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14/11/2024 | LUXEMBOURG | N°160/24

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 14 novembre 2024, 160/24


N° 160 / 2024 du 14.11.2024 Numéro CAS-2024-00003 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, quatorze novembre deux mille vingt-quatre.

Composition:

Thierry HOSCHEIT, président de la Cour, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Jeanne GUILLAUME, conseiller à la Cour de cassation, Laurent LUCAS, conseiller à la Cour d’appel, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre PERSONNE1.), demeurant à L-ADRESSE1.), demanderesse en cassation, comparant par Maîtr

e Charles BERNA, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, et la CA...

N° 160 / 2024 du 14.11.2024 Numéro CAS-2024-00003 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, quatorze novembre deux mille vingt-quatre.

Composition:

Thierry HOSCHEIT, président de la Cour, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Jeanne GUILLAUME, conseiller à la Cour de cassation, Laurent LUCAS, conseiller à la Cour d’appel, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre PERSONNE1.), demeurant à L-ADRESSE1.), demanderesse en cassation, comparant par Maître Charles BERNA, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, et la CAISSE NATIONALE D’ASSURANCE PENSION, établissement public, établie à L-1724 Luxembourg, 1A, boulevard Prince Henri, représentée par le président du conseil d’administration, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro J35, défenderesse en cassation, comparant par Maître Marc THEWES, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu.

Vu l’arrêt attaqué numéro 2023/0205 rendu le 30 octobre 2023 sous le numéro du registre PESU 2023/0081 par le Conseil supérieur de la sécurité sociale ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 29 décembre 2023 par PERSONNE1.) à la CAISSE NATIONALE D’ASSURANCE PENSION (ci-après « la CNAP »), déposé le 29 décembre 2023 au greffe de la Cour supérieure de Justice ;

Vu le mémoire en réponse signifié le 21 février 2024 par la CNAP à PERSONNE1.), déposé le 23 février 2024 au greffe de la Cour ;

Sur les conclusions du procureur général d’Etat adjoint John PETRY.

Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, le conseil d’administration de la CNAP avait confirmé la décision présidentielle qui avait rejeté la demande de la demanderesse en cassation en obtention d’une pension de survie au titre de son premier conjoint, au motif qu’elle s’était remariée avant le décès de celui-ci. Le Conseil arbitral de la sécurité sociale a déclaré le recours de la demanderesse en cassation contre la décision de la CNAP non fondé. Le Conseil supérieur de la sécurité sociale a confirmé le jugement.

Sur le premier moyen de cassation Enoncé du moyen « Le premier moyen est tiré du défaut de motivation, principe qui est consacré par l’article 6 de la CEDH, l’article 109 de la Constitution et l’article 249 du NCPC combiné avec l’article 587 du NCPC.

Le Conseil supérieur de la sécurité sociale a simplement déclaré que suite à ce nouveau mariage, PERSONNE1.) a perdu son droit à une pension de survie du chef de feu PERSONNE2.). La circonstance qu’elle ait été déboutée de son recours relatif à l’attribution d’une pension de survie du chef de son dernier mari, PERSONNE3.), au motif de ne pas avoir satisfait aux conditions d’éligibilité prévues par l’article 196 du Code de la sécurité sociale, n’est pas non plus de nature à pouvoir déjouer la condition légale instaurée par l’article 197 d’une absence de remariage avant le décès du premier mari ».

Le Conseil supérieur de la sécurité sociale a encore déclaré que en l’absence d’autres développements de la partie appelante, il faut constater qu’aucune violation de l’article 14 de la CEDH n’est établie en l’occurrence » et que (…) la fixation d’un seuil de différence d’âge entre conjoints ou partenaires, combinée avec une condition de durée du mariage ou du partenariat, se trouve également dans un rapport raisonnable de proportionnalité avec le but poursuivi ».

Alors que, L’article 6 de la CEDH prévoit que 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l’accès de la salle d’audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l’intérêt de la moralité, de l’ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l’exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice. ».

Enfin, l’article 109 de la Constitution dispose que :

motivé. Il est prononcé en audience publique ».

L’article 249 du NCPC dispose que contiendra les noms des juges, du procureur d’Etat, s’il a été entendu, ainsi que des avoués ; les noms et professions et demeures des parties, leurs conclusions, l’exposition sommaire des points de fait et de droit, les motifs et le dispositif des jugements ».

L’article 587 du NCPC dispose que :

tribunaux inférieurs sont observées en instance d’appel. ». ».

Réponse de la Cour Il résulte des développements consacrés au moyen que la demanderesse en cassation fait grief aux juges d’appel de ne pas avoir suffisamment motivé leur décision concernant, d’une part, les conditions d’exclusion du bénéfice de la pension de survie, d’autre part, la non-violation de l’article 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (ci-après « la Convention »), et enfin, le principe de proportionnalité.

En tant que tiré de la violation des articles 109 de la Constitution, 249 du Nouveau Code de procédure civile et, sous ce rapport, de l’article 6 de la Convention, le moyen vise le défaut de motifs, qui est un vice de forme.

Une décision judiciaire est régulière en la forme dès lors qu’elle comporte une motivation expresse ou implicite sur le point considéré.

En retenant, concernant les conditions d’exclusion de la pension de survie, « L’article 197, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale dispose :

En cas de divorce, le conjoint divorcé, ou en cas de dissolution du partenariat pour une cause autre que le décès, en vertu de l’article 13 de la loi du 9 juillet 2004 relative aux effets légaux de certains partenariats, l’ancien partenaire, a droit, sans préjudice des conditions prévues aux articles 195 et 196, lors du décès de son conjoint divorcé ou de son ancien partenaire, à une pension de survie à condition de ne pas avoir contracté un nouvel engagement par mariage ou partenariat, avant le décès de son conjoint divorcé ou de son ancien partenaire.».

L’article est sans équivoque en ce sens que l’épouse divorcée peut s’en prévaloir au moment du décès de son ex-époux, mais à condition de ne pas avoir contracté un nouvel engagement par mariage avant le décès de celui-ci. Il est indéniable en l’espèce que PERSONNE1.) a, avant le décès de PERSONNE2.) intervenu le 7 septembre 2021, contracté un nouvel engagement par mariage le 21 mai 1999 avec PERSONNE3.). Le fait que son époux soit décédé le 28 août 2004, donc avant son ex-époux, n’influe pas sur la condition posée par l’article 197 alinéa 1er précité dont la vérification, conformément à l’alinéa 2 de l’article 197 du code de la sécurité sociale qui dispose les conditions d’attribution sont à apprécier au moment du décès de l’assuré ou du bénéficiaire de pension », s’opère lors de l’ouverture de l’éventuel droit, donc au moment du décès de l’ex-époux où PERSONNE1.) était remariée.

Suite à ce nouveau mariage, PERSONNE1.) a perdu son droit à une pension de survie du chef de feu PERSONNE2.). La circonstance qu’elle ait été déboutée de son recours relatif à l’attribution d’une pension de survie du chef de son dernier mari, PERSONNE3.), au motif de ne pas avoir satisfait aux conditions d’éligibilité prévues par l’article 196 du code de la sécurité sociale, n’est pas non plus de nature à pouvoir déjouer la condition légale instaurée par l’article 197 d’une absence de remariage avant le décès du premier mari.

Cette lecture est implicitement confirmée par la Cour de cassation dans son arrêt du 20 octobre 2022 (n° 122 / 2022 Numéro CAS-2021-00138 du registre) dans une affaire ayant certes trait à une autre hypothèse, mais où les enseignements à en tirer s’appliquent également à ce cas de figure. La Cour de cassation a fourni la réponse suivante : En retenant, par la combinaison des alinéas 1 et 3 de l’article 197 du code de la sécurité sociale, » et, concernant l’article 14 de la Convention, « L’appelante se réfère encore à l’article 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (ci-après la CEDH) qui interdit toute discrimination fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation.

L’appelante se limite à indiquer cet article pour avancer être largement défavorisée et discriminée par le refus de lui octroyer une pension de survie du chef de feu PERSONNE2.). Outre le fait qu’elle ne fournit aucune précision quant à une quelconque violation de l’article 14 précité, il est de principe que la clause de non-

discrimination de l’article 14 n’a pas d’existence indépendante puisqu’elle se limite à interdire toute discrimination pour les droits et libertés reconnus dans la présente Convention » ; une violation de l’article 14, pris isolément, n’est donc pas concevable. N’étant pas un droit en soi », le droit à la non-discrimination voit ainsi son applicabilité subordonnée au rattachement du grief de discrimination à l’un des droits garantis par la Convention et les protocoles (cf. Les grands arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme, 6e édition, page 97).

Encore faut-il relever que la CEDH ne contient pas de disposition spécifique sur le principe d’égalité, ce qui explique d’ailleurs le succès qu’a connu l’article 10bis de la Constitution luxembourgeoise, actuellement l’article 15 bis, depuis l’instauration de la Cour Constitutionnelle.

En l’absence d’autres développements de la partie appelante, il faut constater qu’aucune violation de l’article 14 de la CEDH n’est établie en l’occurrence. » et, concernant le principe de proportionnalité, « Quant à la du principe de proportionnalité, il est à noter que PERSONNE1.) n’a pas établi voir pas motivé dans quelle mesure des impératifs, une inéquité, une rigueur excessive ou insurmontable ou d’autres considérations tenant à l’équité devraient se substituer aux conditions légales gouvernant l’octroi d’une pension de survie. Mais même à supposer pour les besoins de la discussion (quod non), qu’une telle ingérence soit établie eu égard à la particularité des faits d’espèce, la Cour Constitutionnelle, dans son arrêt du 7 juillet 2017, n°00129 du registre, s’est prononcée par rapport notamment aux conditions d’octroi posées par l’article 196 du code de la sécurité sociale pour en retenir que l’article 196, alinéa 2, point c), du code de la sécurité sociale n’est pas contraire à l’article 10bis, paragraphe 1er, de la Constitution alors que la disposition légale litigieuse a pour objectif d’éviter une perturbation du régime des pensions et que l’ingérence était dès lors nécessaire, notamment, au bien-être économique du pays.

Les enseignements à en tirer sont absolument transposables au cas d’espèce, la Cour, dans l’arrêt précité, ayant relevé qu’il appartient au seul législateur de fixer les exceptions à la règle d’exclusion du bénéfice de la pension de survie instituée par l’article 196, alinéa 1, du code de la sécurité sociale, et que la fixation d’un seuil de différence d’âge entre conjoints ou partenaires, combinée avec une condition de durée du mariage ou du partenariat, se trouve également dans un rapport raisonnable de proportionnalité avec le but poursuivi. », les juges d’appel ont motivé leur décision sur les points considérés.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

Sur le deuxième moyen de cassation Enoncé du moyen « Le deuxième moyen est tiré de la violation des articles 197 et suivants du Code de la sécurité sociale pour ne pas avoir pris en considération le principe de proportionnalité Le deuxième moyen de cassation est tiré de la violation, sinon la mauvaise application, sinon la fausse interprétation, des articles 197 et suivants du Code de la sécurité sociale, par le juge d’appel, eu égard aux faits de l’espèce.

Le Conseil supérieur de la sécurité sociale a simplement déclaré que à ce nouveau mariage, PERSONNE1.) a perdu son droit à une pension de survie du chef de feu PERSONNE2.). La circonstance qu’elle ait été déboutée de son recours relatif à l’attribution d’une pension de survie du chef de son dernier mari, PERSONNE3.), au motif de ne pas avoir satisfait aux conditions d’éligibilité prévues par l’article 196 du Code de la sécurité sociale, n’est pas non plus de nature à pouvoir déjouer la condition légale instaurée par l’article 197 d’une absence de remariage avant le décès du premier mari ».

Le Conseil supérieur de la sécurité sociale a encore déclaré que fixation d’un seuil de différence d’âge entre conjoints ou partenaires, combinée avec une condition de durée du mariage ou du partenariat, se trouve également dans un rapport raisonnable de proportionnalité avec le but poursuivi ».

Alors que, L’article 197 alinéa 1 du Code de la sécurité sociale dispose que : en cas de divorce, le conjoint divorcé, ou en cas de dissolution du partenariat pour une cause autre que le décès, en vertu de l'article 13 de la loi du 9 juillet 2004 relative aux effets légaux de certains partenariats, l'ancien partenaire, a droit, sans préjudice des conditions prévues aux articles 195 et 196, lors du décès de son conjoint divorcé ou de son ancien partenaire, à une pension de survie à condition de ne pas avoir contracté un nouvel engagement par mariage ou partenariat, avant le décès de son conjoint divorcé ou de son ancien partenaire.

Les conditions d'attribution sont à apprécier au moment du décès de l'assuré ou du bénéficiaire de pension (…) ».

L’article 15 paragraphe 1 de la Constitution du Grand-Duché de Luxembourg, telle que modifiée, prévoit spécifiquement que Les Luxembourgeois sont égaux devant la loi. La loi peut prévoir une différence de traitement qui procède d’une disparité objective et qui est rationnellement justifiée, adéquate et proportionnée à son but ».

D’autre part, l’article 3, §3, alinéa 2, du Traité sur l’Union européenne prévoit que l’Union combat l’exclusion sociale et les discriminations, et promeut la justice et la protection sociales, l’égalité entre les femmes et les hommes, la solidarité entre les générations et la protection des droits de l’enfant ». En complément, la Charte consacre en son article 34 le principe général du droit d’accès aux prestations de sécurité sociale et aux services sociaux assurant une protection dans des cas tels que la maternité, la maladie, les accidents du travail, la dépendance ou la vieillesse, ainsi qu’en cas de perte d’emploi, selon les règles établies par le droit de l’Union et les législations et pratiques nationales.

L’article 8 de la CEDH dispose quant à lui que toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. De façon similaire, l'article 7 de la Charte offre une protection équivalente. La Constitution prévoit également le droit au respect de la vie privée en son article 20.

A cela s’ajoute également que le droit à une assurance pension peut constituer un droit patrimonial au sens de l’article 1 du Protocole n°1 de la CEDH, qui consacre le droit à la propriété dans les termes suivants : toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ». ».

Réponse de la Cour Aux termes de l’article 10, alinéa 2, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, chaque moyen doit préciser, sous peine d’irrecevabilité, ce en quoi la partie critiquée de la décision encourt le reproche allégué. Les développements en droit qui, aux termes de l’alinéa 3 de l’article 10 précité peuvent compléter l’énoncé du moyen, ne peuvent suppléer la carence de celui-ci au regard des éléments dont la précision est requise sous peine d’irrecevabilité.

Le moyen ne précise pas en quoi les juges d’appel auraient contrevenu au principe de proportionnalité en faisant application de l’article 197 visé au moyen.

Il s’ensuit que le moyen est irrecevable.

Sur le troisième moyen de cassation Enoncé du moyen « Le troisième moyen est tiré de la violation du principe de non-

discrimination par le juge d’appel, intervenant en violation de :

- l’article 15 (1) de la Constitution du Grand-Duché de Luxembourg, - l’article 14 de la CEDH, - l’article 21 de la Charte.

En ce que le Conseil supérieur de la sécurité sociale a simplement déclaré que (…) il est de principe que la clause de non-discrimination de l’article 14 n’a pas d’existence indépendante puisqu’elle se limite à interdire toute discrimination pour les droits et libertés reconnus dans la présente convention, une violation de l’article 14, pris isolément n’est donc pas concevable ».

Alors que, Aux termes de l’article 15 paragraphe 1 de la Constitution du Grand-Duché de Luxembourg, telle que modifiée, prévoit spécifiquement que : .

Aux termes de l’article 14 de la CEDH :

libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ».

Aux termes de l’article 21 de la Charte :

discrimination fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, les origines ethniques ou sociales, les caractéristiques génétiques, la langue, la religion ou les convictions, les opinions politiques ou toute autre opinion, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance, un handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle. 2. Dans le domaine d’application du traité instituant la Communauté européenne et du traité sur l’Union européenne, et sans préjudice des dispositions particulières desdits traités, toute discrimination fondée sur la nationalité est interdite.

De sorte que le Conseil supérieur de la sécurité sociale aurait dû prendre en considération les éléments factuels afin de garantir les intérêts de Madame PERSONNE1.), en motivant expressément en quoi il n’estimait pas discriminatoire le fait de ne pas accorder la pension à une personne ayant été mariée et ayant vécu plus d’une vingtaine d’année avec le défunt conformément à l’article 197 alinéa 1 du Code de la sécurité sociale.

Ainsi, l’arrêt entrepris encourt la cassation alors que le juge du fond a violé les dispositions susmentionnées. ».

Réponse de la Cour Il ne résulte pas des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard que la demanderesse en cassation ait soulevé devant les juges d’appel le moyen tiré de la violation de l’article 15, paragraphe 1, de la Constitution. A cet égard, le moyen est dès lors nouveau et, en ce qu’il comporterait un examen des circonstances de fait, mélangé de fait et de droit.

Il s’ensuit que le moyen, en ce qu’il est tiré de la violation de l’article 15, paragraphe 1, de la Constitution, est irrecevable.

L’article 21 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-

après « la Charte ») présuppose la mise en œuvre du droit de l’Union européenne.

Le litige soumis aux juges d’appel n’appelait pas la mise en œuvre du droit de l’Union européenne.

Il s’ensuit que le moyen, en ce qu’il est tiré de l’article 21 de la Charte, est irrecevable.

En retenant, concernant la violation de l’article 14 de la Convention, « L’appelante se réfère encore à l’article 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (ci-après la CEDH) qui interdit toute discrimination fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation.

L’appelante se limite à indiquer cet article pour avancer être largement défavorisée et discriminée par le refus de lui octroyer une pension de survie du chef de feu PERSONNE2.). Outre le fait qu’elle ne fournit aucune précision quant à une quelconque violation de l’article 14 précité, il est de principe que la clause de non-

discrimination de l’article 14 n’a pas d’existence indépendante puisqu’elle se limite à interdire toute discrimination pour les droits et libertés reconnus dans la ; une violation de l’article 14, pris isolément, n’est donc pas concevable. N’étant pas un droit , le droit à la non-discrimination voit ainsi son applicabilité subordonnée au rattachement du grief de discrimination à l’un des droits garantis par la Convention et les protocoles (cf. Les grands arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme, 6e édition, page 97).

Encore faut-il relever que la CEDH ne contient pas de disposition spécifique sur le principe d’égalité, ce qui explique d’ailleurs le succès qu’a connu l’article 10bis de la Constitution luxembourgeoise, actuellement l’article 15 bis, depuis l’instauration de la Cour Constitutionnelle.

En l’absence d’autres développements de la partie appelante, il faut constater qu’aucune violation de l’article 14 de la CEDH n’est établie en l’occurrence. », les juges d’appel ont fait une exacte application de la loi.

Il s’ensuit qu’en ce qu’il est tiré de la violation de l’article 14 de la Convention, le moyen n’est pas fondé.

Sur les demandes en allocation d’une indemnité de procédure Il ne paraît pas inéquitable de laisser à charge de la défenderesse en cassation l’intégralité des frais exposés non compris dans les dépens. Il y a lieu de rejeter sa demande en allocation d’une indemnité de procédure.

La demanderesse en cassation étant à condamner aux dépens de l’instance en cassation, sa demande en allocation d’une indemnité de procédure est à rejeter.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation rejette le pourvoi ;

rejette les demandes en paiement d’une indemnité de procédure ;

condamne la demanderesse en cassation aux frais et dépens de l’instance en cassation, avec distraction au profit de Maître Marc THEWES, sur ses affirmations de droit.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Thierry HOSCHEIT en présence du premier avocat général Sandra KERSCH et du greffier Daniel SCHROEDER.

Conclusions du Parquet Général dans le cadre du pourvoi en cassation PERSONNE1.) c/ CAISSE NATIONALE D’ASSURANCE PENSION (affaire n° CAS-2024-00003 du registre) Le pourvoi de la partie demanderesse en cassation, par dépôt au greffe de la Cour en date du 29 décembre 2023, d’un mémoire en cassation, signifié le même jour à la partie défenderesse en cassation, est dirigé contre un arrêt n° 2023/0205 rendu contradictoirement le 30 octobre 2023 par le Conseil supérieur de la sécurité sociale dans la cause inscrite sous le numéro PESU 2023/0081 du registre.

Sur la recevabilité du pourvoi Le pourvoi est dirigé contre un arrêt du Conseil supérieur de la sécurité sociale, contre lequel un pourvoi en cassation peut être formé sur le fondement de l’article 455, alinéa 4, du Code de la sécurité sociale.

Il est recevable au regard du délai1 et de la forme2.

Le pourvoi est dirigé contre une décision contradictoire, donc non susceptible d’opposition, rendue en dernier ressort qui tranche tout le principal, de sorte qu’il est également recevable au regard des articles 1er et 3 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, rendus applicables par l’article 455, alinéa 4, du Code de la sécurité sociale.

Partant, le pourvoi est recevable.

Sur la procédure Saisi par PERSONNE1.) d’un recours contre la décision de la CAISSE NATIONALE D’ASSURANCE PENSION (ci-après « la Caisse ») de rejeter sa demande en obtention d’une pension de survie, le Conseil arbitral de la sécurité sociale déclarait le recours non fondé. Sur appel de la requérante, le Conseil supérieur de la sécurité sociale confirma le jugement entrepris.

Sur le cadre juridique 1 L’arrêt contradictoire attaqué a été notifié, conformément à l’article 458 du Code de la sécurité sociale, le 2 novembre 2023 à la partie demanderesse en cassation, laquelle réside au Grand-duché de Luxembourg. Comme le pourvoi a été formé le 29 décembre 2023, le délai de recours de deux mois, prévu à l’article 7, alinéa 1, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, rendu applicable par l’article 455, alinéa 4, du Code de la sécurité sociale, a été respecté.

2 La partie demanderesse en cassation a déposé un mémoire signé par un avocat à la Cour et signifié à la partie adverse le 29 décembre 2023, antérieurement au dépôt du pourvoi, de sorte que ces formalités imposées par l’article 10 de la loi de 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, rendues applicables par l’article 455, alinéa 4, du Code la sécurité sociale, ont été respectées.

Le Code de la sécurité sociale dispose que :

« Pensions de survie Art. 195. A droit à une pension de survie, sans préjudice de toutes autres conditions prescrites, le conjoint ou le partenaire au sens de l'article 2 de la loi du 9 juillet 2004 relative aux effets légaux de certains partenariats survivant d'un bénéficiaire d'une pension de vieillesse ou d'invalidité attribuée en vertu du présent livre ou d'un assuré si celui-ci au moment de son décès justifie d'un stage de douze mois d'assurance au moins au titre des articles 171, 173 et 173bis pendant les trois années précédant la réalisation du risque. Cette période de référence de trois ans est étendue pour autant et dans la mesure où elle se superpose à des périodes visées à l’article 172 ainsi qu’à des périodes correspondant au bénéfice de l’allocation d’inclusion prévue par la loi modifiée du 28 juillet 2018 relative au revenu d’inclusion sociale ou au bénéfice du revenu pour personnes gravement handicapées prévu par la loi modifiée du 12 septembre 2003 relative aux personnes handicapées. Toutefois ce stage n’est pas exigé en cas de décès de l’assuré imputable à un accident de quelque nature que ce soit ou à une maladie professionnelle reconnue en vertu des dispositions du présent code, survenus pendant l’affiliation.

Art. 196. La pension de survie du conjoint ou du partenaire au sens de l'article 2 de la loi du 9 juillet 2004 relative aux effets légaux de certains partenariats, n'est pas due :

- lorsque le mariage ou le partenariat a été conclu moins d'une année soit avant le décès, soit avant la mise à la retraite pour cause d'invalidité ou pour cause de vieillesse de l'assuré ;

- lorsque le mariage ou le partenariat a été contracté avec un titulaire de pension de vieillesse ou d'invalidité.

Toutefois, l'alinéa 1 n'est pas applicable, si au moins l'une des conditions ci-après est remplie :

a) lorsque le décès de l'assuré actif ou la mise à la retraite pour cause d'invalidité est la suite directe d'un accident survenu après le mariage ou le partenariat ;

b) lorsqu'il existe lors du décès un enfant né ou conçu lors du mariage ou du partenariat, ou un enfant légitimé par le mariage ;

c) lorsque le bénéficiaire de pension décédé n'a pas été l’aîné de son conjoint ou de son partenaire de plus de quinze années et que le mariage ou le partenariat a duré, au moment du décès, depuis au moins une année ;

d) lorsque le mariage ou le partenariat a duré au moment du décès du bénéficiaire de pension depuis au moins dix années.

Art. 197. En cas de divorce, le conjoint divorcé, ou en cas de dissolution du partenariat pour une cause autre que le décès, en vertu de l'article 13 de la loi du 9 juillet 2004 relative aux effets légaux de certains partenariats, l'ancien partenaire, a droit, sans préjudice des conditions prévues aux articles 195 et 196, lors du décès de son conjoint divorcé ou de son ancien partenaire, à une pension de survie à condition de ne pas avoir contracté un nouvel engagement par mariage ou partenariat, avant le décès de son conjoint divorcé ou de son ancien partenaire.

Les conditions d’attribution sont à apprécier au moment du décès de l’assuré ou du bénéficiaire de pension. […] […] Art. 204. Les pensions de survivant de conjoint ou de partenaire au sens de l'article 2 de la loi du 9 juillet 2004 relative aux effets légaux de certains partenariats, cessent d'être payées à partir du mois suivant celui du nouvel engagement par mariage ou partenariat.

Si le titulaire d'une pension de survie contracte un nouvel engagement par mariage ou partenariat au sens de l'article 2 de la loi du 9 juillet 2004 relative aux effets légaux de certains partenariats, avant l'âge de cinquante ans la pension de survie est rachetée au taux de cinq fois le montant versé au cours des douze derniers mois. En cas de nouvel engagement par mariage ou partenariat après l'âge de cinquante ans, le taux est réduit à trois fois le montant prévisé.

Toutefois le montant du rachat ne peut pas être supérieur respectivement à cinq fois et trois fois la pension annuelle qui aurait été due pour la même période sans application des dispositions de l’article 229 et sans prise en compte des majorations proportionnelles spéciales et forfaitaires spéciales.

Art. 205. Si le nouveau mariage est dissous par le divorce ou le décès du conjoint, ou si le nouveau partenariat a été valablement dissous en vertu de l'article 13 de la loi du 9 juillet 2004 relative aux effets légaux de certains partenariats, la pension est rétablie après respectivement cinq ou trois années à compter du nouvel engagement par mariage ou partenariat, suivant que celui-ci a eu lieu avant ou après l'âge de cinquante ans. Au cas où la dissolution du mariage ou du partenariat se situe dans la période couverte par le rachat, la pension est rétablie à partir du premier jour du mois qui suit cette dissolution, déduction faite du montant ayant servi à la détermination du rachat prévu à l'alinéa 2 de l'article 204 pour la période résiduelle.

Au cas où le décès du nouveau conjoint ou du nouveau partenaire ouvre également droit à une pension, seule la pension la plus élevée au moment de l'ouverture du droit à cette dernière est payée, compte tenu de l'application de l'alinéa qui précède. A l'expiration de la période couverte par le rachat il est procédé à une nouvelle comparaison et la pension la plus élevée est définitivement allouée. ».

Sur le litige La demanderesse en cassation a été mariée du 12 septembre 1975 au 9 novembre 1995 avec un premier conjoint. Ce mariage a été dissous par divorce. Le premier conjoint est décédé le 7 décembre 2021. Antérieurement à ce décès, elle s’est, le 21 mai 1999, remariée avec un second conjoint, lequel est décédé le 28 août 2004, sans qu’elle soit légalement en mesure de prétendre à l’octroi d’une pension de survie du chef de ce dernier.

Elle sollicita une pension de survie du chef du premier conjoint, qui lui fut refusée par la Caisse, cette décision ayant été confirmée sur son recours par le Conseil arbitral et, sur son appel, par le Conseil supérieur de la sécurité sociale.

Le Conseil arbitral rejeta le recours au motif que la requérante ne pouvait pas prétendre à une pension de survie du chef de son premier conjoint parce qu’elle s’était remariée avant le décès de ce dernier et que l’article 197, alinéa 1, du Code de la sécurité sociale excluait le droit à une pension de survie en cas de remariage avant le décès du conjoint du chef duquel la pension de survie est demandée. Il considéra que la circonstance que le second mariage a été dissout avant le décès du premier conjoint était, au regard du libellé de l’article précité, dépourvue de pertinence. Il estima enfin que l’article 205 du Code, qui, sous certaines conditions, permet de rétablir une pension de survie du chef d’un premier conjoint en cas de décès du nouveau conjoint avec lequel le bénéficiaire d’un droit à pension s’est remarié, est également dépourvu de pertinence, la requérante n’ayant, du fait d’un remariage ayant eu lieu avant le décès du premier conjoint, pas eu droit à une pension de survie conformément à l’article 197, alinéa 1, du Code, de sorte que le décès du second conjoint ne pouvait pas faire revivre un droit à pension qui n’était jamais né.

La Conseil supérieur de la sécurité sociale confirma ce jugement. Il retint que l’article 197, alinéa 1, du Code faisait perdre au conjoint survivant le droit à pension de survie en cas de remariage. Il exclut l’application de l’article 205 du Code, qui suppose que le conjoint survivant soit bénéficiaire d’une pension de survie, ce qui ne se conçoit pas lorsque, comme en l’espèce, ce droit a été perdu, sur base de l’article 197, alinéa 1, du Code, par suite de remariage avant le décès du conjoint. Il rejeta un moyen tiré de la violation de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après « la Charte »), celle-ci supposant une violation du droit de l’Union européenne, non pertinente en l’espèce. Il considéra enfin qu’aucune violation de l’article 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales n’était établie en l’espèce.

Sur le premier moyen de cassation Le premier moyen de cassation est tiré, pour défaut de motivation, de la violation des articles 6 de la Convention, 109 de la Constitution, ainsi que 249 et 587 du Nouveau Code de procédure civile, en ce que le Conseil supérieur de la sécurité sociale a confirmé le rejet de l’octroi de la pension de survie à la demanderesse en cassation aux motifs, notamment, que « [s]uite à ce nouveau mariage, [la demanderesse en cassation] a perdu son droit à une pension de survie du chef de [son premier conjoint]. La circonstance qu’elle ait été déboutée de son recours relatif à l’attribution d’une pension de survie du chef de son dernier mari […], au motif de ne pas avoir satisfait aux conditions d’éligibilité prévues par l’article 196 du code de la sécurité sociale, n’est pas non plus de nature à pouvoir déjouer la condition légale instaurée par l’article 197 d’une absence de remariage avant le décès du premier mari. »3, que « [e]n l’absence d’autres développements de la partie appelante, il faut constater qu’aucune violation de l’article 14 de la CEDH n’est établie en l’occurrence »4 et que « la fixation d’un seuil de différence d’âge entre conjoints ou partenaires, combinée avec une condition de durée du 3 Arrêt attaqué, page 3, dernier alinéa.

4 Idem, page 5, dernier alinéa.

mariage ou du partenariat, se trouve également dans un rapport raisonnable de proportionnalité avec le but poursuivi »5, alors que, ainsi qu’il n’est exposé que dans la discussion du moyen, les motifs précités ne sont pas suffisants, de sorte que l’arrêt n’est pas motivé.

Aux termes de l’article 10, alinéa 2, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, chaque moyen doit préciser, sous peine d’irrecevabilité, ce en quoi la partie critiquée de la décision encourt le reproche allégué. Suivant votre jurisprudence constante les développements en droit qui, aux termes de l’alinéa 3 de l’article 10 précité peuvent compléter l’énoncé du moyen, ne peuvent suppléer la carence de celui-ci au regard des éléments dont la précision est requise sous peine d’irrecevabilité6.

Le moyen ne précise pas en quoi les juges d’appel auraient violé les dispositions visées.

Il s’ensuit que le moyen est irrecevable.

Dans un ordre subsidiaire il est relevé que le moyen critique le caractère insuffisant de la motivation. Il vise dès lors le défaut de base légale qui se définit comme l’insuffisance des constatations de fait pour statuer sur le droit, vice de fond, non visé par les dispositions invoquées, à savoir les articles 109 de la Constitution, 249 et 587 du Nouveau Code de procédure civile et, dans la mesure où il impose la motivation des décisions de justice, l’article 6 de la Convention.

Les dispositions indiquées au moyen, qui visent le défaut de motifs, constitutif d’un vice de forme, sont partant étrangères au grief invoqué7.

Il s’ensuit, à titre subsidiaire, que le moyen est encore irrecevable pour ce motif supplémentaire.

Dans un ordre plus subsidiaire il est observé que le moyen vise le défaut de motifs qui est un vice de forme8. Une décision est régulière en la forme dès qu’elle comporte une motivation, expresse ou implicite, sur le point considéré9.

Par les motifs cités au moyen les juges d’appel ont motivé leur décision de considérer que le rejet de la pension de survie était légal et ne méconnaissait pas le principe de proportionnalité.

Ils ont, partant, motivé leur décision sur les points considérés.

Il s’ensuit, à titre plus subsidiaire, que le moyen n’est pas fondé.

5 Idem, page 6, premier alinéa.

6 Voir, à titre d’illustration : Cour de cassation, 4 janvier 2024, n° 03/2024, numéro CAS-2023-00029 du registre (réponse au deuxième moyen) ; idem, 11 janvier 2024, n° 09/2024, numéro CAS-2023-00054 du registre (réponse à la première branche du premier moyen).

7 Voir, à titre d’illustration : idem, 28 mars 2024, n° 58/2024 pénal, numéro CAS-2023-00118 du registre (réponse au premier moyen).

8 À titre d’illustration : idem, 28 mars 2024, n° 60/2024 pénal, numéro CAS-2023-00126 du registre (réponse au premier moyen).

9 Idem et loc.cit.

Sur le deuxième moyen de cassation Le deuxième moyen de cassation est tiré de la violation des articles 197 et suivants du Code de la sécurité sociale, 15, paragraphe 1, de la Constitution révisée, 3, paragraphe 3, alinéa 2, du Traité sur l’Union européenne, 21 et 34 de la Charte, 8 et 14 de la Convention et 1 du Protocole à celle-ci ainsi que du principe de proportionnalité, en ce que le Conseil supérieur de la sécurité sociale a confirmé le rejet de l’octroi de la pension de survie à la demanderesse en cassation aux motifs, notamment, que « [s]uite à ce nouveau mariage, [la demanderesse en cassation] a perdu son droit à une pension de survie du chef de [son premier conjoint]. La circonstance qu’elle ait été déboutée de son recours relatif à l’attribution d’une pension de survie du chef de son dernier mari […], au motif de ne pas avoir satisfait aux conditions d’éligibilité prévues par l’article 196 du code de la sécurité sociale, n’est pas non plus de nature à pouvoir déjouer la condition légale instaurée par l’article 197 d’une absence de remariage avant le décès du premier mari. »10 et que « la fixation d’un seuil de différence d’âge entre conjoints ou partenaires, combinée avec une condition de durée du mariage ou du partenariat, se trouve également dans un rapport raisonnable de proportionnalité avec le but poursuivi »11, alors que, ainsi qu’il n’est exposé que dans la discussion du moyen, la demanderesse en cassation est discriminée par rapport à un conjoint qui demande une pension de survie sans avoir contracté un nouveau mariage, le juge devant corriger les oublis du législateur et épouser des solutions sociales en mettant en balance les objectifs de l’article 197, alinéa 1, du Code de la sécurité sociale avec les circonstances particulières de l’espèce, de sorte que le principe d’égalité de traitement de l’article 15, paragraphe 1, de la Constitution a été méconnu et que l’application stricte de l’article 197, alinéa 1, précité n’est pas objectivement justifiée et proportionnée, ce qui implique que les principes de non-discrimination et de proportionnalité consacrés par l’article 14 de la Convention ensemble avec les articles 8 de celle-ci et 1 du Protocole additionnel à celle-ci et 21 de la Charte ensemble avec l’article 34 de celle-ci n’ont pas été respectés.

Le moyen ne précise pas, dans son énoncé, mais seulement dans sa discussion, en quoi les juges d’appel auraient violé les dispositions visées.

Il s’ensuit qu’il est, au regard de votre jurisprudence rappelée ci-avant dans le cadre de la discussion du premier moyen, irrecevable pour méconnaître l’exigence de l’article 10, alinéa 2, seconde phrase, de la loi précitée de 1885.

Dans un ordre subsidiaire il est observé que, aux termes de l’article 10, alinéa 2, première phrase, de la loi précitée de 1885, un moyen ou un élément de moyen ne droit, sous peine d’irrecevabilité, mettre en œuvre qu’un seul cas d’ouverture.

Le moyen articule une violation par suite d’une application trop stricte de l’article 197, alinéa 1, du Code de la sécurité sociale, d’une part, de l’article 15, paragraphe 1, de la Constitution révisée et, d’autre part, des articles 14 de la Convention, en combinaison avec les articles 8 de celle-ci et 1 du Protocole additionnel à celle-ci, et 21 de la Charte, en combinaison avec l’article 34 de celle-ci. Le premier grief est, dans la discussion du moyen, présenté comme étant relatif à la violation du principe d’égalité et de proportionnalité du point de vue du droit luxembourgeois tandis que le second y est présenté comme se rapportant à un reproche de violation du principe d’égalité et de proportionnalité du point de vue du droit international. Ces deux griefs ne sont pas seulement distingués formellement par la demanderesse en cassation, 10 Arrêt attaqué, page 3, dernier alinéa.

11 Idem, page 6, premier alinéa.

mais se distinguent également par leur objet : l’article 15, paragraphe 1, de la Constitution révisée sanctionne toute discrimination opérée pour un quelconque motif par la loi tandis que les articles 14 de la Convention et 21 de la Charte sanctionnent les seules discriminations se rapportant aux droits garantis par ces deux instruments.

Le moyen articule donc deux griefs différents.

Il s’ensuit, à titre subsidiaire, qu’il est encore irrecevable pour ce motif supplémentaire12.

Dans un ordre plus subsidiaire il est relevé que, au regard des éléments auxquels vous pouvez avoir égard, la demanderesse en cassation avait soulevé en instance d’appel une violation de l’article 14 de la Convention et des articles 21 et 34 de la Charte13. Les juges d’appel avaient rejeté le grief tiré de la violation de la Charte aux motifs que le litige ne soulève aucune question relative au droit de l’Union européenne, de sorte que la Charte est, au vu de son article 51, inapplicable14. Le grief tiré de la violation de l’article 14 de la Convention avait été rejeté par eux au motif qu’une violation isolée de cet article n’était pas concevable, mais que la demanderesse n’avait pas invoqué une violation de cette disposition, donc une discrimination, dans le cadre spécifique de l’application de l’un des droits garantis par la Convention15. Devant votre Cour, outre de réitérer son grief tiré de la violation combinée des articles 21 et 34 de la Charte, elle invoque, d’une part, une violation de l’article 15, paragraphe 1, de la Constitution révisée et, d’autre part, celle de l’article 14 de la Convention dans le cadre de l’application des droits garantis par les articles 8 de celle-ci et 1 du Protocole additionnel à celle-ci.

Ces deux griefs sont nouveaux. Ils supposent, s’agissant du grief tiré de la violation de l’article 15 de la Constitution révisée, l’appréciation des conditions de l’application de cette disposition aux circonstances de l’espèce, notamment l’appréciation et la comparaison des situations d’ordre factuel desquelles l’existence d’une discrimination est déduite16. Ils supposent, s’agissant du grief tiré de la violation de l’article 14 de la Convention dans le cadre des droits garantis par les articles 8 de celle-ci et 1 du Protocole additionnel à celle-ci, l’appréciation du point de savoir si et dans quelle mesure la situation de fait de la demanderesse en cassation est susceptible d’être qualifiée de discrimination rattachée aux droits garantis par les deux articles précités. Ils supposent donc chacun une appréciation de fait, qui échappe au pouvoir de votre Cour.

Il s’ensuit qu’ils sont mélangés de fait et de droit, donc irrecevables17.

S’agissant du grief, déjà soulevé devant les juges du fond, tiré de la violation des articles 21 et 34 de la Charte, les juges d’appel, en constatant que la Charte circonscrit, dans son article 51, son champ d’application à la mise en œuvre du droit de l’Union européenne et que le cas d’espèce est étranger à une telle mise en œuvre, de sorte que le grief est étranger au litige18, ont exactement appliqué la loi.

12 Voir, à titre d’illustration : idem, 8 février 2024, n° 24/2024, numéro CAS-2023-00055 du registre (réponse au troisième moyen).

13 Arrêt attaqué, page 4, dernier alinéa.

14 Idem, page 5, premier au troisième alinéa.

15 Idem, même page, cinquième au dernier alinéa.

16 Cour de cassation, 6 juin 2013, n° 45/13, numéro 3184 du registre (réponse au deuxième moyen).

17 Voir, à titre d’illustration : idem, 21 mars 2024, n° 50/2024, numéro CAS-2023-00094 du registre (réponse au douzième moyen).

18 Arrêt attaqué, page 5, quatrième alinéa.

Il s’ensuit, à titre plus subsidiaire, que le moyen est, s’agissant des griefs tirés de la violation de l’article 15, paragraphe 1, de la Constitution révisée et de l’article 14 de la Convention dans le cadre de l’application des droits garantis par les articles 8 de celle-ci et 1 du Protocole additionnel à celle-ci, irrecevable pour être nouveau et mélangé de fait et de droit et non fondé en ce qui concerne le grief tiré de la violation des articles 21 et 34 de la Charte.

Sur le troisième moyen de cassation Le troisième moyen de cassation est tiré de la violation du principe de non-discrimination par violation des articles 15, paragraphe 1, de la Constitution révisée, 14 de la Convention et 21 de la Charte, en ce que le Conseil supérieur de la sécurité sociale a rejeté le moyen tiré d’une violation du principe de non-discrimination en se limitant à observer que « […] il est de principe que la clause de non-discrimination de l’article 14 n’a pas d’existence indépendante puisqu’elle se limite à interdire toute discrimination pour les droits et libertés reconnus dans la « présente Convention » ; une violation de l’article 14, pris isolément, n’est donc pas concevable. »19, alors qu’il aurait dû prendre en considération les éléments factuels, en motivant expressément en quoi il n’estimait pas discriminatoire le refus de la pension de survie à une personne ayant été mariée et ayant vécu plus d’une vingtaine d’années avec son conjoint.

Comme déjà exposé ci-avant dans le cadre de la discussion du deuxième moyen, aux termes de l’article 10, alinéa 2, première phrase, de la loi précitée de 1885, un moyen ou un élément de moyen ne droit, sous peine d’irrecevabilité, mettre en œuvre qu’un seul cas d’ouverture.

Le moyen articule une violation par suite d’une insuffisante appréciation des éléments de fait, d’une part, de l’article 15, paragraphe 1, de la Constitution révisée et, d’autre part, des articles 14 de la Convention et 21 de la Charte. Critiquant une insuffisance des motifs de fait, il est tiré d’un défaut de base légale Ce dernier sanctionne un défaut de prise en considération des conditions légales d’application d’une règle de droit, donc le défaut de procéder aux recherches nécessaires impliquées par cette règle20. Or, les deux catégories d’articles invoqués au titre d’un défaut de base légale – l’article 15, paragraphe 1, de la Constitution révisée d’une part et les articles 14 de la Convention et 21 de la Charte d’autre part – impliquent des conditions légales d’application différentes : le premier sanctionne toute discrimination opérée pour un quelconque motif par la loi tandis que les seconds sanctionnent les seules discriminations se rapportant aux droits garantis par les deux instruments, à savoir la Convention et la Charte. Le moyen, suivant qu’il est tiré de l’article 15, paragraphe 1, de la Constitution révisée ou des articles 14 de la Convention et 21 de la Charte, critique donc des insuffisances d’appréciation différentes. Il articule dès lors deux griefs différents, partant, deux « cas d’ouverture » différents, ce terme visant, dans le cadre de l’article 10, alinéa 2, première phrase, de la loi précitée de 1885, le cas d’ouverture abstrait, soit, en l’occurrence, le défaut de base légale, appliqué de façon concrète aux vices allégués de la décision attaquée21, soit, en l’occurrence, l’insuffisante appréciation des conditions légales d’application de l’article 15, paragraphe 1, de la Constitution révisée d’une part et des articles 14 de la Convention et 21 de la Charte d’autre part.

Il s’ensuit que le moyen est irrecevable.

19 Idem, même page, antépénultième alinéa.

20 Jacques et Louis BORÉ, La cassation en matière civile, Paris, Dalloz, sixième édition, 2023, n° 78.93, page 446.

21 BORÉ, précité, n° 81.94, page 487.

Dans un ordre subsidiaire il est observé que le moyen articule un grief tiré de la violation de l’article 15, paragraphe 1, de la Constitution révisée, qui est nouveau, n’ayant, au regard des éléments auxquels vous pouvez avoir égard, pas été invoqué devant les juges du fond22. Ce grief suppose l’appréciation des conditions de l’application de l’article 15, paragraphe 1, de la Constitution révisée aux circonstances de l’espèce, notamment l’appréciation et la comparaison des situations d’ordre factuel desquelles l’existence d’une discrimination est déduite23. Il suppose donc une appréciation de fait, qui échappe au pouvoir de votre Cour.

Il s’ensuit qu’il est, à cet égard, mélangé de fait et de droit, donc irrecevable.

Le moyen articule en outre des griefs tirés de la violation des articles 14 de la Convention et 21 de la Charte.

S’agissant du grief, déjà soulevé devant les juges du fond, tiré de la violation de l’article 14 de la Convention, les juges d’appel, en constatant que cet article ne formule par un droit « en soi », mais suppose un rattachement à l’un des droits garantis par la Convention24, qui n’a été précisé ni devant les juges d’appel ni, dans le cadre du présent moyen, devant votre Cour, c’est à juste titre, et par des motifs suffisants, que les juges d’appel ont conclu qu’une violation de cet article n’a pas été établie25.

S’agissant du grief, également déjà soulevé devant les juges du fond, tiré de la violation de l’article 21 de la Charte, les juges d’appel, en constatant que la Charte circonscrit, dans son article 51, son champ d’application à la mise en œuvre du droit de l’Union européenne et que le cas d’espèce est étranger à une telle mise en œuvre, de sorte que le grief est étranger au litige26, ont appliqué la loi de façon exacte et sans insuffisance de constatations de fait.

Il s’ensuit, à titre subsidiaire, que le moyen est, s’agissant du grief tiré de la violation de l’article 15, paragraphe 1, de la Constitution révisée, irrecevable pour être nouveau et mélangé de fait et de droit et que, s’agissant des griefs tirés de la violation des articles 14 de la Convention et 21 de la Charte, il n’est pas fondé.

22 Arrêt attaqué, page 4, dernier alinéa, duquel résulte que l’actuelle demanderesse en cassation avait invoqué devant les juges d’appel une violation des articles 21 et 34 de la Charte et 14 de la Convention, à l’exclusion d’une violation de l’article 15, paragraphe 1, de la Constitution révisée.

23 Arrêt précité n° 45/13, numéro 3184 du registre de la Cour de cassation du 6 juin 2013.

24 Arrêt attaqué, page 5, antépénultième alinéa.

25 Idem, même page, dernier alinéa. Voir, au sujet du bien-fondé de cette solution : Cour européenne des droits de l’homme, Guide sur l’article 14 de la Convention européenne des droits de l’homme et l’article 1 du Protocole n° 12 à la Convention (https://www.echr.coe.int/documents/d/echr/Guide_Art_14_Art_1_Protocol_12_FRA), n° 3, page 6.

26 Idem, même page, quatrième alinéa.

Conclusion :

Le pourvoi est recevable, mais il est à rejeter.

Pour le Procureur général d’Etat Le Procureur général d’Etat adjoint John PETRY 20


Synthèse
Numéro d'arrêt : 160/24
Date de la décision : 14/11/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 16/11/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2024-11-14;160.24 ?

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