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28/06/1983 | CJUE | N°210/81

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Rozès présentées le 28 juin 1983., Oswald Schmidt, agissant sous la dénomination Demo-Studio Schmidt, contre Commission des Communautés européennes., 28/06/1983, 210/81


CONCLUSIONS DE MMC L'AVOCAT GÉNÉRAL SIMONE ROZÈS,

PRÉSENTÉES LE 28 JUIN 1983

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

Conformément à l'article 173, deuxième alinéa, du traité CEE, Oswald Schmidt, agissant au nom de la société Demo-Studio Schmidt à Wiesbaden, vous a saisis, le 13 juillet 1981, d'un recours en annulation du refus définitif opposé le 11 mai 1981 par la Commission à une demande présentée conformément à l'article 3, paragraphe 2, lettre b), du règlement n° 17/62 ( 1 ), tendant à contraindre la société Revox à l'

admettre au bénéfice de «son contrat de concession CEE».

I —

Brièvement résumés, les faits ...

CONCLUSIONS DE MMC L'AVOCAT GÉNÉRAL SIMONE ROZÈS,

PRÉSENTÉES LE 28 JUIN 1983

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

Conformément à l'article 173, deuxième alinéa, du traité CEE, Oswald Schmidt, agissant au nom de la société Demo-Studio Schmidt à Wiesbaden, vous a saisis, le 13 juillet 1981, d'un recours en annulation du refus définitif opposé le 11 mai 1981 par la Commission à une demande présentée conformément à l'article 3, paragraphe 2, lettre b), du règlement n° 17/62 ( 1 ), tendant à contraindre la société Revox à l'admettre au bénéfice de «son contrat de concession CEE».

I —

Brièvement résumés, les faits sont les suivants.

Parallèlement à son activité de constructeur dans une fabrique de machines, Oswald Schmidt exploite, depuis 1975, un commerce dans le secteur de l'électronique de loisir à Wiesbaden. Son programme de vente, qui ne couvrait initialement que des appareils de la société Studer Revox GmbH à Löffingen (ci-après dénommée Revox) non soumis à des conditions de distribution sélective, a été élargi par la suite à des téléviseurs et «enceintes» (Aktivlautsprecher) appartenant à deux autres marques. Son local
commercial, d'une superficie d'environ 15 m2, était ou est ouvert au public quotidiennement de 15 heures 45 ou 16 heures à 18 heures, ainsi que le samedi matin.

La société Revox a introduit, avec effet au 1er septembre 1977, de nouvelles «clauses de concession CEE» pour le commerce spécialisé de téléviseurs, de radios et d'électrophones dans le marché commun; ces clauses ont été modifiées par l'introduction d'une nouvelle version entrée en vigueur le 10 février 1978. Ce système de distribution, qui couvre les produits de haute technicité de la seconde génération dite «série B», a pour fondement juridique des contrats-types que la société Revox conclut avec
les détaillants spécialisés qu'elle sélectionne. Cette sélection est opérée en fonction de critères qualitatifs objectifs qui se rapportent notamment à la qualification professionnelle des revendeurs et de leur personnel, à l'aménagement technique des surfaces de vente, ainsi qu'au respect des heures d'ouverture usuelles. Ce système de distribution sélective interdit aux cocontractants de vendre des marchandises couvertes par le contrat à des commerçants non agréés (freie Händler).

Après l'introduction des «clauses de concession CEE», la société Revox a subordonné la livraison à Oswald Schmidt d'appareils de la série B, à la condition que son local de vente soit ouvert pendant toute la journée. Afin de satisfaire à cette condition, Oswald Schmidt a engagé un vendeur, sous réserve qu'il obtienne livraison des marchandises faisant l'objet des clauses de concession.

En dépit de ces efforts, la société Revox a fait connaître à Oswald Schmidt à plusieurs reprises oralement et, en dernier lieu, le 27 décembre 1979, apparemment par écrit, qu'il ne pouvait être agréé comme détaillant spécialisé ni approvisionné, puisqu'il ne remplissait pas les conditions énoncées dans les clauses de concession de la société Revox.

Par lettre du 7 juin 1980, Oswald Schmidt a finalement saisi la Commission d'une plainte au titre de l'article 3, paragraphe 2, lettre b), du règlement n° 17/62 pour refus de livrer des produits Revox de la «série B», et lui a demandé d'enjoindre à la société Revox de l'approvisionner immédiatement.

Conformément à l'article 6 de son règlement n° 99/63 du 25 juillet 1963 ( 2 ) la Commission a informé Oswald Schmidt par lettre du 18 septembre 1980 que le résultat de son enquête ne lui permettait pas de donner une suite favorable à sa plainte. Elle l'invitait à prendre position sur cette appréciation dans un délai d'un mois.

A la suite des observations de Oswald Schmidt maintenant sa plainte, la Commission l'a informé, le 11 mai 1981, par une communication motivée, du rejet de celle-ci. Elle précisait en particulier qu'elle n'avait aucun motif de contraindre la société Revox à lui livrer ses produits en l'absence d'éléments permettant de conclure soit que le refus opposé par la société Revox était constitutif d'un abus de position dominante au sens de l'article 86 du traité CEE, soit que son système de distribution
était contraire à l'article 85, paragraphe 1, de ce traité.

Oswald Schmidt conclut à l'annulation de cette notification et à ce qu'il soit enjoint à la Commission de statuer à nouveau sur sa demande en se conformant à votre arrêt à intervenir.

II —

1) Sur le premier chef de conclusions

A — Quant à la recevabilité

La Commission ne conteste pas la recevabilité de cette demande puisque sa «communication» (Bescheid) constitue un acte définitif pourvu d'une motivation juridique détaillée.

Elle observe toutefois que la notification litigieuse ne peut faire grief à Oswald Schmidt puisqu'il ne dispose ni de la possibilité d'obliger la Commission à agir contre des atteintes portées à la concurrence, ni du droit à ce qu'une demande, présentée conformément à l'article 3, paragraphe 2, lettre b), du règlement n° 17/62 fasse l'objet d'une décision susceptible de recours: il n'aurait subi de toute façon aucun préjudice.

La société Revox, qui est intervenue au soutien des conclusions de la Commission tendant au rejet du recours, estime l'ensemble de la requête irrecevable en l'absence d'intérêt pour agir de la part de Oswald Schmidt: la demande tend en effet à imposer, par l'intermédiaire de la Commission et à la charge de l'intervenante, le respect d'un prétendu droit du requérant à être approvisionné.

Or, un tel droit ne pourrait tout au plus être invoqué que devant les juridictions des États membres en application du droit interne. Même si la Cour annulait la notification litigieuse et faisait droit au second chef de conclusions, le requérant n'atteindrait en aucune façon l'objectif qu'il poursuit, qui est d'être approvisionné. Du point de vue du droit matériel, la notification de la Commission du 11 mai 1981 ne fait donc pas grief au requérant. En outre, la procédure en matière d'ententes ne
confère pas à l'auteur d'une plainte le droit de contraindre la Commission à agir. Il conviendrait au contraire de reconnaître à celle-ci, dans le cadre du pouvoir d'appréciation dont elle jouit, le droit de ne pas donner suite aux demandes manifestement mal fondées ou introduites à des fins autres que celles qui sont invoquées.

a) Nous observerons tout d'abord que l'objet de la requête résulte uniquement des moyens invoqués par Oswald Schmidt et de ses conclusions. Selon ses termes mêmes, le premier chef de demande ne vise pas à ce que le requérant soit approvisionné, mais à l'annulation de l'acte par lequel la Commission lui a notifié son refus de donner suite à sa plainte formelle. Bien que celle-ci, introduite le 7 juin 1980, tende à enjoindre à la société intervenante d'approvisionner immédiatement le requérant, en
réalité elle doit être interprétée comme une demande de constat par la Commission d'une infraction aux dispositions des articles 85 et 86 du traité, conformément à l'article 3, paragraphes 1 et 2, lettre b), du règlement n° 17/62, et à obliger par voie de décision la société Revox à mettre fin à l'infraction ainsi constatée.

La notification de la Commission du 11 mai 1981 faisant suite à cette demande ne peut, par conséquent, être comprise qu'en ce sens que la Commission a refusé d'y donner suite.

C'est contre ce seul refus qu'est dirigé le premier chef de conclusions de la requête présentée conformément à l'article 173, alinéa 2, du traité CEE.

Le second chef de conclusions ne tend pas davantage à ce que la Commission intervienne contre une infraction aux dispositions de l'article 85 ou de l'article 86, mais uniquement à ce qu'intervienne une nouvelle prise de position tenant compte d'une appréciation juridique correcte.

b) Compte tenu de l'objet du litige, la recevabilité du recours ne dépend donc pas du point de savoir si le requérant a le droit d'obliger la Commission à agir contre des restrictions de la concurrence ou s'il a un droit à ce que sa demande fasse l'objet d'une décision susceptible de recours; conformément à une jurisprudence constante que vous avez résumée dans votre arrêt IBM ( 3 ), le premier chef de conclusions est en tout cas recevable du moment que la notification litigieuse constitue une
mesure «produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celui-ci». Comme vous l'avez également rappelé dans l'arrêt précité, la recevabilité du recours ne dépend en particulier ni de la forme dans laquelle cette mesure a été prise, ni de sa qualification au regard de l'article 189 du traité; c'est à sa substance qu'il convient de s'attacher.

En fonction de ces critères, il est donc important non seulement que, dans l'esprit de la Commission, la lettre adressée le 11 mai 1981 au requérant constitue une décision susceptible de recours au sens de l'article 173, alinéa 2, du traité, mais aussi que son destinataire ait pu comprendre que, par son contenu et sa forme, il s'agissait bien d'une telle décision. Il résulte notamment des termes de cette lettre que, à la suite des observations du requérant relatives à la communication faite
conformément à l'article 6 du règlement n° 99/63, la Commission lui notifiait «sa prise de position définitive». Il ne s'agit donc pas d'une simple lettre administrative d'une direction générale, comme dans les affaires Giry et Guerlain ( 4 ). Dès lors, dans le cadre de l'examen de la recevabilité, il importe peu de savoir si la Commission était compétente pour adopter un acte de ce genre, qui n'est pas expressément prévu par le règlement n° 17/62, ou si — comme dans l'affaire GEMA ( 5 ) — le
fait d'adresser une demande au sens de l'article 3, paragraphe 2, du règlement n° 17/62 ouvre un droit à obtenir de la Commission une décision susceptible de recours.

c) Enfin, à l'encontre du point de vue défendu par la Commission et par l'intervenante, la décision de rejet fait grief au requérant et il paraît justifié d'admettre la recevabilité du recours. La Commission dispose d'un large pouvoir d'appréciation pour décider de l'ouverture d'une procédure en application du règlement n° 17/62, mais, comme nous l'avons souligné dans les conclusions que nous avons présentées dans l'affaire FEDIOL ( 6 ), un pouvoir d'appréciation totalement discrétionnaire de
l'administration est incompatible avec l'idée de droit qui est à la base de l'ordre juridique communautaire. L'exercice du pouvoir d'appréciation suppose nécessairement le respect de sa finalité. Les particuliers disposent par conséquent du droit à l'exercice correct du pouvoir d'appréciation, dès lors que la norme conférant ce pouvoir a été édictée également dans leur intérêt. En l'espèce, l'article 3, paragraphe 2, lettre b), du règlement n° 17/62, conférant aux personnes physiques ou morales
faisant valoir un intérêt légitime le droit de présenter une demande, suffit à démontrer que certains intérêts individuels doivent être respectés dans l'exercice de ce pouvoir et il convient, en cas de refus d'une demande, de permettre le contrôle juridictionnel de l'exercice correct dudit pouvoir d'appréciation.

d) On retiendra également, en faveur de la recevabilité du recours, le fait que, comme le souligne l'avant-dernier considérant du règlement n° 17/62, «toutes les décisions prises par la Commission en application du présent règlement sont soumises au contrôle de la Cour de justice dans les conditions définies par le traité».

e) Vous vous êtes manifestement inspirés de ces considérations dans votre arrêt Metro ( 7 ), en jugeant qu'il est de l'intérêt d'une bonne justice et d'une exacte application des articles 85 et 86 que les personnes physiques ou morales qui, en vertu de l'article 3, paragraphe 2, lettre b), du règlement n° 17/62, sont habilitées à introduire une demande puissent, s'il n'y est pas fait droit en totalité ou en partie, disposer d'une voie de recours destinée à protéger leurs intérêts légitimes. Vous en
avez déduit que l'auteur de la demande est directement et individuellement concerné au sens de l'article 173, alinéa 2, par les décisions adressées à une autre personne. La nécessité d'une protection juridique équivalente doit en tout cas être reconnue lorsque l'auteur de la demande est lui-même destinataire de la décision de rejet.

En conséquence, il y a lieu de considérer que le recours formé contre la lettre de la Commission du 11 mai 1981 est recevable.

B — Quant au fond

A l'appui de son recours, Oswald Schmidt expose que le refus de la Commission d'agir contre la société Revox pour infraction aux règles de concurrence constitue, de sa part, une violation du traité et des règles à mettre en œuvre pour son application, ainsi qu'un détournement de pouvoir. Il estime avoir été écarté du système de distribution des produits de la marque Revox d'une manière qui restreint le jeu de la concurrence et considère que la Commission aurait dû agir contre une pareille infraction
et, en particulier, obliger la société Revox à l'approvisionner.

La décision attaquée ne peut cependant être déclarée illégale et, par conséquent, annulée que si la Commission a fait un usage incorrect du pouvoir d'appréciation qui lui est conféré par l'article 3 du règlement n° 17/62. Mais la réalisation de cette condition présuppose elle-même la constatation d'une violation des dispositions de l'article 85 ou de l'article 86 du traité.

a) Le requérant soutient que le fait de ne pas avoir été agréé en tant que commerçant spécialisé ou de ne pas avoir été approvisionné en raison du système de distribution sélective de la société Revox constitue une violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité. Il ne met pas en cause la validité de principe d'un tel système de distribution permettant aux fabricants de choisir en fonction de critères de sélection déterminés certains commerçants pour la distribution de leurs produits, mais il
rejette le critère fondé sur les heures d'ouverture d'un magasin. Il convient donc de vérifier en premier lieu si le système de distribution sélective pratiqué par la société Revox est, sur ce point, compatible avec l'article 85, paragraphe 1, du traité.

Ainsi que vous l'avez jugé dans votre arrêt Metro précité, c'est particulièrement dans le secteur de la production des biens de consommation durables, d'une valeur et d'une technicité élevées, tels que le matériel électronique de loisir, que les systèmes de distribution sélective constituent, parmi d'autres canaux de distribution, un élément de concurrence conforme à l'article 85, paragraphe 1, «à condition que le choix des revendeurs s'opère en fonction de critères objectifs de caractère
qualitatif, relatifs à la qualification professionnelle du revendeur, de son personnel et de ses installations, que ces conditions soient fixées d'une manière uniforme à l'égard de tous les revendeurs potentiels et appliquées de façon non discriminatoire».

Tous les critères des accords de distribution sélective en cause sont, comme la Commission l'expose à juste titre, des critères objectifs, de caractère qualitatif et non quantitatif, et ils n'ont par conséquent aucun effet restrictif sur les conditions de concurrence. Cette appréciation vaut en particulier pour le critère concernant l'accessibilité du local de vente aux heures d'ouverture usuelles, qui constitue un élément essentiel d'un magasin de vente au détail. C'est justement pour des
marchandises coûteuses, nécessitant une activité de conseil et de service aprèsvente, telles que celles qui font l'objet des accords de distribution litigieux, qu'un horaire couvrant toute la journée correspond à l'attente du client, sans que cette exigence restreigne outre mesure l'accès au système de distribution.

En tout état de cause, comme la Commission le constate, même si l'on est d'un autre avis, les échanges entre États ne sont pas susceptibles d'être influencés de manière sensible par cette clause, puisqu'elle n'entraîne que l'exclusion d'un nombre restreint de revendeurs professionnellement aptes.

En n'ouvrant son magasin qu'environ deux heures par jour, ainsi que le samedi matin, Oswald Schmidt ne satisfait pas à l'ensemble des critères de sélection objectifs et qualitatifs et on ne saurait prétendre que la société Revox a appliqué son système de distribution d'une manière discriminatoire. Peu importe que le requérant ait, comme il l'a exposé, pris des mesures en octobre 1977 pour que son magasin soit ouvert pendant toute la journée ou qu'il soit prêt à l'ouvrir à l'avenir aux heures
usuelles: le seul fait déterminant est qu'à aucun moment il n'a effectivement satisfait aux critères requis du commerce spécialisé. Le fabricant n'est pas tenu de fournir ses marchandises préalablement au respect par le revendeur d'un de ces critères. S'il en était autrement, le risque d'inobservation serait entièrement supporté par le fabricant, ce qui est à l'opposé de l'esprit et des finalités d'un contrat de distribution sélective.

Si l'agrément était accordé à des personnes ne remplissant pas ou ne remplissant pas encore les critères de sélection, une discrimination éventuelle pourrait jouer à l'encontre des commerçants spécialisés qui ont généralement des frais plus élevés, et il conviendrait alors de vérifier si une telle application d'un contrat de distribution sélective n'est pas contraire à l'interdiction énoncée à l'article 85, paragraphe 1, du traité.

Contrairement à ce que pense le requérant, on ne saurait enfin inférer, du fait que celui-ci a été agréé au nom de la société Sony par le mandataire ad litem de la société Revox comme revendeur spécialisé pour les appareils Sony, un comportement contradictoire et discriminatoire dans l'application des critères en question. Hormis le fait que le critère de l'horaire d'ouverture ne figure pas expressément dans la version du système de distribution Sony qui a été produite, la discrimination suppose
qu'une seule et même personne traite, sans justification objective, d'une manière différente des situations comparables, ce qui n'est manifestement pas le cas en l'espèce.

En outre, l'application discriminatoire d'un système de distribution sélective exige également que le fabricant n'applique pas de manière uniforme les critères de sélection des distributeurs ou qu'il ne retire pas l'agrément aux distributeurs qui ne satisfont plus auxdits critères. En conséquence, le fait qu'une autre société, qui n'est pas agréée par la société Revox comme revendeur spécialisé, distribue prétendument les produits de celle-ci, ne permet pas de conclure à l'existence d'une
violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité.

En admettant même l'existence d'une infraction à cette disposition au moment de l'adoption de la décision attaquée, le requérant ne saurait s'en prévaloir pour prétendre au droit d'être agréé comme commerçant spécialisé ou même d'être approvisionné par la société intervenante. Le requérant méconnaît en effet qu'à elle seule l'interdiction des accords qui restreignent le jeu de la concurrence ne fournit aucune base juridique permettant d'intervenir dans la liberté contractuelle des opérateurs
économiques. L'incompatibilité, au regard de l'article 85, d'un système de distribution sélective ou de son application discriminatoire n'entraînerait donc pas, comme le demande le requérant, l'obligation pour la société Revox de l'agréer comme commerçant spécialisé.

Pour toutes ces raisons, il ne saurait être reproché à la Commission de ne pas avoir tiré les conséquences de l'interdiction édictée à l'article 85, paragraphe 1, et d'avoir, de ce fait, commis un détournement de pouvoir.

b) L'article 86 du traité permet à la Commission d'agir en présence ďun abus de position dominante. D'après la requête elle-même, qui évalue, à partir d'une simple communication d'un journal d'information privé, à 13 % environ la part de marché de la société Revox dans le commerce spécialisé des postes de radio et de télévision en Allemagne, en Autriche et en Suisse, on ne saurait attribuer à cette société et à ses produits pareille position sur le marché en cause. Selon les indications de la
Commission et de la société Revox, la part dont dispose cette société sur le marché en cause n'atteint environ que 1 % en ce qui concerne les platines, les amplificateurs, les récepteurs-radios et les enceintes acoustiques.

Du reste, comme le souligne également la société Revox, en admettant même l'existence d'une position dominante, il ne saurait être question de l'exploitation abusive d'une telle position du moment que l'entreprise en question pratique sans discrimination un système de distribution qui est techniquement justifié.

Par conséquent, même sous l'angle de l'article 86 du traité, la décision attaquée ne prête pas à critique.

2) Sur le second chef de conclusions

a) Les conclusions tendant à l'annulation de la décision de la Commission du 11 mai 1981 étant mal fondées, celles visant à imposer à la Commission de statuer à nouveau en tenant compte d'une telle annulation sont privées d'objet et n'appellent donc pas de plus amples commentaires.

b) Pour le cas où vous feriez néanmoins droit au premier chef de conclusions et où vous annuleriez la décision attaquée, il y aurait lieu de constater subsidiairement, avec la Commission et la société intervenante, qu'une telle action en injonction ou en constatation d'une obligation n'est pas prévue par le traité CEE; elle est par conséquent irrecevable. Il suffit d'indiquer à ce sujet qu'un arrêt rendu en application de l'article 173 se borne à annuler l'acte attaqué; conformément à l'article 176
du traité, l'institution dont émane l'acte annulé est alors tenue de prendre les mesures que comporte l'exécution de cet arrêt. L'esprit et les finalités de ces dispositions s'opposent donc à une interprétation de l'article 173, alinéa 2, allant dans le sens souhaité par le requérant.

Nous concluons au rejet du recours et à ce que les dépens, y compris ceux de la société intervenante, soient mis à la charge du requérant.

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( 1 ) JOCE du 21 2 1962, p 204

( 2 ) JOCE du 20. 8. 1963, p. 2268.

( 3 ) Arrêt du 11 novembre 1981 dans l'affaire 60/81, International Business Corporation/Commission; Recueil 1981, p. 2639

( 4 ) Arrêt du 10 juillet 1980, Procureur de la République c a/Bruno Giry et Guerlain SA e a , affaire 253/78, Recueil p. 2327

( 5 ) Arrêt du 18 octobre 1979, GEMA (Gesellschaft fur musikalische Auffuhrungs- und mechanische Verviettaltigungsrechte)/Commission des Communautés européennes, Recueil 1979, p. 3173

( 6 ) Affaire 191/82, Fédération de l'industrie de l'huilerie de la CEE (FEDIOL)/Commission des Communautés européennes, Recueil 1983, p. 2913.

( 7 ) Arrêt du 25 octobre 1977, Metro SB-Großmärkte GmbH et Co. KG/Commission; affaire 26/76, Recueil 1977, p. 1875.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 210/81
Date de la décision : 28/06/1983
Type de recours : Recours en annulation - non fondé

Analyses

Concurrence - Distribution de matériel haute-fidélité.

Ententes

Position dominante

Contrats d'exclusivité

Concurrence


Parties
Demandeurs : Oswald Schmidt, agissant sous la dénomination Demo-Studio Schmidt,
Défendeurs : Commission des Communautés européennes.

Composition du Tribunal
Avocat général : Rozès
Rapporteur ?: Galmot

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1983:174

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