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04/03/2009 | LUXEMBOURG | N°25434

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 04 mars 2009, 25434


Tribunal administratif Numéro 25434 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 février 2009 3e chambre Audience publique du 4 mars 2009 Recours formé par Monsieur …, Schrassig contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative (art. 120 L. 29.8.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 25434 du rôle et déposée le 25 février 2009 au greffe du tribunal administratif par Maître Nicky Stoffel

, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Mo...

Tribunal administratif Numéro 25434 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 février 2009 3e chambre Audience publique du 4 mars 2009 Recours formé par Monsieur …, Schrassig contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative (art. 120 L. 29.8.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 25434 du rôle et déposée le 25 février 2009 au greffe du tribunal administratif par Maître Nicky Stoffel, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, déclarant être né le … à Armani Village (Mali), présumé être de nationalité sénégalaise, actuellement retenu au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d'une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 18 février 2009, prorogeant sa rétention au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une durée maximale d’un mois à partir de la notification ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 27 février 2009 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport et Monsieur le délégué du gouvernement Marc Mathokowitsch en ses plaidoiries à l’audience publique du 4 mars 2009, Maître Nicky Stoffel n’ayant pas pris la peine de se déplacer à l’audience.

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En date du 24 mars 2003, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971.

Par décision datant du 23 septembre 2003, confirmée le 26 novembre 2003 sur recours gracieux, le ministre de la Justice rejeta la demande de Monsieur … comme étant manifestement infondée au sens de l’article 9 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire.

Suite au recours contentieux introduit par Monsieur … contre cette décision de refus, il fut débouté définitivement de sa demande par un arrêt de la Cour administrative du 16 mars 2004 (no 17653C du rôle), confirmant un jugement du tribunal administratif du 26 janvier 2004 (n° 17352 du rôle).

Par arrêté du 22 juin 2005, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, ci-

après désigné « le ministre », refusa à Monsieur … l’entrée et le séjour sur le territoire du Grand-

Duché de Luxembourg.

Par arrêté du même jour, le ministre ordonna le placement de Monsieur … au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig pour une durée maximale d’un mois. Par arrêté ministériel du 27 juillet 2005, ladite mesure de placement fut prolongée pour une nouvelle durée d’un mois, et par arrêté ministériel du 25 août 2008, une nouvelle prorogation de la mesure de placement fut ordonnée à l’égard de Monsieur …. Des mesures de placement en rétention administrative furent encore prises à l’encontre de Monsieur … en septembre 2006 et en janvier 2007.

Au cours des enquêtes menées par les autorités luxembourgeoises afin de procéder à l’éloignement de Monsieur …, il s’est avéré que celui-ci n’est pas ressortissant du Mali, comme il le déclarait à l’appui de sa demande de protection internationale. Face au refus de Monsieur … de révéler sa réelle nationalité, un test linguistique fut effectué, à la suite duquel l’expert a conclu, dans son rapport du 17 août 2008, que Monsieur … ne peut effectivement pas être originaire du Mali, mais que fort probablement son pays d’origine serait soit le Sénégal, soit la Gambie.

Après avoir été signalé en date du 1er décembre 2008 aux fins de découvrir sa résidence, Monsieur … fut interpellé par la Police grand-ducale en date du 21 janvier 2009.

Par arrêté du ministre du 21 janvier 2009, notifié à l’intéressé le même jour, Monsieur … se vit refuser le séjour au Grand-Duché de Luxembourg, en application des articles 100 et 109 à 115 de la loi du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée « la loi du 29 août 2008 », au motif qu’il n’était pas en possession d’un passeport en cours de validité, ni d’un visa en cours de validité, qu’il n’était pas en possession d’une autorisation de séjour valable pour une durée supérieure à trois mois ou d’une autorisation de travail et qu’il constituerait une menace pour l’ordre public.

Par arrêté du même jour, soit le 21 janvier 2009, le ministre ordonna la rétention administrative de Monsieur … au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig pour une durée maximale d’un mois à partir de la notification de la décision en question, intervenue le 21 janvier 2009, en attendant son éloignement du territoire luxembourgeois. Cet arrêté est fondé sur les considérations et motifs suivants :

«Vu les articles 120 à 123 de la loi du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;

Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière ;

Vu le procès-verbal no 50145 du 21 janvier 2009 établi par la Police grand-ducale ;

Vu mon arrêté de refus d'entrée et de séjour du 22 juin 2005 lui notifié le 28 juin 2005 ;

Vu la décision de refus de séjour du 21 janvier 2009 ;

Considérant que l'intéressé est démuni de tout document de voyage valable ;

Considérant qu'un laissez-passer sera demandé dans les meilleurs délais auprès des autorités sénégalaises et gambiennes ;

Considérant qu'en attendant le résultat des recherches quant à l'identité et à la situation de l'intéressé, l'éloignement immédiat de l'intéressé est impossible en raison de circonstances de fait ;».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 9 février 2009, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision du 21 janvier 2009, ordonnant une mesure de rétention administrative pour une durée maximale d’un mois.

Par jugement du 19 février 2009, actuellement coulé en force de chose jugée, le tribunal administratif a déclaré le recours en réformation non justifié et en a débouté le demandeur. Le recours en annulation a été déclaré irrecevable.

Par arrêté du 18 février 2009, notifié le 20 février 2009 à l’intéressé, le ministre ordonna la prorogation de rétention administrative de Monsieur … au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig pour une durée maximale d’un mois à partir de la notification de la décision en question, en attendant son éloignement du territoire luxembourgeois. Cet arrêté est fondé sur les considérations et motifs suivants :

«Vu les articles 120 à 123 de la loi du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;

Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière ;

Vu mon arrêté pris en date du 21 janvier 2009 décidant du placement temporaire de l’intéressé ;

Considérant qu'un laissez-passer a été demandé auprès des autorités sénégalaises ;

Considérant qu'en attendant le résultat des recherches quant à l'identité et à la situation de l'intéressé, l'éloignement immédiat de l'intéressé est impossible en raison de circonstances de fait ;

Considérant qu’il y a nécessité de reconduire la décision de placement ;».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 25 février 2009, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision du 18 février 2009, ordonnant la prorogation de la mesure de rétention administrative pour une durée maximale d’un mois.

Etant donné que l'article 123, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation. Le recours subsidiaire en annulation doit dès lors être déclaré irrecevable.

Le recours en réformation, par ailleurs introduit dans les formes et délai prévus par la loi, est recevable.

A l’appui de son recours, le demandeur, faisant totalement abstraction du jugement coulé en force de chose jugée du 19 février 2009, emploie, mot pour mot, les termes reproduits dans son recours déposé le 9 février 2009 soit, en premier lieu, que la mesure de placement litigieuse constituerait une mesure disproportionnée au regard des dispositions légales et de sa situation personnelle, au motif que le Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière serait inadéquat pour héberger des étrangers en séjour irrégulier, et plus particulièrement au motif que le régime de détention serait identique à celui applicable aux détenus de droit commun. A cet égard, il précise qu’il serait détenu plus de 16 heures sur 24 dans une cellule, ce qui serait contraire à la notion même de rétention, et que, par ailleurs, il ne serait autorisé à téléphoner qu’une seule fois par semaine. Il en déduit que le Centre de séjour ne constituerait pas un établissement approprié au sens de l’article 15 (1) de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, ci-après désignée « la loi du 28 mars 1972 ». Il fait valoir qu’il serait de principe que la privation de liberté par l’incarcération dans un centre pénitentiaire devrait constituer une mesure d’exception à appliquer uniquement en cas de nécessité absolue et qu’il y aurait lieu d’éviter une telle mesure dans tous les cas où la personne visée par une mesure de placement ne constituerait pas un danger pour la sécurité, la tranquillité ou l’ordre publics ou qu’elle pourrait être retenue et surveillée d’une autre manière afin d’éviter qu’elle ne se soustraie à son éloignement ultérieur. A cet égard, il conteste l’existence d’une telle nécessité absolue au sens de l’article 15 de la loi du 28 mars 1972.

Le demandeur conteste encore dans un libellé exactement identique, que le ministre ait entrepris des démarches suffisantes afin de permettre son refoulement vers son pays d’origine dans les meilleurs délais. Il soutient ensuite que l’exécution matérielle de son éloignement dépendrait de la délivrance d’un laissez-passer par les autorités sénégalaises ou gambiennes et que les autorités luxembourgeoises ne disposeraient pas d’un tel laissez-passer, en faisant valoir que la délivrance d’un tel document pourrait prendre plusieurs mois, de sorte que la prévisibilité minimale de son refoulement ferait défaut en l’espèce. Enfin, il met en doute la possibilité que l’un des pays précités l’accepterait comme étant l’un de ses ressortissants. Il précise que diverses mesures de placement en rétention auraient déjà été prises à son encontre, soit en juin, en juillet et en août 2005, respectivement en septembre 2006 et en janvier 2007. Il fait valoir que l’arrêté ministériel litigieux n’indiquerait pas clairement quelles mesures seraient actuellement prises par le ministre pour écourter son séjour au Centre de séjour. Il soutient que les démarches entreprises par les autorités luxembourgeoises s’avéreraient actuellement toujours insuffisantes pour permettre son éloignement. A cet égard, il fait valoir que l’arrêté ministériel litigieux ne contiendrait pas une motivation suffisante permettant de justifier la prolongation de la mesure de placement. Il souligne encore qu’actuellement aucun document de voyage n’ait pu être fourni lui permettant de retourner dans son pays d’origine. Il en conclut qu’il serait peu probable que plusieurs années après les premières mesures de placement, les autorités luxembourgeoises seraient à même d’obtenir des autorités sénégalaises ou gambiennes un laissez-passer en sa faveur, pour en conclure que le ministre resterait en défaut de justifier l’accomplissement de démarches suffisantes en vue de son éloignement dans les meilleurs délais et afin d’écourter au maximum la mesure de privation de liberté prise à son encontre.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours comme non fondé. Il relève tout d’abord que contrairement à ce qui serait soutenu par le demandeur, la mesure de placement litigieuse n’aurait pas été prise sur le fondement de la loi du 28 mars 1972, mais sur la base de la loi du 29 août 2008, qui ne prévoirait plus la condition de la nécessité absolue de la mesure de placement, mais uniquement la condition de la nécessité de cette mesure. Il souligne ensuite que suivant la jurisprudence du tribunal administratif, un grief relatif aux modalités concrètes et matérielles du placement serait étranger à la décision de rétention.

Il expose encore que l’identité du demandeur n’aurait jamais pu être établie, alors que celui-ci aurait toujours refusé de collaborer, que ce soit lors d’entretiens avec la police en vue de l’identification de son pays d’origine, ou que ce soit lors de la présentation à l’ambassade de Gambie. Il précise encore que les autorités du Mali auraient affirmé que le demandeur ne serait pas malien et avaient dès lors refusé d’émettre un laissez-passer.

Le représentant étatique a précisé à l’audience que le requérant aurait été présenté à l’ambassade du Sénégal en date du 2 mars 2009 et qu’il se serait limité à bégayer quelques mots en allemand refusant ainsi toute collaboration, circonstance qui n’a pas été contestée par le mandataire ayant jugé inutile d’assister aux débats fixés par le tribunal.

Il souligne que le demandeur aurait affirmé dans son recours être de nationalité sénégalaise ou gambienne, ce qui confirmerait la réalité des doutes concernant l’identité du demandeur. L’affirmation du demandeur que les recherches ministérielles risqueraient d’être longues confirmerait encore que le but du demandeur serait de gagner du temps. Le délégué du gouvernement fait encore valoir que le demandeur ne saurait invoquer sa propre « turpitude », qui aurait contraint le ministère compétent à un vrai « jeu de pistes », pour reprocher ensuite les lenteurs prises dans l’organisation de son rapatriement.

L’article 120 de la loi du 29 août 2008 dispose que « (1) Lorsque l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 111, 116 à 118 ou d’une demande de transit par voie aérienne en vertu de l’article 127 est impossible en raison des circonstances de fait, ou lorsque le maintien en zone d’attente dépasse la durée de quarante-huit heures prévue à l’article 119, l’étranger peut, sur décision du ministre être placé en rétention dans une structure fermée. Le mineur non accompagné peut être placé en rétention dans un lieu approprié. La durée maximale est fixée à un mois.

(2) Lorsque le ministre se trouve dans l’impossibilité matérielle de prendre une décision de placement en rétention par écrit, l’étranger peut être retenu sur décision orale du ministre, sous condition de confirmation par écrit de la décision au plus tard dans les quarante-huit heures qui suivent.

(3) La décision de placement visée au paragraphe (1) qui précède, peut, en cas de nécessité être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois.

(4) Il est procédé à une prise de photographies. Une prise d’empreintes digitales peut être effectuée, si elle est impérativement nécessaire à l’établissement de l’identité de l’étranger retenu ou à la délivrance d’un document de voyage. » Cette disposition permet au ministre, dans l’hypothèse où l’exécution d’une mesure d’éloignement est impossible en raison de circonstances de fait, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois et, en cas de nécessité, de reconduire cette mesure à trois reprises, pour la durée d’un mois.

Le ministre est dans l’impossibilité de procéder à l’éloignement immédiat d’un étranger, lorsque ce dernier ne dispose pas des documents d’identité et de voyage requis pour permettre son éloignement et si des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères en vue de l’obtention d’un accord de reprise de l’intéressé. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour la durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée à trois reprises en cas de nécessité.

Il en résulte qu’une mesure de rétention, est indissociable de l’attente de l’exécution d’un éloignement d’un étranger non autorisé à séjourner légalement sur le territoire luxembourgeois et qu’il incombe donc à la partie défenderesse de faire état et de documenter les démarches qu’elle estime requises et qu’elle est en train d’exécuter, afin de mettre le tribunal en mesure d’apprécier si un éloignement valable est possible et est en voie d’organisation, d’une part, et que les autorités luxembourgeoises entreprennent des démarches suffisantes en vue d’un éloignement ou transfert rapide du demandeur, c’est-à-dire de façon à écourter au maximum sa privation de liberté, d’autre part.

Il convient de prime abord de relever que c’est à tort que le demandeur a invoqué des violations de l’article 15 de la loi du 28 mars 1972, alors que la décision litigieuse a été prise sur le fondement de la loi du 29 août 2008, qui est entrée en vigueur le 1er octobre 2008 et qui a abrogé la loi du 28 mars 1972. Les moyens afférents et qui se fondent plus particulièrement sur la notion d’ « établissement approprié » et celle de « nécessité absolue », notions qui n’ont pas été reprises par la loi du 29 août 2008, qui prévoit le placement dans une « structure fermée » et qui, en outre, permet une prorogation d’une mesure de placement, uniquement en cas de « nécessité », doivent dès lors être rejetés comme étant sans pertinence.

Le demandeur met encore en cause le caractère suffisant des démarches effectuées par les autorités luxembourgeoises et la prévisibilité de l’exécution de la mesure de refoulement.

Retenons tout d’abord qu’en l’espèce, il est constant que le demandeur se trouve en situation irrégulière au Luxembourg. Il se dégage encore des éléments du dossier administratif versé en cause que la nationalité du demandeur n’est pas établie, dans la mesure où celui-ci a déclaré être ressortissant du Mali, tandis que les autorités du Mali ont refusé par le passé la délivrance d’un laissez-passer, au motif que le demandeur n’est pas ressortissant de ce pays, et tandis que par ailleurs, le test linguistique précité a fait ressortir que le demandeur ne peut pas être originaire du Mali, mais qu’il est probable qu’il est originaire soit du Sénégal, soit de Gambie. Il ressort encore du dossier soumis au tribunal que le demandeur a fait preuve d’un défaut de collaboration manifeste, non seulement dans le cadre du présent renouvellement de la mesure de placement litigieuse, tel qu’expliqué par le représentant étatique à l’audience, mais encore dans le passé, lors de différentes mesures de placement prises à son encontre dans l’attente de l’exécution de démarches nécessaires afin de permettre son éloignement. En effet, il a fait état d’une nationalité qui s’est avérée ne pas être la sienne et, de plus, il persiste à faire état de cette nationalité, dans la mesure où il ressort d’un procès-verbal de la police grand-ducale n° 50145 du 21 janvier 2009 que celui-ci déclarait être ressortissant du Mali. Il ressort encore d’un procès-

verbal de la police grand-ducale n° 15/9109/2007/KL du 14 février 2007 que lors d’un interrogatoire prévu auprès de l’ambassade de Gambie à Bruxelles, afin de déterminer si le demandeur est originaire de Gambie, il refusait toute collaboration, de sorte que l’entretien n’a pas pu avoir lieu. Il ressort encore d’un procès-verbal de la police grand-ducale n° 15/9262/06/GRI du 29 septembre 2006, que le demandeur refusait de fournir des indications quant à son identité.

Le fait à lui seul que le demandeur se trouve en séjour irrégulier et que sa nationalité n’est pas établie, compte tenu aussi du défaut de collaboration du demandeur, rend difficile l’exécution d’une mesure d’éloignement et oblige partant les autorités compétentes à entreprendre différentes démarches afin de déterminer l’Etat d’origine du demandeur et afin d’obtenir de cet Etat un laissez-passer en vue de son rapatriement.

En l’espèce, il ressort des pièces versées qu’en date du 27 janvier 2009, les autorités luxembourgeoises ont contacté l’ambassade de la République du Sénégal à Bruxelles, afin d’obtenir la délivrance d’un laissez-passer, et qu’en date du 4 février 2009, l’ambassade sénégalaise a répondu qu’avant la délivrance d’un laissez-passer, des vérifications devaient être faites afin de déterminer si le demandeur est effectivement ressortissant sénégalais.

Selon les précisions du délégué du gouvernement à l’audience, le demandeur a encore refusé de coopérer lors de sa présentation à l’ambassade du Sénégal en date du 2 mars 2009.

Il s’ensuit que des démarches suffisantes ont été effectuées au stade actuel du dossier et que le demandeur est mal venu de reprocher au ministre de prendre des mesures insuffisantes, respectivement d’invoquer la circonstance que les démarches effectuées dans le passé par le ministre n’auraient pas abouti d’autant plus qu’une meilleure collaboration de sa part quant à l’éclaircissement de son identité et de sa nationalité aurait été de nature à accélérer les procédures et à faciliter son transfert vers son pays d’origine, une fois que celui-ci est établi. Il convient d’ajouter que la prévisibilité minimale quant à une possibilité de refoulement, qui, d’après le demandeur ferait défaut, est dans une large mesure tributaire de la coopération de l’intéressé, qui en l’espèce fait défaut.

Il s’ensuit qu’il ne saurait être reproché aux autorités luxembourgeoises, au vu des considérations énoncées ci-avant, de ne pas avoir entamé les démarches utiles et nécessaires en vue de l’éloignement du demandeur.

C’est encore à tort que le demandeur soutient que l’arrêté ministériel ne serait pas clair quant aux mesures entreprises par le ministre, en faisant état d’un prétendu manque de motivation. En effet, il ressort du libellé de l’arrêté litigieux que le ministre entend effectuer des recherches quant à l’identité et la situation du demandeur, de sorte que les démarches que le ministre entendait effectuer ont été clairement indiquées. Le moyen afférent est dès lors à rejeter.

Le demandeur estime encore que la mesure de placement constituerait une mesure disproportionnée au regard de sa situation personnelle.

S’il est vrai que d’après l’article 120 de la loi du 29 août 2008, la simple qualité d’étranger se trouvant au pays sans y être autorisé et faisant l’objet d’une mesure d’éloignement autorise le ministre à le placer en rétention dans une structure fermée au cas où il existe des circonstances de fait rendant l’exécution de ladite mesure d’éloignement impossible, il n’en demeure pas moins qu’en vertu du principe de proportionnalité, la mesure de placement en rétention doit être proportionnée à la situation personnelle de l’étranger ainsi visé. Il échet en effet de vérifier si, par rapport à la situation dudit étranger, son placement dans une structure fermée est approprié, étant entendu que non seulement l’opportunité du principe de l’enfermement doit être examinée dans ce contexte, mais également le type de structure fermée retenu par le ministre, afin de pouvoir vérifier si une structure particulière répond aux critères posés par le principe de proportionnalité (trib. adm. 9 février 2009, n° 25344 du rôle, disponible sous www.jurad.etat.lu).

Ne sont toutefois à prendre en considération dans le cadre de cet examen que les éléments liés à la personne elle-même de l’étranger.

En l’espèce, le demandeur, à part des affirmations d’ordre général, ne fait état d’aucun élément personnel duquel il ressortirait que les restrictions apportées à sa liberté de circulation seraient disproportionnées par rapport à l’objectif de la mesure de placement.

Le moyen tiré d’une violation du principe de proportionnalité laisse partant d’être fondé.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours sous analyse n’est justifié en aucun des moyens et est à rejeter comme non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

déclare le recours subsidiaire en annulation irrecevable ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

Marc Feyereisen, président, Catherine Thomé, premier juge, Françoise Eberhardt, juge, et lu à l’audience publique du 4 mars 2009 par le président, en présence du greffier Claude Legille.

s. Claude Legille s. Marc Feyereisen 9


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 25434
Date de la décision : 04/03/2009

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2009-03-04;25434 ?

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