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27/03/2025 | LUXEMBOURG | N°54/25

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 27 mars 2025, 54/25


N° 54 / 2025 pénal du 27.03.2025 Not. 6850/19/CD + 15535/19/CD Numéro CAS-2024-00106 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, vingt-sept mars deux mille vingt-cinq, sur le pourvoi de PERSONNE1.), née le DATE1.) à ADRESSE1.), demeurant à L-ADRESSE2.), prévenue et défenderesse au civil, demanderesse en cassation, comparant par Maître Jean-Marie BAULER, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, en présence du Ministère public et de la CAISSE NATIONALE DE SANTE, établissement public, établie et ayant son

siège social à L-2144 Luxembourg, 4, rue Mercier, représentée par...

N° 54 / 2025 pénal du 27.03.2025 Not. 6850/19/CD + 15535/19/CD Numéro CAS-2024-00106 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, vingt-sept mars deux mille vingt-cinq, sur le pourvoi de PERSONNE1.), née le DATE1.) à ADRESSE1.), demeurant à L-ADRESSE2.), prévenue et défenderesse au civil, demanderesse en cassation, comparant par Maître Jean-Marie BAULER, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, en présence du Ministère public et de la CAISSE NATIONALE DE SANTE, établissement public, établie et ayant son siège social à L-2144 Luxembourg, 4, rue Mercier, représentée par le conseil d’administration, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro J21, demanderesse au civil, défenderesse en cassation.

comparant par la société anonyme ARENDT & MEDERNACH, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, en l’étude de laquelle domicile est élu, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Ari GUDMANNSSON, avocat à la Cour, l’arrêt qui suit :

1 Vu l’arrêt attaqué rendu le 7 juin 2024 sous le numéro 183/24 V. par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, cinquième chambre, siégeant en matière correctionnelle ;

Vu le pourvoi en cassation au pénal et au civil formé par Maître Jean LUTGEN, avocat à la Cour, en remplacement de Maître Jean-Marie BAULER, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, au nom de PERSONNE1.), suivant déclaration du 5 juillet 2024 au greffe de la Cour supérieure de Justice ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 30 juillet 2024 par PERSONNE1.) à l’établissement public CAISSE NATIONALE DE SANTE (ci-après « la CNS »), déposé le 1er août 2024 au greffe de la Cour ;

Vu le mémoire en réponse signifié le 28 août 2024 par la CNS à PERSONNE1.), déposé le 29 août 2024 au greffe de la Cour ;

Sur les conclusions du premier avocat général Marc HARPES.

Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, le Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière correctionnelle, avait condamné la demanderesse en cassation du chef d’escroquerie, de fraude informatique et de blanchiment à une peine d’emprisonnement assortie d’un sursis partiel, à une amende et à l’interdiction temporaire des droits visés à l’article 11 du Code pénal et avait ordonné la confiscation de la maison familiale. Au civil, il avait condamné la demanderesse en cassation à dédommager la partie civile. La Cour d’appel, par réformation, a augmenté le sursis, a réduit l’amende et a confirmé le jugement pour le surplus.

Sur l’unique moyen de cassation Enoncé du moyen « tiré de la violation de l’article 496 du Code pénal pour manque de base légale suite à l’absence, sinon l’insuffisance des motifs, en ce que la juridiction d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision en ne motivant pas, sinon de manière insuffisante, un élément constitutif de l’infraction d’escroquerie, à savoir l’élément moral qui est, pour l’infraction d’escroquerie, l’intention de s’approprier la chose d’autrui, alors que Cour d’appel s’est contentée d’indiquer ce qui suit :

qu’ils ont considéré que les détournements commis par PERSONNE1.) au préjudice 2de la CNS constitueraient l’infraction d’escroquerie, les manœuvres frauduleuses ayant consisté dans l’introduction d’informations relatives à des notes d’honoraires fictives dans le programme "PEN2" de la CNS afin de persuader le département "finances" de l’existence d’un crédit imaginaire d’un affilié et pour abuser de la confiance et de la crédulité de son employeur, avec la circonstance qu’il y a eu transfert d’argent et ceci dans le but et avec le résultat de procurer un avantage économique à soi-même et à des tierces personnes au préjudice de la CNS », étant précisé que les premiers juges avaient de leur côté motivé moral » de l’infraction d’escroquerie de la manière suivante :

lui faisait entièrement confiance et n’exerçait aucun contrôle sur ses saisies – confiance qui lui fut, entre autres, accordée au vu de son ancienneté et de son expérience au sein dudit service.

Elle a donc agi dans le but d’abuser de la "confiance" de son employeur, confiance qui en l’espèce et notamment en raison de sa fonction était telle qu’elle a engendré dans le chef de ce dernier une certaine "crédulité" (Larousse : Trop grande facilité à croire quelqu’un ou quelque chose) dont la prévenue a pu abuser (…) », et que ce faisant, la juridiction d’appel, tout comme juridiction de première instance, n’a pas constaté l’intention de s’approprier le bien d'autrui. ».

Réponse de la Cour La demanderesse fait grief aux juges d’appel d’avoir violé la disposition visée au moyen en l’ayant retenue dans les liens de l’infraction d’escroquerie sans avoir suffisamment motivé l’élément moral de l’infraction, soit l’intention de s’approprier la chose d’autrui.

Le défaut de base légale suppose que l’arrêt attaqué comporte des motifs de fait incomplets ou imprécis qui ne permettent pas à la Cour de cassation d’exercer son contrôle sur la bonne application de la loi.

En retenant « La Cour rejoint, dès lors par adoption de motifs, les premiers juges en ce qu’ils ont considéré que les détournements commis par PERSONNE1.) au préjudice de la CNS constitueraient l’infraction d’escroquerie, les manœuvres frauduleuses ayant consisté dans l’introduction d’informations relatives à des notes d’honoraires fictives dans le programme de la CNS afin de persuader le département de l’existence d’un crédit imaginaire d’un affilé et pour abuser de la confiance et de la crédulité de son employeur, avec la circonstance qu’il y a eu transfert d’argent et ceci dans le but et avec le résultat de procurer un avantage économique à soi-même et à des tierces personnes au préjudice de la CNS. » et en confirmant, sur ce point, les juges de première instance qui avaient retenu 3« PERSONNE1.) avait parfaitement conscience que la direction de la CNS lui faisait entièrement confiance et n’exerçait aucun contrôle sur ses saisies – confiance qui lui fut, entre autres, accordée au vu de son ancienneté et de son expérience au sein dudit service.

Elle a donc agi dans le but d’abuser de la de son employeur, confiance qui en l’espèce et notamment en raison de sa fonction était telle qu’elle a engendré dans le chef de ce dernier une certaine (Larousse : Trop grande facilité à croire quelqu'un ou quelque chose) dont la prévenue a pu abuser.

Les éléments constitutifs de l’escroquerie étant réunis en l’espèce, la prévenue PERSONNE1.) est convaincue de l’infraction qui lui est reprochée à titre subsidiaire. », les juges d’appel ont procédé aux constatations nécessaires pour retenir l’intention, dans le chef de la demanderesse en cassation, de s’approprier un bien qui ne lui appartenait pas.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

Sur la demande en allocation d’une indemnité de procédure Il serait inéquitable de laisser à charge de la défenderesse en cassation l’intégralité des frais exposés non compris dans les dépens. Il convient de lui allouer l’indemnité de procédure sollicitée de 2.000 euros.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation rejette le pourvoi ;

condamne la demanderesse en cassation aux frais de l’instance en cassation au pénal, ceux exposés par le Ministère public étant liquidés à 11,75 euros ;

la condamne à payer à la défenderesse en cassation une indemnité de procédure de 2.000 euros ;

la condamne aux frais et dépens de l’instance en cassation au civil.

Ainsi jugé par la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg en son audience publique du jeudi, vingt-sept mars deux mille vingt-cinq, à la Cité judiciaire, Bâtiment CR, Plateau du St. Esprit, composée de :

4Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, président, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Jeanne GUILLAUME, conseiller à la Cour de cassation, Gilles HERRMANN, conseiller à la Cour de cassation, qui, à l’exception du conseiller Monique HENTGEN, qui se trouvait dans l’impossibilité de signer, ont signé le présent arrêt avec le greffier à la Cour Daniel SCHROEDER.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le conseiller Agnès ZAGO, en présence de l’avocat général Anita LECUIT et du greffier Daniel SCHROEDER.

5Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation PERSONNE1.) en présence du Ministère Public et de la partie civile l’établissement public CAISSE NATIONALE DE SANTÉ N° CAS-2024-00106 du registre Par déclaration faite le 5 juillet 2024 au greffe de la Cour supérieure de justice, Maître Jean LUTGEN, avocat à la Cour, a formé au nom et pour le compte de PERSONNE1.) (ci-après « PERSONNE1.) ») un recours en cassation contre l’arrêt n° 183/24 rendu contradictoirement le 7 juin 2024 par la cinquième chambre de la Cour d’appel, siégeant en matière correctionnelle.

Cette déclaration de recours a été suivie le 1er août 2024 par le dépôt du mémoire en cassation prévu à l’article 43 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, signé par Maître Jean LUTGEN, avocat à la Cour. Ce mémoire a été signifié préalablement à son dépôt, le 30 juillet 2024, à la partie civile, l’établissement public CAISSE NATIONALE DE SANTÉ (ci-

après, la « CNS »).

Le pourvoi, dirigé contre un arrêt qui a statué de façon définitive sur l’action publique, a été déclaré dans la forme et le délai de la loi. De même, le mémoire en cassation prévu à l’article 43 de la loi modifiée du 18 février 1885 a été déposé dans la forme et le délai y imposés.

Il en suit que le pourvoi est recevable.

6Un mémoire en réponse a été signifié à la demanderesse en cassation par Maître Ari GUDMANNSSON, avocat à la Cour, agissant au nom et pour le compte de la partie défenderesse en cassation, la CNS, le 28 août 2024 et déposé au greffe de la Cour supérieure de justice le 29 août 2024. Ce mémoire peut être pris en considération pour avoir été introduit dans les conditions de forme et de délai prévues dans la loi modifiée du 18 février 1885.

Faits et rétroactes Par un jugement n° 1621/2023 du 13 juillet 2023, le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en chambre correctionnelle, avait condamné PERSONNE1.) des chefs d’escroquerie, fraude informatique et blanchiment à une peine d’emprisonnement avec sursis partiel, à une peine d’amende et à l’interdiction temporaire des droits visés à l’article 11 du Code pénal. Il avait encore ordonné la confiscation de la maison familiale et de diverses sommes d’argent ayant appartenu à PERSONNE1.) et son époux PERSONNE2.), également condamné.

Par un arrêt n° 183/24 du 7 juin 2024, la Cour d’appel a augmenté le sursis octroyé par les juges de première instance sur la peine d’emprisonnement, a réduit l’amende et a confirmé le jugement entrepris pour le surplus.

Sur l’unique moyen de cassation L’unique moyen de cassation est « tiré de la violation de l'article 496 du Code pénal pour manque de base légale suite à l’absence, sinon l’insuffisance des motifs, en ce que la juridiction d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision en ne motivant pas, sinon de manière insuffisante, un élément constitutif de l'infraction d’escroquerie, à savoir l’élément moral qui est, pour l’infraction d’escroquerie, l'intention de s'approprier la chose d'autrui, alors que Cour d’appel s’est contentée d’indiquer ce qui suit :

7« la Cour rejoint, dès lors par adoption de motifs, les premiers juges en ce qu’ils ont considéré que les détournements commis par PERSONNE1.) au préjudice de la CNS constitueraient l’infraction d’escroquerie, les manœuvres frauduleuses ayant consisté dans l’introduction d’informations relatives à des notes d’honoraires fictives dans le programme « PEN2 » de la CNS afin de persuader le département « finances » de l’existence d’un crédit imaginaire d’un affilé et pour abuser de la confiance et de la crédulité de son employeur, avec la circonstance qu’il y a eu transfert d’argent et ceci dans le but et avec le résultat de procurer un avantage économique à soi-

même et à des tierces personnes au préjudice de la CNS », étant précisé que les premiers juges avaient de leur côté motivé « l’élément moral » de l’infraction d’escroquerie de la manière suivante :

« PERSONNE1.) avait parfaitement conscience que la direction de la CNS lui faisait entièrement confiance et n’exerçait aucun contrôle sur ses saisies – confiance qui lui fut, entre autre, accordée au vu de son ancienneté et de son expérience au sein dudit service.

Elle a donc agi dans le but d’abuser de la « confiance » de son employeur, confiance qui en l’espèce et notamment en raison de sa fonction était telle qu’elle a engendré dans le chef de ce dernier une certaine « crédulité » (Larousse : Trop grande facilité à croire quelqu’un ou quelque chose) dont la prévenue a pu abuser (…) », et que ce faisant, la juridiction d’appel, tout comme juridiction de première instance, n’a pas constaté l'intention de s’approprier le bien d'autrui.

Aux termes du moyen, la demanderesse en cassation fait grief à la Cour d’appel de l’avoir retenu dans les liens de la prévention d’escroquerie sans avoir motivé l’élément moral de cette infraction, à savoir l’intention de l’auteur de s’approprier une chose appartenant à autrui.

Le défaut de base légale vise le cas où la décision entreprise comporte des motifs, de sorte que sa régularité formelle ne saurait être contestée, mais où les motifs sont imprécis ou incomplets à un point tel que la Cour de cassation est dans l’impossibilité de contrôler l’application de la loi. Ce cas d’ouverture à cassation est défini comme étant l’insuffisance des constatations de fait qui sont nécessaires pour statuer sur le droit1.

1 J. et L. BORÉ, La cassation en matière pénale, 6ème édition 2023/2024, n°s 78.05, 78.08 et 78.31.

8 L’élément moral de l’escroquerie est l’intention de s’approprier une chose appartenant à autrui. Il s’agit d’un dol spécial. Il faut que l’auteur, en se faisant remettre la chose, ait eu la volonté d’en usurper la possession civile.2 En se déterminant par les motifs repris au moyen, et notamment en considérant que la demanderesse en cassation avait commis des détournements au préjudice de la CNS, chiffrés à 2.103.025,73 euros3, en introduisant des informations relatives à des notes d’honoraires fictives dans l’application informatique de la CNS afin de la persuader de l’existence d’un crédit imaginaire d’un affilé, dans le but et avec le résultat de procurer un avantage économique à soi-même et à des tierces personnes au préjudice de la CNS, la Cour d’appel a caractérisé à suffisance l’élément moral de la prévention d’escroquerie qu’elle a retenue dans le chef de la demanderesse en cassation.

Il en suit que le moyen n’est pas fondé.

Conclusion Le pourvoi est recevable, mais n’est pas fondé.

Pour le procureur général d’Etat, Le premier avocat général, Marc HARPES 2 Les infractions, Volume 1, 2ème édition Larcier 2016, p. 312 et s.

3 2.072.587,59 + 30.438,14 euros, voir arrêt entrepris, p. 23.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 54/25
Date de la décision : 27/03/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 29/03/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2025-03-27;54.25 ?

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