La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/02/2025 | LUXEMBOURG | N°52190R

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 03 février 2025, 52190R


Tribunal administratif N° 52190R du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:52190R Inscrit le 3 janvier 2025 Audience publique du 3 février 2025 Requête en sursis à exécution introduite par Madame (A), …, contre des décisions du Conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat et du Ministre de la Famille, des Solidarités, du Vivre ensemble et de l’Accueil, en présence de l’établissement public CAISSE NATIONALE DE SANTE en matière de discipline

_________________________________________________________________________


ORDONNANCE

Vu la

requête inscrite sous le numéro 52190R du rôle et déposée le 3 janvier 2025 au greffe du...

Tribunal administratif N° 52190R du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:52190R Inscrit le 3 janvier 2025 Audience publique du 3 février 2025 Requête en sursis à exécution introduite par Madame (A), …, contre des décisions du Conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat et du Ministre de la Famille, des Solidarités, du Vivre ensemble et de l’Accueil, en présence de l’établissement public CAISSE NATIONALE DE SANTE en matière de discipline

_________________________________________________________________________

ORDONNANCE

Vu la requête inscrite sous le numéro 52190R du rôle et déposée le 3 janvier 2025 au greffe du tribunal administratif par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’ordre des avocats de Luxembourg, au nom de Madame (A), demeurant à …, tendant à voir ordonner le sursis à exécution 1) d’une décision du Conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat du 4 décembre 2024 ayant prononcé à son égard la sanction disciplinaire de la révocation prévue à l’article 47 sub. 10 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat ainsi que 2) d’un arrêté du Ministre de la Famille, des Solidarités, du Vivre ensemble et de l’Accueil du 17 décembre 2024 ayant entériné la prédite décision du Conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat, jusqu’à ce qu’une décision au fond soit intervenue concernant le recours en réformation, sinon en annulation, déposé le 27 décembre 2024, inscrit sous le numéro 52162 du rôle ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Patrick KURDYBAN, demeurant à Luxembourg, du 6 janvier 2025 portant signification de la prédite requête en sursis à exécution à l’établissement public CAISSE NATIONALE DE SANTE, établi et ayant son siège social à L-2144 Luxembourg, 4, rue Mercier, inscrit au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro J21 ;

Vu la constitution d’avocat à la Cour déposée au greffe du tribunal administratif en date du 8 janvier 2025 par Maître Pierre GOERENS, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour l’établissement public CAISSE NATIONALE DE SANTE, préqualifié ;

Vu l’article 11 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ;

Vu les pièces versées et notamment les décisions déférées ;

1Maître Nicky STOFFEL, pour la partie requérante, Maître Pierre GOERENS, pour l’établissement public CAISSE NATIONALE DE SANTE, ainsi que Madame le délégué du gouvernement Laurence MOUSEL entendus en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 21 janvier 2025.

_________________________________________________________________________

Madame (A) entra au service de l’Etat le 1er septembre 1999 et fut nommée définitivement avec effet au 1er septembre 2003.

Par courrier daté au 19 mars 2024, le Président de la CAISSE NATIONALE DE SANTE, ci-après désignée par la « CNS », saisit le commissaire du Gouvernement chargé de l’instruction disciplinaire, en application de l’article 56, paragraphe (2) de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat, ci-après désignée par le « statut général », aux fins de procéder à une instruction disciplinaire à l’encontre de Madame (A).

Par courrier du 21 mars 2024, le commissaire du Gouvernement chargé de l’instruction disciplinaire transmit le dossier au commissaire du Gouvernement adjoint chargé de l’instruction disciplinaire, désigné ci-après par le « commissaire du gouvernement », pour attribution. Par courrier du même jour, le commissaire du gouvernement informa le Président de la CNS de la réception du prédit courrier du 19 mars 2024 et de l’enregistrement du dossier.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du même jour, le commissaire du gouvernement informa Madame (A) qu’une instruction disciplinaire avait été ordonnée à son encontre, lui fit parvenir une copie du dossier et l’invita à se présenter au commissariat du gouvernement chargé de l’instruction disciplinaire pour une audition devant se dérouler le 29 mars 2024, afin de prendre position par rapport aux faits lui reprochés, laquelle eut finalement lieu le 16 avril 2024.

En date du 26 juillet 2024, le commissaire du gouvernement adjoint clôtura son instruction par l’émission d’un rapport d’instruction.

Par un courrier recommandé avec accusé de réception du même jour, le commissaire du gouvernement informa Madame (A) qu’il envisageait de transmettre le dossier au Conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat, ci-après dénommé le « Conseil de discipline », conformément à l’article 56, paragraphe (5) du statut général, sans préjudice du droit de cette dernière de prendre inspection du dossier disciplinaire en vue, le cas échéant, de présenter ses observations, respectivement de demander un complément d’instruction.

Suite aux observations de Madame (A) et de son litismandataire, le commissaire du gouvernement dressa un rapport d’instruction complémentaire qui fut transmis à l’intéressée par courrier du 29 août 2024, avec l’information qu’il avait décidé de transmettre le dossier au Conseil de discipline pour attribution, conformément à l’article 56, paragraphe (5) du statut général.

Par décision du 6 décembre 2023, le Conseil de discipline décida de prononcer à l’encontre de Madame (A) la sanction disciplinaire de la révocation, ladite décision étant libellée comme suit :

2« […] Vu l’instruction disciplinaire diligentée à l’encontre de (A) par le commissaire du Gouvernement adjoint, régulièrement saisi en application de l’article 56, paragraphe 2, de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat (ci-après « le statut général »), par un courrier du Président de la Caisse nationale de santé (ci-après « la CNS ») du 19 mars 2024 et transmise pour attribution au Conseil de discipline, ci-après le Conseil, par courrier du 29 août 2024.

Vu le rapport d’instruction du 26 juillet 2024 et son complément du 29 août 2024.

À l’issue de l’instruction disciplinaire, il est reproché à (A) d’avoir contrevenu aux articles 10 et 14 du statut général du chef des faits plus amplement détaillés dans la lettre de saisine du 19 mars 2024, censée faire partie intégrante de la présente et en substance :

«de s’être, entre autres, exprimée publiquement et avoir maintenu le 8 décembre 2021 une communication sur les réseaux sociaux, notamment sur son compte Facebook, dans laquelle elle légitime et minimise les violences commises lors de la manifestation illégale d’opposition contre la politique de gestion de la crise Covid-19 du Gouvernement ayant eu lieu le 4 décembre 2021, d’avoir organisé sinon appelé à participer et/ou d’avoir participé activement à des manifestations respectivement rassemblements illicites suivantes :

• Participation active à des manifestations en date du 11 décembre et du 18 décembre 2021 (Pièces n°2.1, n°2.2 et n°3), • Mobilisation publique et appel à participation à des rassemblements « Mir ginn spadséieren », sur son compte Facebook en date du 31.12.2021 (Pièce n°4.1), • Participation à divers rassemblements « Mir ginn spadséieren » en janvier et février 2022 (Pièce n°4.2), • D’avoir, dans ce contexte, fait l’objet d’un article de presse du « … » datant du … 2022, l’intéressée y est mentionnée : « Ende Januar war die Frau Teil einer besorgniserregenden Grenzüberschreitung. Gemeinsam mit mehreren anderen Personen setzte sie Kerzen vor die Privathäuser von …ministerin (B) und ….minister (C). (A) veröffentlichte zudem ein Video der Aktion, in dem sie auch die Adressen der Regierungsmitglieder preisgab » (Pièce n°6.1), • Finalement, dans un deuxième article paru dans le «… » en date du … 2022 (cf. Pièce n°6.2) il est également mentionné: « Auf Telegram veröffentlichte die Initiatorin der Luxemburger „Spaziergänge"-Bewegung, die …- jährige (A), indes ein Video, das etwa zwei Dutzend Personen beim „Spazierengehen" in der Innenstadt zeigt. » […] Appréciation du Conseil de discipline :

Quant aux moyens soulevés :

A) La prescription des faits 3 (A) se prévaut de l’article 46 du statut général pour invoquer avoir cessé ses fonctions auprès de la CNS avant de rejoindre l’ONA, administration gouvernementale dotée d’une personnalité juridique différente, partant la prescription de 6 mois s’appliquerait et ainsi les reproches lui adressés seraient prescrits.

Le Conseil rejoint l’argumentation de la déléguée du Gouvernement en ce que (A) a fait l’objet d’un changement d’administration intervenu sur base d’une décision prise par la commission des pensions pour laquelle l’état de santé du fonctionnaire est déterminant. Le statut de fonctionnaire est resté inchangé, peu importe la personnalité juridique différente des établissements étatiques pour lesquels elle travaille. Elle n’a ni quitté la fonction publique, ni démissionné et son ancienneté de fonctionnaire, de laquelle elle se prévaut d’ailleurs elle-

même, n’a pas été remise à zéro par suite du changement décidé par la commission des pensions.

Il s’ensuit que la prescription triennale de l’article 74 du statut général est bien applicable et le moyen tiré de la forclusion de la procédure disciplinaire n’est pas fondé.

B) Le contexte ayant donné lieu à la saisine du commissaire (A) considère que la CNS n’aurait pas pris l’initiative de diligenter une procédure disciplinaire à son encontre et l’ONA n’aurait pas eu d’objection à l’accueillir à la suite de la décision de la commission des pensions. Les reproches n’auraient donc ni connu de publicité ni donné lieu à scandale et ce serait uniquement au moment de sa demande de changement de carrière par le biais de la voie expresse et de dispense de service pour se présenter à une audience correctionnelle en instance d’appel que son employeur aurait décidé d’engager une instruction disciplinaire.

(A) n’a pas tiré de conséquence juridique proprement dite de cette objection, mais il est un fait que la CNS a agi endéans le délai de prescription triennale dès qu’elle a eu connaissance de l’ampleur du comportement attribué à (A). La saisine est partant régulière et les autres considérations ne sont, sous cet aspect, pas pertinentes. Le représentant de la CNS a par ailleurs détaillé son point de vue en remarquant que (A) était en arrêt de maladie continu depuis le 1er octobre 2020 et n’est plus revenue à son lieu de travail auprès de la CNS rendant plus difficile l’ébruitement de comportements susceptibles d’engager la responsabilité disciplinaire du fonctionnaire concerné. Il se dégage du dossier que dès que la CNS a eu connaissance de faits susceptibles d’engager la responsabilité disciplinaire du fonctionnaire, elle n’a pas hésité de lancer une procédure disciplinaire. Les reproches n’étant pas prescrits et la saisine du commissaire du Gouvernement régulièrement intervenue, le contexte proprement dit, de même que l’élément déclencheur du lancement de la procédure disciplinaire, ne sauraient influer sur la régularité proprement dite d’une instruction disciplinaire pour des faits non prescrits. Le fait que l’ONA ait accueilli (A) sans réserve n’est pas non plus de nature à influer sur la régularité de la saisine du commissaire étant précisé que le changement d’administration décidé par la commission des pensions s’impose à eux et que, à l’instar de la CNS, l’ONA n’a pas voulu cautionner les agissements d’un fonctionnaire susceptibles de violer le statut général.

Le moyen laisse donc d’être fondé.

C) Les preuves illégales sur lesquelles repose le dossier disciplinaire 4 (A) dénonce des investigations irrégulières menées par la CNS pour vérifier si elle aurait effectué une consultation illégale de données personnelles. Le Conseil n’étant pas saisi d’un quelconque volet ayant trait à cette démarche et aucun reproche en discussion n’étant en lien avec une pareille démarche, cet argument est dénué de fondement.

Pour le surplus, (A) avance de façon générale que les preuves seraient entachées d’illégalité ou d’irrégularité pour être tirées de son compte Facebook privé ou pour avoir violé sa sphère privée sans pour autant préciser quel élément de preuve concret n’aurait pas été recueilli loyalement et pour quelle raison.

Il importe de relever qu’il est permis de douter du caractère « privé » d’échanges et d’informations publiés sur une page Facebook « qualifiée de privée » au motif que l’accès serait limité aux amis du titulaire du profil, dans la mesure où tout dépend déjà du nombre plus ou moins conséquent d’amis et il ne faut pas négliger les amis de ses amis lesquels peuvent les voir respectivement les transférer et ces échanges et/ou informations perdent bien évidemment leur nature privative.

En l’espèce, (A) est photographiée sur la voie publique et dans des lieux publics, partant ces preuves ne donnent pas lieu à discussion. Il en est de même des photos ou vidéos publiées sur son compte Facebook où l’objectif de (A) était d’atteindre un maximum de personnes afin de les inciter à se joindre à eux pour contester la politique gouvernementale en relation avec la crise sanitaire corroboré par son propre appel de les faire diffuser « Ps WEG Deelen » (pièces regroupées sous 4.1 et 4.2).

Il s’en suit que ce moyen laisse d’être établi.

Quant au fond :

(A) est assistée par un avocat dès le début de la procédure disciplinaire et son avocat a demandé et obtenu une copie du dossier dès avant la première audition, reportée à la demande de la défense.

Les reproches à analyser à l’issue de l’instruction disciplinaire s’articulent autour de 3 piliers. Pour une meilleure compréhension de la particularité de l’époque et du contexte, indissociables en l’occurrence pour pouvoir les caractériser et apprécier leur gravité objective réelle, le Conseil, à l’instar des développements exhaustifs effectués par le commissaire, se doit de rappeler la teneur de la loi modifiée du 17 juillet 2020 en vigueur à ce moment et laquelle prévoyait que « tout rassemblement de plus de dix et jusqu’à cinquante personnes incluses » était « soumis à la condition que les personnes portent un masque et observent une distance minimale de deux mètres ». Sur base de ladite loi, les marchés de Noël, annulés en 2020, ont pu se tenir en 2021 à Luxembourg, mais leur accès était limité aux personnes vaccinées, guéries ou testées négatif à la Covid-19.

Le commissaire a repris des communications officielles des autorités policières et de la Ville de Luxembourg pour noter « Le samedi, 4 décembre 2021, un petit rassemblement autorisé avait eu lieu à la « Kinnekswiss ». Parallèlement, un deuxième rassemblement qui n’avait pas d’autorisation préalable de la Ville de Luxembourg s’était constitué au Glacis. Or, ces deux groupes se sont mélangés au cours des événements survenus. Après la fusion de ces deux groupes distincts, des groupes séparés de la masse se sont déplacés vers le centre de la 5ville et y ont provoqué des incidents qui ont nécessité des interventions policières devant la Chambre des Députés et aux différents sites du marché de Noël. Des manifestants ont ainsi notamment pris d’assaut le marché de Noël à la place de la Constitution en arrachant (voire jetant) les clôtures pour y accéder en violation flagrante des dispositions sanitaires en vigueur.

Il convient de souligner que les marchés de Noël étaient visités par de nombreuses familles avec enfants ce samedi après-midi. Des manifestants sont aussi grimpés sur le monument de la « Gëlle Fra » et des paroles et slogans minimisant le Holocauste ont été propagé. Comme le respect des règles sanitaires ne pouvait plus être garanti, les différents marchés de Noël ont dû être fermés après concertation avec Madame la Bourgmestre de la Ville de Luxembourg.

Par la suite, une partie des manifestants s’est déplacée jusqu’aux domiciles privés du Premier ministre et de la Ministre de la Famille. Des œufs ont été jetés sur la façade de la maison du Premier ministre et un véhicule stationné devant la maison a été griffé par des manifestants ».

Dans ce contexte s’articule les reproches:

Reproche 1 :

La communication de (A) sur les réseaux sociaux, plus particulièrement la communication du 8 décembre 2021 au sujet des incidents ayant eu lieu le 4 décembre 2021 lors de la manifestation illégale d’opposition contre la politique de gestion de la crise Covid-

19 du Gouvernement.

(A) ne conteste pas avoir pris position par rapport à cette manifestation du 4 décembre 2021 sur son compte Facebook (pièce 006-26-24) comme suit :

« Ech konnt ee Samsteg leider net un der Demo deel huelen! Ech gesin mettlerweil vill Leit hei op den « social média » vun deenen een vill Vidéoen dei lescht Meint gesin hued dei sech elo weinnst der Démo vun ee Samsteg an enger gewessen Moos « distanzeieren Wei gesoot ech konnt ee Samsteg leider net mat drun Deel huelen, mee wei ech gezielt an och durch verschidden Vidéoen gesin hun wor daat ganzt eng flott Demo… Ech gesin daat net esou kritesch dass d’Bierger iwert de Kreschtmaart getreppeft sin! Am Endeffekt as et jiderengem sein Recht kennen un engem Kreschtmaart deel ze huelen! Haut gin Bierger, Elteren & Kanner aus der Gesellschaft ausgeschloss well des een aaneren Choix fir sech getraff hun wei vielleicht eng Majoriteit! Mee daat gett trotzdem kengem d Recht eng Minoriteit auszegrenzen! Des Minoriteit gett net nemmen ausgegrenzt! Des Minoriteit gett enner Drock gesaat Des Minoriteit soll sech ab Januar all Daag « testen » loosen fir kennen schaffen ze goen! Woubei dei « geimpften » Bierger, dei genau esou de Virus kennen weidergin, sech net mussen testen loosen ! Ech wees net wei et mat IECH ausgeseit… Mee Barrièren emgeheien an de Kreschtmaart stiermen…ech gesin daat wierkleg net als dramatisch!!! Dramatisch ass waat d’Regierung mat hieren Bierger mescht! Waat erwaart eng Regierung sech vun hieren Bierger wann sou Mesuren lanceiert gin? 6 Waat erwaart d’Regierung sech wann eis Verfassung soll geannert gin ouni sein Volek ze froen? As et net mei wei normal dass d’Leit op d’Strooss gin? As et net mei wei normal dass d’Leit roosen sin? Mat Eer op eng Facade geheien? Sie sollen frou sin dass d Leit net unfanken gleich « amok » ze laafen !!!! » Emsou mei verstin ech dei Leit net dei sech iwert Demo hei äusseren an zereck rudderen!!! Et muss engem Bewosst sin dass wann een un enger Demo deel hellt och Leit kennen aus der Rei faalen! (…) Et leit net an onser Hand waat « aaner » Leit machen! Rechtfertegen muss een sech och virun kengem an dofir verstin ech ALL dei Vidéoen de Moment net dei rondererem circuleieren! (….) Ech verstin wann ee Politiker sech no sou enger Situatioun positionnéiert an distanzeiert mee „normal Bierger"? (…) Domadder bestategen des de Politiker an vill aneren Leit hier Meenung bezüglech der Demo. Ech fannen dat immenz schued ».

La communication sur les réseaux sociaux a trait aux incidents du samedi 4 décembre 2021 où l’accès au marché de Noël a été forcé de manière violente, des actes de vandalisme se sont encore produits devant le monument « Gëlle Fra » et devant le domicile privé de ministres, un amalgame inacceptable entre l’holocauste et les mesures sanitaires est fait, des tentatives d’intimidations tant des organes de presse que des policiers que des femmes et hommes politiques ont eu lieu sans même parler des discours de haine et de radicalisation.

À la lecture de la communication que (A) a menée sur les réseaux sociaux et notamment sur son compte Facebook, il se dégage qu’au sein de la communauté s’étant forgée pour lutter contre les mesures sanitaires décidées par le Gouvernement, des sympathisants n’ont pas approuvé les débordements du 4 décembre 2021 et certains se sont même formellement distancés des actions en question, ce qui n’était pas le cas de (A). Cette dernière, déterminée à ne pas céder, a minimisé, et même légitimé, les débordements violents, dangereux et contraires aux lois en vigueur tout en réitérant sa détermination à s’opposer ouvertement aux mesures gouvernementales peu importe les conséquences et à inviter les autres à faire de même.

Ainsi elle rétorque : « (…) Mir brauchen « Standhaft » Menschen! Mir brauchen keng die direkt nogin an nees mam Stroum matschwammen! (…) egal waat gemach gin wier oder gemach gett, gett schlecht gemach, vun dohier… mir gin net op d’Strooss fir ze gefaalen. (…) Mir mussen ophaalen probeiren den Leit ze gefaalen. Daat brengt guer naischt!" Le Conseil se doit de relever que (A), bien que prônant, tant devant le commissaire, qu’à l’audience du Conseil, ne pas être pour le recours à la violence, est infirmée à la lecture de ses propres prises de position reproduites ci-dessus et ses discours minimisant et légitimant le recours à la violence contre les personnes et les dégradations contre les biens le samedi en question. Elle appelle aussi à persévérer dans cette voie, indépendamment de la radicalisation manifeste du mouvement largement thématisée dans la presse les jours après. Il se dégage également de ses échanges qu’elle remet en cause les mesures étatiques prises dans le cadre de la lutte contre la pandémie liée au virus du COVID 19, qu’elle minimise le risque 7épidémiologique induit par la pandémie et continue le 8 décembre 2021, donc après les excès du 4 décembre 2021, à appeler ouvertement au soulèvement pour ensuite, les 11 et 18 décembre 2021, se joindre aux manifestants.

L’argument de (A) qu’elle a tenu les messages litigieux en sa qualité de personne privée n’est pas pertinent dans la mesure où, même à l’extérieur du service, le fonctionnaire reste un fonctionnaire soumis en cette qualité aux principes de neutralité et d’adopter un comportement qui inspire le respect et qui est digne de confiance. Lorsque le fonctionnaire émet une critique politique, la forme de l’expression est bien évidemment déterminante en ce qu’elle est susceptible d’influer sur la relation entre l’Etat, employeur, et son fonctionnaire et d’ébranler la confiance indispensable que l’Etat doit légitimement pouvoir placer en lui, peu importe s’il en ressort que le public ait été à même d’établir que la personne qui s’exprime est un fonctionnaire ou non. Même si la qualité de fonctionnaire ne ressort pas d’emblée des publications effectuées par (A), il est cependant indéniable que du moment où (A) se livre à de telles publications, elle n’a plus aucune influence par rapport au nombre de lecteurs de ces publications et partant par rapport à une identification facile ou non en tant que fonctionnaire, étant rappelé que la violation doit quand-même s’apprécier aussi dans les rapports entre l’Etat, l’employeur, et son fonctionnaire. S’y ajoute encore qu’en l’espèce l’expression des critiques politiques sur son compte Facebook s’est extériorisée par sa participation en première ligne aux manifestations des 11 et 18 décembre 2021.

(A) soutient encore ne pas forcément être l’auteur de certains des messages publiés sur son propre compte Facebook, affirmation qui est dénuée de pertinence dans la mesure où, une fois qu’elle s’en est appropriée le contenu, elle apparait aux yeux de ceux qui ont accès à ces messages comme en ayant été l’auteur et le Conseil renvoie à cet égard à la motivation consignée au jugement du 6 septembre 2024 du Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg (n°47740 du rôle).

L’argument supplémentaire de (A) que les prises de position et publications sur son profil FACEBOOK seraient couvertes par son droit fondamental à la liberté d’expression et d’opinion garanti par l’article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (ci-après la CEDH) est également non pertinent. Pour arriver à cette conclusion, le Conseil se rallie encore aux développements très exhaustifs consignés dans le jugement récent précité du Tribunal administratif ayant notamment précisé :

« Le droit disciplinaire des fonctionnaires a pour objet de sanctionner les violations des obligations leur incombant du chef des règles qui leur sont applicables, à savoir en l’occurrence les obligations prévues au chapitre 5 du statut général intitulé « Devoirs du fonctionnaire », et notamment à l’article 10 du statut général. (…) Il s’ensuit que les restrictions à la liberté d’expression sont à considérer comme étant prévues par la loi.

Ces restrictions sont également prévues dans un but légitime, à savoir notamment la sauvegarde de l’image d’autrui, en l’occurrence la renommée de la fonction publique, et du service public concerné. (…) Or, si un fonctionnaire peut a priori faire des publications sur son propre compte Facebook accessible au public, étant relevé à cet égard que la période d’incertitudes marquée par la pandémie liée au virus du COVID-19, pouvant éventuellement expliquer la prise de parole d’un fonctionnaire inquiet, il ne saurait néanmoins être toléré que celui-ci dénigre la politique gouvernementale, de sorte qu’il a en l’espèce outrepassé les limites à sa liberté d’expression protégée par l’article 10 de la CEDH. (…) Le tribunal doit encore relever que le demandeur, bien que prônant, dans la plupart de ses messages, refuser 8le recours à la violence et appelant les gens à manifester paisiblement, tient, à côté de ces affirmations générales, un discours légitimant le recours à la violence, respectivement la dégradation de biens (…) » pour conclure que le fonctionnaire ne peut dans ce cas « se prévaloir utilement de sa liberté d’expression au sens de l’article 10 de la CEDH ».

Du fait des messages susmentionnés, il est partant clairement établi que (A) a minimisé, et même légitimé, les débordements violents, dangereux et contraires aux lois du 4 décembre 2021, a ouvertement critiqué sur les réseaux sociaux les règles sanitaires mises en place, a fait véhiculer sa conception personnelle de la gravité de la crise sanitaire en appelant à la mobilisation générale afin de contrecarrer la politique sanitaire mise en place par le Gouvernement et a de par ce comportement manqué à ses obligations statutaires et plus particulièrement à l’article 10, paragraphe 1er, alinéa 1 du statut général qui dispose que le fonctionnaire doit, dans l’exercice comme en dehors de l’exercice de ses fonctions, éviter tout ce qui pourrait porter atteinte à la dignité de ces fonctions ou à sa capacité de les exercer, donner lieu à scandale ou compromettre les intérêts du service public ainsi qu’à l’article 14 du statut général relatif au devoir de neutralité.

Reproche 2 :

A) Participation active à des manifestations en date du 11 décembre et du 18 décembre 2021 (Pièces n°2.1, n°2.2 et n°3) Il résulte à suffisance des photos publiées par les organes de presse luxembourgeois et versées au dossier que (A) a participé aux manifestations anti-restrictions, mégaphone en main, à plusieurs dates postérieures au 4 décembre 2021, soit en l’espèce le 11 décembre 2021 et le 18 décembre 2021.

Pour ce qui est de la manifestation du 11 décembre 2021, il se dégage d’un article de presse ( pièce 007-26-24) que « l’ambiance était électrique ce samedi 11 décembre alors que Luxembourg-Ville accueillait sa deuxième manifestation anti mesures sanitaires dans ses rues.(…) Si un périmètre bien précis avait été décidé en amont par les autorités pour éviter de passer par le centre-ville et le marché de Noël de la capitale, plusieurs manifestants ont tout de même tenté une sortie pour se confronter alors aux forces de l’ordre pésentes en masse pour assurer la sécurité de l’événement ». Dans ce même article de presse une photo parmi d’autres montre (A), mégaphone aux couleurs blanche et bleue à la bouche en train de crier et tenant dans sa main un carton renseignant « ECH SINN MENSCH merde alors ! ». Une photo publiée sur RTL 5 minutes (pièce 008-26-24) la montre également en porte-parole des manifestants, mégaphone aux couleurs blanche et bleue à la main en train de parler (photo publiée pièce 075-26-24). Toujours contrairement aux contestations à l’audience par (A) de ne jamais avoir elle-même mis en cause la politique sanitaire, elle est photographiée en exhibant un carton « ZESUMMEN géint den PASS! Yes we can » (pièces 076-26-24 et 077-26-24) et près de l’autopompe mise en place par la Police pour disperser les manifestants se trouvant en dehors du périmètre autorisé (photo publiée pièce 078-25-24).

Pour ce qui est de la manifestation du 18 décembre 2021, il se dégage d’un article de presse (pièce 009-26-24) que « un nouveau bras de fer s’est engagé, ce samedi 18 décembre, dans les rues de Luxembourg, entre la police et les manifestants anti-restrictions sanitaires » montrant en premier plan (A), cette fois-ci un mégaphone aux couleurs rouge et blanche en main en train de crier, scène confirmée par une photo supplémentaire reproduite à la page 8 du retour aux images et la montrant par ailleurs à plusieurs endroits différents en première 9ligne des manifestations notamment pièces 039-26-24, 040-26-24, 043-26-24, 044-26-24, 046-

26-24, 047-26-24, 049-26-24,052-26-24, non loin des fumigènes utilisés par des manifestants (pièces 053-26-24 et 054-26-24) ou des confrontations avec la police (pièce 051-26-24 ou encore 047-26-24 combinée à la photo pièce 048-26-24) ou derrière le drapeau « contra conformistes …tous face à l’injustice…Tortionnaires (pièces 041-26-24, 050-26-24) ou encore en train d’animer les protestants mégaphone aux couleurs rouge-blanche à la bouche ( le 18 décembre 2021, photo publiée par un quotidien, pièce 038-26-24, deuxième page, photo publiée sur RTL pièce 042-26-24, pièce et 045-26-24.

B) Mobilisation publique et appel à participation à des rassemblements « Mir ginn spadséieren », sur son compte Facebook en date du 31.12.2021 (Pièce n°4.1) Participation à divers rassemblements « Mir ginn spadséieren » en janvier et février 2022 (Pièce n°4.2) Cette partie du reproche est également à suffisance documentée par ses publications sur son compte Facebook (pièce 010-26-24) « Meindeg den 3ten Januar mir gin spadséieren SCHENGEN : 19.Auer Europadenkmal (A), Ech hoffen et kommen nach Gemengen no, jiddereen ass gefroot ! Waart net bis « een » des Initiative an denger Gemeng an d’Hand hellt me huel DU des an Ugreff. Wann mir op aner Leit waarden dann kennen mir nach laang waarden! (…).

(A) conclut ce message comme suit : « Ech werd IECH natirleg vu menger Saite aus ALL Méindeg « sur place » doriwer informéiert haalen. (…)Ps WEG Deelen ».

(A) documentant ainsi elle-même que, contrairement à son soutènement à l’audience, un public aussi large que possible a été ciblé par elle avec un encouragement à faire véhiculer ce message autant que possible, infirmant encore une fois le caractère privé des échanges et partant une quelconque illégalité dans l’administration des preuves, argument pour lequel, tel que relevé ci-dessus, elle n’apporte aucun élément tangible et tant soi peu pertinent.

Sa participation effective les lundis 3, 10, 18 et 25 janvier 2022, de même que 4, 6 et 10 février 2022 résulte à suffisance des publications sur les réseaux sociaux (photos sous référence 011-26-24). (A) a, dans ce contexte, fait l’objet d’un article de presse du « … » datant du … 2022 : « Ende Januar war die Frau Teil einer besorgniserregenden Grenzüberschreitung. Gemeinsam mit mehreren anderen Personen setzte sie Kerzen vor die Privathäuser von Gesundheitsministerin (B) und Polizeiminister (C). (A) veröffentlichte zudem ein Video der Aktion, in dem sie auch die Adressen der Regierungsmitglieder preisgab » (Pièce n°6.1).

Dans un deuxième article paru dans le «… » le …2022 (cf. Pièce n°6.2) il est également mentionné: « Auf Telegram veröffentlichte die Initiatorin der Luxemburger „Spaziergänge"-

Bewegung, die …-jäherige (A), indes ein Video, das etwa zwei Dutzend Personen beim „Spazierengehen" in der Innenstadt zeigt. » Pour ce qui est de la promenade vers les maisons des ministres de l’époque (C) et (B) à …, avec dépôt de bougies devant leur maison respective, il importe à nouveau de souligner le rôle clé qu’a joué (A) en tant qu’organisatrice, animatrice et celle appelant sur les réseaux sociaux à se joindre à ce mouvement de contestation. La promenade du lundi a même été transférée à son initiative au mardi (pièces 033-26-24 et 034-26-24, déclaration propre renfermée au vidéo pièce 036-26-24) eu égard aux précautions qui avaient été prises les lundis 10pour éviter une circulation dans la rue où se trouve les demeures privées des deux ministres précités. Eu égard aux débordements antérieurs, la déclaration de (A) sur les réseaux sociaux :« och d’Madame (B) an den Här (C) sollen ons an hierer Stroos wouer hun" (pièce 035-26-

24) est à peine une menace voilée et au moins un acte d’intimidation pénalement répréhensible sous les articles 251 à 253 du code pénal.

S’y ajoute que (A) a filmé cette action et a publié une vidéo sur son compte Facebook.

Son affirmation que cette vidéo était destinée à des destinataires regroupés sous un groupe privé est contredite par sa propre demande « Ps WEG Deelen », partant de partager cette vidéo aussi souvent que possible afin d’atteindre un large public. Par ailleurs, il ne faut pas perdre de vue que l’objectif de ces actions était bien évidemment celui de donner plus de poids à leur mouvement de contestation de la politique sanitaire mise en place.

C’est ainsi que la vidéo de cette action enregistrée par (A) (pièce 036-26-24 transcription « Schéine gudden Owend dir Leit, mir sinn haut net Méinden mir sinn Dënschden an äm mir ginn och haut spazéieren. Mir sin elo hei an der Rue …, hei wunnt normalerweis wann mir richteg leien, äm d’Madame (B) an den Här (C) an mir hunn eis geduet dat et och wichteg ass dass déi eis gesin spadséiere goen, a vu que dass Méindes d’Strooss ëmmer hei gespaart ass a just d’Awunner eran geloos gin, hu mir eis geduercht dannn einfach och emol eng Kéier Dënschdes spadséieren ze goen. Voilà mir sinn hei 24 an ech mengen mir mussen erop, also hei geet et de Bierg de Bierg géi erop, mir mussen bis Nummer … an … eropgoen an dann wärten mer…. N’Owend … an dann wärte mer warscheinlech eng kleng Kärz virun d’Dier stellen. Voilà.) a été repris par un autre en supprimant les passages jugés sensibles (adresses des ministres) dans les termes suivants :

« « Spadséiergängerinnen », déi Haut den Owend virun den Privathaiser vun der Madamm (B) an dem Här (C) obgedaucht sinn, filmen a kommentéieren natierlech hir potenziell Strofdoten (vidéo avec la photo et le discours de (A) ( pièce 037-26-24). Hei eng geschnidden Versioun vum Video, fir sensibel, perséinlech Donnéen ze schützen" (pièce 032-26-24).

Cette action a également causé scandale et fait l’objet d’une publication dans un article de presse du … 2022, pièce 038-26-24. La contestation de (A) qu’elle n’aurait pas révélé l’adresse privée des ministres en question au motif de s’être trompée quant aux numéros des maisons est à nouveau une tentative pitoyable pour minimiser sa responsabilité, d’autant plus qu’il ressort de l’article précité et par ailleurs jamais dénié par la concernée que les bougies avaient bien été déposées devant la bonne porte d’entrée.

Le Conseil retient que les reproches libellés et mis en exergue ci-dessus se trouvent à suffisance rapportés à l’issue de l’instruction disciplinaire diligentée, l’argumentation de (A) à l’audience n’ayant en rien énervé ce constat.

Le Conseil rappelle dans ce contexte, à l’instar de la déléguée du Gouvernement, que si le devoir de réserve ne signifie pas silence ni incitation au conformisme, et semble porter moins sur le contenu que sur la forme de cette expression, il est inconcevable que la critique du fonctionnaire s’exprime à travers des actions de protestation où il anime souvent la foule à l’aide d’un mégaphone en méconnaissance absolue des recommandations et des règles sanitaires pour des rassemblements prévus par la loi modifiée du 17 juillet 2020 sur les mesures de lutte contre la pandémie Covid-19.

11Non seulement que la présence de (A) dans les premiers rangs des manifestations et promenades est établie, mais l’instruction a aussi permis de documenter qu’elle ne s’est nullement contentée d’un rôle purement passif.

Le Conseil avait déjà l’occasion de préciser que les convictions strictement personnelles d’un fonctionnaire ne sauraient lui permettre de passer outre son devoir de loyauté et de réserve et de par son comportement (A) a indubitablement transgressé ce devoir et ces faits constituent partant un manquement à l’article 10, paragraphe 1er, alinéa 1 du statut général qui dispose que « Le fonctionnaire doit, dans l’exercice comme en dehors de l’exercice de ses fonctions, éviter tout ce qui pourrait porter atteinte à la dignité de ces fonctions ou à sa capacité de les exercer, donner lieu à scandale ou compromettre les intérêts du service public » et à l’article 14, paragraphe 1er, du statut général qui dispose que « le fonctionnaire est tenu aux devoirs de disponibilité, d’indépendance et de neutralité ».

Aux termes de l’article 53 du Statut, l’application des sanctions se règle notamment d’après la gravité de la faute commise, la nature et le grade des fonctions et les antécédents du fonctionnaire inculpé. Elles peuvent être appliquées cumulativement.

Quand la liberté d’expression des fonctionnaires se trouve en jeu, les « devoirs et responsabilités » visés à l’article 10 du statut général revêtent une importance particulière car ils sont principalement destinés à préserver la relation de confiance qui doit exister entre l’administration et l’administré, mais aussi entre l’administration et ceux qui la servent. Non seulement que le fonctionnaire est tenu par un devoir de loyauté à l’égard de l’institution elle-même, mais un État démocratique est en droit d’exiger de ses fonctionnaires qu’ils soient loyaux envers les principes constitutionnels et l’Etat a aussi un intérêt légitime à veiller à ce que sa fonction publique œuvre en respectant la confiance que le public, voire les administrés, doivent avoir dans les agents de l’autorité publique. Cette notion de réserve est « construite sur la conception que certaines fonctions sont assurées par des personnes dont il faut préserver l’image d’impartialité et de neutralité en raison de la confiance qu’elles doivent inspirer au public ». Cette conception est également partagée par la Cour européenne des droits de l’homme, selon laquelle « les citoyens peuvent légitimement escompter qu’à l’occasion de leurs démarches […], ils seront conseillés par des fonctionnaires politiquement neutres et tout à fait détachés du combat politique », ce qui est justifié par le rôle du fonctionnaire dans un État démocratique : « aider le gouvernement à s’acquitter de ses fonctions [sans opposer] d’obstacles au gouvernement démocratiquement élu ». Sous cet aspect l’argumentation de l’avocat de (A) que celle-ci n’est qu’un « 3 klass Muppie » ne saurait convaincre d’autant plus que (A) a, après la période qui nous préoccupe actuellement, fait une demande de changement de carrière par le biais de la voie expresse. L’argument tiré de l’ancienneté des faits ne saurait pas non plus convaincre alors que les faits lui reprochés s’étaient tous déroulés endéans la période triennale de prescription légale, partant toujours répréhensibles et punissables. Par ailleurs, il ne faut pas perdre de vue que la discréditation publique par (A) des autorités étatiques quant aux mesures mises en place dans le cadre de la lutte contre la pandémie liée au virus du COVID 19 est intervenue en pleine période d’incapacité de travail de (A) où son employeur, l’Etat, a continué à lui payer son salaire. Vu la motivation sans faille et l’énergie déployée par (A) pour se soulever contre les mesures décidées à l’époque par le Gouvernement, sans jamais se remettre en cause ou revoir sa position sous un angle plus critique, encore à l’heure actuelle, l’affirmation de l’absence de risque de récidive dans son chef ne saurait pas convaincre.

12Si (A) s’est encore heurtée à la déduction tirée par le commissaire qu’elle a donné l’image d’« une personne très calculatrice, qui n’aurait reconnu les faits que lorsque les preuves étaient incontestables » alors que ce ne serait pas à elle de prouver son innocence, mais au commissaire de démontrer sa culpabilité, le Conseil ne peut que confirmer qu’également à l’audience (A) a usé de faux-fuyants et n’a pas répondu aux questions du Conseil sans tergiverser. À l’audience, (A) n’a, à aucun moment seulement, donné l’impression de se distancer de sa tirade contre les mesures décidées par le Gouvernement et elle n’a fait preuve d’aucun repentir, au contraire, elle a considéré que les faits n’étaient pas suffisamment caractérisés, voire anciens et, à supposer que le Conseil estimerait que le commissaire aurait prouvé certains des reproches, leur gravité serait insignifiante.

Le Conseil ne peut que se rallier aux développements du commissaire en ce « qu’il appartient en principe à l’agent instructeur d’établir la matérialité des faits et que le fonctionnaire poursuivi ne peut pas être contraint de participer à sa propre incrimination hormis l’obligation de loyauté et de bonne collaboration qui le lie en sa qualité de fonctionnaire. Or si, comme en l’espèce, l’instruction établit la matérialité de certains faits et démasque des mensonges éhontés dans le chef du fonctionnaire poursuivi dans le cadre de l’instruction, il est évident que ce comportement ne saurait parler en faveur du fonctionnaire en question ».

Il est évident que des manquements assumés pèsent moins lourdement dans la balance que des manquements niés et non assumés d’un fonctionnaire incapable de se remettre en question et de prendre conscience de son comportement particulièrement répréhensible.

En l’espèce, la violation des obligations statutaires est d’une gravité telle que l’absence d’antécédent disciplinaire, le contexte spécifique s’inscrivant dans la crise sanitaire de la pandémie liée au virus du COVID-19, tout comme l’ancienneté de service de (A), s’estompent face au constat que la particularité des reproches incriminés et retenus comme avérés sont de nature à irrémédiablement et définitivement compromettre la relation de confiance et de respect indispensables pour maintenir la relation de travail.

Cette conclusion s’impose d’autant plus que (A), laquelle se trouvait en incapacité de travail durant l’époque de la perpétration des reproches retenus, a dénigré publiquement la politique et les mesures sanitaires votées par les autorités étatiques, a minimisé, voire légitimé les excès ainsi que les débordements violents commis lors de la manifestation du 4 décembre 2021. Elle a publié sur son compte Facebook des messages appelant à persévérer dans cette voie nonobstant une radicalisation du mouvement et elle a continué à se déplacer à Luxembourg-Ville pour participer à des démonstrations afin de s’opposer publiquement contre la politique adoptée par le Gouvernement, à animer, mégaphone à la bouche, les manifestants en première ligne des rassemblements, à organiser des promenades et à participer à travers le pays à ces promenades de nature à intimider des membres du Gouvernement. Elle n’a pas non plus reculé à enregistrer et à publier une vidéo documentant une telle promenade à Remich vers les maisons privées de deux ministres de l’époque avec le dépôt de bougies devant les portes d’entrée respectives, sans jamais se remettre en cause, sans la moindre introspection, sans aucun repentir ni même pensée à ceux et leur entourage familial, « victimes » d’un tel dénigrement public et cible d’actes d’intimidation.

Eu égard à l’ensemble de ces considérations, seule la révocation de la fonction publique est la sanction proportionnée à la gravité du comportement.

13Afin d’être complet, il importe encore de rappeler que la Cour constitutionnelle, dans un arrêt du 30 septembre 2022, a retenu que les articles 3 et 4 de la loi du 17 juillet 2020 portant introduction d’une série de mesures de lutte contre la pandémie COVID 19 ne sont pas contraires aux articles 10bis, 11 et 24 de la Constitution dans sa version applicable à cette époque.

Il y a partant lieu de prononcer, conformément au réquisitoire de la déléguée du Gouvernement, la révocation de (A), sanction prévue à l’article 47.10 du statut général.

PAR CES MOTIFS :

le Conseil de discipline, siégeant en audience publique, statuant contradictoirement, sur le rapport oral de son président, (A) et son conseil entendus en leurs explications et moyens de défense et la déléguée du Gouvernement en ses conclusions, prononce à l’égard de (A) du chef des manquements retenus ci-dessus la sanction disciplinaire prévue à l’article 47.10 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat, à savoir la révocation, condamne (A) aux frais de la procédure, ces frais étant liquidés à 117,70 euros. […] ».

Par arrêté du 17 décembre 2024, le Ministre de la Famille, des Solidarités, du Vivre ensemble et de l’Accueil, ci-après le « ministre », appliqua la sanction disciplinaire de la révocation à Madame (A), ledit arrêté étant libellé comme suit :

« Vu la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat et notamment ses articles 3 paragraphe 4, 51, 52, 54 et 70 ;

Considérant que Madame (A), fonctionnaire d’État auprès de l’Office national de l’accueil (ONA), affectée comme … à la section « … », préalablement au service de la Caisse nationale de santé (CNS) au moment des faits énoncés, a fait l’objet d’une instruction disciplinaire conformément à l’article 56 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat ;

Vu le dossier relatif à l’instruction disciplinaire établi en date du 26 juillet 2024 et le rapport d’instruction complémentaire établi en date du 29 août 2024 par Monsieur le Commissaire du Gouvernement adjoint chargé de l’instruction disciplinaire ;

Vu la décision du Conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat du 4 décembre 2024 ;

Sur le rapport de Monsieur le Ministre de la Famille, des Solidarités, du Vivre ensemble et de l’Accueil et après délibération du Gouvernement en conseil ;

Arrêtons :

Art. 1er.- La sanction disciplinaire de la révocation est appliquée à l’encontre de Madame (A), (n°. id. nat. : …), fonctionnaire d’État auprès de la CNS au moment des faits énoncés et actuellement auprès de l’ONA. […] ».

14Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 27 décembre 2024, inscrite sous le numéro 52162 du rôle, Madame (A) a fait introduire un recours en réformation, sinon en annulation contre la susdite décision du Conseil de discipline du 4 décembre 2024 et contre l’arrêté ministériel du 17 décembre 2024 ayant arrêté sa révocation, et par requête séparée déposée le 3 janvier 2025, inscrite sous le numéro 52190 du rôle, elle sollicite le sursis à exécution par rapport à ces deux décisions.

A l’appui de son recours, et après avoir exposé les rétroactes de la présente affaire et avoir rappelé les conditions légales relatives à l’obtention d’un sursis à exécution, la requérante fait plaider que les décisions critiquées risqueraient de lui causer un préjudice grave et définitif alors qu’elle se serait retrouvée du jour au lendemain sans aucune source de revenu.

Elle explique qu’elle serait mariée et mère d’un enfant de sept ans et que le salaire de son époux ne couvrirait qu’environ 55% des dettes et dépenses de la famille, la requérante se basant à cet égard sur les pièces versées en cause reprenant les différents prêts et dépenses auxquels la famille doit faire face. Elle souligne qu’elle ne serait ainsi plus en mesure de rembourser les différents prêts immobiliers et que la famille serait dès lors forcé de vendre leur maison, situation qui serait difficilement réparable par l’allocation ultérieure de dommages et intérêts ou le remboursement rétroactif de sa rémunération. Elle donne encore à considérer qu’elle n’aurait pas droit au chômage, qu’elle devrait encore faire une demande de chômage en … et qu’une inscription à l’Administration de l’emploi ne serait qu’une démarche théorique au regard de son âge et de la circonstance que le nombre des demandeurs d’emploi serait en constante hausse. Elle indique finalement qu’elle serait actuellement suivie en thérapie pour surmonter un traumatisme ancien qui n’aurait pas été traité auparavant et que suite à sa révocation, elle serait tombée dans une profonde dépression.

La requérante conclut encore au caractère sérieux des moyens invoqués au fond, lesquels seraient, tant dans leur nombre que dans leur motivation de nature à entraîner la réformation sinon l’annulation des décisions litigieuses.

A cet égard, elle se prévaut en premier lieu de la caducité, irrecevabilité, nullité, sinon prescription de l’action disciplinaire menée à son encontre au motif que les faits lui reprochés dateraient du temps où elle aurait été agent auprès de la CNS. Elle explique que depuis le 1er août 2022 elle serait agent auprès de l’Office National de l’Accueil, ci-après désigné par « l’ONA », qui serait une administration relevant de l’Etat, contrairement à la CNS, qui serait un établissement public, de sorte qu’en application de l’article 46 du statut général, une action disciplinaire ne serait plus possible après six mois suivant la cessation des fonctions. Dans la mesure où elle aurait muté d’un établissement public vers l’Etat, elle serait à considérer comme démissionnaire auprès de la CNS depuis le 31 juillet 2022, de sorte que la procédure disciplinaire intentée à son encontre en date du 19 mars 2024 serait caduc, irrecevable, nul, sinon prescrite, la requérante se prévaut dans ce contexte d’un arrêt de la Cour administrative du 5 décembre 2006, inscrit sous le numéro 20832C du rôle, ainsi que de l’avis du Conseil d’Etat du 21 janvier 2014, n° 6463/02, dans le cadre des travaux parlementaires relatifs à la loi du 25 mars 2015 fixant les conditions et modalités selon lesquelles le fonctionnaire de l’Etat peut changer d’administration, ci-après la « loi du 25 mars 2015 », ainsi que de l’article 12 de ladite loi du 25 mars 2015 qui s’appliquerait également au changement d’administration d’office prévu par l’article 6 du statut général. Elle souligne encore que suivant l’article 2 de la loi du 25 mars 2015, le fonctionnaire communal souhaitant changer l’administration vers l’Etat devrait se libérer de ses obligations professionnelles avec son ancien employeur, de sorte qu’il serait à considérer comme étant démissionnaire, pour conclure que le fonctionnaire 15communal se trouverait dans la même situation qu’un fonctionnaire de l’Etat. Affirmer le contraire constituerait une violation du principe d’égalité devant la loi. Elle propose dans ce contexte dans le dispositif de sa requête introductive d’instance aux juges du fond de poser la question constitutionnelle suivante: « L’article 5 du Statut général des fonctionnaires de l’Etat et la loi modifiée du 25 mars 2015 fixant les conditions et modalités selon lesquelles le fonctionnaire de l’Etat peut changer d’administration sont-ils conformes à l’article 15 de la Constitution en ce qu’ils traitent de façon différenciée les fonctionnaires qui changent d’administration d’une établissement public vers l’Etat et les fonctionnaires qui changent d’administration d’une commune vers l’Etat ».

Elle réfute également dans ce contexte l’argumentation du Conseil de discipline suivant laquelle le changement d’administration décidé par la Commission des pensions se serait imposé à l’ONA, tout en affirmant que l’ONA l’aurait bien accepté sans aucune réserve.

Elle critique ensuite les circonstances qu’aucune procédure disciplinaire n’aurait été diligentée contre elle au moment où elle travaillait auprès de la CNS, et que l’ONA, qui aurait accepté son changement d’administration et ne serait pas concerné par les faits lui reprochés, diligenterait une procédure disciplinaire à son encontre et aurait « poussé et incitée » la CNS, qui n’aurait eu aucune intention de diligenter cette procédure, pour la lancer, et en conclut qu’il y aurait un « mélange de compétences » en l’espèce entraînant l’annulation des décisions entreprises pour vice de procédure.

La requérante explique ensuite le contexte particulier ayant donné lieu à la saisine du commissaire du gouvernement et estime que son entrevue du 14 février 2023 auprès de l’ONA, qui devrait porter sur sa demande de changement de carrière, aurait en réalité été une « enquête préliminaire » illégale qui violerait les articles 9, 10 et 32, paragraphe 1er du statut général et qui vicierait ab initio la procédure disciplinaire, alors qu’elle y aurait été confrontée avec les faits lui reprochés. Selon la requérante, le commissaire du gouvernement disposerait du « monopole » de l’instruction disciplinaire. A cela s’ajoute que ses droits de la défense n’auraient pas été respectés lors de cette entrevue, étant donné qu’elle aurait été convoquée sous un faux prétexte, qu’elle n’aurait pas pu se défendre, qu’elle aurait été seule face à quatre personnes, qu’elle n’aurait pas été informée de son droit de se faire assister par un avocat, qu’elle n’aurait pas été informée de ne pas avoir l’obligation de se charger elle-même, et qu’elle aurait été mise sous pression.

Madame (A) estime encore que le Conseil de discipline se serait basé sur des preuves illégales obtenues en violation du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, ci-après désigné par « RGPD », et de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ci-après désignée par la « CEDH », concernant sa vie privée et familiale. Le commissaire du gouvernement aurait encore violé son obligation de confidentialité en vertu de l’article 11 du statut général et aurait commis un recel par l’utilisation, dans une procédure disciplinaire, d’informations obtenues par un journaliste de manière illégale, la requérante soulignant à cet égard qu’une plainte avec constitution de partie civile aurait été déposée de sa part contre ledit journaliste concernant la divulgation de certaines informations au commissaire du gouvernement. La requérante demande dans ce contexte aux juges du fond d’écarter toutes les pièces de son dossier disciplinaire relatives à la vidéo de la promenade vers les maisons des ministres de l’époque à …, avec dépôt de bougies devant leur maisons respectives et à son obtention, ainsi que l’intégralité des communications issues de 16son compte « Facebook », qui n’auraient pas été publiques et relèveraient ainsi également de sa sphère privée. Elle demande également dans ce contexte aux juges du fond d’écarter une « panoplie de pièces, d’articles de journaux, [et] de photos » au motif que ces pièces ne la concerneraient pas et auraient été ajoutées à son dossier pour le « gonfler artificiellement ».

La requérante critique ensuite que sa demande d’effacement de la citation en justice du Procureur Général d’Etat à une audience du 30 janvier 2023 de son dossier du 21 février 2023, basée sur l’article 17 du RGPD lui aurait été refusée par l’ONA et que la CNS aurait également violé les dispositions du RGPD pour avoir conservé ses accès informatiques jusque fin 2023, ce qui montrerait qu’une « chasse aux sorcières » serait menée contre elle.

La requérante procède ensuite à une analyse détaillée des faits lui reprochés et estime qu’aucun comportement fautif ne saurait lui être reproché en relation avec sa publication sur « Facebook » en date du 8 décembre 2021, alors qu’elle aurait le droit de manifester et de participer à une manifestation, qu’elle n’aurait formulé que son opinion, et qu’elle n’aurait fait que des constatations et posé des questions.

Elle admet ensuite avoir participé à des manifestations en date des 11 et 18 décembre 2021, mais conteste avoir utilisé un mégaphone, avoir branlé une pancarte, et avoir animé d’autres manifestants, tout en soulignant que la circonstance de participer à une manifestation ne saurait laisser conclure qu’elle aurait cautionné et accepté le comportement d’autres manifestants.

Aucun comportement fautif ne saurait encore être retenu en relation avec le reproche d’avoir fait un appel à participer à des rassemblements « Mir ginn spadséieren » sur « Facebook » en date du 31 décembre 2021, la requérante souligne qu’elle n’aurait jamais eu l’intention de menacer ou d’intimider qui que ce soit, qu’elle n’aurait pas dévoilé les adresses des ministres et que, par ailleurs, le fait de dévoiler l’adresse d’un ministre et d’allumer une bougie ne serait pas interdit.

Elle conteste encore tout manquement à ses devoirs prévus par les articles 10 et 14 du statut général, au motif que (i) tous les faits lui reprochés auraient eu lieu en dehors de sa fonction, (ii) elle aurait toujours agi en tant que personne privée, (iii) elle n’aurait qu’un faible rang hiérarchique, (iv) elle aurait le droit de manifester, de s’exprimer librement et d’avoir sa propre opinion, (v) elle aurait mesuré les termes employés et fait preuve de discernement dans la forme utilisée, (vi) les mesure gouvernementales auraient à l’époque été exagérées, respectivement fausses, (vii) aucun danger de récidive ne serait à craindre, (viii) aucun scandale n’aurait eu lieu, et (ix) elle n’aurait pas d’antécédents disciplinaires.

La requérante s’adonne ensuite à une comparaison de sa situation personnelle avec sept autres personnes ayant fait l’objet d’une procédure disciplinaire pour soulever une disproportion de la sanction disciplinaire lui infligée et conclut au caractère sérieux des moyens invoqués au fond et au bien-fondé de sa demande en obtention d’un sursis à exécution.

Le délégué du gouvernement, de son côté, conclut au rejet de la demande en sursis à exécution au motif que les conditions afférentes ne seraient pas remplies en l’espèce.

17Il conteste tout d’abord le caractère sérieux des moyens de la requérante, au motif que l’analyse des moyens présentés au fond nécessiterait un examen approfondi dans le cadre de la procédure principale, auquel le juge du référé, lequel serait le juge de l’évidence, ne saurait s’adonner.

Il estime ensuite que la procédure disciplinaire ne serait pas forclose et que la loi du 25 mars 2015 relative au changement d’administration ne s’appliquerait pas au cas de la requérante, étant donné que la Commission des pensions aurait décidé de son affectation auprès de l’ONA. Elle n’aurait ainsi pas démissionné et aucune cessation de ses fonctions n’aurait eu lieu, elle aurait conservé son ancienneté et n’aurait pas non plus dû se présenter à l’examen concours. A titre subsidiaire, et même à admettre que la loi du 25 mars 2015 s’appliquerait en l’espèce, le statut de la requérante n’aurait pas non plus changé. Dans ce contexte, le délégué du gouvernement explique le contexte dans lequel le Conseil d’Etat aurait émis l’avis sur lequel la requérante se base, en soulignant qu’il se serait prononcé en faveur d’une procédure de recrutement externe, ce qui n’aurait cependant pas été la volonté du législateur, qui aurait finalement opté pour une procédure de recrutement interne afin de faciliter le processus de changement d’administration. Il estime encore qu’en tout état de cause, l’article 46 du statut général, sur lequel la requérante se base, ne serait pas applicable en l’espèce, au motif que l’article 38 du même statut énumérait limitativement les cas dans lesquels un fonctionnaire serait à considérer comme étant démissionnaire et que la situation de la requérante ne serait pas prévue par ledit article. La situation d’un fonctionnaire communal ne serait, par ailleurs, pas comparable à celle d’un fonctionnaire de l’Etat, de sorte que les affirmations de la requérante relative à une inégalité de traitement, ne seraient pas non plus fondées.

Concernant les faits reprochés à la requérante, le délégué du gouvernement fait valoir que les pièces du dossier disciplinaire ne seraient pas illicites et qu’aucune violation de la vie privée de la requérante n’aurait eu lieu. Les différentes photos du dossier disciplinaire, montrant la requérante avec un mégaphone et différentes pancartes seraient claires. Aussi, les différentes publications de la requérante sur son compte « Facebook » seraient toutes publiques pour être marquées d’une icône du globe. Il résulterait ainsi de l’intégralité des pièces au dossier que la requérante aurait joué un rôle clé dans l’opposition contre les mesures sanitaires ordonnées à l’époque.

Le délégué du gouvernement souligne ensuite que la circonstance que les faits reprochés à la requérante ont eu lieu en dehors de ses fonctions, ainsi que son faible rang hiérarchique, ne seraient pas pertinents pour retenir un manquement à ses devoirs prévus par les articles 10 et 14 du statut général, cette dernière, en s’exposant publiquement, aurait délibérément pris le risque d’être identifiée comme fonctionnaire d’Etat. Elle ne saurait pas non plus invoquer sa liberté d’expression, alors que cette liberté ne serait pas absolue et pourrait être limitée.

Il conclut encore à la proportionnalité de la sanction infligée à la requérante au regard de la gravité des faits lui reprochés ainsi que de son manque d’introspection quant à la gravité de son comportement, tout en soulignant que la confiance de l’Etat en l’intéressée serait définitivement rompue.

En ce qui concerne le préjudice grave et définitif mis en avant par la requérante, le délégué du gouvernement donne à considérer que celle-ci aurait encore droit à 640 heures excédentaires et congés non pris, ce qui équivaudrait à un montant d’environ 30.000.- euros brut.

18 La CNS pour sa part précise tout d’abord que contrairement aux allégations de la requérante, elle aurait entamé une procédure disciplinaire à son encontre si elle avait été plus tôt au courant des faits.

En ce qui concerne le caractère sérieux des moyens de la requérante, la CNS se rallie, à titre principal, aux développements de la partie étatique, tout en soulignant que, de manière générale, l’analyse desdits moyens nécessiterait un examen approfondi par les juges du fond, de sorte qu’ils ne présenteraient pas le sérieux nécessaire pour l’institution d’un sursis à exécution.

A titre subsidiaire, et en ce qui concerne le moyen ayant trait à la forclusion de la procédure disciplinaire, elle estime que l’article 46 du statut général ne serait pas applicable à la situation de la requérante, au motif qu’elle aurait changé l’administration à l’issue d’une procédure auprès de la Commission des pensions qui aurait justement comme but de garantir une continuation du service de la personne intéressée. La situation d’un fonctionnaire communal ne serait pas non plus comparable à celle d’un fonctionnaire de l’Etat, de sorte que les affirmations de la requérante relatives à une inégalité devant la loi seraient encore non fondées.

Elle estime encore que les faits reprochés à la requérante seraient graves et que la sanction disciplinaire lui infligée serait justifiée et pas à tel point démesurée pour justifier l’institution d’un sursis à exécution.

En ce qui concerne finalement le préjudice grave et définitif mis en avant par la requérante, la CNS donne à considérer qu’elle résiderait en … et y aurait droit au chômage.

En vertu de l’article 11 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après dénommée la « loi du 21 juin 1999 », un sursis à exécution ne peut être décrété qu’à la double condition que, d’une part, l’exécution de la décision attaquée risque de causer au demandeur un préjudice grave et définitif et que, d’autre part, les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux, tandis que le sursis est rejeté si l’affaire est en état d’être plaidée et décidée à brève échéance.

L’affaire au fond ayant été introduite le 27 décembre 2024 et compte tenu des délais légaux d’instruction fixés par la loi modifiée du 21 juin 1999 précitée, elle ne saurait être considérée comme pouvant être plaidée à brève échéance.

En ce qui concerne les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre les décisions litigieuses, il convient de rappeler que le juge appelé à en apprécier le caractère sérieux ne saurait analyser et discuter les moyens invoqués à l’appui du recours au fond, sous peine de porter préjudice au principal et de se retrouver, à tort, dans le rôle du juge du fond. Il doit se borner à se livrer à un examen sommaire du mérite des moyens présentés, et accorder le sursis, respectivement la mesure de sauvegarde lorsqu’il paraît, en l’état de l’instruction, de nature à pouvoir entraîner l’annulation ou la réformation de la décision critiquée, étant rappelé que comme le sursis d’exécution, respectivement l’institution d’une mesure de sauvegarde doit rester une procédure exceptionnelle, puisque qu’ils constituent une dérogation apportée aux privilèges du préalable et de l’exécution d’office des décisions administratives, les conditions permettant d’y accéder doivent être appliquées de manière sévère.

19 L’exigence tirée du caractère sérieux des moyens invoqués appelle le juge administratif à examiner et à apprécier, au vu des pièces du dossier et compte tenu du stade de l’instruction, les chances de succès du recours au fond. Pour que la condition soit respectée, le juge doit arriver à la conclusion que le recours au fond présente de sérieuses chances de succès.

Il s’ensuit que, face à une situation où le caractère sérieux des moyens soulevés au fond n’apparaît pas comme étant évident à première lecture, le juge du référé ne peut pas admettre que les moyens en question sont suffisamment sérieux pour justifier une mesure provisoire :

en d’autres termes, les moyens doivent offrir une apparence de droit suffisante ou un degré de vraisemblance tel que l’on peut nourrir des doutes importants quant à la légalité de l’acte1, dans le sens que l’on peut pressentir une possible, voire probable annulation ou réformation.

Ainsi, un moyen est sérieux lorsqu’il laisse présager, aux termes d’une analyse sommaire, une probable réformation ou annulation : un moyen sérieux fait pressentir une annulation ou réformation, tandis que l’examen du caractère sérieux d’un tel moyen se caractérise par son caractère prima facie.

Ce caractère de sérieux peut résulter d’une situation de fait ou de droit manifeste (un élément matériel important a été ignoré, une disposition légale n’a été manifestement pas appliquée) ou encore d’une jurisprudence à tout le moins solidement établie ; le caractère sérieux dépend dès lors également fondamentalement de la qualité de la démonstration des droits menacés : le simple fait de transcrire l’argumentation développée devant les juges du fond, respectivement de s’y référer peut, face à des matières ou questions complexes, s’avérer de ce point de vue insuffisant.

C’est pourquoi le juge du provisoire doit prendre en considération les solutions jurisprudentielles bien établies, étant donné que lorsque de telles solutions existent, l’issue du litige - que ce soit dans le sens du succès du recours ou de son échec - n’est plus affectée d’un aléa.

Ne présente en revanche pas un caractère sérieux suffisant, un moyen soulevant un simple doute quant à l’issue du recours, un moyen basé sur une jurisprudence fluctuante ou minoritaire ou lorsqu’il n’existe pas de jurisprudence qui permettrait de répondre aisément aux questions devant être tranchées en l’espèce par le jugement à rendre ultérieurement sur le fond, surtout lorsqu’il s’agit de questions de principe inédites qui ne sauraient être tranchées, pour la première fois, par le juge des référés, mais requièrent un examen approfondi dans le cadre de la procédure principale : le juge du référé est réellement le juge de l’évidence car il est cantonné à une position, sur ce problème, d’archiviste se contentant de reprendre à son compte une position adoptée par une autre juridiction2.

Si la solution du problème conduit le juge des référés à une appréciation juridique motivée qui fait la part entre la thèse de l’un et celle de l’autre, il excède ses pouvoirs dans la mesure où il est obligé de discuter juridiquement pour écarter l’une de ces thèses qui est donc forcément sérieuse. Lorsque le juge des référés, pour repousser une contestation, est obligé de 1 Trib. adm (prés.) 14 avril 2016, n° 37733 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n° 658, et les autres références y citées.

2 J. Piasecki, L’office du juge administratif des référés : Entre mutations et continuité jurisprudentielle. Droit, Université du Sud Toulon Var, 2008, n° 337, p.197.

20bâtir un raisonnement juridique que ne dénierait pas un juge du fond, il va au-delà de ses pouvoirs3.

Or, de ce point de vue, les différents moyens ayant trait aux irrégularités procédurales présentés à l’appui du recours au fond sont d’emblée à écarter au provisoire pour ne pas présenter en l’état actuel d’instruction du dossier et au terme d’une analyse nécessairement sommaire le sérieux nécessaire.

En effet, en ce qui concerne le premier moyen de la requérante, basé sur l’irrecevabilité, la nullité, sinon la prescription de l’action disciplinaire résultant d’une violation de l’article 46 du statut général, il convient de prime abord de constater que ledit article dispose dans son premier paragraphe que : « Le fonctionnaire qui a quitté le service reste soumis à la juridiction disciplinaire pour les faits ou omissions qui entraîneraient la révocation d’un fonctionnaire en activité. Toutefois l’action disciplinaire devra être intentée dans les six mois qui suivent la cessation des fonctions. », de sorte qu’il s’en dégage à première vue que l’action disciplinaire se prescrit six mois après la cessation des fonctions du fonctionnaire.

Concernant la question de savoir si la requérante est à considérer comme avoir « cédé ses fonctions » au sens de l’article 46 du statut général précité, force est tout d’abord à la soussignée de constater que l’article 38 du statut général énumère les cas dans lesquels un fonctionnaire est à considérer comme avoir cédé ses fonctions, ledit article dispose que : « 1.

Hormis le décès, la cessation définitive des fonctions résulte:

a) de la démission volontaire régulièrement acceptée;

b) de la démission d’office;

c) des dispositions relatives à la limite d’âge;

2. Cesse également ses fonctions le stagiaire-fonctionnaire dont le stage n’est pas prorogé, ou qui, à l’issue de son stage, n’obtient pas de nomination définitive. ».

Dans la mesure où la requérante a fait l’objet d’un changement d’administration de la CNS vers l’ONA suite à une procédure auprès de la Commission des pensions, il ne semble pas qu’elle se trouve dans un des cas limitativement énumérés par l’article 38 du statut général précité.

A cela s’ajoute que l’article 46 du statut général fait référence à un fonctionnaire ayant cédé ses fonctions par rapport à un fonctionnaire en activité et que dans la mesure où il est constant en cause que l’intéressée était, au courant de la procédure disciplinaire, à considérer comme fonctionnaire en activité, l’application dudit article est également sujette à caution à ce niveau.

Concernant la référence par la requérante à l’avis du Conseil d’Etat du 21 janvier 2014, n° 6463/02 relatif à la loi du 25 mars 2015, suivant lequel « […] l’établissement public est une personne morale distincte de l’Etat. Dès lors, le ʺchangement d’administrationʺ comporte pour le fonctionnaire un changement d’employeur […] » et que « […] le fonctionnaire de l’Etat qui est […] muté à un établissement public doit être considéré comme étant démissionnaire auprès de l’Etat et comme bénéficiant d’un nouvel engagement auprès de l’établissement public […] », il échet à la soussignée de constater qu’un avis, pris dans le cadre des travaux parlementaires d’une loi, ne reflète pas forcément la volonté du législateur. Dans ce contexte, et hormis la 3 Y. Strickler, Le juge des référés, juge du provisoire, thèse Strasbourg, 1993, p. 96 et 97.

21question de savoir si le changement d’administration de la requérante a eu lieu en application de la loi du 25 mars 2015, tel que contesté par le délégué du gouvernement, les explications de ce dernier à l’audience publique, suivant lesquelles le législateur n’aurait finalement pas suivi ledit avis du Conseil d’Etat, ne sont, à première vue, pas dénouées de tout fondement. Il en est de même en ce qui concerne l’argumentation de la CNS, suivant laquelle la volonté du législateur dans le cadre de l’élaboration de la loi du 25 mars 2015 aurait été de prévoir une continuation du service des fonctionnaires d’Etat en cas de changement d’administration, volonté à la laquelle s’opposerait l’argumentation de la requérante.

La soussignée constate ensuite que la question sous examen n’a pas encore été tranchée par les juridictions administratives, et que l’arrêt de la Cour administrative du 23 décembre 2005, n° 20832C du rôle, auquel se réfère la requérante, et dans lequel la Cour a retenu qu’« En acceptant la démission de […] sans réserve par rapport à une action disciplinaire déjà engagée, la […] a nécessairement renoncé à la poursuite de l’action disciplinaire » n’est, à première vue, pas transposable en l’espèce, étant donné que, hormis la circonstance que cet arrêt est antérieure à la loi du 25 mars 2015 à laquelle la requérante se réfère, la personne concernée dans ledit arrêt a démissionné explicitement, contrairement à la requérante, laquelle a fait l’objet d’un changement d’administration suite à une procédure auprès de la Commission des pensions, et laquelle était, jusqu’à sa révocation, toujours en service auprès de l’Etat.

Par ailleurs, ni l’article 12 de la loi du 25 mars 2015, selon lequel « Le ministre accorde ou refuse le changement d’administration par une décision motivée, après avoir demandé les avis visés à l’article 11. » ni l’article 6 du statut général, concernant le changement d’affectation/de fonction/d’administration du fonctionnaire ne permettent à première vue de retenir que la nomination à une nouvelle fonction emporte de plein droit une cessation de la fonction exercée antérieurement, tel que soutenu par la requérante.

Force est ensuite de constater que si l’article 2 du statut général concernant le fonctionnaire communal dispose certes que celui-ci « doit se libérer de ses obligations professionnelles avec son employeur actuel avant son entrée en service effective auprès de l’Etat. », il n’en ressort cependant pas non plus à l’évidence que ledit fonctionnaire communal serait à considérer comme avoir « cédé ses fonctions » au sens de l’article 46 du statut général, et que la situation devrait être identique pour le fonctionnaire étatique, sous peine de constituer une violation du principe d’égalité devant la loi.

En vertu de tout ce qui précède, la soussignée arrive à la conclusion que le caractère sérieux du moyen ainsi soulevé au fond n’apparaît, en l’état actuel d’instruction du dossier et au terme d’une analyse sommaire, pas évident, de sorte qu’il ne présente pas le sérieux requis pour justifier l’instauration d’un sursis à exécution, ledit moyen requiert, en effet, un examen approfondi dans le cadre de la procédure principale, examen auquel le juge des référés, juge de l’évidence, ne saurait s’adonner.

Cette même conclusion s’impose encore en ce qui concerne le moyen de la requérante relatif à un « mélange de compétences » entre la CNS et l’ONA pour diligenter une procédure disciplinaire à son encore, cette question est étroitement liée à son premier moyen et à la question de savoir si elle est à considérer comme ayant cessé ses fonctions en raison de son changement d’administration.

22A cela s’ajoute que l’article 56 du statut général dispose que : « Lorsque des faits, faisant présumer que le fonctionnaire a manqué à ses devoirs, sont à sa connaissance, le ministre du ressort compétent au moment des faits saisit le commissaire du Gouvernement qui procède à l’instruction disciplinaire. […] », et que l’article 7, point 13 du règlement grand-

ducal du 24 août 2016 concernant le statut du personnel de la Caisse nationale de santé, de la Caisse de maladie des fonctionnaires et employés publics et de la Caisse de maladie des fonctionnaires et employés communaux dispose que : « les compétences dévolues au membre du Gouvernement pour la saisine du commissaire du Gouvernement chargé de l’instruction disciplinaire conformément au paragraphe 2 de l’article 56 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat, sont exercées par le président de chacune des institutions visées par le présent règlement ». Dans la mesure où il appert que le commissaire du gouvernement a été saisi en date du 19 mars 2024 par le président de la CNS et qu’il est constant en cause que les faits reprochés à la requérante ont eu lieu à un moment où celle-ci était affectée auprès de la CNS, aucun « mélange de compétence » ne s’aurait s’en dégager à première vue. Il n’appert pas non plus, comme soutenu par la requérante, que la CNS n’aurait pas eu l’intention de diligenter une procédure disciplinaire à son encontre et aurait été « poussé et incitée » par l’ONA, alors que le litismandataire de la CNS a clairement confirmé, à l’audience des plaidoiries, qu’une procédure disciplinaire aurait été entamée à l’encontre de la requérante si la CNS avait été plus tôt au courant des faits.

Concernant ensuite le moyen de la requérante suivant lequel l’instruction disciplinaire appartiendrait exclusivement au commissaire du gouvernement, et que son entrevue auprès de l’ONA en date du 14 février 2023 violerait dès lors les articles 9, 10 et 32, paragraphe 1er du statut général, de sorte à vicier la procédure disciplinaire, la soussignée constate tout d’abord que les critiques de la requérante ne concernent pas la procédure disciplinaire sous analyse, mais ses relations avec l’ONA, et se situent à un stade antérieur à l’ouverture de la procédure disciplinaire litigieuse, de sorte qu’il paraît difficile de conclure à un quelconque vice de procédure.

Il appert encore que les articles 9 et 10 du statut général concernant les devoirs du fonctionnaire, cités de manière générale par la requérante dans ce contexte, n’ont aucune relation directe, voire évidente, avec son reproche formulé, de sorte que le moyen tendant à la violation desdits articles manque ainsi le sérieux nécessaire.

S’il résulte ensuite de l’article 56, paragraphe 1 du statut général que l’instruction disciplinaire appartient au commissaire du gouvernement, la soussignée ne saurait cependant à première vue déduire dudit article une quelconque illégalité de l’entrevue de la requérante auprès de l’ONA en date du 14 février 2023, lors de laquelle elle a été confrontée avec la citation en justice du Procureur Général d’Etat à une audience du 30 janvier 2023, l’article en question ne semble, à première vue, pas s’opposer à ce qu’un fonctionnaire est confronté, avant l’ouverture d’une procédure disciplinaire, avec des faits susceptibles de constituer des manquements à ses obligations par ses supérieurs hiérarchiques, voire, est interrogé sur les circonstances exactes desdits faits pour s’expliquer.

A cela s’ajoute que les reproches formulés par la requérante dans ce contexte, à savoir qu’elle aurait été convoquée sous un faux prétexte, qu’elle n’aurait pas pu se défendre, qu’elle aurait été seule face à quatre personnes, qu’elle n’aurait pas été informée de son droit de se faire assister par un avocat, qu’elle n’aurait pas été informée de ne pas avoir l’obligation de se charger elle-même, et qu’elle aurait été mis sous pression, semblent tous être non fondés pour 23soit se résumer en des simples allégations non soutenues par un quelconque élément du dossier, soit n’être soutenues par aucune disposition légale.

Ce moyen ne présente dès lors pas non plus en l’état actuel du dossier le sérieux nécessaire.

En ce qui concerne les critiques de la requérante relatives à sa demande d’effacement de la citation en justice du Procureur Général d’Etat à une audience du 30 janvier 2023 de son dossier auprès de l’ONA, de même que ses critiques suivant lesquelles la CNS aurait conservé ses accès informatiques, basées sur une violation du RGPD, force est à la soussignée de relever que la requérante ne tire aucune conclusion juridique de ces critiques, pour se limiter à affirmer qu’une « chasse aux sorcières » aurait eu lieu, de sorte qu’elles ne présentent pas non plus le sérieux nécessaire pour l’instauration d’un sursis à exécution.

La soussignée constate ensuite qu’en l’espèce la requérante conteste une grande partie des faits lui reprochés pour demander aux juges du fond d’écarter la majorité des pièces du dossier et entend encore exciper de diverses explications censées justifier, sinon expliquer son comportement, respectivement constituer des circonstances atténuantes.

Il s’agit partant, essentiellement, d’une part, de questions comportant une analyse détaillée des faits reprochés à la requérante ainsi que des pièces y relatifs, et d’autre part, de questions d’appréciation des faits et de leurs circonstances, lesquelles requièrent une analyse plus poussée et une discussion au fond, à laquelle le juge du provisoire ne saurait pas procéder.

Au-delà de ce constat, la soussignée relève encore que les différents arguments ou explications fournis au fond ne permettent pas de justifier avec une probabilité suffisante l’annulation voire la réformation des décisions critiquées, les faits reprochés à la requérante, n’étant, au terme d’une analyse nécessairement sommaire, contestables, tandis qu’aucune erreur d’appréciation manifeste du Conseil de discipline n’est de même décelable à première vue.

Ainsi et de manière sommaire il résulte à première vue du libellé de la publication de la requérante sur « Facebook » en date du 8 décembre 2021, citée ci-avant, qu’elle a légitimisé et minimisé les violences commises lors de la manifestions illégale contre la gestion de la crise sanitaire du 4 décembre 2021. Il se dégage encore à première vue des différents articles de presse et des photos du dossier que la requérante a participé activement aux manifestations en date des 11 et 18 décembre 2021 lors desquelles elle a animé les autres manifestants. Il semble encore à suffisance résulter de la propre publication de la requérante sur « Facebook » en date du 31 décembre 2021, ainsi que d’autres publications et photos versées en cause qu’elle a participé et appelé le public aux rassemblements « Mir ginn spadséieren ». Finalement il se dégage tant des articles de presse, à savoir d’un article du « … » du … 2022 et d’un article du « … » du … 2022, que de la vidéo de la requérante même, que cette dernière s’est rendue vers les maisons de deux ministres de l’époque pour y déposer des bougies, de sorte qu’à première vue, les faits reprochés à la requérante résultent à suffisance du dossier disciplinaire.

En ce qui concerne dans ce contexte la demande de la requérante devant les juges du fond de rejeter la majorité desdites pièces, la soussignée constate qu’aux termes d’un examen sommaire du dossier disciplinaire, aucune illégalité ne se dégage desdites pièces à première vue.

24Ainsi et à titre d’exemple, concernant les affirmations de la requérante, soutenues tout au long de la procédure disciplinaire, suivant lesquelles ses publications sur son compte « Facebook » n’auraient pas été publiques, il se dégage à première vue desdites publications qu’elles sont toutes marquées d’une icône du globe, de sorte qu’elles sont bel et bien publiques et accessibles à tout le monde, les allégations de la requérante à cet égard semblent manquer de tout fondement.

Par ailleurs, la publication de la requérante sur « Facebook » du 31 décembre 2021, par lequel elle mobilise le public aux rassemblements « Mir ginn spadséieren » se termine par les mots « Ps WEG Deelen », de sorte que ses affirmations relatives au caractère purement privé de cette publication semblent également tomber à faux.

Toujours à titre d’exemple et concernant la vidéo de la promenade de la requérante vers les maisons des ministres de l’époque, il appert que les moyens de la requérante soulevés dans ce contexte tendant à une violation du RGPD, de l’article 8 de la CEDH relatif à sa vie privée, et de l’article 11 du statut général, ne sont pas déterminantes dans le cadre de la présente procédure, alors qu’indépendamment des circonstances d’obtention de la version non-coupée de cette vidéo, l’existence des faits reprochés à la requérante dans ce contexte, à savoir, de s’être rendue vers les maisons privés de deux ministres de l’époque pour y allumer et déposer des bougies, semble résulter à suffisance des autres pièces du dossier. Ainsi, l’action de la requérante a non seulement fait l’objet d’un article de presse du « … » en date du … 2022, où l’intéressée est expressément nommée, mais également d’un article de presse du « … » en date du … 2022, dans lequel une photo de l’intéressée a été publiée ainsi que le lien vers la version coupée de ladite vidéo. Il appert, par ailleurs, que la version coupée de la vidéo litigieuse a été publiée par une tierce personne sur les réseaux sociaux.

Concernant ensuite la nature des faits reprochés à la requérante, la soussignée constate qu’il se dégage d’une lecture sommaire du dossier que lesdits faits sont à première vue susceptibles de constituer des manquements aux devoirs prévus par les articles 10 et 14 du statut général, sans que les différentes tentatives de minimisation des faits par la requérante résumées ci avant, présentent le caractère sérieux nécessaire, étant souligné que le droit fondamental à la liberté d’expression et d’opinion garanti par l’article 10 de la CEDH, auquel la requérante se réfère dans ce contexte, n’est pas absolu, mais peut être limité4, de sorte que la requérante ne saurait invoquer ledit droit fondamental de manière générale et abstraite pour justifier toutes ses actions.

En effet, il semble difficilement concevable d’admettre que l’action de la requérante d’allumer des bougies devant les maisons de deux ministres, n’était pas une menace ou une tentative d’intimidation, telle qu’affirmée par cette dernière, étant souligné que la requérante n’a, à ce jour, pas expliqué le sens exact qu’elle a voulu donner à son action.

Il ne se dégage, par ailleurs, pas non plus de l’analyse sommaire des faits reprochés à la requérante que celle-ci a mesuré les termes employés, fait preuve de discernement dans la forme utilisée et qu’aucun scandale n’a eu lieu, étant donné que, d’un côté, la circonstance de figurer à plusieurs reprises dans des articles de presse démontre à suffisance que les faits ont donné lieu à scandale, et que, de l’autre côté, la requérante ne s’est pas seulement limitée à faire part de son désaccord concernant les mesures sanitaires ordonnées à l’époque, mais a 4 CourEDH, Ezelin c. France, 26 avril 1991, § 53, CourEDH, Aguilera Jiménez et autres c. Espagne, 8 décembre 2009, § 24, Trib. adm. 23 mars 2022, n° 47220 du rôle, disponible sur www.jurad.etat.lu.

25activement participé à des manifestations illicites en animant la masse, a minimisé publiquement les actes de violences et vandalismes commis par des manifestants, s’est adonnée à des actes d’intimidation envers des ministres, action qui a donné lieu à scandale à travers des articles de presse pour encore avoir provoqué une réaction desdits ministres, et a appelé le grand public à la suivre.

L’argumentation de la requérante suivant laquelle aucun manquement à ses devoirs prévus par les articles 10 et 14 du statut général ne saurait être retenu ne permet pas de justifier avec une probabilité suffisante l’annulation voire la réformation des décisions critiquées et manque ainsi le sérieux nécessaire pour l’institution d’un sursis à exécution.

Concernant finalement son argumentation basée sur une disproportion de la sanction lui infligée, la soussignée constate que dans son jugement du 6 septembre 2024 inscrit sous le n° 47740 du rôle, les juges du fond ont retenu, en ce qui concerne le fait pour un fonctionnaire de l’Etat de dénigrer publiquement, dans un langage particulièrement inapproprié et dédaigneux, la politique, ainsi que les mesures prises par les autorités étatiques dans le cadre de la lutte contre la pandémie liée au virus du COVID-19, tout en appelant les lecteurs de ses messages à participer à des démonstrations contre lesdites mesures, sans opposer une fin de non-recevoir ferme et explicite aux messages lui adressés quant à l’éventualité d’un recours à la violence lors des manifestations qu’il a organisées, respectivement fortement contribuées à organiser, constituent de graves manquements aux obligations des fonctionnaires et que la sanction disciplinaire de la révocation n’était pas disproportionnée.

Si dans cette affaire, les faits ne sont certes pas identiques, ils sont cependant comparables pour être similaires et pour s’inscrire dans le même contexte, de sorte que l’argumentation de la requérante relative à une disproportion de la décision du Conseil de discipline ne permet pas, au regard du jugement précité, de justifier avec une probabilité suffisante l’annulation, voire la réformation des décisions critiquées par les juges du fond.

Concernant dans ce contexte encore l’ancienneté et l’absence d’antécédents disciplinaires de l’intéressée depuis son engagement en date du 1er septembre 1999, si ces circonstances peuvent certes être considérées comme circonstances atténuantes plaidant en faveur d’une sanction moindre, la circonstance que la requérante ne semble, en l’état actuel de l’instruction du dossier, manquer de toute introspection quant à la gravité de son comportement pour encore souligner tant dans sa requête au fond, que lors de l’audience publique des plaidoiries, que les mesure gouvernementales à l’époque auraient été exagérées, respectivement fausses, n’est pas non plus dénuée de toute pertinence.

Ainsi, au provisoire, sur base des éléments d’appréciation soumis en cause, l’ancienneté et l’absence d’antécédents disciplinaires de l’intéressée sont loin d’ébranler l’argumentaire développé par la partie étatique relatif à la gravité des faits reprochés à la requérante et à sa conséquence, à savoir la rupture irrémédiable de toute relation de confiance.

Dès lors, si la sanction infligée peut éventuellement être considérée comme sévère, consistant en l’espèce en la révocation, à savoir l’ultime sanction prévue par l’article 47 de la loi du 16 avril 1979 du statut général, elle paraît toutefois a priori et en l’état actuel des moyens et du degré d’instruction de l’affaire comme raisonnablement justifiée au vu de la gravité des faits reprochés à l’intéressée, de l’attitude de cette dernière au cours de la procédure disciplinaire, de l’impact médiatique de ses comportements fautifs et finalement du fait que l’Etat ait estimé que sa confiance en l’intéressée serait définitivement rompue.

26 En tout état de cause, les explications fournies par la requérante en la présente instance ne permettent pas à la soussignée de dégager des éléments permettant de pressentir avec une probabilité suffisante l’annulation de la décision disciplinaire attaquée, respectivement sa réformation dans le sens de l’imputation d’une sanction disciplinaire moindre. Dès lors, s’il n’est pas forcément exclu que les juges du fond, siégeant en tant que juges de la réformation, aboutissent dans le cadre de leur pouvoir d’appréciation souverain à la conclusion qu’une sanction moindre s’impose, une telle réformation reposera sur des considérations subjectives, propres aux juges de la réformation, appelés à statuer au fond et de refaire l’appréciation en fait et en droit, voire de refaire, indépendamment de la légalité de la décision, l’appréciation de l’administration, en se plaçant au jour où eux-mêmes sont appelés à statuer, considérations subjectives échappant en l’état actuel du dossier à la soussignée, tandis que d’éventuels éléments objectifs, qui militeraient en faveur d’une future réformation ou annulation de la décision disciplinaire a quo, ne sont actuellement pas décelables.

La requérante est partant à débouter de sa demande en institution d’un sursis à exécution sans qu’il y ait lieu d’examiner davantage la question de l’existence éventuelle d’un risque de préjudice grave et définitif, les conditions afférentes devant être cumulativement remplies, de sorte que la défaillance de l’une de ces conditions entraîne à elle seule l’échec de la demande.

La demande en allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 4.000.- euros telle que formulée par la requérante laisse également d’être fondée, les conditions légales afférentes n’étant pas remplies en cause.

Par ces motifs, la soussignée, vice-président du tribunal administratif, agissant en remplacement du président du tribunal administratif légitimement empêché, statuant contradictoirement et en audience publique ;

rejette la demande en obtention d’un sursis à exécution ;

rejette la demande en obtention d’une indemnité de procédure ;

condamne la requérante aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 3 février 2025 par Géraldine Anelli, vice-président du tribunal administratif, en présence du greffier en chef Xavier Drebenstedt.

s. Xavier Drebenstedt s. Géraldine Anelli Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 3 février 2025 Le greffier du tribunal administratif 27


Synthèse
Numéro d'arrêt : 52190R
Date de la décision : 03/02/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 08/02/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2025-02-03;52190r ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award