous vous proposons de répondre dans les termes suivants à la première question qui vous a été posée:

«Les obligations relatives au contrôle dans l'État membre expéditeur, qui sont prévues par les directives 64/432/CEE, 64/433/CEE (modifiée par la directive 69/349/CEE) et 71/118/CEE du Conseil, et les restrictions au pouvoir d'effectuer des contrôles sanitaires — systématiques, c'est-à-dire ne se limitant pas à un contrôle par sondage d'une petite partie des envois — dans le pays importateur, qui résultent des directives précitées lues en combinaison avec les articles 30 et 36 du traité CEE,
concernent également l'évolution de l'état de la marchandise pendant tout le transport au départ du pays exportateur et l'état de conservation au moment de l'arrivée (sur le lieu de destination) sur le territoire belge.»

Du fait de cette réponse, il n'est pas nécessaire d'examiner la deuxième question, que le juge de renvoi vous a posée seulement en cas de réponse négative à la première question.

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( 1 ) Traduit du néerlandais

( 2 ) La directive 71/118/CEE n'a pas été également mise en cause dans chacune des trois affaires.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2/82,
Date de la décision : 22/09/1983
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demandes de décision préjudicielle: Tribunal de première instance de Bruxelles - Belgique.

Contrôles sanitaires à la frontière - Directives d'harmonisation - Articles 30 et 36.

Restrictions quantitatives

Taxes d'effet équivalent

Viande bovine

Législation vétérinaire

Agriculture et Pêche

Mesures d'effet équivalent

Viande de porc

Libre circulation des marchandises

Union douanière

Œufs et volailles


Parties
Demandeurs : SA Delhaize Frères "Le Lion" et autres
Défendeurs : État belge.

Composition du Tribunal
Avocat général : VerLoren van Themaat
Rapporteur ?: Bahlmann

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1983:241

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