Tribunal administratif N° 52198 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:52198 5e chambre Inscrit le 7 janvier 2025 Audience publique du 31 janvier 2025 Recours formé par Monsieur (A), …, contre trois décisions du ministre des Affaires intérieures en matière de protection internationale (art. 27, L.18.12.2015)
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 52198 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 7 janvier 2025 par la société à responsabilité limitée WH AVOCATS SARL, établie à L-1630 Luxembourg, 46, rue Glesener, inscrite sur la liste V du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B 265326, représentée aux fins des présentes par Maître Frank WIES, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), déclarant être né le … à … (Albanie) et être de nationalité albanaise, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation 1) d’une décision du ministre des Affaires intérieures du 19 décembre 2024 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, 2) de la décision ministérielle du même jour portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale et 3) de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 15 janvier 2025 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, Maître Julie KIEFFER, en remplacement de Maître Frank WIES, ainsi que Madame le délégué du gouvernement Sarah ERNST en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 22 janvier 2025.
Il ressort d’un rapport établi par la police grand-ducale, service de police judiciaire, section criminalité organisée, en date du 15 février 2023, que Monsieur (A) se présenta au ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, le 24 octobre 2022.
En tant que mineur non accompagné, il se vit attribuer un administrateur ad hoc par ordonnance du 23 décembre 2022 du juge aux affaires familiales près le tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg.
Le 15 février 2023, Monsieur (A), mineur, représenté par son administrateur ad hoc, introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, une demande de protection internationale au sens de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».
Le même jour, Monsieur (A) fut entendu par un agent de la police grand-ducale, service de police judiciaire, section criminalité organisée, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.
Le 4 septembre 2023, il fut entendu par un agent du ministère des Affaires intérieures, direction générale de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.
Le 26 septembre 2024, le ministre saisit la Commission consultative d’évaluation de l’intérêt supérieur des mineurs non accompagnés, ci-après désignée par « la Commission consultative », afin d’apprécier s’il est dans l’intérêt supérieur de l’enfant, en l’occurrence de Monsieur (A), de retourner ou non dans son pays d’origine.
En sa séance du 25 octobre 2024, la Commission consultative arriva à la conclusion qu’il serait dans l’intérêt supérieur de Monsieur (A) de retourner en Albanie.
Par décision du 19 décembre 2024, notifiée à l’administrateur ad hoc de l’intéressé le 23 décembre 2024, le ministre des Affaires intérieures, ci-après désigné par « le ministre », informa Monsieur (A) que sa demande de protection internationale avait été rejetée comme étant non fondée, tout en lui enjoignant de quitter le territoire dans un délai de trente jours.
Ladite décision est libellée dans les termes suivants :
« […] En date du 15 février 2023, vous avez introduit, en votre qualité d'administrateur ad hoc, une demande de protection internationale sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la Loi de 2015 ») pour le compte du mineur non accompagné, (A), né le … à …/Albanie, de nationalité albanaise.
Je suis dans l'obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à sa demande pour les raisons énoncées ci-après.
1. Quant aux faits et rétroactes procéduraux Il ressort des éléments du dossier administratif et notamment du rapport de police du 15 février 2023 établi à l'occasion de l'introduction de la demande de protection internationale d'(A), que ce dernier s'est présenté pour une première fois auprès des autorités en date du 24 octobre 2022 déclarant être né le … et être âgé de … ans.
Par ordonnance n° 1 du 23 décembre 2022, le juge aux affaires familiales près le tribunal d'arrondissement de et à Luxembourg, désigna Maître Frank WIES administrateur ad hoc du mineur (A) avec la mission de l'assister dans le cadre de l'examen de sa demande de protection internationale conformément aux dispositions de la Loi de 2015. Vous avez donc, en date du 15 février 2023, et en votre qualité d'administrateur ad hoc introduit une demande de protection internationale au nom et pour le compte du mineur préqualifié. En date du 4 septembre 2023, (A) a été entendu en votre présence sur les motifs sous-tendant sa demande.
Le 17 juin 2024, une demande « Family tracing » a été adressée à OIM qui a été suivie d'un « Questionnaire and Guidance for family-assessment to UAM's in Luxembourg » en date du 21 juin 2024. Dans son avis du 25 octobre 2024, la Commission consultative d'évaluation de l'intérêt supérieur des mineurs non accompagnés a retenu qu'il est dans l'intérêt supérieur d'(A) de retourner en Albanie.
Il ressort encore des éléments du dossier administratif que le frère aîné d'(A), le dénommé (B), avait introduit une demande de protection internationale au Luxembourg en date du 22 octobre 2020, demande qui fut rejetée par décision ministérielle du 2 septembre 2021 dans le cadre d'une procédure accélérée. Le recours juridictionnel introduit contre la prédite décision fut rejeté par jugement du Tribunal administratif du 19 octobre 2021 (n° 46468 du rôle) pour être manifestement infondé. Son frère avait invoqué à la base de sa demande qu'il aurait dû quitter son pays alors que sa famille serait impliquée dans un conflit relevant de la loi du Kanun depuis que son oncle aurait tué deux personnes en 1997. Son frère a par la suite bénéficié d'une autorisation de séjour temporaire valable jusqu'à sa majorité.
2. Quant aux motifs de fuite invoqués à la base de votre demande de protection internationale (A) déclare être de nationalité albanaise, de confession musulmane, être né le … (et non pas le … comme initialement indiqué) et être originaire du district d'Elbasan, où il aurait vécu avec sa mère et son frère cadet.
Lors de son entretien avec le Service de Police Judiciaire, (A) a déclaré avoir quitté l'Albanie « parce que son père serait alcoolique et ce dernier se serait disputé avec des gens qui lui en voudraient ». Il se sentirait en danger en Albanie à cause de son père alors que « ce dernier buvait beaucoup et il avait des problèmes avec tout le monde » (rapport de police pages 1 et 2).
Lors de son entretien sur les motifs sous-tendant sa demande de protection internationale, mené en date du 4 septembre 2023, il affirme avoir eu l'idée de quitter l'Albanie « quand j'ai vu que mon frère était parti, je me suis dit que je devais partir aussi. II y en a plein d'autres qui sont partis » (p. 14 de la retranscription de l'entretien). Il déclare qu'en Albanie, sa vie serait en danger alors que « mon père a fait plein de trucs. Le frère de mon père, donc mon oncle, il a tué 2 personnes » et la famille de l'autre personne voudrait tuer quelqu'un de la famille de son père. Il ignorerait qui seraient ces personnes « c'est une autre famille, je ne sais pas » (p.16 de la retranscription de l'entretien).
Questionné davantage à ce sujet, il déclare que cela aurait été « il y a quelque temps, je ne sais pas », sinon « il y a beaucoup d'années » (p. 17 de la retranscription de l'entretien).
Son oncle paternel aurait tué ces deux personnes « des gens d'une autre famille. Je ne sais pas.
Ce sont d'autres gens » (p. 16 de la retranscription de l'entretien). Invité à faire état du nom de son oncle, il déclare « je dois demander à mon frère » (p.17 de la retranscription de l'entretien). Sur question afférente de savoir s'il connaissait cet oncle, il déclare « oui, je le connais, mais pas très bien. Je l'ai déjà vu. Ça se peut que je l'aie déjà vu. Mais je ne sais pas » (p.17 de la retranscription de l'entretien). Son oncle aurait été condamné à une peine de prison mais il penserait que son oncle aurait entretemps été libéré. Il serait personnellement concerné par cette affaire alors que si quelqu'un tuait une personne en Albanie, « toute la famille de l'autre est en danger » (p. 17 de la retranscription de l'entretien) sur base de la loi du Kanun.
Convié à expliquer s'il avait un problème personnel et concret en Albanie, il déclare que sa mère aurait été menacée « il y a quelque temps » et « ma mère m'a juste dit qu'elle a été menacée » (p.18 de ta retranscription de l'entretien). Sa mère lui aurait en outre fait savoir qu'elle aurait été menacée à plusieurs reprises, la dernière fois en 2021. Il précise encore que sa mère se serait adressée à la police mais qu'« ils ne savent pas qui sont ces personnes. Il y en a beaucoup » (p. 18 de la retranscription de l'entretien). Son père connaîtrait la famille en question mais il aurait abandonné la famille il y a quelques années et ils ne seraient plus en contact. Dans ce contexte, il ajoute que « Puisque mon père n'est pas là, ils vont chercher ailleurs et tuer quelqu'un d'autre » (p. 18 de la retranscription de l'entretien), tout en précisant qu'il serait interdit de tuer les femmes dans ces conflits du Kanun.
Confronté à ses déclarations faites lors de son entretien avec le Service de Police Judiciaire à l'occasion de l'introduction de sa demande de protection internationale, où il avait déclaré avoir quitté l'Albanie parce que « son père est alcoolique et ce dernier se serait disputé avec des gens qui lui en voudraient », il explique que son père aurait eu des problèmes avec tout le monde, il aurait bu beaucoup d'alcool et aurait également été impliqué dans le trafic de drogues. Son père, qu'il n'aurait pas revu depuis trois ou quatre années, aurait eu des soucis d'argent et « plein d'autres choses » (p. 20 de la retranscription de l'entretien). Son père n'aurait pas remboursé ses dettes et si ses créanciers devaient ne pas le retrouver, « ils vont nous chercher » (p. 22 de la retranscription de l'entretien). Dans ce contexte, il précise que sa mère lui aurait dit qu'elle aurait également été menacée par des personnes non autrement définies.
Vers octobre 2021, il aurait pris le choix de quitter le pays à cause des menaces (p. 22 de la retranscription de l'entretien) bien qu'il précise aussi avoir eu l'idée de quitter l'Albanie depuis que « mon frère était parti, je me suis dit que je devais partir aussi. Il y en a plein d'autres qui sont partis » (p. 14 du rapport d'entretien).
En octobre 2022, il aurait quitté l'Albanie après avoir entendu trois hommes dans la rue parler de leur souhait de partir au Luxembourg et leur avoir expliqué qu'il souhaiterait également quitter le pays.
A l'appui de sa demande de protection internationale, il ne présente aucun document susceptible de prouver ses dires.
3. Quant à l'application de la procédure accélérée Je tiens tout d'abord à vous informer qu'aux termes de l'article 21, paragraphe 1, de la Loi de 2015, le mineur non accompagné n'est soumis à une procédure accélérée conformément à l'article 27 de la même loi, que :
« a) s'il est originaire d'un pays qui satisfait aux critères requis pour être considérés comme un pays d'origine sûr au sens de l'article 30 ; » En effet, (A) est originaire d'Albanie et en vertu de l'article 30 de la Loi de 2015 et du règlement grand-ducal modifié du 21 décembre 2007 fixant une liste de pays d'origine sûrs au sens de la loi précitée, l'Albanie doit être considérée comme pays d'origine sûr où il n'existe pas, généralement et de façon constante, de persécution au sens de la Convention de Genève.
Ce constat n'a pas pu être contredit par l'examen individuel de sa demande de protection internationale.
Le respect des droits de l'Homme constitue l'un des principaux critères permettant d'établir si un Etat est à considérer comme étant un pays d'origine sûr. La Commission européenne atteste qu'« On fundamental rights, Albania complies overall with international human rights instruments and has ratified most international conventions on the protection of fundamental rights ». En outre, « Albania has continued to implement the Stabilisation and Association Agreement and the meetings of the joint bodies under the agreement took place.
Albania has continued to maintain overall focus on the EU reform agenda (…) It has continued to meet all the conditions set out in the Council Conclusions of March 2020 for the first Inter-
governmental Conference. Albania's maintained its record of full alignment with the EU's common foreign and security policy (CFSP). (…). Albania's stance is a strong signal of its strategic choice of EU accession and of its rale as a reliable partner ».
L'Albanie dispose en plus d'institutions dont la mission est de garantir le respect des droits de l'Homme et il est parfaitement possible de s'adresser à l'institution de l'Ombudsman ou de porter plainte en Albanie contre d'éventuels abus de pouvoir des forces de l'ordre auprès de la Police Oversight Agency (POA), institution indépendante de la police albanaise. Ainsi, « in 2021 Parliament passed Law No. 128/2021 establishing the Police Oversight Agency (POA), which has replaced SIAC and will exercise oversight authority in respect of three entities: the State Police, the Guard of the Republic and the Fire Protection and Rescue Services. POA will be responsible for, amongst other things, carrying out the transitional and periodic evaluation of police officers, conducting the disciplinary investigation into allegedly serious disciplinary breaches, fighting corruption and preventing illegal activities within the ranks of the three entities it has been tasked to supervise ». Par ailleurs, « In February a new Police Oversight Agency, fully), independent from the Albania State Police (ASP), was established with the mandate to investigate and hold […] demande de protection internationale, et plus particulièrement lorsque des éléments de preuve matériels font défaut.
Or, des doutes quant aux motifs réels qui auraient poussé (A) à quitter l'Albanie se posent avec acuité alors qu'il ressort de l'analyse de son dossier qu'il ne fait pas état de manière crédible d'avoir été contraint de quitter son pays d'origine alors qu'il y aurait été la victime de persécutions ou d'atteintes graves ou qu'il existerait des raisons sérieuses de croire qu'il encourrait, en cas de retour dans son pays d'origine, un risque réel et avéré de subir de telles persécutions ou atteintes graves au sens de la Loi de 2015.
Cette conclusion s'impose en effet à la lumière des contradictions et des imprécisions de ses déclarations lesquelles ne répondent manifestement pas aux conditions cumulatives prévues à l'article 37, paragraphe (5), de la Loi de 2015 aux termes duquel un demandeur de protection internationale peut bénéficier du doute lorsque certains aspects ne sont pas étayés par des preuves documentaires ou autres. Or, il ne satisfait pas aux conditions cumulatives y prévues alors que la crédibilité générale de ses dires peut être mise en doute, ce d'autant plus qu'il ne s'est également pas efforcé d'étayer sa demande.
Ses différents récits et arguments avancés au cours de la procédure se résument à un ensemble d'affirmations incohérentes, manquant de tout détail et de précision, ce d'autant plus qu'il laisse de rapporter la moindre preuve concrète qu'il serait impliqué d'une manière ou d'une autre à un conflit lié aux meurtres commis par son oncle, de sorte à laisser de surcroît planer des doutes évidents sur la crédibilité générale de ses dires, et ainsi sur la gravité de sa situation dans son pays d'origine.
Ainsi, il a déclaré lors de son premier contact avec les autorités luxembourgeoises en octobre 2022, de même que lors de son entretien avec le Service de Police Judiciaire mené à l'occasion de l'introduction de sa demande de protection internationale en février 2023, avoir quitté l'Albanie parce que son père serait alcoolique, sinon qu'il se serait senti en danger en Albanie à cause de son père qui aurait beaucoup bu et eu des problèmes avec tout le monde. Il ne ressort donc nullement de ses déclarations qu'il aurait eu un problème quelconque en raison du fait que son oncle aurait tué deux personnes il y a longtemps, ni qu'il serait personnellement impliqué dans le cadre d'une dette de sang tel qu'avancé pour la première fois lors de son entretien personnel.
En effet, lors de son entretien personnel mené en septembre 2023, il fait alors état d'un récit complètement différent affirmant être impliqué dans une dette de sang alors que son oncle paternel aurait tué, à une date inconnue, deux personnes inconnues et que la famille des victimes chercherait à tuer quelqu'un de sa propre famille. Ce n'est que lorsque l'agent en charge de son entretien le confronte à ses déclarations faites auprès de la police qu'il affirme avoir également eu des problèmes à cause de son père qui aurait été alcoolique et impliqué dans un trafic de stupéfiants, de même qu'il aurait eu des dettes.
Or, s'il peut être admis qu'un demandeur de protection internationale ne se rappelle pas de tous les détails de son vécu, il ressort néanmoins des différents éléments de son dossier et de ses déclarations que les raisons à la base de sa fuite alléguée de son pays d'origine telles qu'indiquées auprès de la police lors de l'introduction de sa demande de protection internationale sont diamétralement opposées aux motifs totalement différents invoqués auprès de l'agent en charge de son entretien, sans qu'il n'ait pu fournir une explication convaincante à cet égard.
En effet, et même dans l'optique d'une indication sommaire des motifs de départ du pays d'origine, les explications fournies successivement par un demandeur devant la police et aux différents endroits auprès du ministère doivent répondre à une certaine logique et doivent être cohérentes, étant relevé qu'il est raisonnable d'attendre d'un demandeur de protection internationale que même s'il lui est demandé de n'indiquer que sommairement les raisons de sa fuite de son pays d'origine, il précise la nature de sa crainte, précision qui doit être cohérente avec les explications fournies. Néanmoins, il n'a pas fait état au moment de l'introduction de sa demande de protection internationale, ni même sommairement, des termes « dette de sang », « Kanun » ou fait état, ne serait-ce que de manière succincte, d'avoir un problème quelconque en raison de deux meurtres commis par son oncle, mais a clairement limité ses motifs à la base de sa demande au seul fait que son père alcoolique aurait des problèmes avec tout le monde. Ses explications faites lors de ses auditions divergent dès lors fondamentalement alors qu'il est pourtant raisonnable d'admettre qu'une personne qui se sent réellement persécutée indique dès le départ le point crucial à l'origine de ses craintes, ce qu'il reste manifestement en défaut de faire, de sorte que sa crédibilité par rapport à ces craintes alléguées en lien avec l'existence d'un prétendu conflit basé sur la loi du Kanun est irrémédiablement ébranlée.
Ce constat est notamment conforté par le fait qu'il n'a fourni aucun détail et précision par rapport à ces motifs avancés pour la première fois lors de son entretien personnel, alors qu'il ne connaîtrait ni la date de ces événements, ni l'identité des personnes tuées, ni même l'identité de son oncle paternel, auteur présumé de ces faits, ignorant en outre si cet oncle avait entretemps été libéré de prison, tout en se contentant d'affirmer à plusieurs reprises simplement qu'il devrait demander à son frère pour connaitre les détails de cette affaire, de sorte à laisser présager ainsi que le demandeur ait tout simplement repris les motifs avancés par son frère à l'appui de sa propre demande aux fins de voir ainsi augmenter ses chances, selon ses estimations, de pouvoir s'installer, à l'instar de son frère, sur le territoire luxembourgeois.
Il ne ressort en outre d'aucun élément du dossier qu'il existerait réellement un conflit relevant de la loi du Kanun, constat non ébranlé par le contenu du jugement que son frère avait versé dans le cadre de sa demande de protection internationale et duquel il ressort uniquement qu'un dénommé (C) aurait tué deux personnes sous l'influence d'alcool suite à une dispute banale. Ensuite, (A) reste aussi en défaut de rendre crédible qu'il serait personnellement impliqué d'une manière ou d'une autre dans un conflit avec la famille des victimes des meurtres datant de 1997.
Il ne fait pas état d'une quelconque menace qui aurait été proférée personnellement à son encontre par la famille en question mais se contente de parler de manière très vague et superficielle des menaces que sa mère aurait reçues. Ce constat vaut encore davantage que depuis ces faits, qui remonteraient à 1997, il ne serait jamais rien arrivé à sa famille, tout comme il ne ressort pas de ses dires que des membres de la famille en question auraient à un moment tenté de se venger, ni même qu'ils auraient menacé de se venger, de sorte que les meurtres commis par l'oncle paternel il y plus de 25 années tout au plus se résument à une affaire criminelle de droit commun n'ayant aucun lien avec un conflit de vengeance basé sur la loi du Kanun, conclusion également retenue par le Tribunal administratif dans son jugement concernant le rejet de la demande de protection internationale de son frère et dont il ressort que « la soussignée relève de prime abord qu'il n'est pas établi en cause que les menaces dont le demandeur fait état à la base de sa demande de protection internationale se situent dans le cadre de la loi du Kanun. En effet, lors de son entretien auprès de la direction de l'immigration, il a non seulement souligné ne jamais avoir été personnellement menacé, mais il a en outre affirmé ne pas connaître le prénom des auteurs des menaces dont il fait état tout en précisant ne les avoir jamais rencontrés, les craintes du demandeur de faire l'objet d'une vendetta sur base de la loi du Kanun reposant dès lors, tel que relevé à juste titre par la partie étatique, sur les seules affirmations de la mère, de sorte à être purement hypothétiques. Cette conclusion n'est pas contredite par les développements du demandeur selon lesquels sa cousine aurait également été obligée de quitter l'Albanie en raison des menaces de vendetta qui pèseraient sur la famille, alors qu'il ressort du courrier de la concernée (…), que celle-ci a quitté l'Albanie non pas en raison de craintes de vengeance de la part de la famille (D), mais en raison de violences domestiques qu'elle aurait subies de la part de son ex-époux qu'elle aurait été forcée d'épouser ».
Dans le cas d'(A), il est encore plus flagrant que l'existence d'un réel conflit vengeance doit être mis en doute alors que ce dernier, d'une part n'invoque ledit conflit comme motif de fuite uniquement lors de son entretien personnel et après avoir pris contact avec son frère, d'autre part, il se contente d'affirmer en fait ne rien connaître sur cette affaire de vengeance et qu'il en devrait demander des détails à son frère, de sorte que la mise en relation des meurtres commis par son en oncle en 1997 avec l'existence d'un conflit de vengeance relevant de la loi du Kanun reposent, également dans son cas, sur les seules affirmations de la mère et restent partant à l'état d'allégations purement hypothétiques.
Quoiqu'il en soit, et même à admettre que sa famille, respectivement lui-même, seraient effectivement impliqués dans un conflit de vengeance avec cette famille inconnue, toujours est-
il qu'il s'agit d'un conflit purement privé nullement empreint d'un des motifs énumérés par la Convention de Genève, mais dans le fait qu'un oncle paternel, dont le demandeur ne connaîtrait pas le nom, aurait tué deux personnes, également inconnues, supposément en 1997.
De plus, il échet de rappeler qu'il ne lui serait jamais rien arrivé de grave en Albanie.
Ses propos se résument en effet à des craintes totalement hypothétiques de se trouver dans le collimateur d'une famille inconnue, famille qui ne l'aurait jamais menacé et qui n'aurait depuis 1997, pas non plus tenté de se venger sur un quelconque membre de sa famille. La seule crainte de se retrouver impliqué dans un conflit relevant de la loi du Kanun, à défaut de toute autre précision et à défaut de tout incident concret ou ne serait-ce que d'une menace concrète, ne revêt en tout cas pas un caractère de gravité tel à pouvoir être perçu comme justifiant l'octroi du statut de réfugié dans son chef.
A cela s'ajoute que des actes commis dans le cadre d'une dette de sang, respectivement, du Kanun, constituent des infractions de droit commun, réprimées par le Code pénal albanais disposant en son article 78 (a) que « Murder committed due blood feud shall be punishable to not less than 30 years or life imprisonment » et dans son article 83/a que « Serious threat to retaliation or blood revenge against a person for him to be locked up at home, shall be punished up to three years imprisonment », tandis que l'article 84 dispose encore que « Serious threat to murder or serious injury to someone shall constitute criminal contravention and shall be punished up to one year imprisonment », l'auteur étant de surcroît une personne privée sans lien avec l'Etat albanais. Or, un acte commis par un tiers ne saurait être considéré comme fondant une crainte légitime au sens de la Convention de Genève uniquement en cas de défaut de protection des autorités du pays d'origine.
Or, on peut justement noter dans ce context qu’« All the consulted experts agreed that the police forces nowadays try to intervene in blood feud situations and that police interventions can be of various kinds (identification, monitoring, prevention, arrest, etc.). A representative at the Shkodër Regional Police Directorate declared that his police officers try to supervise the confined families in his district, "by regularly contacting them, by patrolling in the proximity of their houses. Local police officers are tasked to stay near the affected families and to stay in contact with them." With regard to the affected families in his area who are not living in confinement he declared: "we are trying to communicate, mitigate, mediate, negotiate and soothe down." This source declared that "all the affected families know neighbourhood police officers. They have their phone numbers and general emergency numbers." Mentor Kikia confirmed that police officers have visited many families in order to identify those who are still affected by blood feud. He also confirmed that many affected families have been provided with the necessary contact details in case they felt an immediate danger. Besides he stated that a lot of people have been arrested after the amendments in the penal code. Police units may also intervene in other ways. (…) In some cases affected families may have been visited by police officers of the Prosecutor's Office who encouraged families to denounce their situation. (…) In the years 2013-2014, officers of the prosecutor have gone to "every house where there was a claim linked with blood feud" in order to obtain "enough evidence to start a case". The Representative from the Prosecutor's Office explained that 200 families in Shkodër have been approached "which are in conflict because of a murder case since the 1990s." Even though there are various ways to file a complaint (in the office, by telephone, by e-mail or through a mobile phone application), many experts confirmed that people do not easily go to the police or to the prosecutor to denounce or to report a contemporary blood feud case ».
De même, on peut noter que « generally speaking — the authorities are nowadays closely monitoring the known cases of contemporary blood feuds and that the phenomenon is largely under control. "Since 2013 it is not an issue anymore. People feel safer. If the police receive a request for protection, they deal with it." (..) the police forces have renewed and strengthened their attention to the phenomenon of contemporary blood feuds and have also acknowledged its effectiveness and impact on the decrease of the phenomenon: [sic] The local representative of the national ombudsman declared that (…): "the presence of the law has very much advanced nowadays. In the last 5-6 years the law and order were re-established. Closed cases have been re-opened and potential blood feud cases are treated with particular attention, even in the remote areas. If something happens, the police will intervene nowadays. Police is eager to solve issues, to resolve disputes. If a dispute arises, the police will act for sure. The police will start a process of investigation and arrest those who pose a threat. They will not leave it like that. There is less space for taking the law in their own hands or for thinking of impunity. Even people in remote areas tend to go to the police station now or denounce to the prosecution office instead of taking the law into their own hands." He also stressed that nowadays police officers can be "laid off and be charged for negligence." (…) However, despite improvements in police work and better trust in the police by larger sections of Albanian society, it appears that when citizens find themselves in a contemporary blood feud situation they still tend to avoid contact with the police forces. Multiple sources confirmed that in many cases citizens still cannot overcome feelings of distrust towards the police and keep their problems from them. (…)According to most consulted experts, the increased severity of the penal code concerning sentences or crimes related to blood feud has proved its effects in reducing such crimes. Mentor Kikia for example confirmed that a lot of people have been arrested after the amendments in the penal code and that judges do not have an alternative anymore but to give the proscribed, fixed penalty. (…) ».
Il en ressort donc que les autorités albanaises ne sont pas inactives dans le contexte de conflits de vengeance et qu'il existe un cadre légal permettant de sanctionner pénalement les infractions commises ou susceptibles d'être commises dans ce contexte. Si (A) affirme que sa mère se serait adressée à la police mais qu' « ils ne savent pas qui sont ces personnes. Il y en a beaucoup », cette déclaration ne permet pas de conclure à une impossibilité ou un manque de volonté des autorités policières d'agir dans ce contexte, étant précisé que si jamais il devrait être d'avis que la police albanaise ne prendrait pas au sérieux ces doléances, il aura toujours la possibilité de dénoncer des policiers qui ne rempliraient pas convenablement leurs missions, en faisant notamment valoir ses droits auprès de l'Ombudsman ou auprès de la Police Oversight Agency (POA), institution indépendante de la police albanaise.
Quant aux problèmes d'alcool, de drogues, de bagarres et de dettes de son père, force est en premier lieu de soulever qu'il présente à nouveau ces faits de manière très vague et superficielle se basant sur les seuls dires de sa mère qui lui aurait raconté qu'elle aurait été menacée dans ce contexte par des personnes inconnues. Or, et hormis le constat que ces faits ne seraient aucunement empreints d'un des motifs de fond énumérés par la Convention de Genève, il échet encore de relever qu'il s'agit de faits non personnels mais vécus par d'autres membres de la famille n'étant susceptibles de fonder une crainte de persécution uniquement si le demandeur de protection internationale établit dans son chef un risque réel d'être victime d'actes similaires en raison de circonstances particulières. Or, il reste en défaut d'étayer un lien entre le traitement ou les problèmes de son père et des éléments liés à sa personne l'exposant à des actes similaires.
S'il mentionne bien des craintes selon lesquelles « ils vont nous chercher », en parlant de créanciers qui n'auraient pas été remboursés par son père, il ne ressort toutefois à aucun moment de ses dires que des personnes en conflit avec son père seraient réellement venues chez lui ou sa mère parce qu'elles n'auraient pas pu retrouver le père. Il s'ensuit que les craintes mentionnées en lien avec les problèmes du père doivent être perçues comme étant totalement hypothétiques, voire, non fondées et ne justifiant pas l'octroi du statut de réfugié, ce d'autant plus que jamais rien ne lui serait personnellement arrivé dans ce contexte.
Pour être complet sur ce sujet, on peut encore ajouter qu'il ne ressort pas non plus de ses dires qu'il n'aurait pas pu compter sur la protection des autorités albanaises. Tel que susmentionné, la seule remarque selon laquelle sa mère aurait porté plainte qui serait restée sans résultat - plainte dont le demandeur ne verse aucune preuve - ne saurait nullement permettre de conclure à un manque de volonté des autorités albanaises d'offrir une protection suffisante dans ce contexte, étant par ailleurs relevé, tel que précisé ci-avant, que si sa mère ou lui-même devaient être d'avis que la police albanaise ne traiterait pas leurs diligences avec le sérieux nécessaire, il leur reste toujours la possibilité de s'adresser à des instances supérieures ou à l'Ombudsman albanais.
Partant, le statut de réfugié ne lui est pas accordé.
4. Quant au refus du statut conféré par la protection subsidiaire Aux termes de l'article 2 point g) de la Loi de 2015 « tout ressortissant d'un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d'origine ou, dans le cas d'un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 48, l'article 50, paragraphes 1 et 2, n'étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n'étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays » pourra obtenir le statut conféré par la protection subsidiaire.
L'octroi de la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués soient qualifiés d'atteintes graves au sens de l'article 48 de la Loi de 2015 et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l'article 39 de cette même loi.
L'article 48 définit en tant qu'atteinte grave « la peine de mort ou l'exécution », « la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d'origine » et « des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d'un civil en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».
Il y a lieu de retenir qu'il n'existe manifestement pas davantage d'éléments susceptibles d'établir, sur la base des mêmes faits que ceux exposés en vue de voir reconnaître le statut de réfugié à (A), qu'il existerait des motifs sérieux et avérés de croire qu'il courrait, en cas de retour en Albanie, un risque réel de subir des atteintes graves au sens de l'article 48 de la loi de 2015.
En effet, il omet d'établir qu'en cas de retour en Albanie, il risquerait la peine de mort ou l'exécution, la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, ou encore des menaces graves et individuelles contre sa vie ou sa personne en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.
Partant, le statut conféré par la protection subsidiaire ne lui est pas accordé.
5. Quant à l'ordre de quitter le territoire Il convient de noter que le Ministre a sollicité l'avis de la Commission consultative d'évaluation de l'intérêt supérieur des mineurs non-accompagnés afin d'obtenir un avis quant à un éventuel éloignement.
Ladite Commission estime dans son avis rendu en date du 25 octobre 2024 qu': « Au vu de tous les éléments du dossier, notamment au regard du fait qu'(A) vivait dans de bonnes conditions en Albanie à savoir dans une maison unifamiliale équipée située à côté de celle de ses grands-parents, qu'il n'existe pas de danger concret pour lui dans son pays d'origine, et qu'il dispose d'un environnement familial aimant, sa mère et lui étant en contact régulier et entretenant de très bonnes relations — cette dernière ayant déclaré qu'il lui manquait, qu'elle était inquiète en raison de son jeune âge et qu'elle est prête à l'accueillir en cas de retour -, la majorité des membres de la commission est amenée à conclure qu'il est dans son intérêt supérieur de retourner en Albanie, pays où il dispose d'une certaine stabilité », avis auquel le Ministre se rallie.
La demande en obtention d'une protection internationale d'(A) est dès lors refusée dans le cadre d'une procédure accélérée.
Suivant les dispositions de l'article 34 (2) de la Loi de 2015, il est dans l'obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera coulée en force de chose décidée respectivement en force de chose jugée, à destination de l'Albanie, ou de tout autre pays dans lequel il est autorisé à séjourner. […] ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 7 janvier 2025, Monsieur (A) a fait introduire un recours tendant à la réformation (i) de la décision du ministre du 19 décembre 2024 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, (ii) de la décision ministérielle du même jour portant refus de faire droit à sa demande de protection internationale et (iii) de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.
1) Quant à la compétence du tribunal et à la recevabilité du recours Etant donné que l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions du ministre de statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, contre les décisions de refus d’une demande de protection internationale prises dans ce cadre et contre l’ordre de quitter le territoire prononcé dans ce contexte, et attribue compétence au président de chambre ou au juge qui le remplace pour connaître de ce recours, le soussigné, siégeant en remplacement du premier vice-président présidant la cinquième chambre du tribunal administratif, est compétent pour connaître du recours en réformation dirigé contre les décisions du ministre du 19 décembre 2024, telles que déférées.
Ledit recours ayant encore été introduit dans les formes et délai de la loi, il est à déclarer recevable.
2) Quant au fond Arguments et moyens des parties A l’appui des trois volets de son recours, le demandeur expose les faits et rétroactes à la base de sa demande de protection internationale, tels que retranscrits dans le rapport d’entretien auprès de la direction de l’Immigration.
Il fait valoir, dans un premier temps, que son père serait l’une des principales raisons qui l’auraient conduit à quitter son pays d’origine, l’Albanie. Il affirme qu’il se sentirait en danger en raison du comportement de son père, lequel « b[oirait] beaucoup » et aurait « des problèmes avec tout le monde ». Dans un second temps, le demandeur soutient que la menace qui pèserait sur lui serait liée à une volonté de vengeance dirigée contre sa famille paternelle, en raison d’un crime qui aurait été commis par le frère de son père.
Le demandeur souligne qu’il aurait un frère aîné déjà établi au Luxembourg, lequel aurait introduit une demande de protection internationale en tant que mineur non accompagné auprès des autorités luxembourgeoises le 22 octobre 2020. Il indique que cette demande aurait été rejetée par le ministre, décision confirmée par le tribunal administratif dans un jugement rendu le 19 octobre 2021. Il précise toutefois qu’aucun ordre de quitter le territoire n'aurait été pris à cette époque, sur base d’un avis rendu par la Commission consultative en date du 2 juillet 2021.
En droit, s’agissant de la décision du ministre de statuer sur sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, le demandeur fait valoir que le ministre aurait, à tort, décidé de recourir à cette procédure. A l’appui de son argumentation, il cite in extenso l’article 27, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015 ainsi qu’un jugement du tribunal administratif du 7 octobre 2024, inscrit au numéro 50704 du rôle.
Il soutient que son pays d’origine, qualifié de sûr au sens de l’article 27, paragraphe (1), point (b) de la loi du 18 décembre 2015, aurait été connu du ministère dès l’enregistrement de sa demande de protection internationale. Par conséquent, il estime que rien ne justifierait le recours à la procédure accélérée 22 mois après l’enregistrement de sa demande et 15 mois après la tenue de son entretien. Dès lors, il soutient que le ministre aurait procédé à un détournement de la procédure accélérée, le privant ainsi de ses droits de la défense.
Le demandeur invoque également l’article 27, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 afin de faire valoir que le recours à la procédure accélérée ne constituerait qu’une simple faculté laissée par le législateur au ministre. Il soutient en outre que ce pouvoir discrétionnaire demeurerait soumis au contrôle du juge administratif.
Il fait valoir qu’il encourrait une menace pour sa vie en cas de retour dans son pays d’origine. Il donne à considérer que le ministre ne contesterait pas la réalité de ces « événements » et que ceux-ci auraient conduit d’autres membres de sa famille à obtenir une protection subsidiaire dans un autre Etat membre de l’Union européenne.
Se prévalant de l’article 30, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, le demandeur soutient que la notion de pays d’origine sûr instituerait une présomption simple selon laquelle un demandeur n’encourrait pas de risque de persécution dans son pays d’origine, présomption qui pourrait être renversée. A cet égard, il fait valoir que les faits invoqués à la base de sa demande de protection internationale seraient de nature à renverser cette présomption simple.
S’agissant de la décision ministérielle de refus de lui octroyer le statut de réfugié, le demandeur affirme, en premier lieu, après avoir cité l’article 1er de la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après désignée par « la Convention de Genève »), l’article 2 point f), ainsi que l’article 37, paragraphe (3), point c) de la loi du 18 décembre 2015, que, contrairement à ce que prétendrait le ministre, les craintes de persécutions qu’il aurait exprimées lors de sa première présentation, le 24 octobre 2022, seraient cohérentes avec celles formulées lors de son entretien du 4 septembre 2023. En outre, il fait valoir qu’il n'aurait eu qu’à peine 14 ans lorsqu’il se serait présenté seul, sans qu’aucun administrateur ad hoc n’ait été nommé, devant le ministère en date du 24 octobre 2022, de sorte que le ministre ne pourrait légitimement se prévaloir des déclarations faites ce jour-là.
Le demandeur fait valoir, en second lieu, l’existence de menaces qui pèseraient sur sa famille, et plus particulièrement sur les membres masculins, en raison d’une « vendetta », laquelle aurait pour origine un crime commis en 1997 par un oncle paternel.
A cet égard, le demandeur se réfère à l’article 1er de la Convention de Genève du 13 juillet 2016 afin de rappeler que la reconnaissance du statut de réfugié s’appliquerait à toute personne craignant de faire l’objet de persécutions.
Il soutient que le ministre, en tentant « en vain » de relever des incohérences dans son récit, aurait omis de prendre en considération l’ensemble de ses explications concernant le risque réel et sérieux de « vendettas » fondées sur la loi du Kanun, auquel il serait personnellement exposé. Il fait valoir que ce risque aurait, par ailleurs, été reconnu comme suffisamment grave par les autorités françaises, lesquelles auraient octroyé à sa cousine, Madame (E), le statut de la protection subsidiaire en France.
Le demandeur se réfère à un rapport de l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés du 13 juillet 2016 afin de soutenir que la pratique de la « vendetta » se serait à nouveau répandue en Albanie depuis les années 1990, et que, désormais, les enfants et les femmes ne seraient plus épargnés. Sur la base de ce même rapport, il soutient que les autorités albanaises ne seraient pas en mesure de protéger les victimes de « vendettas », respectivement qu’elles n’en auraient pas la réelle volonté.
Le demandeur rappelle les dispositions de la loi du Kanun, selon lesquelles la famille de la victime serait tenue d’exercer la « vendetta » sur le fils aîné de la famille du « criminel ».
Il précise qu’en l’espèce, il serait le fils du frère du « criminel » et que Monsieur (C) serait en Italie, de sorte que la « vendetta » serait susceptible d’être exercée sur lui.
Tout en soulignant encore que l’avocat de sa mère attesterait de la réalité des menaces pesant sur lui, le demandeur conclut, en se fondant sur l’article 41, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, qu’il serait particulièrement imprudent de qualifier le risque qu’il soit tué de purement hypothétique. Ce serait partant à tort que le ministre aurait retenu qu’il n’apporterait pas d’éléments pertinents de nature à établir qu’il existerait, dans son chef, des raisons sérieuses de croire qu’il aurait été persécuté, respectivement risquerait d’être persécuté en Albanie.
En ce qui concerne la décision ministérielle refusant de lui octroyer le statut conféré par la protection subsidiaire, le demandeur, après avoir cité l’article 2 point g) ainsi que l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015, fait valoir que sa vie serait en danger dans la mesure où il encourrait un risque d’assassinat par vengeance, alors qu’il serait totalement innocent et étranger aux faits reprochés à certains membres de sa famille paternelle. Il affirme, par ailleurs, qu’il ne disposerait d’aucune possibilité d’obtenir une protection adéquate de la part des autorités albanaises. Il en conclut que la décision déférée devrait être réformée et la protection subsidiaire lui être octroyée.
Le demandeur sollicite également la réformation de l’ordre de quitter le territoire, cette demande étant principalement fondée sur la réformation de la décision ministérielle rejetant sa demande de protection internationale.
Subsidiairement, le demandeur fait valoir que la décision déférée serait contraire à l’article 103 de la loi modifiée du 29 août 2008 relative la libre circulation des personnes et à l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 », en affirmant qu’un retour en Albanie serait contraire à son intérêt supérieur en tant que mineur non accompagné.
A l’appui de son argumentation, le demandeur soutient que l’article 34, paragraphe (2), alinéa 3 de la loi du 18 décembre 2015 rendrait explicitement applicable l’article 103 de la loi du 29 août 2008 à l’ordre de quitter le territoire.
Le demandeur fait valoir que son frère ainé, Monsieur (B), aurait introduit une demande de protection internationale en qualité de mineur non accompagné pour les mêmes motifs. Bien que cette demande ait été rejetée, le demandeur soutient que la Commission consultative aurait néanmoins estimé que l’intérêt supérieur de l’enfant justifiait son maintien sur le territoire luxembourgeois jusqu’à sa majorité, de sorte qu’aucun ordre de quitter le territoire n’aurait été pris à l’encontre de Monsieur (B). Le demandeur reproche, dès lors, au ministre un « volte-
face » « incompréhensible » dans le traitement différencié réservé à sa situation par rapport à celle de son frère aîné. Il invoque le principe de confiance légitime et soutient que l’administration n’aurait pas démontré l’existence d’une différence substantielle dans leurs situations familiales ou dans leurs conditions matérielles qui pourrait justifier une différence de traitement.
Il soutient que l’avis de la Commission consultative serait fondé sur une appréciation subjective et « parcellaire » des éléments du dossier. Il souligne que la Commission consultative aurait conclu à l’absence de danger concret le concernant, alors qu’il ne lui incomberait en aucune manière de procéder à une telle appréciation, laquelle préjugerait de la décision du ministre, d’une part, et contredirait, d’autre part, les informations recueillies par l’Organisation internationale pour les migrations, ci-après désignée « l’OIM ».
Le demandeur en déduit que l’ordre de quitter le territoire pris à son encontre serait contraire à son intérêt supérieur. En conséquence, il conclut que la décision déférée du 19 décembre 2024 devrait être réformée, y compris en ce qui concerne l’ordre de quitter le territoire.
Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours, pris en son triple volet en reprenant en substance les motifs de refus à la base des décisions déférées.
Appréciation du tribunal Le tribunal n’est pas tenu de suivre l’ordre dans lequel les moyens sont présentés par le demandeur mais, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, sinon de la logique inhérente aux éléments de fait et de droit touchés par les moyens soulevés, peut les traiter suivant un ordre différent1.
Concernant le recours contentieux contre une décision du ministre de statuer sur une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, de rejeter la demande de protection internationale et de prononcer un ordre de quitter le territoire, il ressort de l’alinéa 2 de l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, aux termes duquel « Si le président de chambre ou le juge qui le remplace estime que le recours est manifestement infondé, il déboute le demandeur de sa demande de protection internationale. Si, par contre, il estime que le recours n’est pas manifestement infondé, il renvoie l’affaire devant le tribunal administratif pour y statuer », qu’il appartient au magistrat, siégeant en tant que juge unique, d’apprécier si le recours est manifestement infondé. Dans la négative, le recours est renvoyé devant le tribunal administratif siégeant en composition collégiale pour y statuer.
À défaut de définition contenue dans la loi du 18 décembre 2015 de ce qu’il convient d’entendre par un recours « manifestement infondé », il appartient au magistrat, siégeant en tant que juge unique, de définir cette notion et de déterminer, en conséquence, la portée de sa propre analyse.
Il convient de prime abord de relever que l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015 dispose que l’affaire est renvoyée ou non devant le tribunal administratif selon que le recours est ou n’est pas manifestement infondé, de sorte que la notion de « manifestement infondé » est à apprécier par rapport aux moyens présentés à l’appui du recours contentieux, englobant toutefois nécessairement le récit du demandeur tel qu’il a été présenté 1 Trib. adm. 21 novembre 2001, n° 12921 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n° 528 et les autres références y citées.
à l’appui de sa demande et consigné dans le cadre de son rapport d’audition.
Le recours est à qualifier de « manifestement infondé » si le rejet des différents moyens invoqués s’impose de manière évidente, en d’autres termes, si les critiques soulevées par le demandeur à l’encontre des décisions déférées sont visiblement dénuées de tout fondement.
Dans cet ordre d’idées, il convient d’ajouter que la conclusion selon laquelle le recours ne serait pas manifestement infondé n’implique pas pour autant qu’il soit nécessairement fondé.
En effet, dans une telle hypothèse, aux termes de l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, seul un renvoi du recours devant une composition collégiale du tribunal administratif sera réalisé pour qu’il soit statué sur le fond dudit recours.
1) Quant au recours tendant à la réformation de la décision du ministre de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée S’agissant d’abord du moyen du demandeur ayant trait à une violation de l’article 27, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, il sied de rappeler que ledit article dispose que :
« Le ministre prend sa décision au plus tard dans un délai de deux mois à partir du jour où il apparaît que le demandeur tombe sous un des cas prévus au paragraphe (1) qui précède. Sans préjudice des délais prévus à l’article 26, ce délai peut être dépassé lorsque cela est nécessaire pour assurer un examen approprié et exhaustif de la demande de protection internationale. ».
Il résulte de la disposition légale qui précède que le délai imparti au ministre pour prendre une décision dans le cadre d’une procédure accélérée est a priori de deux mois à compter du jour où il devient manifeste qu’un demandeur de protection internationale tombe dans un des cas prévus à l’article 27, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015.
En l’espèce, il est constant en cause que la demande de protection internationale de Monsieur (A) a été introduite en date du 15 février 2023, qu’il a fait l’objet d’un entretien en date du 4 septembre 2023 et qu’une décision n’a été prise à son encontre qu’en date du 19 décembre 2024.
Il échet, à cet égard, de relever que le délai de deux mois tel que prévu à l’article 27, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015 commence à courir à partir du moment où le ministre dispose de la globalité des motifs invoqués par un demandeur de protection internationale, c’est-à-dire à la fin de l’entretien, respectivement de la relecture de l’entretien de celui-ci, étant précisé que pour savoir si un demandeur de protection internationale tombe dans l’un de ces cas de figure prévus à l’article 27, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, il est nécessaire d’avoir connaissance de l’ensemble des éléments à la base de la demande de celui-ci. Ce n’est que lors de l’entretien auprès du ministère, tel que prévu à l’article 13 de la loi du 18 décembre 2015, que le demandeur de protection internationale a la possibilité et même l’obligation d’exposer l’ensemble des faits à la base de sa demande2, étant rappelé que le service de police judiciaire se limite d’après l’article 6 de la même loi à procéder à toute vérification de l’identité et de l’itinéraire d’un demandeur de protection internationale.
En l’espèce, il ressort du dossier administratif que, bien que l’entretien de Monsieur (A) au sujet des motifs à l’appui de sa demande de protection internationale ait eu lieu le 4 septembre 2023, la clôture de la phase d’instruction de ladite demande n’est intervenue qu’à 2 Trib. adm., 18 juin 2014, n° 34405 du rôle, disponible sous www.ja.etat.lu.
l’issue de plusieurs démarches complémentaires postérieures à cet entretien. En effet, il appert du même dossier qu’une demande de « Family tracing » a été adressée à l’OIM le 17 juin 2024, suivie de la transmission du document intitulé « Questionnaire and Guidance for family-
assessment to UAM’s in Luxembourg » en date du 21 juin 2024. Par ailleurs, la Commission consultative a été saisie le 26 septembre 2024 et elle a rendu son avis le 25 octobre 2024. Force est de constater que ces démarches, réalisées postérieurement à l’entretien de Monsieur (A) en date du 4 septembre 2023, avaient pour seule finalité de compléter l’instruction de sa demande de protection internationale. Par conséquent, le ministre soutient, à juste titre, qu’il ne pouvait statuer sur le fond de la demande de protection internationale litigieuse avant d’avoir pris connaissance de l’ensemble des motifs et explications recueillis, notamment, et en dernier lieu, l’avis émis par la Commission consultative le 25 octobre 2024, afin de se prononcer sur l’applicabilité des dispositions prévues à l’article 27, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015.
Il s’ensuit que le 25 octobre 2024 est à considérer comme le point de départ du délai de deux mois tel que prévu à l’article 27, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, de sorte que le délai imparti au ministre pour prendre une décision dans le cadre de l’article 27 de la loi du 18 décembre 2015 a expiré le 25 décembre 2024, c’est-à-dire postérieurement à la prise de la décision déférée du 19 décembre 2024.
Force est, par ailleurs, de constater qu’il ne se dégage ni des travaux parlementaires relatifs à la loi du 18 décembre 2015 ni de la loi elle-même que le législateur ait entendu conférer un caractère contraignant au délai de 2 mois fixé à l’article 27, paragraphe (2), précité, de la loi du 18 décembre 2015, de sorte que dans la mesure où ledit délai n’est, de surcroît, pas non plus assorti d’une sanction en cas de non-respect par le ministre, ce délai est à qualifier de délai d’ordre et non pas de délai de rigueur.
Il s’ensuit que le moyen relatif à un dépassement du délai de 2 mois prévu à l’article 27, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015 est à rejeter pour être manifestement infondé.
En ce qui concerne ensuite le moyen soulevé par le demandeur relatif, en substance, au renversement de la présomption légale prévue à l’article 30, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, suivant laquelle l’Albanie serait un pays d’origine sûr, il convient de noter que, dans la mesure où Monsieur (A) est mineur, ce sont les dispositions du point a) de l’article 21, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, qui sont pertinentes, aux termes desquelles : « Compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant, le mineur non accompagné n’est soumis à une procédure accélérée conformément à l’article 27, que : a) s’il est originaire d’un pays qui satisfait aux critères requis pour être considéré comme un pays d’origine sûr au sens de l’article 30 [de la loi du 18 décembre 2015] […] ».
Il s’ensuit qu’aux termes de l’article 21, paragraphe (1), point a) de la loi du 18 décembre 2015, le ministre peut statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale introduite par un mineur non accompagné par voie de procédure accélérée, si le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 30 de la même loi.
A cet égard, il convient de rappeler qu’un pays est à considérer comme sûr au sens de l’article 30 de la loi du 18 décembre 2015 dans les conditions suivantes : « (1) Un pays tiers désigné comme pays d’origine sûr conformément au paragraphe (2) ne peut être considéré comme tel pour un demandeur déterminé, après examen individuel de la demande introduite par cette personne que si le demandeur est ressortissant dudit pays ou si l’intéressé est apatride et s’il s’agit de son ancien pays de résidence habituelle, et si ce demandeur n’a pas fait valoir de raisons sérieuses permettant de penser qu’il ne s’agit pas d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle, compte tenu des conditions requises pour prétendre au statut de bénéficiaire d’une protection internationale.
(2) Un règlement grand-ducal désigne un pays comme pays d’origine sûr s’il est établi qu’il n’y existe généralement et de façon constante pas de persécution au sens de la Convention de Genève en s’appuyant sur un éventail de sources d’information, y compris notamment des informations émanant d’autres Etats membres du BEAA, du HCR, du Conseil de l’Europe et d’autres organisations internationales compétentes.
Les critères suivants seront pris en considération pour la désignation d’un pays comme pays d’origine sûr :
a) l’observation des droits et libertés prévus par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le Pacte international des droits civils et politiques ou la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ;
b) le respect du principe de non-refoulement prévu par la Convention de Genève ;
c) la prévision d’un système de recours efficace contre les violations de ces droits et libertés.
La situation dans les pays tiers désignés comme pays d’origine sûrs conformément au présent paragraphe est régulièrement examinée par le ministre ».
Il est constant en cause que le règlement grand-ducal modifié du 21 décembre 2007 a désigné l’Albanie comme pays d’origine sûr, pays dont le demandeur a la nationalité.
Au vu du libellé de l’article 30, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, le fait qu’un règlement grand-ducal désigne un pays comme sûr n’est cependant pas suffisant pour justifier à lui seul le recours à une procédure accélérée, étant donné que cette disposition oblige le ministre, nonobstant le fait qu’un pays ait été désigné comme pays d’origine sûr par règlement grand-ducal, à procéder, avant de pouvoir conclure que le demandeur provient d’un pays d’origine sûr, à un examen individuel de sa demande de protection internationale, et qu’il incombe par ailleurs au ministre d’évaluer si le demandeur ne lui a pas soumis des raisons sérieuses permettant de penser qu’il ne s’agit pas, dans son chef, d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle et cela compte tenu des conditions requises pour prétendre à une protection internationale.
A cet égard, force est au tribunal de relever, de prime abord, qu’il n’est pas établi en l’espèce que les menaces invoquées par le demandeur à l’appui de sa demande de protection internationale s’inscrivent dans le cadre de la loi du Kanun. En effet, lors de son entretien auprès du ministère, en date du 4 septembre 2023, le demandeur a indiqué qu’il ne se souvient pas avoir personnellement fait l’objet d’une quelconque menace ni avoir été confronté à un problème concret en Albanie avant son départ3. Il se contente d’affirmer de manière vague et générale que sa mère aurait été menacée4, sans toutefois être en mesure de clarifier de manière 3 Page 19 du rapport d’entretien du 4 octobre 2023 : « Est-ce que tu étais confronté à un problème concret jusqu’à ton départ avec cette famille ? [famille victime des actes qui auraient été perpétrés par son oncle] Est-ce qu’il t’est arrivé quelque chose ? Non, je ne me rappelle pas. Je ne sortais pas. ».
4 Page 17 du rapport d’entretien du 4 octobre 2023 : « Est-ce que tu as eu un problème concret en Albanie ? Un problème personnel. Ma mère a été menacée. Chez nous, la loi dit qu’on ne touche pas aux femmes. ».
circonstanciée ses allégations. Le demandeur a notamment déclaré ignorer à quel moment ces menaces auraient eu lieu et n’a pas précisé leur fréquence approximative5. Dès lors, les craintes exprimées par le demandeur de faire l’objet d’une « vendetta » sur la base de la loi du Kanun reposent exclusivement, tel que relevé à juste titre par la partie étatique, sur les affirmations de sa mère, et demeurent, par conséquent, purement hypothétiques.
Cette conclusion n’est pas contredite par les développements du demandeur selon lesquels sa cousine aurait obtenu la protection subsidiaire en France, alors que le tribunal a retenu dans son jugement du 19 octobre 2021, inscrit sous le numéro 46468 du rôle, qu’il ressortait du courrier de la concernée, tel que versé en cause par le demandeur à nouveau dans le cadre du recours sous analyse, que celle-ci avait quitté l’Albanie non pas en raison de craintes de vengeance de la part de la famille victime des actes qui auraient été commis par son père, mais en raison de violences domestiques qu’elle aurait subies de la part de son ex-époux qu’elle aurait été forcée d’épouser. A défaut d’explications complémentaires à cet égard soumises par le demandeur au tribunal dans le cadre du recours sous examen, le tribunal retient qu’il n’y a pas lieu de se départir de la conclusion retenue dans son jugement précité du 19 octobre 2021.
Par ailleurs, et même à supposer que les menaces dont fait état le demandeur ont comme toile de fond une « vendetta » basée sur la loi du Kanun, il échet de relèver que pour l’examen de la question de savoir si un pays est à considérer comme pays d’origine sûr pour un demandeur compte tenu de sa situation personnelle, s’il fait, comme en l’espèce, état de faits subis par des personnes non étatiques, seule la condition, commune au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire, tenant à l’absence de protection dans le pays d’origine au sens de l’article 396 de la loi du 18 décembre 2015 et de l’article 407 de la même loi est susceptible d’être pertinente, de sorte que l’examen de la situation individuelle doit être fait par rapport aux moyens présentés par le demandeur tendant à établir que cette condition requise pour prétendre à une protection internationale est remplie dans son chef.
Il convient, en effet, de rappeler que l’une des conditions d’octroi d’une protection internationale est celle de la preuve, à fournir par le demandeur, que les autorités de son pays d’origine ne sont pas capables ou disposées à lui fournir une protection suffisante, puisque 5 Page 18 du rapport d’entretien du 4 octobre 2023: « Tu as dit que ta mère a été menacée. Qu’est-ce qu’il s’est passé ? Ma mère m’a juste dit qu’elle a été menacée. […] Est-ce que ces menaces se sont produites une fois ou plusieurs fois ? Plusieurs fois. La dernière fois, quand était-ce ? Il y a 2 ans. Moi, je ne sais pas. Je pense.».
6 « Les acteurs des persécutions ou des atteintes graves peuvent être :
a) l’Etat ;
b) des partis ou des organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;
c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou les atteintes graves. ».
7 « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par :
a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.
(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection.
(3) Lorsqu’il détermine si une organisation internationale contrôle un Etat ou une partie importante de son territoire et si elle fournit une protection au sens du paragraphe (2), le ministre tient compte des orientations éventuellement données par les actes du Conseil de l’Union européenne en la matière. ».
chaque fois que la personne concernée est admise à bénéficier de la protection du pays dont elle a la nationalité, et qu’elle n’a aucune raison, fondée sur une crainte justifiée, de refuser cette protection, l’intéressé n’a pas besoin de la protection internationale.
Il y a partant lieu d’analyser si le demandeur a soumis, conformément à l’article 30, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, des raisons sérieuses permettant de penser que l’Albanie n’est pas un pays sûr compte tenu de sa situation personnelle.
En l’espèce, force est de constater que l’analyse de la situation décrite par le demandeur lors de son audition ainsi qu’au cours de la présente instance, ne permet cependant d’en dégager des éléments convaincants pour renverser la présomption se dégageant de l’inscription de son pays d’origine sur la liste des pays sûrs et pour pouvoir conclure en conséquence à l’illégalité de la décision déférée.
En effet, pour qu’un défaut de protection au pays d’origine puisse être retenu, il faut en toute hypothèse, que l’intéressé ait tenté d’obtenir cette protection pour autant qu’une telle tentative paraisse raisonnable en raison du contexte. Cette position extensive se justifie au regard de l’aspect protectionnel du droit international des réfugiés qui consiste à substituer une protection internationale là où celle de l’Etat fait défaut.
L’essentiel est, en effet, d’examiner si la personne peut être protégée compte tenu de son profil dans le contexte qu’elle décrit. C’est l’absence de protection qui est décisive, quelle que soit la source de la persécution ou de l’atteinte grave infligée.
Il y a encore lieu de souligner qu’une protection n’est considérée comme suffisante que si les autorités ont mis en place une structure policière et judiciaire capable et disposée à déceler, à poursuivre et à sanctionner les actes constituant une persécution ou atteinte grave et lorsque le demandeur a accès à cette protection, la disponibilité d’une protection nationale exigeant par conséquent un examen de l’effectivité, de l’accessibilité et de l’adéquation d’une protection disponible dans le pays d’origine même si une plainte a pu être enregistrée, - ce qui inclut notamment la volonté et la capacité de la police, des tribunaux et des autres autorités du pays d’origine, à identifier, à poursuivre et à punir ceux qui sont à l’origine des persécutions ou atteintes graves - cette exigence n’impose toutefois pour autant pas un taux de résolution et de sanction des infractions de l’ordre de 100 %, taux qui n’est pas non plus atteint dans les pays dotés de structures policière et judiciaire les plus efficaces, ni qu’elle n’impose nécessairement l’existence de structures et de moyens policiers et judiciaires identiques à ceux des pays occidentaux.
En effet, la notion de protection de la part du pays d’origine n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tout acte de violence, mais suppose des démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d’une efficacité suffisante pour maintenir un certain niveau de dissuasion.
A cet égard, il convient encore de souligner l’importance de rechercher la protection des autorités du pays d’origine puisqu’à défaut d’avoir au moins tenté de solliciter une forme quelconque d’aide, un demandeur de protection internationale ne saurait reprocher aux autorités étatiques une inaction volontaire ou un refus de l’aider.
En effet, si le dépôt d’une plainte n’est certes pas une condition légale, un demandeur de protection internationale ne saurait cependant, in abstracto, conclure à l’absence de protection s’il n’a lui-même pas tenté formellement d’obtenir une telle protection : or, une telle demande de protection adressée aux autorités policières et judiciaires prend, en présence de maltraitances physiques et morales, communément la forme d’une plainte.
En l’espèce, force est toutefois de constater qu’il n’est pas contesté en cause que le demandeur n’a jamais personnellement recherché l’aide de la police ou d’une autre autorité locale en relation avec les représailles qu’il craint subir de la part des membres de la famille victime des actes qui auraient été perpétrés par son oncle.
Or, à défaut d’avoir recherché la protection des autorités de son pays d’origine, le demandeur n’est pas fondé à soutenir que les autorités albanaises ne seraient pas disposées ou ne pourraient pas lui accorder une protection adéquate.
En ce qui concerne ensuite l’affirmation du demandeur que la loi coutumière du Kanun occuperait toujours une place importante en Albanie, remettant ainsi en question l’efficacité du système policier et judiciaire albanais, il sied de relever qu’outre le fait que cette affirmation n’est sous-tendue par aucun élément concret de son vécu personnel, elle est, par ailleurs, infirmée par les explications fournies par la partie étatique.
En effet, et tel que relevé par la partie étatique, les actes commis dans le cadre d’une « vendetta » basée sur la loi du Kanun constituent des infractions de droit commun, réprimées par le Code pénal albanais, prévoyant en son article 78 (a) que « Murder committed due blood feud shall be punishable to not less than 30 years of life imprisonment ».
Par ailleurs, il ressort des explications circonstanciées de la partie étatique, sources internationales à l’appui, que la police albanaise intervient « in blood feud situations », en assurant une protection effective aux familles concernées « […] Local police officers are tasked to stay near the affected families and to stay in contact with them. […] « all the affected families know neigbourhood police officers. They have their phone numbers and general emergency numbers » »8, et en encourageant les personnes en question à dénoncer les actes se situant dans le cadre d’une « vendetta ». Il ressort encore des documents invoqués par la partie étatique que « […] the authorities are nowadays closely monotoring the known cases of contemporary blood feuds and that de phenomenon is largely under control […] et que « a lot of people have been arrested after the amendments in the penal code and that judges do not have an alternative anymore but to give the proscribed, fixed penalty»9, de sorte qu’en l’absence d’éléments permettant de retenir le contraire fournis par le demandeur, le bon fonctionnement du système policier et judicaire albanais ne saurait être remis en cause en l’espèce.
Il y a encore lieu de relever que les allégations du demandeur s’appuient exclusivement sur un rapport de l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR) du 13 juillet 2016 relatif à la situation en Albanie en 2016, soit sur un document datant de neuf ans. Eu égard à l’écart temporel significatif, le soussigné estime que ce document ne saurait être considéré comme 8https://www.cgra.be/sites/default/files/rapporten/blood_feuds_in_contemporary_albania._characterisation_prev alence_and_response_by_the_state.pdf.
prevalence-and-response-by-the-state.pdf.
une source établissant de manière fiable la situation actuelle en Albanie en ce qui concerne la lutte contre la « vendetta », la corruption ou encore le fonctionnement du système judiciaire.
Dès lors, le demandeur n’est manifestement pas fondé à soutenir qu’il n’aurait eu aucune possibilité de requérir une aide contre les difficultés qu’il craint rencontrer dans son pays d’origine, et que de la sorte l’Albanie ne serait pas à considérer comme pays d’origine sûr compte tenu de sa situation particulière.
Il suit des considérations qui précèdent que le recours du demandeur, dans la mesure où il tend à la réformation de la décision du ministre d’analyser sa demande d’octroi d’une protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, est manifestement infondé, en ce sens que les moyens qu’il a présentés pour établir que l’Albanie ne serait pas à considérer comme pays sûr dans son chef sont visiblement dénués de tout fondement.
Il s’ensuit que le recours principal en réformation contre la décision du ministre de statuer dans le cadre d’une procédure accélérée est à rejeter comme étant manifestement non fondé.
2) Quant au recours tendant à la réformation de la décision du ministre portant refus d’une protection internationale Le soussigné relève qu’aux termes de l’article 2, point h) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.
La notion de « réfugié » est définie par l’article 2, point f) de ladite loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner, et qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 45 ».
L’octroi du statut de réfugié est notamment soumis à la triple condition que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40 précités de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles ne sont à qualifier comme acteurs que dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 40 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.
S’agissant du statut conféré par la protection subsidiaire, aux termes de l’article 2, point g) de la loi du 18 décembre 2015, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays », l’article 48 de la même loi énumérant, en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution ; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».
Il suit de ces dispositions, ensemble celles des articles 39 et 40 de la même loi cités ci-avant, que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 48, précité, de la loi du 18 décembre 2015, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c), précités, de l’article 48, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi.
Les conditions d’octroi du statut de réfugié, respectivement de celui conféré par la protection subsidiaire devant être réunies cumulativement, le fait que l’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié, respectivement de la protection subsidiaire.
Force est de constater que la condition commune au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire est la preuve, à rapporter par le demandeur, que les autorités de son pays d’origine ne sont pas capables ou ne sont pas disposées à lui fournir une protection.
Or, le soussigné vient ci-avant de retenir, dans le cadre de l’analyse de la décision ministérielle de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, qu’il n’est manifestement pas établi en l’espèce que les autorités albanaises seraient dans l’impossibilité ou ne voudraient pas fournir au demandeur une protection appropriée par rapport aux agissements qu’il craint recevoir de la part des membres de la famille victime des actes qui auraient été perpétrés par son oncle. Dès lors, dans la mesure où, dans le cadre du recours sous examen, le tribunal ne s’est pas vu soumettre d’éléments permettant d’énerver cette conclusion, les agissements en question ne sauraient manifestement justifier ni l’octroi du statut de réfugié, ni l’octroi de la protection subsidiaire.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours formé à l’encontre de la décision de rejet de la demande de protection internationale est à déclarer manifestement infondé.
3) Quant au recours visant la décision ministérielle portant ordre de quitter le territoire A titre liminaire, le soussigné relève qu’il n’est saisi, dans le cadre du recours sous analyse, que de la décision ministérielle du 19 décembre 2024, et non point de l’avis de la Commission consultative du 25 octobre 2024, de sorte que les arguments avancés par le demandeur quant au bien-fondé dudit avis doivent être écartés pour défaut de pertinence.
Il convient de relever qu’aux termes de l’article 34, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, « une décision du ministre vaut décision de retour. […] ». En vertu de l’article 2 q) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ». Si, en principe, conformément aux dispositions qui précèdent l’ordre de quitter le territoire est la conséquence automatique du refus de protection internationale, l’article 103 de la loi du 29 août 2008 prévoit toutefois une exception s’agissant des mineurs non accompagnés, dans la mesure où il dispose qu’ « aucune décision de retour ne peut être prise contre un mineur non accompagné d’un représentant légal, à l’exception de celle qui se fonde sur des motifs graves de sécurité publique, sauf si l’éloignement est nécessaire dans son intérêt […] ».
S’il est vrai qu’étant donné qu’il vient d’être retenu ci-avant que c’est à bon droit que le ministre a refusé d’accorder au demandeur l’un des statuts conférés par la protection internationale, il y aurait lieu d’en conclure qu’en principe le demandeur ne risquerait pas d’être exposé à des persécutions ou à des atteintes graves au sens de la loi du 18 décembre 2015 en cas de retour dans son pays d’origine, il n’en demeure pas moins que du fait que le demandeur est un mineur non accompagné à la date de ce jour, une décision de retour ne peut être légalement prise à son encontre, sur base de l’article 103 de la loi du 29 août 2008, qu’au cas où son éloignement serait dans son intérêt.
En l’espèce, le ministre, s’appuyant sur l’avis de la Commission consultative du 25 octobre 2024, lequel indique que « […] (A) vivait dans de bonnes conditions en Albanie à savoir dans une maison unifamiliale équipée située à côté de celle de ses grands-parents, qu’il n’existe pas de danger concret pour lui dans son pays d’origine, et qu’il dispose d’un environnement familial aimant, sa mère et lui étant en contact régulier et entretenant de très bonnes relations […] », a estimé qu’il serait dans l’intérêt supérieur du demandeur de retourner en Albanie.
Or, force est au soussigné de relever qu’il résulte des pièces versées en cause par le demandeur, notamment du rapport établi par la Fondation Maison de la Porte Ouverte en date du 22 octobre 2024, ainsi que des attestations émises par son professeur de français en date du 16 octobre 2024 et par son employeur le 23 octobre 2024, que l’intéressé présente un parcours exemplaire, marqué par son sérieux, son engagement et sa bonne intégration dans la société luxembourgeoise, de sorte que la question de savoir s’il est vraiment dans l’intérêt supérieur du demandeur de retourner dans son pays d’origine mérite une discussion approfondie par la composition collégiale du tribunal, dépassant la compétence du soussigné, et ce, en application de l’article 35, paragraphe (2), deuxième alinéa de la loi du 18 décembre 2015, étant donné que du fait qu’une appréciation approfondie doit être effectuée par rapport aux faits et arguments ainsi développés par le demandeur, le recours ne peut pas être considéré comme étant manifestement infondé à cet égard.
Il résulte de l’ensemble des développements qui précèdent que le recours sous examen, en ce qu’il vise l’ordre de quitter le territoire prononcé à l’égard du demandeur ne peut être considéré comme étant manifestement infondé, de sorte qu’il y a lieu de renvoyer l’affaire en ce qui concerne ce volet de la décision devant une chambre collégiale du tribunal administratif pour y statuer.
Par ces motifs, le juge, siégeant en remplacement du premier vice-président présidant la cinquième chambre du tribunal administratif, statuant contradictoirement ;
reçoit en la forme les recours en réformation introduits contre la décision ministérielle du 19 décembre 2024 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, contre celle portant refus d’octroi d’un statut de protection internationale et contre l’ordre de quitter le territoire ;
au fond, déclare le recours en réformation dirigé contre ces deux premières décisions manifestement infondé et en déboute ;
déboute le demandeur de sa demande de protection internationale ;
quant à la troisième décision, portant ordre de quitter le territoire, dit que le recours, en ce qu’il est dirigé contre ce volet de la décision, n’est pas manifestement infondé et renvoie l’affaire à la cinquième chambre du tribunal administratif pour y statuer et le fixe pour plaidoiries à l’audience publique de ladite chambre du 12 mars 2025 ;
donne acte au demandeur de ce qu’il déclare bénéficier de l’assistance judiciaire ;
réserve les frais.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 31 janvier 2025 par le soussigné, Nicolas GRIEHSER SCHWERZSTEIN, juge, siégeant en remplacement du premier vice-président présidant la cinquième chambre du tribunal administratif, en présence du greffier Lejila ADROVIC.
s.Lejila ADROVIC s.Nicolas GRIEHSER SCHWERZSTEIN Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 31 janvier 2025 Le greffier du tribunal administratif 24