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04/02/2021 | FRANCE | N°434302

France | France, Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 04 février 2021, 434302


Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 18 février 2016 par laquelle la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France a rejeté sa demande de visa d'entrée et de long séjour. Par un jugement n° 1601751 du 20 avril 2018, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 18NT02487 du 5 avril 2019, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par M. A... contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, en

registrés les 5 septembre et 6 décembre 2019 au secrétariat du contentieux du Con...

Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 18 février 2016 par laquelle la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France a rejeté sa demande de visa d'entrée et de long séjour. Par un jugement n° 1601751 du 20 avril 2018, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 18NT02487 du 5 avril 2019, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par M. A... contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 5 septembre et 6 décembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat les sommes de 2 500 euros à verser, d'une part, à M. A... et, d'autre part, à la SCP David Gaschignard au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. David Guillarme, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme D... C..., rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gaschignard, avocat de M. A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A..., ressortissant marocain, a sollicité le 6 août 2015 la délivrance d'un visa d'entrée et de long séjour en qualité de visiteur. Cette demande a fait l'objet d'une décision implicite de rejet de la part des autorités consulaires. La commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France a rejeté le 18 février 2016 le recours préalable formé contre cette décision. M. A... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 5 avril 2019 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté son appel contre le jugement du 20 avril 2018 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de la commission.

2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " La demande d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois donne lieu à la délivrance par les autorités diplomatiques et consulaires d'un récépissé indiquant la date du dépôt de la demande ". Aux termes de l'article R. 313-6 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Sont dispensés de souscrire une demande de carte de séjour : / (...) 5° Les étrangers mentionnés à l'article L. 313-6 séjournant en France sous couvert d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois et au plus égale à un an et portant la mention " visiteur ", pendant la durée de validité de ce visa (...) ". Aux termes de l'article L. 313-6 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : " La carte de séjour temporaire délivrée à l'étranger qui apporte la preuve qu'il peut vivre de ses seules ressources et qui prend l'engagement de n'exercer en France aucune activité professionnelle porte la mention " visiteur " ".

3. L'administration peut, indépendamment d'autres motifs de rejet tels que la menace pour l'ordre public, refuser la délivrance d'un visa, qu'il soit de court ou de long séjour, en cas de risque avéré de détournement de son objet, lorsqu'elle établit que le motif indiqué dans la demande ne correspond manifestement pas à la finalité réelle du séjour de l'étranger en France. Elle peut à ce titre opposer un refus à une demande de visa de court séjour en se fondant sur l'existence d'un risque avéré de détournement du visa à des fins migratoires. En revanche, un tel motif n'est pas de nature à justifier un refus de visa de long séjour en qualité de visiteur, qui permet de séjourner en France pendant une durée supérieure à trois mois et de solliciter, le cas échéant, avant l'expiration de la durée du visa, la délivrance d'un titre de séjour. Toutefois, dans l'hypothèse où le motif de la demande d'un visa de long séjour visiteur est de s'installer durablement en France, ce visa peut être refusé si l'administration établit que l'étranger n'est manifestement pas susceptible de remplir les conditions lui permettant d'obtenir le titre de séjour qui lui sera nécessaire après la période couverte par le visa.

4. Il résulte de ce qui précède qu'en jugeant que le risque de détournement de l'objet du visa à des fins migratoires pouvait légalement justifier le refus de celui-ci, alors que le visa sollicité était, en l'espèce, un visa de long séjour en qualité de visiteur, que M. A... indiquait vouloir s'installer durablement en France pour rejoindre sa famille et obtenir un titre de séjour pour ce motif et qu'il appartenait, en conséquence, aux juges du fond de rechercher si l'administration établissait que l'intéressé n'était manifestement pas susceptible de remplir les conditions lui permettant d'obtenir un tel titre de séjour, la cour administrative d'appel de Nantes a commis une erreur de droit.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de son pourvoi, que M. A... est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.

6. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Gaschignard, son avocat, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros à verser à la SCP Gaschignard.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 5 avril 2019 de la cour administrative d'appel de Nantes est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nantes.

Article 3 : L'Etat versera à la SCP Gaschignard, avocat de M. A..., une somme de 2 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 7ème - 2ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 434302
Date de la décision : 04/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-005-01 ÉTRANGERS. ENTRÉE EN FRANCE. VISAS. - MOTIFS DE REFUS - DÉTOURNEMENT DE L'OBJET DU VISA - POSSIBILITÉ, À CE TITRE, D'OPPOSER UN REFUS FONDÉ SUR UN RISQUE AVÉRÉ DE DÉTOURNEMENT DU VISA À DES FINS MIGRATOIRES - 1) VISAS DE COURT SÉJOUR - EXISTENCE - 2) VISAS DE LONG SÉJOUR VISITEUR - A) PRINCIPE - ABSENCE - B) TEMPÉRAMENT - DEMANDE DE VISA EN VUE DE S'INSTALLER DURABLEMENT EN FRANCE - POSSIBILITÉ DE REFUSER S'IL EST ÉTABLI QUE L'ÉTRANGER EST MANIFESTEMENT INSUSCEPTIBLE DE REMPLIR LES CONDITIONS LUI PERMETTANT D'OBTENIR LE TITRE DE SÉJOUR APRÈS LA PÉRIODE COUVERTE PAR LE VISA - EXISTENCE.

335-005-01 L'administration peut, indépendamment d'autres motifs de rejet tels que la menace pour l'ordre public, refuser la délivrance d'un visa, qu'il soit de court ou de long séjour, en cas de risque avéré de détournement de son objet, lorsqu'elle établit que le motif indiqué dans la demande ne correspond manifestement pas à la finalité réelle du séjour de l'étranger en France.... ,,1) Elle peut à ce titre opposer un refus à une demande de visa de court séjour en se fondant sur l'existence d'un risque avéré de détournement du visa à des fins migratoires.... ,,2) a) En revanche, un tel motif n'est pas de nature à justifier un refus de visa de long séjour en qualité de visiteur, qui permet de séjourner en France pendant une durée supérieure à trois mois et de solliciter, le cas échéant, avant l'expiration de la durée du visa, la délivrance d'un titre de séjour.... ,,b) Toutefois, dans l'hypothèse où le motif de la demande d'un visa de long séjour visiteur est de s'installer durablement en France, ce visa peut être refusé si l'administration établit que l'étranger n'est manifestement pas susceptible de remplir les conditions lui permettant d'obtenir le titre de séjour qui lui sera nécessaire après la période couverte par le visa.


Publications
Proposition de citation : CE, 04 fév. 2021, n° 434302
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. David Guillarme
Rapporteur public ?: Mme Mireille Le Corre
Avocat(s) : SCP GASCHIGNARD

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:434302.20210204
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