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25/06/2025 | LUXEMBOURG | N°53025

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 25 juin 2025, 53025


Tribunal administratif N° 53025 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:53025 5e chambre Inscrit le 17 juin 2025 Audience publique du 25 juin 2025 Recours formé par Monsieur (A), connu sous d’autres alias, Findel, contre une décision du ministre des Affaires intérieures, en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 53025 du rôle et déposée le 17 juin 2025 au greffe du tribunal administratif par Maître Sanae IGRI, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxe

mbourg, au nom de Monsieur (A), déclarant être né le … (Algérie), et être de na...

Tribunal administratif N° 53025 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:53025 5e chambre Inscrit le 17 juin 2025 Audience publique du 25 juin 2025 Recours formé par Monsieur (A), connu sous d’autres alias, Findel, contre une décision du ministre des Affaires intérieures, en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 53025 du rôle et déposée le 17 juin 2025 au greffe du tribunal administratif par Maître Sanae IGRI, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), déclarant être né le … (Algérie), et être de nationalité algérienne, actuellement placé au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires intérieures du 12 juin 2025 ayant ordonné son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 19 juin 2025 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Vyacheslav PEREDERIY en sa plaidoirie à l’audience publique du 25 juin 2025, Maître Sanae IGRI s’étant excusée.

Il ressort du rapport de la police grand-ducale, dit « Fremdennotiz », du 12 juin 2025, portant la référence … que Monsieur (A), connu sous d’autres alias, ci-après désigné par « Monsieur (A) », fut appréhendé par les forces de l’ordre luxembourgeoises le même jour, dans le contexte d’un vol dans un bar situé à …, et ne put présenter ni passeport, ni visa, ni titre de séjour valable.

Par arrêté du 12 juin 2025, notifié à l’intéressé en mains propres le même jour, le ministre des Affaires intérieures, ci-après désigné par « le ministre », déclara irrégulier le séjour de Monsieur (A) sur le territoire luxembourgeois et lui ordonna de quitter le territoire sans délai, tout en lui interdisant d’entrer sur le territoire pour une durée de cinq ans à partir de la sortie de l’espace Schengen.

Par arrêté séparé du même jour, également notifié à l’intéressé en mains propres le même jour, le ministre ordonna le placement de Monsieur (A) au Centre de rétention pour une durée d’un mois à compter de la notification de la décision en question, ledit arrêté étant fondé sur les motifs et les considérations suivants :

1« […] Vu les articles 100, 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu le rapport no … du 12 juin 2025 établi par la Police grand-ducale, unité Région … ;

Considérant que l’intéressé est démuni de tout document d’identité et de voyage valable ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite dans le chef de l’intéressé, alors qu’il ne dispose pas d’une adresse officielle au Grand-Duché de Luxembourg ;

Considérant par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu’elles sont prévues par l'article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l’identification et de l’éloignement de l’intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;

Considérant que l’exécution de la mesure d’éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; […] ».

Il ressort d’extraits de la base de données intitulée « Système d’information Schengen », désignée ci-après par « le SIS », datés des 13 et 17 juin 2025, que Monsieur (A) avait fait l’objet de signalements émanant des autorités allemandes et néerlandaises, les autorités allemandes ayant précisé qu’il s’agirait d’une personne armée et violente. Il ressort également d’un extrait résultant d’une recherche effectuée dans la base de données EURODAC, le 13 juin 2025, que Monsieur (A) avait antérieurement introduit plusieurs demandes de protection internationale dans divers pays, à savoir, en Allemagne, en Suisse et aux Pays-Bas.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 17 juin 2025, Monsieur (A) a fait introduire un recours en réformation, sinon en annulation à l’encontre de l’arrêté ministériel, précité, du 12 juin 2025.

Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation, lequel est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours et en fait, avant d’exposer en partie les faits et rétroactes à la base de la décision déférée, tels que retranscrits ci-avant, et de souligner que la décision querellée lui causerait torts et griefs et ne répondrait pas aux conditions requises par la loi, respectivement par les dispositions européennes, en particulier les articles 5 et 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, désignée ci-après par « la CEDH », le demandeur explique qu’il serait un ressortissant algérien qui serait entré en Europe aux fins d’y solliciter l’asile. Il percevrait d’ailleurs encore à ce jour une indemnité de … euros par semaine des Pays-Bas en tant que demandeur de protection internationale. Il serait arrivé au Luxembourg par le train, depuis les Pays-Bas, le … juin 2025.

2En droit et après avoir cité l’article 120, paragraphes (1) et (3) de la loi du 29 août 2008, le demandeur relève que le placement au Centre de rétention devrait être écarté lorsqu’il n’existerait, comme ce serait le cas en l’espèce, aucun risque de fuite dans le chef du concerné, du fait notamment de l’existence de garanties de représentation suffisantes. Il souligne, à cet égard, qu’il aurait exprimé sa volonté de respecter les obligations imposées par le ministre en vue de son éloignement.

Il affirme ensuite que le placement au Centre de rétention devrait rester une mesure exceptionnelle en raison de l’entrave à sa liberté d’aller et de venir, garantie tant par la Constitution que par l’article 5 de la CEDH, qui devrait être réduite à un strict minimum. Dans ce contexte, il se réfère à un arrêt de la Cour européenne des droits de l’Homme, ci-après désignée par « la CourEDH », du 6 novembre 1980, dans une affaire Guzzardi c. Italie, et précise qu’un placement en rétention devrait rester une ultima ratio. Il s’agirait ainsi d’une faculté dont disposerait le ministre et qui devrait être considérée comme une mesure de dernier recours, au regard de l’atteinte qui serait portée à la liberté de mouvement.

Par référence à un arrêt de la Cour administrative du 2 juillet 1998, inscrit sous le numéro 10636C du rôle, le demandeur conclut encore à la réformation de la décision déférée pour méconnaissance du principe général du droit que serait le principe de proportionnalité.

Il fait ainsi valoir que son placement au Centre de rétention serait disproportionné au regard des circonstances de l’espèce, de son comportement, et de sa situation personnelle, alors que des mesures moins coercitives, telles qu’une assignation à résidence, auraient pu être prises.

Après avoir cité l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, le demandeur insiste sur le fait que, disposant de garanties de représentation suffisantes, il pourrait être assigné à résidence au sein de la maison retour, mesure qui permettrait, selon lui, à la fois de garantir la surveillance administrative souhaitée par les autorités et de préserver ses droits fondamentaux, renvoyant à cet égard à un jugement du tribunal administratif du 6 mai 2024, inscrit sous le numéro 50351 du rôle.

Par ailleurs, il donne à considérer que le placement en structure fermée d’un étranger qui présenterait des garanties de représentation propres à limiter sinon exclure tout risque de fuite dans son chef serait à considérer comme illégal, tel que cela ressortirait de l’article 15, paragraphes (2) et (4) de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, ci-après désignée par « la directive 2008/115 », selon lequel le ressortissant concerné d’un pays tiers devrait être immédiatement remis en liberté si sa rétention n’était pas légale, article qui serait suffisamment clair et inconditionnel, de sorte qu’il devrait avoir un effet direct, faute de transposition en droit national.

Après avoir cité le considérant 16 de la directive 2008/115, le demandeur souligne, dans ce contexte, qu’il présenterait des garanties de représentation suffisantes alors qu’il ne se serait jamais opposé à son éloignement, qu’il aurait manifesté son intention de respecter la procédure et sa volonté de coopérer avec les autorités luxembourgeoises, de façon à exclure, dans son chef, tout risque de fuite, tout en rappelant son comportement respectueux durant son séjour au Centre de rétention.

Le demandeur se réfère encore à un jugement du tribunal administratif du 19 février 2009, inscrit sous le numéro 25374 du rôle, qui aurait souligné l’importance de vérifier, par 3rapport à la situation d’un étranger, si une structure particulière répond aux critères posés par le principe de proportionnalité en tenant compte de l’opportunité du principe de l’enfermement et du type de structure fermée retenu par le ministre. A cet égard, le demandeur fait valoir que son placement au Centre de rétention ne serait ni nécessaire, ni proportionné, alors qu’une assignation à résidence à la maison retour serait plus adaptée à sa situation personnelle.

Il ajoute qu’en droit commun, le juge aurait « une certaine habitude de formules permettant à un justiciable d’indiquer qu’il sera présent à une audience sans qu’il soit nécessaire de recourir à son emprisonnement jusque-là » et que « [l]e risque de volatilité [pourrait] être contré à partir du moment où la personne n’a pas enfreint ses obligations et vit dans un cadre qui permet de rendre compte de sa présence. ».

Le demandeur s’appuie encore sur des arrêts de la Cour de cassation française en vertu desquels « la loi n’exige[rait] pas que l’étranger qui sollicite le bénéfice d’une assignation à résidence invoque des circonstances à caractère exceptionnel de nature à justifier cette mesure » et « l’absence de domicile ne constitue[rait] pas une raison suffisante pour refuser une assignation à résidence ».

En se référant enfin à l’article 120, paragraphe (3) de la loi du 29 août 2008 et à la jurisprudence de la CourEDH relativement à l’article 5 de la CEDH en matière de rétention administrative, ainsi qu’à un jugement du tribunal administratif du 21 novembre 2024, inscrit sous le numéro 51824 du rôle, le demandeur soutient que le ministre ne se serait pas enquis avec toute la diligence requise auprès des autorités étrangères compétentes en vue de son éloignement et que les perspectives de son éloignement seraient « floues », voire que rien ne garantirait son éloignement, alors que les autorités algériennes ne sembleraient pas disposées à lui délivrer un laissez-passer dans un délai prévisible et raisonnable, eu égard au contexte de crise diplomatique actuelle entre l’Algérie et la France, lequel aurait, selon lui, un impact sur les autres pays de l’Union européenne, notamment le Luxembourg. Il fait encore valoir, à cet égard, que les éloignements vers l’Algérie deviendraient de plus en plus compliqués, les autorités algériennes ne délivrant plus ou très peu de laissez-passer consulaires, étant encore relevé que les compagnies aériennes refuseraient directement d’embarquer les ressortissants algériens à bord, ces derniers étant parfois même refusés à l’aéroport une fois arrivés en Algérie, même lorsqu’ils disposeraient d’un passeport valable, tel que cela ressortirait de plusieurs articles de presse versés à l’appui du présent recours. Le demandeur affirme que son éloignement vers l’Algérie ne pourrait dès lors pas être mené à bien et critique, dans ce contexte, l’absence de démarches effectuées afin d’écourter son maintien en rétention ainsi que l’insuffisance de diligence en vue de son éloignement rapide, étant donné que la simple affirmation suivant laquelle ces démarches « seront engagées dans les plus brefs délais » serait insuffisante pour justifier une mesure aussi restrictive que la rétention.

Au vu de l’ensemble de ces considérations, le demandeur conclut à la réformation de la décision litigieuse et à sa mise en liberté immédiate.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé.

Aux termes de l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 : « Afin de préparer l’éloignement en application des articles 27, 30, 100, 111, 116 à 118, […], l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à 4moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées. Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement […] ».

Par ailleurs, en vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de la rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. ».

L’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite en premier lieu l’identification de l’intéressé et la mise à disposition de documents d’identité et de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères en vue de l’obtention d’un accord de reprise en charge ou de réadmission de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée.

C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

En vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

S’agissant d’abord des contestations du demandeur quant à l’existence, dans son chef, d’un risque de fuite, le tribunal relève qu’en l’espèce, il est constant que le demandeur se trouve en séjour irrégulier au Luxembourg, une décision de retour ayant été prise à son encontre le 12 juin 2025, décision ayant été assortie d’une interdiction d’entrée sur le territoire pour une durée de cinq ans et ne faisant pas l’objet du présent recours, le concerné ne disposant en outre ni de documents de voyage valables, ni d’un visa en cours de validité, ni d’une autorisation de séjour valable pour une durée supérieure à trois mois, ni d’une autorisation de travail, et ayant, par ailleurs, fait l’objet d’un signalement aux fins de non-admission dans le SIS par les autorités allemandes.

Il s’ensuit qu’il existe, dans son chef, un risque de fuite qui est présumé en vertu de l’article 111, paragraphe (3), point c), numéro 1. de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel 5« […] Le risque de fuite dans le chef du ressortissant de pays tiers est présumé […] s’il ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 […] », étant précisé, à cet égard, que parmi les conditions posées par ledit article 34 de la loi du 29 août 2008, figurent notamment celle d’être en possession d’un passeport et d’un visa en cours de validité, telle que prévue au paragraphe (2), point 1. de la disposition légale en question, et celles de ne pas faire l’objet d’une interdiction d’entrée sur le territoire, ni d’un signalement aux fins de non-admission dans le SIS, telles que prévues au paragraphe (2), points 2. et 3. de ladite disposition.

Il s’ensuit que le ministre pouvait a priori valablement, sur base de l’article 120, paragraphe (1) précité de la loi du 29 août 2008, placer et maintenir l’intéressé en rétention afin d’organiser son éloignement.

Il appartient dès lors au demandeur de soumettre au tribunal des éléments permettant de renverser cette présomption, en fournissant des éléments susceptibles d’être qualifiés de garanties de représentation effectives de nature à prévenir le risque de fuite.

Force est cependant de constater que le demandeur reste en défaut d’apporter de tels éléments, étant relevé que ses seules affirmations vagues, dépourvues de toute pièce à l’appui, ayant trait à son comportement irréprochable et à sa volonté de coopérer avec les autorités luxembourgeoises en vue d’organiser son éloignement sont à elles seules insuffisantes à cet égard.

Les contestations du demandeur quant à l’existence d’un risque de fuite dans son chef sont, dès lors, à rejeter.

S’agissant ensuite de l’argumentation du demandeur selon laquelle le ministre aurait dû lui appliquer une mesure moins coercitive qu’un placement en rétention, et notamment une assignation à la maison retour, le tribunal relève que l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 prévoit ce qui suit : « Dans les cas prévus à l’article 120, le ministre peut également prendre la décision d’appliquer une autre mesure moins coercitive à l’égard de l’étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, n’est reportée que pour des motifs techniques et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3).

On entend par mesures moins coercitives :

a) l’obligation pour l’étranger de se présenter régulièrement, à intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d’un récépissé valant justification de l’identité ;

b) l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ; l’assignation peut être assortie, si nécessaire, d’une mesure de surveillance électronique qui emporte pour l’étranger l’interdiction de quitter le périmètre fixé par le ministre. Le contrôle de l’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence de l’étranger dans le prédit périmètre. La mise en œuvre de ce procédé peut conduire à imposer à l’étranger, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, un dispositif intégrant un émetteur. Le procédé 6utilisé est homologué à cet effet par le ministre. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne.

La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance et le contrôle à distance proprement dit, peuvent être confiés à une personne de droit privé ;

c) l’obligation pour l’étranger de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros à virer ou à verser soit par lui-même, soit par un tiers à la Caisse de consignation, conformément aux dispositions y relatives de la loi du 29 avril 1999 sur les consignations auprès de l’Etat. Cette somme est acquise à l’Etat en cas de fuite ou d’éloignement par la contrainte de la personne au profit de laquelle la consignation a été opérée. La garantie est restituée par décision écrite du ministre enjoignant à la Caisse de consignation d’y procéder en cas de retour volontaire.

Les décisions ordonnant des mesures moins coercitives sont prises et notifiées dans les formes prévues aux articles 109 et 110. L’article 123 est applicable. Les mesures prévues peuvent être appliquées conjointement. En cas de défaut de respect des obligations imposées par le ministre ou en cas de risque de fuite, la mesure est révoquée et le placement en rétention est ordonné. ».

Les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008, précités, sont à interpréter en ce sens que les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125, paragraphe (1) sont à considérer comme bénéficiant d’une priorité sur le placement en rétention, à condition que l’exécution d’une mesure d’éloignement, qui doit rester une perspective raisonnable, soit reportée uniquement pour des motifs techniques et que l’étranger présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3) de la même loi. Ainsi, s’il existe une présomption légale de risque de fuite de l’étranger se trouvant en situation irrégulière sur le territoire national, celui-ci doit la renverser en justifiant notamment de garanties de représentation suffisantes1.

En l’espèce, tel que relevé ci-avant, le tribunal est amené à constater que le demandeur ne lui a pas fourni le moindre élément de nature à renverser la présomption d’un risque de fuite pesant sur lui. Plus particulièrement, le demandeur ne peut pas se prévaloir d’une quelconque attache, voire d’un domicile fixe déclaré au Luxembourg, étant relevé qu’une structure d’hébergement, telle que la maison retour, ne saurait être considérée ni comme domicile stable ni comme fournissant à elle seule une garantie de représentation suffisante, de sorte qu’une mesure d’assignation à résidence dans une telle structure n’est pas concevable.

Par ailleurs, le demandeur n’a présenté aucun autre élément permettant de retenir l’existence, dans son chef, de garanties de représentation suffisantes au sens de l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 nécessaires pour que le recours aux mesures moins contraignantes visées aux points a), b) et c) dudit article s’impose.

C’est, dès lors, à juste titre que le ministre a retenu que les mesures moins coercitives prévues par l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, en ce compris l’assignation à résidence, ne sont pas envisageables en l’espèce, de sorte que les contestations afférentes du demandeur encourent le rejet.

1 Trib. adm., 9 mai 2016, n° 37854 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Etrangers, n° 972 (1er volet) et les autres références y citées.

7 Il s’ensuit que le moyen afférent tiré du caractère prétendument disproportionné de la décision litigieuse, respectivement d’une application erronée des dispositions légales applicables, encourt le rejet pour ne pas être fondé.

Concernant l’invocation par le demandeur d’arrêts de la Cour de cassation française, il y a lieu de relever, d’une part, que des décisions de justice étrangères ne s’imposent pas au tribunal administratif et, d’autre part, que le demandeur reste en défaut d’expliquer dans quelle mesure lesdites décisions seraient pertinentes par rapport à sa situation personnelle.

En ce qui concerne ensuite les contestations du demandeur quant aux démarches entreprises par le ministre en vue de permettre son éloignement dans les meilleurs délais, force est de constater, tel que relevé ci-avant, qu’en date du 13 juin 2025, les autorités luxembourgeoises ont effectué une recherche dans la base de données EURODAC, établissant que le demandeur avait introduit des demandes de protection internationale en Allemagne, en Suisse et, le 5 avril 2025, aux Pays-Bas. Il ressort encore des éléments soumis à l’analyse du tribunal, et plus particulièrement du dossier administratif, que les autorités luxembourgeoises ont contacté leurs homologues néerlandais, le 18 juin 2025, en vue de la reprise en charge du demandeur, en vertu de l’article 18, paragraphe (1), point b) du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, étant précisé que cette demande est actuellement pendante.

Au vu des diligences ainsi déployées par l’autorité ministérielle luxembourgeoise, le tribunal est amené à conclure qu’à l’heure actuelle, les démarches entreprises doivent être considérées comme étant suffisantes au regard des exigences de l’article 120 de la loi du 29 août 2008. Les contestations afférentes du demandeur sont, dès lors, à rejeter.

Il en est de même en ce qui concerne l’argumentation du demandeur ayant trait à l’absence de perspective raisonnable de croire que son éloignement vers l’Algérie puisse être mené à bien. En effet, une telle argumentation n’est pas pertinente, étant donné que les autorités luxembourgeoises envisagent, à ce stade, une éventuelle reprise en charge par les Pays-Bas.

De plus, le tribunal constate que l’affirmation du demandeur selon laquelle une prétendue « crise diplomatique actuelle entre l’Algérie et la France » aurait un impact sur la délivrance d’un laissez-passer par les autorités algériennes en sa faveur, n’est pas autrement établie, étant encore relevé que les articles de presse versés à l’appui de cette argumentation n’ont pas été mis en lien avec son cas d’espèce et qu’il n’appartient pas au tribunal d’analyser de son propre chef leur pertinence en vue de soutenir la thèse du demandeur.

Le moyen sous analyse est par conséquent à rejeter.

En ce qui concerne encore l’invocation par le demandeur d’une atteinte au droit à sa liberté, consacrée par l’article 5 de la CEDH, il y a lieu de relever qu’aux termes de cette disposition : « 1. Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales : […] f) s’il s’agit de l’arrestation ou de la détention régulières d’une personne pour l’empêcher de pénétrer irrégulièrement sur le territoire, ou contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours. […] ».

8L’article 5, paragraphe (1), point f), précité, de la CEDH prévoit expressément la possibilité de détenir une personne contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours. Le terme d’expulsion doit être entendu dans son acception la plus large et vise toutes les mesures d’éloignement respectivement de refoulement de personnes qui se trouvent en séjour irrégulier dans un pays2.

Dans un arrêt du 15 décembre 20163, la CourEDH a retenu que : « […] L’article 5 § 1 f) n’exige pas que la détention d’une personne soit considérée comme raisonnablement nécessaire, par exemple pour l’empêcher de commettre une infraction ou de s’enfuir.

Cependant, une privation de liberté fondée sur le second membre de phrase de cette disposition ne peut se justifier que par le fait qu’une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours.

Si celle-ci n’est pas menée avec la diligence requise, la détention cesse d’être justifiée au regard de l’article 5 § 1 f) […] ».

En l’espèce, étant donné, d’une part, que le demandeur a fait l’objet d’une décision de retour en date du 12 juin 2025, de sorte à se trouver en séjour irrégulier sur le territoire luxembourgeois et, d’autre part, qu’il vient d’être retenu ci-avant que la procédure d’éloignement dont il fait l’objet en exécution de ladite décision de retour est menée avec la diligence requise, la décision déférée n’est pas contraire à l’article 5, paragraphe (1) de la CEDH, de sorte que le moyen afférent encourt le rejet.

Quant à la référence faite par le demandeur à l’article 15, paragraphes (2) et (4) de la directive 2008/115, il y a lieu de relever, d’une part, qu’il vient d’être retenu ci-avant que la mesure de placement en rétention litigieuse est légale – le tribunal ayant, plus particulièrement, retenu qu’une mesure moins coercitive qu’un placement en rétention n’est pas envisageable, que le demandeur n’a pas renversé la présomption d’un risque de fuite dans son chef et que le dispositif d’éloignement est toujours en cours et poursuivi avec la diligence légalement requise – et, d’autre part, que le demandeur n’a pas prouvé qu’il n’existerait en l’espèce pas de perspective raisonnable d’éloignement, respectivement que son éloignement ne puisse pas être mené à bien dans les meilleurs délais. Dans ces circonstances, une remise en liberté, telle que prévue aux paragraphes (2) et (4) de l’article 15 de la directive 2008/115 ne se conçoit en tout état de cause pas, indépendamment de la question de l’effet direct de cette disposition.

Eu égard aux développements qui précèdent et en l’absence d’autres moyens, en ce compris des moyens à soulever d’office, le tribunal ne saurait, en l’état actuel du dossier, utilement mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision déférée.

Il s’ensuit que le recours sous analyse est à rejeter pour ne pas être fondé.

Au vu de l’issue du litige, il y a finalement lieu de rejeter la demande de l’intéressé de se voir octroyer une indemnité de procédure de 1.000 euros sur le fondement de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.

Par ces motifs, le tribunal administratif, cinquième chambre, statuant contradictoirement ;

2 Trib. adm., 25 janvier 2006, n° 20913 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Etrangers, n° 826 (1er volet) et les autres références y citées.

3 CourEDH, 15 décembre 2016, grande chambre, Affaire Khlaifia et autres c. Italie, requête n° 16483/12, § 90.

9 reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure formulée par le demandeur ;

condamne le demandeur aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 25 juin 2025 par :

Françoise EBERHARD, premier vice-président, Benoît HUPPERICH, premier juge, Georges GEDGEN, attaché de justice délégué, en présence du greffier Lejila ADROVIC.

s.Lejila ADROVIC s.Françoise EBERHARD Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 25 juin 2025 Le greffier du tribunal administratif 10


Synthèse
Formation : Cinquième chambre
Numéro d'arrêt : 53025
Date de la décision : 25/06/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 28/06/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2025-06-25;53025 ?

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