La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/07/1983 | CJUE | N°159/82

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Sir Gordon Slynn présentées le 14 juillet 1983., Angélique Verli-Wallace contre Commission des Communautés européennes., 14/07/1983, 159/82


CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

SIR GORDON SLYNN,

PRÉSENTÉES LE 14 JUILLET 1983 ( 1 )

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

Le 4 février 1981, un avis de concours général pour la constitution d'une réserve d'assistants de grade B 2 et B 3 a été publié. Les conditions dudit concours stipulaient que certains candidats n'étaient pas admis à concourir, à savoir ceux qui possédaient un diplôme sanctionnant un cycle d'études au niveau universitaire de trois ans ou plus, ou bien les candidats qui se trouvaient en dernière ann

ée d'un cycle d'études au niveau universitaire de trois ans ou plus. La raison qui a dicté ces
...

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

SIR GORDON SLYNN,

PRÉSENTÉES LE 14 JUILLET 1983 ( 1 )

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

Le 4 février 1981, un avis de concours général pour la constitution d'une réserve d'assistants de grade B 2 et B 3 a été publié. Les conditions dudit concours stipulaient que certains candidats n'étaient pas admis à concourir, à savoir ceux qui possédaient un diplôme sanctionnant un cycle d'études au niveau universitaire de trois ans ou plus, ou bien les candidats qui se trouvaient en dernière année d'un cycle d'études au niveau universitaire de trois ans ou plus. La raison qui a dicté ces
conditions serait que la politique de la Commission vise à empêcher les titulaires d'un diplôme universitaire de concourir, aux fins de l'obtention d'un emploi de catégorie B, avec les personnes qui n'ont pas suivi des études universitaires. On a également estimé souhaitable d'éviter que des universitaires demeurent dans la catégorie B pour le restant de leur carrière.

Le concours en l'espèce portait à la fois sur des épreuves écrites et orales. Madame Verli-Wallace, qui à l'époque avait été recrutée par la Commission en qualité de fonctionnaire-stagiaire de grade B 4, a posé sa candidature le 9 mars 1981 pour participer au concours en question. Dans son acte de candidature, elle a déclaré, sous la rubrique «enseignement supérieur», avoir fréquenté la faculté de droit à l'Université d'Athènes de 1970 jusqu'à «aujourd'hui». Elle a ajouté qu'elle avait encore trois
matières à passer — droit civil, droit commercial, et procédure civile — avant d'obtenir son diplôme. L'acte de candidature révèle qu'elle a été employée au bureau des Communautés européennes, à Athènes, de 1976 jusqu'à la date du 24 février 1981 et qu'ensuite, à partir du 25 février 1981, elle a été employée au service de la documentation de la DG V de la Commission, à Bruxelles.

Par lettre du 15 avril 1981, le chef de la division Recrutement a informé Madame Verli-Wallace qu'elle était admise à participer aux épreuves écrites. A la suite des résultats de ces épreuves, elle a été informée par lettre du 24 juin qu'elle avait été admise aux épreuves orales. Elle a subi ces épreuves le 13 juillet 1981. Au cours de l'entretien, sans qu'il soit clairement établi à quel moment cette conversation a eu lieu, on lui a demandé si elle était susceptible de se présenter aux examens
qu'il lui restait à passer et d'obtenir son diplôme à la fin de l'année 1981. Il existe un certain désaccord quant à la question de savoir précisément quelle a été la réponse. D'une part, la Cour a été informée par la Commission de ce que Madame Verli-Wallace aurait simplement déclaré qu'elle pourrait obtenir son diplôme si elle passait et réussissait ses examens. D'un autre côté, la version des faits présentée par la requérante est que, même si elle avait initialement admis qu'elle était
susceptible de passer ses examens, et en cas de réussite, obtenir son diplôme, il ne s'agissait que d'une possibilité théorique. Compte tenu du fait qu'elle était employée à plein temps à Bruxelles, cela lui était pratiquement impossible.

Compte tenu des circonstances, il est vraisemblable que la version de Madame Verli-Wallace est, en substance, exacte et que, même si elle était prête à admettre la possibilité théorique de terminer ses études en 1981, cette possibilité n'était pas réaliste.

A la suite de cet entretien, la requérante a été informée le 9 septembre 1981 qu'elle avait la possibilité de terminer ses études en octobre 1981 à Athènes et d'obtenir son diplôme, de sorte qu'elle n'était dès lors pas admissible au concours. Selon ce. qui a été affirmé, le jury avait par conséquent été obligé d'annuler sa décision de l'admettre au concours. La requérante a introduit contre cette décision, une réclamation, conformément aux dispositions du statut, qui est restée sans réponse et doit
donc être considérée comme implicitement rejetée. En l'espèce, la requérante conclut à ce qu'il plaise à la Cour annuler la décision du jury et le rejet implicite de sa réclamation introduite auprès de la Commission. Elle demande en outre à la Cour de constater que la requérante, en ce qu'elle allègue avoir réussi tant les épreuves écrites qu'orales du concours, doit être inscrite sur la liste d'aptitude établie par le jury.

Conformément aux moyens présentés par la Commission dans ses mémoires, nous considérons qu'il y a lieu de juger le recours en annulation de la requérante comme irrecevable, en tant qu'il vise l'annulation de la décision implicite de rejet de sa réclamation. Ce rejet a simplement confirmé la décision du jury. La question de fond est de savoir si la décision du jury peut être maintenue. Conformément à la jurisprudence de la Cour, il convient de considérer que le recours en annulation de la requérante
contre cette décision a été introduit dans le délai contentieux imparti aux fins de la présente procédure qui a été engagée le 26 mai 1981.

Le premier moyen invoqué est que le jury ne peut prononcer «l'annulation» de l'une de ses décisions antérieures. Bon nombre d'arguments ont été présentés à la Cour afin de faire valoir que l'auteur d'une décision ne peut pas légalement prononcer l'annulation de sa propre décision. Bien qu'il soit exact que le terme «annuler» est utilisé dans la lettre du chef de la division Recrutement, nous sommes enclins à admettre l'argument, présenté par la défense de la Commission, selon lequel une approche
correcte exige que l'on s'attache non pas à la forme mais au fond. Le fait est qu'en l'espèce le jury se proposait de retirer ou de rectifier sa décision antérieure d'admettre la requérante. C'est ce qu'il a fait en invoquant le fait qu'une erreur avait été commise. Nous admettons également l'idée selon laquelle, si une telle rectification s'imposait, c'était au jury lui-même, comme le suggère la défense de la Commission, qu'il appartenait d'effectuer cette rectification. Nous considérons que le
jury n'avait manifestement pas achevé sa tâche et qu'il n'a pas cherché à annuler, au sens technique du terme, sa décision originelle. Par conséquent nous concluons au rejet du premier moyen invoqué par la requérante.

La requérante a ensuite allégué que, de toute manière, ce qui a été fait ne l'a pas été dans un délai raisonnable. Compte tenu des circonstances de l'espèce, il nous semble que si la rectification était justifiée, elle a été effectuée dans un délai raisonnable, comme le fait valoir la défense de la Commission.

En troisième lieu, la requérante a soutenu que le jury avait tiré une conclusion erronée et qu'il n'y avait pas lieu de ne pas l'admettre au concours en tant qu'étudiante achevant sa dernière année d'études.

D'après les faits qui ont été exposés à la Cour, la requérante s'est inscrite en février 1968 comme étudiante en première année, pour l'année académique 1968-1969. Après un certain nombre d'années d'études elle a été inscrite comme étudiante en quatrième année, pour l'année 1974-1975. La Cour ignore ce qui s'est exactement passé dans l'intervalle. Il semble qu'en règle générale les étudiants qui ont poursuivi quatre années d'études en droit passent leurs examens écrits et oraux immédiatement pendant
ou après leurs études. Mais un candidat a la possibilité de passer ses examens oraux ultérieurement et, bien que ce soit exceptionnel, cela se produit en fait. Madame Verli-Wallace était donc obligée de passer les examens oraux avant de pouvoir obtenir son diplôme, mais elle n'était pas contrainte, conformément au règlement de l'université, d'être inscrite en qualité d'étudiante pendant les années où elle passait ces examens oraux.

En fait elle a passé à huit reprises, avec succès, des examens oraux: deux en 1975, un en 1977, trois en 1980, et par la suite encore un en octobre 1981. Il est toutefois clair qu'à la date même du 13 septembre 1982, elle devait encore passer les trois matières auxquelles nous avons fait référence, à savoir un examen apparemment au titre de la troisième année et les autres qui font partie des épreuves en vue de l'obtention du diplôme de fin d'études.

Lors de l'examen de la condition posée par l'avis de concours il ne faut pas perdre de vue le fait que l'exclusion ne vise pas simplement quelqu'un qui est étudiant et pas davantage quelqu'un qui est susceptible de se présenter à un examen de fin d'études. Elle vise uniquement quelqu'un qui se trouve en dernière année d'études universitaires. Compte tenu des faits de l'espèce Madame Verli-Wallace se trouvait-elle dans cette situation?

A première vue, on pourrait croire qu'un étudiant en dernière année d'études doit être quelqu'un qui est effectivement engagé dans un cycle d'études à l'université ou dans une institution équivalente. On a dit qu'un tel étudiant devait être «inscrit» pour être considéré comme étant en dernière année. Nous ne considérons pas essentiel qu'un étudiant soit nécessairement inscrit ou immatriculé aux fins d'une année d'études particulière pour être en dernière année d'études. Nous estimons que la portée
de la phrase en question n'a pas besoin d'être nécessairement aussi limitée qu'on l'a suggéré puisqu'un étudiant a manifestement la possibilité de préparer un diplôme chez lui ou grâce à des cours par correspondance.

D'autre part, nous estimons qu'avant qu'un candidat puisse être exclu, il doit être clair que le candidat poursuivait des études, que le cycle d'études se serait achevé dans les douze mois, et que les examens passés, à condition d'être couronnés de succès, auraient constitué la fin du cycle d'études. Le fait qu'un étudiant soit susceptible de ne pas réussir ses examens en une année et soit obligé de les repasser au cours d'une année ultérieure, ne l'empêche pas d'être un étudiant en dernière année
d'études.

Nous sommes enclin à admettre le point de vue des deux parties selon lequel la date pertinente qui doit être prise en considération est celle à laquelle le candidat fait acte de candidature. En l'espèce, il nous semble, sur la base des faits présentés à la Cour, qu'il existait seulement une possibilité théorique que Madame Verli-Wallace achève ses examens et obtienne son diplôme dans l'année. Elle était juste entrée en fonctions à la Commission, à Bruxelles. Elle n'avait pas manifesté d'intention
réelle de passer les examens restants dans l'année et, en effet, il n'est pas nettement établi qu'elle poursuivait activement un cycle d'études. Il nous semble peu probable qu'à l'époque elle aurait terminé ses examens ou obtenu son diplôme. Nous considérons donc que, dans ces circonstances, nonobstant sa situation entre 1975 et 1981, il n'a pas été prouvé qu'elle était en dernière année d'un cycle d'études universitaires à la date entrant en considération au sens de la condition prévue dans l'avis
de concours.

Nous estimons qu'une conclusion inverse serait des plus artificielles. Si on avait souhaité exclure du concours des candidats se trouvant dans la situation de Madame Verli-Wallace, il nous semble qu'une autre formulation aurait dû être utilisée. Nous considérons donc que le jury a eu raison, dans un premier temps, de l'admettre à participer au concours, et qu'il a eu tort lorsqu'il a essayé d'annuler sa première décision.

Madame Verli-Wallace fait ensuite valoir, pour le cas où, à l'opposé de notre conclusion, elle serait considérée comme étant en dernière année au sens de l'avis de concours, qu'à partir du moment où elle a été admise à participer au concours, elle a acquis le droit de continuer à concourir ou pouvait légitimement s'attendre à ce qu'elle soit autorisée à continuer. Nous ne saurions admettre cet argument en tant qu'affirmation d'ordre général. Il nous semble que si les conditions d'exclusion d'un
concours sont clairement stipulées, et qu'il est clairement établi qu'un candidat initialement admis n'était pas qualifié, il peut être retiré de la liste même après y avoir été initialement inscrit, et cela à tout moment avant que le concours ne soit définitivement terminé. Supposez, par exemple, que le concours s'adressât à des diplômés en sciences économiques. Si un étudiant, qui aurait simplement déclaré être titulaire d'un diplôme, était admis à participer au concours et qu'on découvre par la
suite que son diplôme est un diplôme d'ingénieur, il nous semble que, quels que soient les autres droits qu'il peut avoir, on ne saurait prétendre qu'il a acquis le droit de continuer à concourir et qu'il pouvait légitimement s'attendre à pouvoir continuer.

D'un autre côté, si la condition posée est considérée comme pouvant faire l'objet de plusieurs interprétations et si, en pleine connaissance de tous les éléments de fait pertinents fournis par un candidat, un jury admet un candidat, alors celui-ci peut, certes, légitimement s'attendre à pouvoir continuer et à ce qu'il ne sera pas possible à un jury de décider ultérieurement de donner à cette condition une autre interprétation possible. Il est bien entendu que si l'intégralité des faits n'est pas
divulguée (comme peut-être en l'espèce, si Madame Verli-Wallace avait eu l'intention de passer des examens mais ne l'aurait pas admis), il nous semble tout à fait impensable qu'un candidat dans cette situation puisse s'attendre légitimement à continuer ou avoir un droit acquis à continuer.

Si, en l'espèce, la Cour arrivait à la conclusion que la requérante se trouvait en dernière année d'études, il nous semble que, puisqu'elle avait clairement indiqué dans son acte de candidature que ses études étaient en cours et qu'il lui restait à passer des examens, et compte tenu des différentes interprétations possibles quant au sens de la condition en question, il conviendrait alors, à titre exceptionnel, de considérer qu'en l'espèce, elle pouvait légitimement s'attendre à pouvoir continuer.

En ce qui nous concerne, toutefois, nous préférerions fonder l'annulation de la décision sur le fait qu'elle n'était pas une candidate qui, suivant l'interprétation correcte des termes mêmes de la Commission, devait être exclue.

La requérante a également fait valoir qu'elle avait les mêmes droits acquis ou la même expectative légitime parce qu'elle avait été admise à un précédent concours, le concours n° 303, à l'occasion duquel elle a été admise à la fois comme candidate puis, en définitive, comme fonctionnaire stagiaire des Communautés. Les conditions y afférentes étaient à tout point de vue les mêmes quant au fond. Elle avait indiqué que ses études avaient eu lieu entre 1970 et 1976 et qu'elle n'avait pas encore obtenu
son diplôme en droit. A notre avis cet argument doit être rejeté. Nous ne considérons pas que le fait d'avoir été admise à un concours antérieur et le fait d'avoir été engagée, en raison d'une erreur d'interprétation des conditions, lui a donné un droit acquis de participer au présent concours.

On a ensuite soutenu au nom de la requérante qu'en l'espèce, Madame Verli-Wallace avait le droit de voir son nom inscrit sur la liste d'aptitude établie par le jury. En ce qui nous concerne nous ne saurions admettre cet argument. Même avant l'audience d'aujourd'hui il n'a pas été démontré que le jury avait décidé qu'elle avait réussi l'épreuve orale. Or, la Cour a été informée, de ce que le jury n'avait pas encore délibéré sur son cas, ce qu'elle devrait à notre avis admettre. On a en outre soutenu
qu'il n'est pas logique qu'une personne, titulaire d'un diplôme ou qui se trouve en dernière année d'études universitaires et qui est déjà employée par la Commission, doive être exclue d'un concours ultérieur. La question de savoir si cela est logique ou non ne constitue pas, à notre avis, un argument qui peut être invoqué en l'espèce par la requérante, puisque l'avis de concours n'est pas attaqué pour cause de discrimination ou de violation d'un quelconque principe de proportionnalité.

Nous concluons donc qu'en l'espèce il y a lieu d'annuler la décision du jury d'exclure la requérante de la suite du concours, et de constater que le jury, s'il peut être réuni à nouveau, doit admettre la requérante aux épreuves orales. Si ce jury ne peut plus être réuni, il sera nécessaire de faire en sorte qu'un autre jury assure la poursuite des épreuves orales.

Nous estimons qu'en l'espèce les dépens de la requérante doivent être mis à la charge de la Commission.

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

( 1 ) Traduit de l'anglais.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 159/82
Date de la décision : 14/07/1983
Type de recours : Recours de fonctionnaires - fondé

Analyses

Fonctionnaire - Admission au concours.

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents


Parties
Demandeurs : Angélique Verli-Wallace
Défendeurs : Commission des Communautés européennes.

Composition du Tribunal
Avocat général : Sir Gordon Slynn
Rapporteur ?: Everling

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1983:212

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award