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12/06/2018 | BELGIQUE | N°P.17.1211.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 12 juin 2018, P.17.1211.N


Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° P.17.1211.N
TABAKNATIE POLSKA SPOLKA vbr, société de droit polonais,
prévenue,
demanderesse en cassation,
Me Frederik Vanden Bogaerde, avocat au barreau de Courtrai.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un jugement rendu le 10 novembre 2017 par le tribunal correctionnel d'Anvers, division Malines, statuant en degré d'appel et comme juridiction de renvoi ensuite de l'arrêt de la Cour du 29 novembre 2016.
La demanderesse invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent

arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Antoine Lievens a fait rapport.
L'avo...

Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° P.17.1211.N
TABAKNATIE POLSKA SPOLKA vbr, société de droit polonais,
prévenue,
demanderesse en cassation,
Me Frederik Vanden Bogaerde, avocat au barreau de Courtrai.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un jugement rendu le 10 novembre 2017 par le tribunal correctionnel d'Anvers, division Malines, statuant en degré d'appel et comme juridiction de renvoi ensuite de l'arrêt de la Cour du 29 novembre 2016.
La demanderesse invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Antoine Lievens a fait rapport.
L'avocat général Luc Decreus a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR

Sur le moyen :

1. Le moyen est pris de la violation des articles149 de la Constitution et 195 du Code d'instruction criminelle, ainsi que de la méconnaissance du principe de légalité en matière pénale : le jugement attaqué considère, à tort, qu'à la date de leur commission, les faits sont punissables en tant qu'infraction à l'arrêté royal du 10 août 2009 fixant les conditions de l'admission d'entreprises de transport établies sur le territoire d'un autre État membre de l'Union européenne ou de l'Espace économique européen au transport intérieur de marchandises par route en Belgique ; étant contraire au Règlement (CEE) n° 3118/93 du Conseil, du 25 octobre 1993, fixant les conditions de l'admission de transporteurs non-résidents aux transports nationaux de marchandises par route dans un État membre, cet arrêté royal méconnaît la hiérarchie des normes et est illégal ; en effet, il introduit des restrictions au cabotage dont la libéralisation a été complètement réalisée dans le cadre du Règlement (CEE) n° 3118/93, il précise illégalement la notion du caractère temporaire énoncée à l'article 1.1 du Règlement (CEE) n° 3118/93 et ne reproduit pas les exceptions prévues à l'article 1.2 du Règlement (CEE) n° 3118/93 ; l'arrêté royal du 10 août 2009 est également entaché d'un abus de pouvoir dès lors qu'il ne se contente pas d'établir un lien entre le Règlement (CEE) n° 3118/93 et la loi du 18 février 1969 relative aux mesures d'exécution des traités et actes internationaux en matière de transport par mer, par route, par chemin de fer ou par voie navigable, mais donne aussi une interprétation tout à fait spécifique de la notion de cabotage, qui n'est pas définie dans ce règlement ; la notion de cabotage devait faire l'objet d'une réglementation légale ; en outre, l'arrêté royal du 10 août 2009 a été abrogé par l'article 55, 3°, de l'arrêté royal du 22 mai 2014 relatif au transport de marchandises par route ; à l'époque des faits, il n'existait donc aucune législation belge mettant en œuvre le Règlement (CE) n° 1072/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 21 octobre 2009, établissant des règles communes pour l'accès au marché du transport international de marchandises par route et faisant le lien entre ce règlement et la loi répressive du 18 février 1969 ; l'arrêté royal du 10 août 2009 ne constitue pas ce lien et ne saurait le constituer puisqu'il est antérieur au Règlement (CE) n° 1072/2009 ; la circonstance que la teneur du régime instauré par l'arrêté royal du 10 août 2009 concorde substantiellement avec celle du Règlement (CE) n° 1072/2009 et l'anticipe est sans incidence à cet égard dès lors que l'arrêté royal du 10 août 2009 ne renvoie pas au Règlement (CE) n° 1072/2009 ; ainsi, le jugement attaqué prononce une peine en se fondant sur une réglementation non répressive, à savoir le Règlement (CE) n° 1072/2009, ou encore sur une réglementation devenue obsolète par l'effet direct de ce nouveau règlement.

2. En vertu de l'article 1er de l'arrêté royal du 10 août 2009, le transport de marchandises par la route pour le compte de tiers dont les points de départ et d'arrivée se situent sur le territoire belge et qui est effectué par une entreprise de transport routier détentrice d'une licence communautaire, ayant son siège sur le territoire d'un autre État membre de l'Union européenne ou de l'Espace économique européen, dénommé transport de cabotage, n'est autorisé que sur la base de la réglementation européenne en vigueur en la matière tout en tenant compte des conditions fixées dans ledit arrêté. L'article 5 de cet arrêté royal dispose que l'entreprise de transport qui commet une infraction aux dispositions du présent arrêté est punie conformément aux articles 2, 2bis et 3, § 3, de la loi du 18 février 1969 relative aux mesures d'exécution des traités et des actes internationaux en matière de transport par mer, par route, par chemin de fer ou par voie navigable.

3. L'article 1er, alinéa 1er, de la loi du 18 février 1969 dispose que le Roi peut, par arrêté délibéré en Conseil des Ministres, prendre en matière de transport (par mer,) par route, par chemin de fer ou par voie navigable, toute mesure nécessaire pour assurer l'exécution des obligations résultant des traités internationaux et des actes internationaux pris en vertu de ceux-ci, ces mesures pouvant comprendre l'abrogation ou la modification de dispositions légales. L'article 2 de cette loi fixe les peines sanctionnant les infractions aux arrêtés visés.

4. Il suit de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que les États membres peuvent adopter des mesures d'application d'un règlement s'ils n'entravent pas son applicabilité directe, s'ils ne dissimulent pas sa nature d'acte de droit de l'Union et s'ils demeurent dans les limites de la marge d'appréciation qui leur est conférée. Les États membres sont tenus de respecter le principe de proportionnalité dans l'élaboration de ces mesures d'exécution.

5. Le rapport au Roi de l'arrêté royal du 10 août 2009 indique ce qui suit :
- l'arrêté tend à exécuter l'article premier du Règlement (CEE) n° 3118/93 ;
- une entreprise de transport ne peut procéder que temporairement à des opérations de cabotage sur le territoire d'un autre État membre ;
- ni le Conseil, ni la Commission de l'Union européenne n'ont encore adopté de règles claires quant au caractère temporaire du cabotage ;
- le Conseil des Ministres et le Parlement européen se sont cependant mis d'accord sur des règles générales, avec force obligatoire et équilibrées en ce qui concerne le caractère temporaire des activités de cabotage routier ;
- en attendant l'entrée en vigueur de ces mesures communautaires, l'arrêté vise l'introduction de règles claires et d'application aisée qui doivent permettre de vérifier le caractère temporaire du transport de cabotage sur le territoire belge.

6. À la lumière de cette justification et compte tenu de la manière dont l'arrêté royal du 10 août 2009 spécifie la notion du caractère temporaire du transport de cabotage employée à l'article 1er, § 1er, du Règlement (CEE) n° 3118/93, l'arrêté royal du 10 août 2009 satisfait aux conditions précitées.

En tant qu'il allègue que la Belgique ne pouvait spécifier, par l'arrêté royal du 10 août 2009, la notion du caractère temporaire du transport de cabotage et de l'article 1er, § 1er, du Règlement (CEE) n°3118/93, le moyen manque en droit.

7. Le régime instauré par l'article 1er, § 2, du Règlement (CEE) n° 3118/93 ne s'applique que dans les limites de la notion du caractère temporaire du transport de cabotage employée à l'article 1er, § 1er, du Règlement (CEE) n° 3118/93.

Dans la mesure où il procède d'une autre prémisse juridique, le moyen manque en droit.

8. L'article 1er, alinéa 1er, de la loi du 18 février 1969 autorise le Roi non seulement à mettre en œuvre des obligations résultant d'actes internationaux, mais également à compléter ces actes internationaux dans le respect du droit international.

Dans la mesure où il procède d'une autre prémisse juridique, le moyen manque en droit.

9. Ainsi qu'il est indiqué précédemment, il ressort du rapport au Roi de l'arrêté royal du 10 août 2009 que celui-ci visait la mise en œuvre des règles communautaires déjà convenues mais non encore adoptées. Ainsi, l'arrêté royal renferme effectivement des dispositions d'exécution des obligations résultant du Règlement (CE) n° 1072/2009, en particulier à partir de l'entrée en vigueur dudit Règlement le 4 novembre 2011. Le fait que cet arrêté royal ait été adopté avant ce Règlement et ne comporte aucune référence littérale à ce dernier est sans incidence à cet égard.

Dans la mesure où il procède d'une autre prémisse juridique, le moyen manque en droit.

10. Dans la mesure où il demande à la Cour de poser des questions préjudicielles qu'il omet cependant d'énoncer, le moyen est imprécis et ne justifie en rien de poser la moindre question.

Le contrôle d'office

11. Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux frais.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Filip Van Volsem, conseiller faisant fonction de président, Alain Bloch, Antoine Lievens, Erwin Francis et Ilse Couwenberg, conseillers, et prononcé en audience publique du douze juin deux mille dix-huit par le conseiller faisant fonction de président Filip Van Volsem, en présence de l'avocat général Luc Decreus, avec l'assistance du greffier délégué Véronique Kosynsky.

Traduction établie sous le contrôle du conseiller Michel Lemal et transcrite avec l'assistance du greffier Tatiana Fenaux.


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.17.1211.N
Date de la décision : 12/06/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2018-06-12;p.17.1211.n ?

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