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24/05/2023 | LUXEMBOURG | N°45624

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 24 mai 2023, 45624


Tribunal administratif N° 45624 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:45624 3e chambre Inscrit le 8 février 2021 Audience publique du 24 mai 2023 Recours formé par la société à responsabilité limitée “A” SARL, …, contre deux bulletins émis par l’administration des Contributions directes, en matière d’impôt

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 45624 du rôle et déposée le 8 février 2021 au greffe du tribunal administratif par Maître Nic

olas THIELTGEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom d...

Tribunal administratif N° 45624 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:45624 3e chambre Inscrit le 8 février 2021 Audience publique du 24 mai 2023 Recours formé par la société à responsabilité limitée “A” SARL, …, contre deux bulletins émis par l’administration des Contributions directes, en matière d’impôt

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 45624 du rôle et déposée le 8 février 2021 au greffe du tribunal administratif par Maître Nicolas THIELTGEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée “A” SARL, établie et ayant son siège social à L-…, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, représentée par son gérant actuellement en fonctions, tendant à la réformation du bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités pour l’année 2014, ainsi que du bulletin de l’impôt commercial communal de l’année 2014, tous les deux émis le 17 juillet 2019 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 10 mai 2021 ;

Vu le mémoire en réplique de Maître Nicolas THIELTGEN déposé au greffe du tribunal administratif en date du 10 juin 2021 au nom de la société à responsabilité limitée “A” SARL, préqualifiée ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les bulletins déférés ;

Le juge rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Nicolas ANTOINE, en remplacement de Maître Nicolas THIELTGEN, et Monsieur le délégué du gouvernement Tom KERSCHENMEYER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 10 janvier 2023.

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Après avoir déposé la déclaration d’impôt sur le revenu des collectivités et sur l’impôt commercial communal de l’année 2014, la société à responsabilité limitée “A” SARL, ci-après désignée par « la société “A” », se vit, en date du 28 mai 2019, adresser un courrier du bureau d’imposition Sociétés … de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par « le bureau d’imposition », l’informant, en exécution du paragraphe 205 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, telle que modifiée, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », qu’il a l’intention de refuser la déduction des honoraires de …,- euros payés par la concernée à la société de droit chypriote “B” et comptabilisés en tant que « autres honoraires », ainsi que la dotation de 1…,- euros à un fonds spécial tel que prévu à l’article 1er du règlement grand-ducal du 24 décembre 1988 portant exécution de l’article 46, alinéa 8 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, dénommée ci-après désignés respectivement par « LIR » et « le règlement grand-ducal du 24 décembre 1988 » en tant que dépense d’exploitation, tout en l’invitant de présenter ses objections éventuelles pour le 18 juin 2019.

Par courrier de son mandataire du 17 juin 2019, la société “A” fit introduire ses commentaires et objections tout en priant le bureau d’imposition de revoir sa position.

Le 17 juillet 2019 le bureau d’imposition émit les bulletins d’impôts de l’année 2014 à l’égard de la “A”, tout en précisant qu’il maintient sa position en ce qui concerne le refus de déduction des honoraires de …,- euros payés par la concernée à la société de droit chypriote “B”, ainsi que de la dotation de …,- euros à un fonds spécial.

Par courrier de son mandataire du 16 septembre 2019, la société “A” fit introduire une réclamation, devant le directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par « le directeur », contre les bulletins d’impôt prévisés émis le 17 juillet 2019.

Au vu du silence gardé par le directeur à la suite de cette réclamation, la société “A” a fait introduire, par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 8 février 2021, un recours en réformation à l’encontre du bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités et du bulletin de l’impôt commercial communal de l’année 2014.

En premier lieu il convient de relever, en ce qui concerne la demande de la société “A” de voir ordonner l’émission de bulletins rectificatifs pour l’année d’imposition 2014, que celle-ci est à rejeter alors que les juridictions administratives, même en statuant comme juge du fond, ne sont pas compétentes pour formuler des injonctions afférentes à l’encontre de l’administration.

Ensuite il y a lieu de rappeler que conformément aux dispositions combinées du paragraphe 228 AO et de l’article 8, paragraphe (3) point 3. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, dénommée ci-après « la loi du 7 novembre 1996 », le tribunal administratif est appelé à statuer comme juge du fond sur un recours introduit contre un bulletin de l’impôt sur le revenu, en cas de silence du directeur pendant plus de 6 mois suite à une réclamation y relative lui adressée dans les délais. Le tribunal est partant compétent pour connaître du recours en réformation tel qu’introduit par la société “A”, recours qui est encore recevable pour avoir été, par ailleurs, introduit dans les formes et délai de la loi.

Arguments des parties A l’appui de son recours et en fait la société “A” explique d’abord qu’elle aurait comme associés Monsieur … et la société de droit chypriote “D”, société dont Monsieur … serait également l’associé unique et donc son unique bénéficiaire effectif. En ce qui concerne son objet social, elle précise que celui-ci consisterait dans l’activité de conseil et d’intermédiation en matière commerciale et dans la consultance en général, les prestations de services en matière commerciale et financière. Par ailleurs, elle pourrait effectuer toutes opérations immobilières, 2mobilières, commerciales industrielles et financières, susceptibles de favoriser l’accomplissement ou le développement de ces activités.

Le 20 décembre 2012 elle aurait conclu un contrat à durée indéterminée de fournisseur de services indépendant avec la société anonyme “E” SA, ci-après désignée par « la société “E” », laquelle serait un acteur important dans le domaine du développement et de la promotion immobilière sur le marché luxembourgeois, contrat qui serait entré en vigueur le 1er octobre 2012.

A travers ce contrat elle se serait engagée, en tant que « Chief Financial Officer », de prester pour la société “E” « les services qui sont généralement exercés par des personnes dans des fonctions similaires et ce inclus la gestion des équipes de service à la clientèle, financières et comptables, la gestion des activités d’organisation et de restructuration éventuelle » et de fournir « les éléments rationnels et factuels permettant de motiver des décisions d’organisation et de structuration des activités de “E” ». Ce même contrat prévoirait une clause d’exclusivité limitée dans son chef d’après laquelle elle ne pourrait exercer les mêmes prestations pour d’autres sociétés, à l’exception de celles liées à “E” et à celles pour lesquelles cette dernière aura donné son agréation tacite ou formelle.

Cette clause d’exclusivité ne lui aurait toutefois pas interdit de se livrer à d’autres activités en rapport avec son objet social. Ainsi, elle aurait, en date du 1er mars 2013, conclu un contrat de services avec la société de droit chypriote “B”, contrat d’après lequel cette dernière se serait engagée à lui proposer des opportunités commerciales, et dès lors à jouer un rôle d’apporteur d’affaires et d’assurer ainsi le développement de ses investissements.

La demanderesse ajoute que cette collaboration aurait débuté fin mars 2013 au moment où “B” lui aurait proposé d’investir dans l’immobilier et plus particulièrement dans le secteur de l’hôtellerie. Elle précise encore que la société “B” aurait identifié une acquisition potentielle sur Bruxelles, à savoir un hôtel dénommé “F”, mais que la transaction en question n’aurait malheureusement pas pu avoir lieu.

Malgré cet échec, les deux sociétés auraient poursuivi leurs relations contractuelles et ce jusqu’au mois de décembre 2016.

En droit, la demanderesse reproche d’abord au bureau d’imposition d’avoir refusé la déduction des « autres honoraires » de …,- euros, comme dépense d’exploitation. A cet égard, et en se basant sur l’article 45 (1) LIR, elle fait valoir que pour qu’une charge soit déductible en tant que dépense d’exploitation, il serait nécessaire qu’il s’agisse d’une charge comptable venant diminuer le résultat de l’entreprise et que celle-ci trouve sa cause exclusive dans l’exploitation.

En ce qui concerne l’opportunité et l’importance d’une telle dépense, la demanderesse soutient qu’il serait de principe qu’il appartient au seul contribuable de déterminer si la dépense dont il demande la déduction est nécessaire à son exploitation, la concernée ajoutant que l’article 45 (1) LIR exigerait uniquement la preuve du lien entre l’activité de l’entreprise et la dépense engagée. Le fait que la dépense en question soit comptabilisée sous la dénomination « autres honoraires » à son bilan et qu’il s’agirait du montant le plus important dans son compte 3d’exploitation ne serait dès lors pas de nature à justifier sa requalification en dépense non-déductible.

En ce qui concerne le lien causal entre son activité et la dépense engagée, la demanderesse soutient qu’il ressortirait clairement d’un « grand ensemble d’éléments factuels et de pièces probantes » que la dépense litigieuse aurait exclusivement visé à développer son activité et devrait dès lors être qualifiée de dépense d’exploitation. Cet ensemble d’éléments factuels regrouperait notamment des réunions, des visites d’immeubles et la rédaction de documents dont des « business plans ». Ainsi, la société “B” lui aurait proposé, lors d’une réunion en date du 9 mai 2014, d’investir dans un immeuble destiné à la location touristique situé en France. Le 28 mai 2014, son gérant unique, Monsieur …, aurait visité divers biens dans la région où se serait situé l’immeuble en question afin d’évaluer si son prix est conforme au marché de l’immobilier et aurait, par la suite, confirmé l’intérêt de la demanderesse pour ce même immeuble. Le 2 juillet 2014, elle aurait demandé à la société “B” de recevoir une proposition de structure d’investissement ainsi qu’un « business plan » pour évaluer la rentabilité de cet investissement. Le 29 juillet 2014, la société “B” lui aurait proposé une première version du « business plan » sollicité et le 30 juillet 2014, elle lui aurait encore transmis une structure d’investissement élaborée en collaboration avec leur avocat. Lors d’une réunion ayant eu lieu le 19 septembre 2014, une nouvelle version d’un « business plan » lui aurait été proposée par la société “B” et l’opération en question aurait finalement été finalisée en décembre 2014.

La demanderesse en conclut que la société “B” aurait agi en tant qu’apporteur d’affaires à son égard en lui présentant une nouvelle opportunité afin de développer son activité immobilière et commerciale, prestations qui s’inscriraient parfaitement dans le cadre du contrat de service conclu le 1er mars 2013 entre ces deux sociétés. La rémunération payée à la société “B” serait donc à interpréter comme contrepartie des services et conseils fournis par cette dernière et constituerait de ce fait et conformément à la jurisprudence en la matière, une dépense d’exploitation. Cette dépense serait exclusivement liée à son activité, la demanderesse précisant encore que la société “B” ne se serait pas contentée de la mettre en relation avec des personnes désireuses de réaliser des opérations commerciales dans le secteur de l’immobilier, à savoir les vendeurs de l’immeuble situé en France, mais lui aurait également proposé un véritable plan d’investissement.

En ce qui concerne la réalité économique de l’opération sous-jacente à la dépense de …,-

euros, la demanderesse souligne que cette somme correspondrait à la rémunération annuelle due à la société “B” d’après le contrat de services conclu avec cette dernière. Elle ajoute que dans la mesure où elle tiendrait une comptabilité d’engagement, elle comptabiliserait les dettes nées indépendamment de leur date de paiement. Ainsi, le montant litigieux aurait été comptabilisé au poste de charge intitulé « autres honoraires » de l’année 2014, la demanderesse rappelant que ledit montant correspondrait à la facture n°… émise par “B” en date du 30 septembre 2014 d’un montant de …,- euros pour des prestations réalisées en 2014 relatives à l’« agreement for the provision of services » ainsi qu’à une autre facture n°… de …,- euros émise par la même société le 21 août 2015 pour les prestations réalisées en 2014 relatives à l’« agreement for the provision of services ». En application du principe de spécialité des exercices prévu aux articles 16 (1) et 17 (1) LIR, cette charge serait donc à imputer à l’exercice fiscal 2014 et ce à titre de dépense d’exploitation déductible.

4 La demanderesse fait encore valoir que le fisc resterait en défaut de justifier l’existence d’un abus de droit dans son chef. A cet égard, et après avoir rappelé la qualification légale d’un abus de droit, ainsi que les principes retenus par la jurisprudence en la matière, elle fait valoir qu’elle aurait fourni des explications précises, documentées par des pièces, quant à sa relation avec la société “B”, prouvant la réalité économique de l’opération justifiant la dépense de …,-

euros.

Elle ajoute qu’il n’existerait aucun élément susceptible de renverser la réalité économique des prestations de services et que la partie étatique resterait en défaut de justifier que la structure mise en place aurait effectivement été motivée par des considérations purement fiscales.

Au vu des considérations qui précèdent, la demanderesse conclut que le montant de …,-

euros comptabilisé en tant que « autres honoraires » serait à qualifier de dépense d’exploitation et devrait être déductible en tant que telle.

Finalement, et en ce qui concerne le refus du bureau d’imposition de déduire au titre de dépense d’exploitation des dotations faites au fond spécial, refus basé sur la conclusion que les conditions de l’article 2, point 3 du règlement grand-ducal du 24 décembre 1988 ne seraient pas réunies en l’espèce, la demanderesse, après avoir cité les articles 1er et 2 point 3 dudit règlement, rappelle qu’elle serait une société de capitaux, que ses associés seraient la société “D” et Monsieur …, que ce dernier serait également détenteur de 100% des parts sociales et du droit de vote de la société “D” et partant d’elle-même, ainsi que son gérant unique. Monsieur … aurait dès lors les pouvoirs les plus étendus pour faire tous les actes d’administration, de gestion et de disposition utiles dans l’accomplissement de son objet social et il serait son représentant légal, l’engageant par sa seule signature, de sorte qu’il interviendrait de manière prépondérante dans son fonctionnement et sa gestion journalière.

La demanderesse en conclut que, contrairement à l’appréciation du bureau d’imposition, les conditions de l’article 2, point 3 du règlement grand-ducal du 24 décembre 1988 seraient remplies en l’espèce, de sorte qu’il y aurait lieu de réformer les bulletins litigieux en ce sens que la dotation de …- euros serait à qualifier de dépense d’exploitation.

Le délégué du gouvernement, de son côté, conclut au rejet du recours pour ne pas être fondé.

A l’appui de ses conclusions, il fait d’abord valoir que, dès 2012, la demanderesse aurait tenté d’obtenir des avantages fiscaux indus. Ainsi, elle aurait, en date du 22 octobre 2012, introduit une demande de décision anticipée avec comme objet un « apport caché, estimé à 90% des bénéfices nets avant impôts » qui « sera déductible chaque année du revenu imposable à l’IRC et à l’ICC », le délégué du gouvernement expliquant que Monsieur … aurait, en date du 1er novembre 2012, apporté son savoir-faire en matière de consultance à la société “D” en vertu d’un « KNOW HOW LICENSE AGREEMENT » et que le même jour, un deuxième « KNOW HOW LICENSE AGREEMENT » aurait été conclu entre la demanderesse et la société “D” lequel aurait, quant à lui, prévu que cette dernière accorde une licence pour utiliser le savoir-faire sans contrepartie directe à la demanderesse. Par la suite, la société “A” aurait souhaité voir confirmer 5une exonération de 90% des revenus issus du savoir-faire de Monsieur …, ce qui n’aurait toutefois pas été accepté par le bureau d’imposition, lequel aurait informé la demanderesse, par courrier daté au 13 janvier 2014, que sa demande de décision anticipée serait refusée pour être « motivée principalement par des considérations fiscales ». La partie étatique ajoute que, dans la déclaration d’impôt de l’année 2012, la demanderesse aurait sollicité l’exonération partielle de 90 % du montant facturé à la société “E” pour diverses prestations de services et aurait ainsi tenté d’obtenir une requalification de 90 % des tantièmes versés à Monsieur … en tant qu’apport caché, de sorte que la retenue d’impôt y relative aurait été ramenée à 2%. Cette deuxième demande de décision anticipée n’aurait pas non plus été avalisée par le bureau d’imposition.

En ce qui concerne le montant de …,- euros pour lequel le bureau d’imposition a refusé la déduction en tant que dépense d’exploitation, le délégué du gouvernement donne d’abord à considérer qu’en date du 20 décembre 2012, la société “E”, représentée par Monsieur …, aurait conclu un « CONTRAT DE FOURNISSEUR DE SERVICES INDEPENDANT » avec la demanderesse, contrat envers lequel ladite société se serait engagée à payer annuellement des honoraires se chiffrant à …,- euros à la “A”, montant auquel s’ajouteraient encore …,- euros à partir du 1er juillet 2014. Il insiste ensuite sur les liens qui existeraient entre les deux sociétés en expliquant que Monsieur … aurait été employé jusqu’en septembre 2012 auprès de la société “E”, de sorte qu’il y aurait lieu d’admettre que celui-ci continuerait à exercer les mêmes fonctions pour compte de cette dernière, à la différence près qu’il agirait en tant qu’indépendant à travers la demanderesse et non plus en tant que salarié. Cette conclusion s’imposerait d’autant plus que le prédit contrat de services aurait été « mis en force à partir du 1er octobre 2012 », à savoir immédiatement après le départ du concerné de la société “E”, la partie étatique relevant encore que la demanderesse n’aurait été constituée qu’en date du 15 octobre 2012, de sorte qu’une « mis[e] en force à partir du 1er octobre 2012 » ne serait en principe pas concevable et notant que Monsieur … aurait été nommé administrateur de la société “E” en date du 13 avril 2012, et ce jusqu’à l’issue de l’assemblée générale de 2014.

Il rappelle ensuite que le 1er mars 2013, la demanderesse aurait conclu un contrat de services avec la société “B”, contrat d’après lequel la mission de cette dernière consisterait en l’apport d’affaires à la demanderesse, voire au développement des investissements de celle-ci. Le point 7 du même contrat de services fixerait une rémunération annuelle de …,- euros, laquelle devrait être payée au prorata dans l’hypothèse où les services ne couvriraient pas une année entière et devraient en principe être versés mensuellement. Le 30 septembre 2014, la société “B” aurait émis une facture à l’adresse de la demanderesse à hauteur de …,- euros, correspondant à la première moitié de l’année 2014, la partie étatique précisant encore qu’aucun extrait bancaire documentant le virement en question n’aurait été versé par la demanderesse, et que le 21 août 2015 une deuxième facture aurait été émise par la même société pour la deuxième moitié de l’année 2014, laquelle aurait été enregistrée comme « Dettes sur achats et prestations de services » dans les livres de la demanderesse au titre de l’année 2014.

Le délégué du gouvernement donne encore à considérer que dans sa requête introductive d’instance, la demanderesse aurait invoqué divers projets que la société “B” lui aurait proposé tels que le rachat d’un hôtel à Bruxelles ainsi qu’un immeuble destiné à la location touristique en France, tout en soulignant que si la concernée avait effectivement acquis une participation française, en l’occurrence la société à responsabilité limitée “C” SARL, ci-après désignée par 6« la société “C” », et ce à travers une société civile immobilière de droit français, cette participation figurerait au bilan de celle-ci pour un montant de …,- euros seulement. Il serait ainsi flagrant qu’une commission de …,- euros soit payée en contrepartie d’une opportunité immobilière de …,- euros, le délégué du gouvernement estimant que cette commission serait disproportionnée. Il relève encore qu’une dépréciation de ladite participation à hauteur de …,-

euros aurait été comptabilisée par la concernée en date du 31 décembre 2016, pour conclure que la réalité économique du contrat de services conclu entre la demanderesse et la société “B” serait fort douteuse.

Ensuite et après avoir rappelé les termes des articles 45, alinéa 1er LIR et 164, alinéa 3 LIR, le délégué du gouvernement fait valoir que la question pertinente en l’espèce serait celle de savoir si la commission facturée par la société “B” serait à qualifier de dépense d’exploitation ou bien d’abus de droit au sens du paragraphe 6 de la loi d’adaptation fiscale du 16 octobre 1934, dite « Steueranpassungsgesetz », en abrégé « StAnpG ».

A cet égard il soutient que s’il ressortait certes des pièces versées en cause que la demanderesse semblerait avoir noué des relations d’affaires avec la société “B” et que l’activité commerciale de cette dernière serait difficilement à réfuter, il serait néanmoins étonnant qu’un homme d’affaires expérimenté et doté d’un savoir-faire en matière de consultance et de gestion financière passe par une société de droit chypriote afin de trouver des possibilités d’investissement dans l’immobilier. Il serait encore plus surprenant qu’une rémunération de …,-

euros ait été fixée avant même toute prestation de services de la part de la société “B”. La partie étatique est ainsi d’avis que le recours aux services de la société “B” ne ferait aucun sens d’un point de vue économique et qu’il pourrait être valablement supposé que derrière cette société se cache Monsieur …, le délégué du gouvernement étant d’avis que la société “B” aurait été constituée dans le seul but de facturer des commissions à la demanderesse qui, une fois encaissées, seraient reversées à Monsieur … comme dividendes libres d’impôt.

Après avoir rappelé les quatre critères d’un abus de droit et cité le paragraphe 6 StAnpG, le délégué du gouvernement soutient que le premier critère d’un abus de droit, à savoir l’utilisation de formes et d’institutions de droit privé, serait bien rempli en l’espèce dans la mesure où il y aurait eu création d’une société chypriote et tentative de facturer des charges à une société luxembourgeoise afin de reverser ces revenus à une personne physique sans retenue d’impôt. En ce qui concerne le deuxième critère, à savoir la recherche d’une économie d’impôt consistant en un contournement ou une réduction de la charge d’impôt, celui-ci serait également rempli en l’espèce dans la mesure où une économie d’impôt pourrait être réalisée à l’aide de ladite construction artificielle.

Quant aux troisième et quatrième critères, à savoir l’usage d’une voie inadéquate et l’absence de motifs extra-fiscaux valables pour justifier la voie choisie, le délégué du gouvernement donne d’abord à considérer que les sociétés de droit chypriote bénéficieraient d’une fiscalité très avantageuse dans la mesure où leurs bénéfices ne seraient soumis qu’à une faible imposition, alors que les dividendes versés aux actionnaires non-résidents ne seraient pas taxés du tout. Il serait dès lors plus avantageux de se verser des dividendes par une société de droit chypriote que par une société luxembourgeoise.

7Il serait dès lors indispensable d’identifier le bénéficiaire économique de la société “B”.

A cet égard, il soutient qu’il se dégagerait d’un « CERTIFICATE OF INCORPORATION » que la société “B” aurait été constituée le 26 mai 2008 et référencée sous le n° … auprès du registre des sociétés chypriotes. Par ailleurs, il ressortirait des statuts de cette dernière que son capital se compose de … parts sociales et que les sociétés de droit chypriote “G” et “H” auraient souscrit à chaque fois … parts sociales. Il n’existerait toutefois aucune trace quant aux associés de ces deux sociétés et aucune autre information au sujet des administrateur(s) ou gérant(s) n’aurait été révélée dans le « MEMORANDUM AND ARTICLES OF ASSOCIATION OF “B” » fort de 38 pages, le délégué du gouvernement précisant encore que les statuts ne renseigneraient que de longs espaces en ce qui concerne les personnes disposant d’un droit de vote, de sorte qu’ils seraient à rejeter pour défaut de force probante.

Quant à l’attestation de Monsieur … dont se prévaut la demanderesse et d’après laquelle le bénéficiaire économique de la société “B” ne serait donc pas Monsieur …, mais bien Monsieur …, le délégué du gouvernement met en exergue qu’une recherche sur Internet aurait révélé que les parts sociales de la société “B” auraient été transférées le 12 avril 2012 et qu’un autre transfert de parts sociales aurait encore eu lieu en date du 27 mars 2017. Il s’ensuivrait que les dires de Monsieur … ne correspondraient pas à ce qui est renseigné au portail « opencorporates », le délégué du gouvernement notant encore que Monsieur … n’aurait d’ailleurs versé aucune preuve corroborant la réalité de ses affirmations, en l’occurrence des pièces documentant le fait qu’il serait le bénéficiaire économique unique de la société “B”.

La partie étatique note encore que les associés initiaux de la société “B” auraient été les sociétés de droit chypriote “G” et “H”, tandis que Monsieur … allèguerait, quant à lui, qu’il aurait été le bénéficiaire économique unique depuis la constitution de cette même société. Il s’ensuivrait que celui-ci devrait être l’associé unique de ces deux sociétés. Le délégué du gouvernement estime dès lors que l’identité du bénéficiaire économique de la société “B” ne serait pas claire, tout en précisant qu’il ressortirait du registre des sociétés chypriotes que le directeur de la société “B” serait Monsieur …, lequel serait également l’administrateur-délégué de la fiduciaire qui serait en charge de préparer les déclarations fiscales de la demanderesse, à savoir la société anonyme “I” SA. Il serait dès lors manifeste que Monsieur … figurerait comme homme de paille dans la structure mise en place par Monsieur … et que sa présence viserait à dissimuler le bénéficiaire économique réel de la société “B”.

Il y aurait dès lors lieu de noter que le seul motif valable pour justifier la voie choisie, à savoir le prétendu apport d’affaires de la part de la société “B”, n’aurait pas pu être réalisé faute de personnel employé par cette dernière afin de mener à bien ses activités, le délégué du gouvernement se référant à cet égard aux comptes annuels aux 31 décembre 2012, 2013 et 2014 de ladite société. La société “B” ne représenterait dès lors qu’une société dont la seule fonction consisterait dans la facturation de commissions de sorte que sur un plan purement économique la raison d’être de celle-ci serait dénuée de tout sens.

Il devrait dès lors être admis que la société “B” n’aurait été mise sur pied que pour répondre à des fins d’optimisation fiscale, la partie étatique estimant que cette conclusion s’imposerait d’autant plus que Monsieur … aurait déjà en 2012 essayé d’obtenir des réductions d’impôt par le biais de deux demandes de décisions anticipées « plus que douteuses ».

8 Le délégué du gouvernement vient ainsi à la conclusion qu’un abus de droit se trouverait vérifié en l’espèce et que partant la commission de …,- euros serait à rajouter à la base imposable de la demanderesse.

En ce qui concerne la dotation à un fonds spécial, le délégué du gouvernement fait valoir que les dotations allouées à un fonds spécial pour paiement des indemnités dues en vertu de la législation du travail en cas de cessation de l’entreprise ou de l’exploitation par suite de vieillesse, de maladie, d’invalidité ou de décès de l’exploitant rentreraient parmi les dépenses d’exploitation en vertu de l’article 46, alinéa 8 LIR. Après encore avoir cité l’article 2, point 3 du règlement grand-ducal modifié du 24 décembre 1988 portant exécution de l’article 46, alinéa 8 LIR lequel règlerait les conditions et limites des dotations à faire à ce fonds spécial, il soutient que, dans la mesure où la demanderesse aurait été constituée par la société “D” ainsi que par Monsieur …, lesquels détiendraient respectivement 99% et 1% des parts sociales, il y a aurait lieu de conclure que l’associé exploitant, en l’occurrence Monsieur …, ne détiendrait pas l’entièreté ou plus de 50 % des parts sociales et des droits de vote de la demanderesse, de sorte que ce serait à juste titre que le bureau d’imposition a refusé la provision d’un montant de …,- euros en relation avec le fonds spécial pour paiement des indemnités en vue de la législation du travail.

Au vu de l’ensemble de ces considérations, le délégué du gouvernement conclut au caractère non fondé du recours sous analyse.

Dans son mémoire en réplique, la demanderesse conteste les faits tels que présentés par la partie étatique. Elle reproche plus particulièrement au délégué du gouvernement d’avoir fait état des deux demandes de décisions anticipées qu’elle avait introduites, en soutenant, d’une part, que ces demandes ne seraient pas pertinentes dans le cadre du présent litige et, d’autre part, que l’introduction de telles demandes serait un droit consacré par la loi et entraînerait en tout état de cause une étroite collaboration entre le fisc et le contribuable et seraient caractérisées par une transparence absolue vis-à-vis du fisc. L’introduction d’une demande de décision anticipée ne viserait dès lors pas à obtenir des avantages fiscaux indus, mais une sécurité juridique pour le contribuable.

La demanderesse reproche ensuite à la partie étatique une certaine légèreté dans la présentation du cas d’espèce, en soutenant en substance, qu’elle n’aurait fait état que de simples allégations et suppositions sans fondement juridique ou factuel et aurait, par ailleurs, expressément reconnu l’existence des relations commerciales entre elle-même et la société “B”.

Elle ajoute que la partie étatique jugerait l’opportunité des prestations et dépenses en relation avec le contrat de services conclu avec la société “B”, qu’elle avancerait, sans élément tangible, que le bénéficiaire effectif de cette dernière serait Monsieur … et ce en dépit du fait qu’elle aurait démontré que le seul et unique bénéficiaire de cette même société serait Monsieur ….

Après encore avoir insisté sur le bien-fondé de la dépense de …,- euros, elle réfute tout abus de droit dans son chef en contestant les conclusions de la partie étatique selon lesquelles les 4 conditions constitutives d’un abus de droit seraient remplies en l’espèce et en insistant sur le fait que la charge de la preuve ne reposerait pas sur le seul contribuable, mais serait partagée entre l’administration et celui-ci. En reprochant encore à l’administration fiscale de faire preuve 9d’un comportement hautement imprévisible, alors que le bureau d’imposition n’aurait jamais fait état d’un abus de droit et n’aurait jamais estimé que la commission litigieuse serait destinée in fine à Monsieur …, la demanderesse conclut encore à une violation du principe de confiance légitime et du principe de l’estoppel.

Elle réfute encore la conclusion de la partie étatique que Monsieur … aurait été le destinataire de la commission de …,- euros alors qu’il aurait touché des dividendes de la part de la société “B”, en mettant en exergue que cette dernière n’aurait pas distribué de dividendes durant les années 2012 à 2014. En tout état de cause, Monsieur … ne pourrait toucher de dividendes de la part de la société “B” alors qu’il n’aurait pas la qualité d’actionnaire de celle-ci.

En ce qui concerne l’usage d’une voie inadéquate et l’absence de motifs extra-fiscaux valables pour justifier la voie choisie, la demanderesse insiste sur le fait qu’elle aurait eu un intérêt économique à ce que le lancement de nouvelles activités aboutisse, raison pour laquelle elle aurait noué des relations contractuelles avec la société “B”.

En ce qui concerne le bénéficiaire des fonds, en application du paragraphe 205a (2) AO, elle réitère ses conclusions selon lesquelles Monsieur … serait le seul actionnaire et le seul bénéficiaire économique de la société “B”, en se basant à cet égard sur un certain nombre de pièces telles que des « Declaration of trust », des « Share certificate » et des « Instrument of trust », tout en soutenant que le site Internet dont la partie étatique ferait état serait un site créé par une société privée et partant sans valeur probante et contiendrait, de surcroît, des informations erronées.

Au vu de ces considérations, il y aurait lieu de constater qu’il n’existe pas d’abus de droit en l’espèce et que le montant de …,- euros serait à qualifier de dépense d’exploitation déductible entraînant une réformation des bulletins litigieux.

Quant au refus de l’administration fiscale de déduire les dotations faites au fonds spécial, la demanderesse relève que le délégué du gouvernement ne contesterait pas qu’elle est une société de capitaux et que Monsieur … intervient à titre prépondérant dans son fonctionnement et la gestion journalière. Elle réfute ensuite la conclusion du délégué du gouvernement selon laquelle Monsieur … ne détiendrait que 1% de ses parts sociales en rappelant que ce dernier serait l’associé unique de la société “D” et serait dès lors non seulement détenteur de 100% des parts sociales et des droits de vote de cette dernière, mais également de 100% de ses propres parts sociales et de ses droits de vote, ce qui résulterait d’ailleurs également des données publiées au Registre des bénéficiaires effectifs du Luxembourg. Il s’ensuivrait que les conditions visées à l’article 2, point 3 du règlement grand-ducal du 24 décembre 1988 seraient bien remplies en l’espèce, de sorte qu’il y aurait lieu de réformer les bulletins d’impôt litigieux.

Analyse du tribunal Force est de constater que le litige sous analyse tourne exclusivement sur les questions de savoir si le montant de …,- euros comptabilisé en tant que « autres honoraires » et payé par la demanderesse à la société “B” dans le cadre du contrat de services conclu par ces deux sociétés est déductible en tant que dépense d’exploitation, d’une part, et si le bureau d’imposition a 10valablement pu refuser la déduction de la dotation de …,- euros faite au fond spécial prévu à l’article 1er du règlement grand-ducal du 24 décembre 1988, d’autre part.

a) En ce qui concerne la commission de …,- euros payée à la société “B” Il ressort tant du dossier fiscal que des pièces versées en cause qu’en date du 1er mars 2013, la demanderesse a conclu un contrat de services (Agreement for provision of services) avec la société de droit chypriote “B”, contrat d’après lequel cette dernière s’est engagée d’apporter de nouvelles affaires à la demanderesse et d’assurer le développement des investissements effectués par celle-ci, l’article 2 dudit contrat, intitulé « Nature of Services », stipulant, en effet, en son point 2.1. que : « The Provider shall act as an intermediary to locate new clients and to introduce those to the Company. The Provider shall help developing a relational network with finance and real estate professionals and shall help maintaining this network. The Provider shall also provide if useful consulting, advisory, marketing and other related services to the Company including knowledge and know-how of the market of the Service Area and aggress to duly perform duties and tasks described in this clause 2, provided that the Company will not assign the Provider any duties which it cannot reasonably perform or are against the provision of applicable laws. ».

En contrepartie de ces services, la demanderesse s’est engagée à verser des honoraires annuels à la société “B” à hauteur de …,- euros et ce conformément à l’article 7 dudit contrat, article disposant que : « In consideration of the Services to be rendered by the Provider the Company shall pay the Provider :

7.1.1. A yearly fee (hereinafter referred to as the “Remuneration”) of EUR … (one hundred and eighty thousand euros). ».

Force est de constater que si, en l’espèce, la partie étatique ne conteste pas le fait que la demanderesse a noué des relations d’affaires avec la société “B” et admet que la réalité de l’activité commerciale est difficilement à réfuter, elle estime néanmoins que ce serait à bon droit que le bureau d’imposition a refusé de faire droit à la déduction du montant de …,- euros en tant que dépense d’exploitation, alors qu’il ne s’agirait non pas d’une telle dépense d’exploitation, mais bien d’un abus de droit, tel que prévu à paragraphe 6 StAnpG.

A cet égard, il y a lieu de rappeler que le paragraphe 6 StAnpG, tel qu’en vigueur lors de l’établissment des bulletins litigieux, définit l’abus de droit en ces termes : « (1) Durch Missbrauch von Formen und Gestaltungsmöglichkeiten des bürgerlichen Rechts kann die Steuerpflicht nicht umgangen oder gemindert werden. (2) Liegt ein Missbrauch vor, so sind die Steuern so zu erheben, wie sie bei einer den wirtschaftlichen Vorgängen, Tatsachen und Verhältnissen angemessenen rechtlichen Gestaltung zu erheben wären […] ».

Cette disposition reflète ainsi le principe de l’appréciation d’après les critères économiques en matière fiscale1, et règle le détournement abusif des dispositions légales de leur objectif premier en vue de bénéficier, par des constructions artificielles, d’avantages fiscaux injustifiés et non voulus par le législateur2.

1 Etudes fiscales 81/82/83/84/85, La procédure contentieuse en matière d’impôts directs, page 120.

2 Etudes fiscales 2000, Glossaire de l’impôt sur le revenu des personnes physiques, page 18.

11 L’application du paragraphe 6 StAnpG suppose que les conditions constitutives d’un abus de droit doivent être examinées au regard de la globalité des opérations faites en l’espèce et des personnes physiques et morales étant intervenues dans le cadre de ces opérations3.

La reconnaissance d’un abus de droit suppose ainsi la réunion de plusieurs éléments, à savoir plus particulièrement l’utilisation de formes et d’institutions du droit privé, une économie d’impôt consistant en un contournement ou une réduction de la charge d’impôt, l’usage d’une voie inadéquate et l’absence de motifs extra-fiscaux valables pouvant justifier la voie choisie4.

La théorie de l’abus de droit permet dès lors à l’administration d’écarter des constructions juridiques ou opérations motivées exclusivement par des fins fiscales, non motivées par des considérations économiques5. Le critère essentiel qui permet dès lors de distinguer l’abus de droit au sens du paragraphe 6 StAnpG de l’hypothèse du bénéfice légitime d’un avantage fiscal est en particulier la vérification d’une motivation autre que fiscale du recours à une certaine construction ou opération6.

Quant à la charge de la preuve, force est de rappeler que, s’il incombe en principe à l’Etat qui invoque un abus de droit à cet égard de prouver que les éléments constitutifs de l’abus se trouvent réunis en rendant plausible l’absence d’une justification économique à la base de la voie choisie, il incombe au contribuable de faire état de considérations économiques réelles pouvant justifier la voie choisie malgré l’apparence établie par l’Etat, et ce, également en application du principe de l’article 59 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives selon lequel celui qui invoque le bénéfice d’une bonification d’impôts susceptible de réduire sa charge fiscale supporte la charge de la preuve de l’existence d’une motivation autre que fiscale à la base de la structure choisie.

En ce qui concerne les considérations économiques réelles pouvant justifier la voie choisie, il échet de noter qu’il n’est pas contesté en cause et qu’il ressort d’ailleurs des pièces soumises au tribunal par la demanderesse et plus particulièrement d’un courrier adressé par la société “B” à cette dernière en date du 26 juin 2013, que la société en question avait identifié un hôtel près de l’avenue Louise à Bruxelles pour une acquisition éventuelle. Il ressort n’est par ailleurs pas contesté en cause qu’au cours du mois de mai 2014, la société “B” avait proposé un nouveau bien à la société “A”, à savoir un immeuble destiné à une location touristique et situé en France, et que la demanderesse a finalement acquis, après s’être vue remettre deux « business plans » de la part de sa cocontractante7, une participation française, en l’occurrence la société “C”, laquelle est la propriétaire de l’immeuble en question et ce à travers une société civile immobilière de droit français.

Au vu de ces considérations, un premier constat s’impose, à savoir que les deux sociétés contractantes sont entrées en relation d’affaires à travers le contrat de services conclu le 1er mars 3 Cour adm., 16 février 2016, n° 35978C du rôle, Pas. adm. 2022, V° Impôts, n° 31 et les autres références y citées.

4 cf. Cour adm., 7 février 2013, n° 31320C du rôle, disponible sous www.ja.etat.lu.

5 En ce sens, Droit fiscal international par Jean Schaffner, éditions Promoculture, n° 16.2.5.

6 Trib. adm. 27 juin 2013, n°30540 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Impôts, n°31 et les autres références y citées.

7 Pièces 17 et 19 de la farde de pièces n° I.

122013 et que la société “B” a joué son rôle d’apporteur d’affaires en identifiant un bien immobilier susceptible de développer les activités de la demanderesse, à savoir un immeuble à destination d’une location touristique situé en France, et ce en conformité avec l’objet social de celle-ci, tel que défini à l’article 2 de ses statuts8.

Si la partie étatique semble, tel que retenu ci-avant, admettre la réalité des relations liant les deux sociétés, elle estime toutefois que les conditions d’un abus de droit seraient néanmoins réunies en l’espèce et ce sur base de la seule considération que Monsieur … serait le bénéficiaire effectif de la voie choisie dans la mesure où il serait le destinataire final de la commission de …,-

euros payée à la société “B”, laquelle lui serait reversée en tant que dividende libre d’impôt, la partie étatique estimant en effet que cette dernière n’aurait été créée que pour répondre à des fins d’optimisation fiscale et que Monsieur … en serait le bénéficiaire économique tandis que Monsieur … ne serait qu’un « homme de paille ».

Dans ce contexte, il convient d’abord de rappeler que l’administration fiscale peut, sur base du paragraphe 205a (2) AO disposant que « Wenn der Steuerpflichtige beantragt, dass Betriebsausgaben oder Werbungskosten bei der Festsellung des Einkommens abgesetzt werden, so kann die Steuerkontrollstelle verlangen, dass der Steuerpflichtige die Empfänger genau bezeichnet », exiger la fourniture de l’identité exacte du bénéficiaire d’une dépense dont la déduction est sollicitée.

Il échet dès lors, au vu des éléments présentés de part et d’autre, d’identifier le bénéficiaire économique effectif de la société “B”.

A cet égard, il y a lieu de constater que si, dans un premier temps, la demanderesse s’est contentée de verser un courrier Monsieur … adressé en date du 15 mai 2018 à son litismandataire, courrier dans lequel celui-ci a certifié que depuis la constitution de la société “B”, à savoir le 26 mai 2008, jusqu’au 30 novembre 2014, il aurait été l’unique bénéficiaire effectif de celle-ci, elle a, dans un deuxième temps, et face aux contestations de la partie étatique, versé des pièces complémentaires tels qu’un extrait du registre des actionnaires de ladite société, des « Declaration of trust », des « Instrument of trust » et des « Share certificate », confirmant la qualité d’unique bénéficiaire économique de Monsieur …. Il ressort en effet desdites pièces et notamment des « Declaration of trust » du 17 octobre 2008 que si, au moment de la création de la société “B”, les parts sociales de celle-ci furent certes détenues à 50% par une société dénommée “G” et à 50% par une société dénommée “H”, il en ressort toutefois également que ces deux sociétés ont détenu ces parts sociales dans le cadre d’un trust et que le bénéficiaire effectif a été Monsieur …. Il en ressort encore qu’à partir de janvier 2012, les parts sociales de la société “B” furent détenues à 50% par une société de droit chypriote dénommée “J” et à 50% par une société de droit chypriote “K” et ce toujours dans le cadre d’un trust, Monsieur … étant resté le bénéficiaire effectif9. Il ressort finalement desdites pièces qu’en date du 1er décembre 2014, Monsieur … a transféré l’intégralité des parts sociales de la société “B” à une société dénommée “L” établie sur l’île de Man et dont il affirme être le constituant unique.

8 « […] D’une façon générale, elle [la société “A”] peut prendre toutes les mesures de contrôle et de surveillance et faire toute opération financière, mobilière ou immobilière, commerciale ou industrielle qu’elle jugera utile à l’accomplissement et au développement de son objet. ».

9 Pièces n°36 et 38 de la farde de pièces n°II.

13 Au vu desdites pièces Monsieur … semble effectivement être le seul actionnaire de la société “B” et partant le bénéficiaire effectif et final de celle-ci, la partie étatique restant en défaut de verser une quelconque pièce susceptible d’infirmer cette conclusion si ce n’est de se référer à un site Internet non autrement identifié qui est, d’après les explications circonstanciées et non contestées de la demanderesse, géré par une société privée et qui contient, d’après les pièces soumises au tribunal, des informations erronées, de sorte à être dépourvu de force probante. Il convient, par ailleurs, de noter que la partie étatique est restée en défaut de prendre utilement position quant aux pièces complémentaires versées par la demanderesse, alors qu’aucun mémoire en duplique n’a été déposé en l’espèce.

Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que le bénéficiaire de la somme de …,- euros payée annuellement par la demanderesse à la société “B” dans le cadre du contrat de services conclu en date du 1er mars 2013 est bien Monsieur … et non pas Monsieur … tel que l’affirme le délégué du gouvernement, étant encore soulevé qu’aucune pièce soumise au tribunal ne permet d’établir un lien effectif entre Monsieur … et la société “B” ; le seul fait que Monsieur … soit non seulement le directeur de la société “B”, mais également l’administrateur-

délégué de la fiduciaire en charge de préparer les déclarations fiscales de la demanderesse étant insuffisant pour établir un tel lien.

Dans la mesure où il n’est dès lors pas établi en cause que Monsieur … serait le bénéficiaire effectif de la société “B”, voire même qu’il aurait un quelconque lien avec celle-ci, et que le tribunal vient de constater ci-avant que la conclusion de la partie étatique quant à l’existence d’un abus de droit repose sur la seule considération que Monsieur … serait le destinataire final de la commission de …,- euros payée à la société “B”, laquelle lui serait reversée en tant que dividende libre d’impôt, l’argumentation du délégué du gouvernement relative à l’existence d’un abus de droit est à rejeter.

Cette conclusion n’est pas ébranlée par les développements de la partie étatique relatifs à des demandes de décisions anticipées que Monsieur … aurait introduites antérieurement afin « d’obtenir des avantages fiscaux indus », alors que le seul fait pour un contribuable d’introduire une telle demande de décision anticipée ne permet pas de conclure ipso facto que tous les agissements postérieurs de celui-ci visent exclusivement une économie d’impôt indue. Elle n’est en outre pas ébranlée par les relations de Monsieur … avec la société “E”, ces relations étant en effet étrangères au présent litige, lequel se mue uniquement dans le cadre du contrat de services conclu entre la demanderesse et la société “B”.

Il convient ensuite de vérifier si la dépense de …,- euros litigieuse peut être qualifiée de dépense d’exploitation au sens de l’article 45, paragraphe (1), LIR aux termes duquel « Sont considérées comme dépenses d’exploitation déductibles les dépenses provoquées exclusivement par l’entreprise.», ledit article déterminant en effet les conditions dans lesquelles les charges peuvent être déduites à titre de dépenses d’exploitation, et requiert, plus particulièrement, la preuve d’un lien causal exclusif entre l’activité de l’entreprise et la dépense engagée, ainsi que celle de la matérialité même de la dépense.

14A cet égard, il convient d’abord de rappeler que le tribunal vient de retenir ci-avant que la somme en question a été payée annuellement par la demanderesse à la société “B” en contrepartie des services prestés par celle-ci, cette même société s’étant, d’après le contrat de services conclu en date du 1er mars 2013, engagée à apporter des affaires à la demanderesse afin de permettre à celle-ci de développer ses activités. Il convient encore de souligner que le tribunal vient de retenir ci-avant que la société “B” a, dans le cadre de son rôle d’apporteur d’affaires, identifié un premier bien immobilier, et plus particulièrement un hôtel sis à Bruxelles près de l’avenue Louise, susceptible de développer les activités de la demanderesse et a par la suite continué ses recherches dans ce sens, pour finalement trouver un bien situé en France et pour lequel l’opération d’investissement a abouti en 2014. Il s’ensuit que le lien causal effectif de la dépense litigieuse avec l’activité de la demanderesse est bien établi en l’espèce.

Si la partie étatique ne semble pas contester l’existence de ce lien causal, ni la matérialité de la dépense de …,- euros, elle semble toutefois contester l’opportunité de cette même dépense en arguant en substance que Monsieur …, lequel serait un homme d’affaires expérimenté et doté d’un savoir-faire en matière de consultance et de gestion financière, aurait été à même de trouver seul des possibilités d’investissement dans l’immobilier sans pour autant être obligé de passer par une société de droit chypriote, le délégué du gouvernement s’étonnant encore que dans le cadre du contrat de services conclu entre la demanderesse et la société “B”, la rémunération au profit de cette dernière ait été fixée à l’avance, tout en mettant en exergue que cette rémunération serait disproportionnée par rapport au montant de la participation acquise par la demanderesse.

A cet égard, il convient d’abord de rappeler qu’étant donné que le droit fiscal soumet à l’impôt l’activité à but de lucre du contribuable qu’il a effectivement réalisée, mais n’affecte pas sa liberté individuelle de définir lui-même l’envergure de son initiative entrepreneuriale, il incombe au seul contribuable de déterminer l’étendue de son activité commerciale, les moyens y engagés et le niveau de profit qu’il entend en tirer. Par voie de conséquence, le contribuable est seul juge de l’opportunité d’une dépense d’exploitation et la notion du lien de causalité n’implique aucun contrôle si la dépense était nécessaire pour l’activité ou si elle était effectivement susceptible de profiter à l’exploitation. Il faut et il suffit que la dépense ait trouvé sa cause exclusive dans l’activité commerciale. De même, le contribuable est seul juge du niveau d’une dépense c’est-à-dire s’il entend investir des moyens plus ou moins importants à son activité10. Il s’ensuit que l’administration fiscale n’a pas à se prononcer sur l’opportunité de la dépense litigieuse pour autant que celle-ci a été engagée par la demanderesse en son propre intérêt, même si cette dépense s’est avérée inefficace.

Néanmoins, et dans un souci d’exhaustivité, il convient encore de noter que la concernée a expliqué de manière circonstanciée dans son mémoire en réplique qu’elle ne dispose que de ressources humaines très limitées en la seule personne de son gérant, Monsieur …, lequel s’occupe déjà des relations entre elle-même et la société “E”, étant rappelé que la demanderesse exerce les fonctions de directeur financier de cette dernière, et que ses compétences se situent principalement au marché immobilier luxembourgeois et non pas aux marchés immobiliers belges et français. Il ressort encore des explications de la demanderesse figurant à cet égard dans son mémoire en réplique, lesquelles n’ont pas été remises en cause par la partie étatique, laquelle n’a, comme noté ci-avant, pas déposé de mémoire en duplique, que la société “B” dispose de 10 Cou adm. 1er décembre 2016, n°37844 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Impôts, n°209.

15l’expérience requise pour proposer d’autres types d’investissements que ceux qui auraient pu être élaborés par ses propres soins, tels que des investissements dans l’hôtellerie.

Quant à la prétendue disproportion de la rémunération de …,- euros par rapport à l’investissement finalement opéré par la demanderesse, il ressort des explications circonstanciées et non contestées de la demanderesse dans le cadre de son mémoire en réplique qu’elle disposait d’une créance de …,- euros sur la société “C”, laquelle est, quant à elle, propriétaire de l’immeuble situé en France à travers une société civile immobilière de droit français et qui a financé le solde de l’investissement de …,- euros auprès d’une banque, de sorte que c’est à juste titre que la demanderesse fait valoir que son investissement serait bien supérieur aux …,- euros mis en avant par la partie étatique.

Au vu de l’ensemble des développements qui précèdent, et sans qu’il n’y ait lieu de statuer plus en avant, il échet de conclure que la commission payée à la société “B” dans le cadre du contrat de service conclu entre la demanderesse et cette dernière en date du 1er mars 2013 est à qualifier de dépense d’exploitation au sens de l’article 45 LIR et est déductible en tant que telle, de sorte que les bulletins d’impôt litigieux sont à réformer en ce sens.

b) En ce qui concerne la dotation à un fonds spécial Il ressort des explications de part et d’autre, ainsi que des pièces soumises à l’examen du tribunal que le bureau d’imposition a refusé une dotation d’un montant de …,- euros en relation avec un fonds spécial pour paiement des indemnités dues en vertu de la législation du travail au motif que les conditions de l’article 2, point 3 du règlement grand-ducal du 24 décembre 1988 ne seraient pas réunies en l’espèce.

Aux termes de l’article 46, point 8 LIR, sont considérées comme dépenses d’exploitation « aux conditions et dans les limites à fixer par règlement grand-ducal les dotations allouées à un fonds spécial pour paiement des indemnités dues en vertu de la législation du travail en cas de cessation de l’entreprise ou de l’exploitation par la suite de vieillesse de maladie, d’invalidité ou de décès de l’exploitant ».

Le règlement grand-ducal du 24 décembre 1988 portant exécution de la prédite disposition légale prévoit, quant à lui, en ses articles 1 et 2 que « Les contribuables employant des salariés dans leur entreprise commerciale, […] peuvent instituer, à condition de tenir une comptabilité régulière, un fonds spécial pour le paiement des indemnités prévues par la législation du travail à la suite de la résiliation du contrat de louage de service en cas de cessation de l´entreprise ou de l´exploitation pour des raisons de vieillesse, de maladie, d´invalidité ou de décès. Les dotations à faire à ce fonds spécial sont déductibles comme dépenses d´exploitation à concurrence des limites fixées aux articles 3 et 4 ci-après. », « Les contribuables entrant en ligne de compte au sens de l’article 1er sont […] les sociétés de capitaux à condition que l´entièreté ou plus de 50% des parts sociales et des droits de vote soient détenus par l’associé exploitant la société et que ce dernier intervienne à titre prépondérant dans le fonctionnement et la gestion journalière de la société. ».

16Il ressort desdites dispositions légales et règlementaires qu’une personne morale peut instituer un fonds spécial pour le paiement de diverses indemnités prévues par la législation du travail pour lequel les dotations sont déductibles en tant que dépenses d’exploitation, à condition toutefois, en ce qui concerne les sociétés de capitaux, tel que c’est le cas pour la demanderesse, qu’au moins 50% des parts sociales et des droits de vote soient détenus par l’associé exploitant la société et que ce dernier intervienne à titre prépondérant dans le fonctionnement et la gestion journalière de la société.

En l’espèce, il ressort des pièces versées en cause, et notamment d’un extrait du registre du commerce et des sociétés du 5 février 201811, que les associés de la demanderesse sont la société “D” d’une part, laquelle détient 99% des parts sociales de celle-ci, et Monsieur … d’autre part, lequel ne détient que 1% de ses parts sociales. Il ressort en outre de l’assemblée générale extraordinaire de la demanderesse du 15 octobre 201212 que Monsieur … a été nommé en tant que gérant unique de la demanderesse et ce à durée illimitée et qu’il peut engager celle-ci par sa seule signature.

S’il est ainsi vrai que Monsieur … intervient, à titre prépondérant dans le fonctionnement et la gestion journalière de la société, il n’en reste pas moins, tel que retenu à bon droit par la partie étatique, qu’il ne détient toutefois que 1% des parts sociales, les autres 99% étant détenues par la société “D”.

La demanderesse estime toutefois que les conditions prévues à l’article 2 précité du règlement grand-ducal du 24 décembre 1988 seraient néanmoins remplies en l’espèce et qu’il y aurait lieu de déduire la prédite dotation de …,- euros en tant que dépense d’exploitation, alors que Monsieur … serait également l’associé unique de la société “D”.

Or, suivre le raisonnement de la demanderesse conduirait à faire abstraction de l’existence de la société “D”, laquelle dispose toutefois d’une personnalité juridique propre, indépendante de celle de son associé unique, Monsieur ….

Ainsi, et dans la mesure où Monsieur … ne dispose que de 1% des parts sociales de la demanderesse, et que les autres 99% des parts sociales sont détenues par une personne juridique distincte de celui-ci, c’est à juste titre que la partie étatique a refusé la déduction de la prédite dotation de …,- euros en tant que dépense d’exploitation au motif que les conditions prévues à l’article 2 du règlement grand-ducal du 24 décembre 1988 ne sont pas remplies en l’espèce.

Le volet du recours sous analyse visant la déduction de la dotation d’un montant de …,-

euros en relation avec un fonds spécial pour paiement des indemnités dues en vertu de la législation du travail est partant à rejeter.

Au vu de l’ensemble de ces considérations et à défaut de tout autre moyen, le recours en réformation sous analyse est à déclarer partiellement fondé.

11 Pièce n° 17 de la farde de pièce n°I.

12 Pièce n° 15 de la farde de pièce n°I.

17La demanderesse sollicite finalement une indemnité de procédure d’un montant de 5.000,- euros sur base de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives en arguant en substance qu’elle aurait été obligée d’introduire le recours sous analyse faute pour le directeur d’avoir pris position sur sa réclamation détaillée endéans le délai imparti, la demanderesse estimant que le fait d’autoriser le directeur à ne pas répondre à un recours organisé par la loi, en l’occurrence le recours introduit sur base du paragraphe 228 AO, reviendrait à supprimer la phase précontentieuse prévue par le législateur.

Le délégué du gouvernement s’oppose à l’indemnité de procédure sollicitée par la demanderesse en arguant que la demanderesse ne démontrerait pas à suffisance en quoi il serait inéquitable de laisser à sa charge exclusive les frais exposés par elle dans la présente instance.

Le tribunal constate que la demanderesse a effectivement dû saisir les juridictions administratives, en engageant nécessairement les frais, notamment d’avocat, afférents, afin d’obtenir une motivation détaillée par rapport à ses contestations relatives à la validité des bulletins d’impôt émis à son encontre et que cette nécessité de saisir les juridictions administratives lui a été imposée par le défaut du directeur de prendre position par rapport à sa réclamation détaillée du 3 juillet 2018 comportant un argumentaire développé sur 17 pages.

Dans ces conditions, il serait inéquitable de laisser à l’entière charge de la demanderesse les frais irrépétibles relatifs à son recours contentieux sous examen et il y a partant lieu de lui allouer une indemnité de procédure que le tribunal évalue au vu de l’issu du présent litige ex aequo et bono au montant de 500,- euros.

Au vu de l’issue du litige, il est fait masse des frais et des dépens de l’instance et les impute pour deux tiers à l’Etat et un tiers à la demanderesse.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre le bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités et le bulletin de l’impôt commercial communal de l’année 2014 émis à l’égard de la demanderesse le 17 juillet 2019 ;

au fond, le déclare partiellement justifié ;

partant, par réformation des prédits bulletins d’impôt, déclare la commission de …,- euros payée par la demanderesse à la société “B” dans le cadre du contrat de services conclu le 1er mars 2013 comme dépense d’exploitation au sens de l’article 45 LIR ;

rejette le recours en réformation pour le surplus ;

renvoie l’affaire devant le bureau d’imposition compétent en prosécution de cause ;

18condamne l’Etat à payer à la société “A” une indemnité de procédure de 500,- euros ;

fait masse des frais et des dépens de l’instance et les impute pour deux tiers à l’Etat et un tiers à la demanderesse.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 24 mai 2023 par :

Thessy Kuborn, vice-président, Géraldine Anelli, premier juge, Alexandra Bochet, premier juge, en présence du greffier Paulo Aniceto Lopes.

s. Paulo Aniceto Lopes s. Thessy Kuborn Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 24 mai 2023 Le greffier du tribunal administratif 19


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 45624
Date de la décision : 24/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/05/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2023-05-24;45624 ?

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