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16/05/2023 | LUXEMBOURG | N°48665C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 16 mai 2023, 48665C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 48665C ECLI:LU:CADM:2023:48665 Inscrit le 8 mars 2023

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Audience publique du 16 mai 2023 Appel formé par Monsieur (G), … contre un jugement du tribunal administratif du 7 février 2023 (n° 46034 du rôle) en matière de protection internationale

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Vu l’acte d’appel, inscrit

sous le numéro 48665C du rôle, déposé au greffe de la Cour administrative le 8 mars ...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 48665C ECLI:LU:CADM:2023:48665 Inscrit le 8 mars 2023

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Audience publique du 16 mai 2023 Appel formé par Monsieur (G), … contre un jugement du tribunal administratif du 7 février 2023 (n° 46034 du rôle) en matière de protection internationale

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Vu l’acte d’appel, inscrit sous le numéro 48665C du rôle, déposé au greffe de la Cour administrative le 8 mars 2023 par Maître Franck GREFF, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (G), né le … à … (Iran), de nationalité iranienne, demeurant à L-… …, …, …, dirigé contre un jugement rendu par le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg le 7 février 2023 (n° 46034 du rôle), par lequel ledit tribunal a déclaré non fondé le recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 14 avril 2021 portant rejet de sa demande en obtention d’une protection internationale et ordre de quitter le territoire ;

Vu le mémoire en réponse de Madame le délégué du gouvernement Sarah ERNST déposé au greffe de la Cour administrative le 4 avril 2023 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Le magistrat rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Franck GREFF et Monsieur le délégué du gouvernement Jeff RECKINGER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 25 avril 2023.

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Le 28 juin 2019, Monsieur (G) introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après « la loi du 18 décembre 2015 ».

Les déclarations de Monsieur (G) sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées dans un rapport de la police grand-ducale, section criminalité 1organisée - police des étrangers, du même jour. Il s’avéra à cette occasion, suite à une recherche effectuée dans la base de données EURODAC, que l’intéressé avait introduit une demande de protection internationale en Grèce le 22 février 2019.

Toujours le 28 juin 2019, Monsieur (G) passa encore un entretien auprès du ministère en vue de déterminer l’Etat responsable de l’examen de sa demande de protection internationale en vertu du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-après « le règlement Dublin III ».

En dates des 6 octobre et 5 novembre 2020, Monsieur (G) passa un entretien auprès du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 14 avril 2021, notifiée à l’intéressé ainsi qu’à son mandataire par lettres recommandées expédiées le 16 avril 2021, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après « le ministre », informa Monsieur (G) que sa demande de protection internationale avait été refusée comme étant non fondée sur base des articles 26 et 34 de la loi du 18 décembre 2015, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours.

Ladite décision est libellée comme suit :

« (…) En mains les rapports du Service de Police Judiciaire des 28 juin et 13 août 2019, le rapport d’entretien Dublin III du 28 juin 2019, ainsi que votre rapport d’entretien de l’agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes des 6 octobre et 5 novembre 2020, sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale.

Vous seriez de nationalité iranienne, d’ethnie Lors, né le …, célibataire et né musulman bien que vous rejetteriez cette religion. Vous auriez vécu avec vos parents, votre frère et votre sœur à ……, où vous auriez travaillé dans la publicité jusqu’au non-renouvellement de votre contrat de travail en 2017. En 2018, vous auriez encore fait des études de « ….. » (p. 2 du rapport d’entretien) à l’université de …… Vous avez introduit une demande de protection internationale parce que vous craindriez pour votre liberté ou sécurité alors que vous auriez refusé de travailler pour la SEPAH, respectivement, les PASDARAN (« corps des Gardiens de la révolution islamique »), tel que souhaité par votre père et parce que vous seriez recherché par les autorités pour avoir insulté l’islam ou l’imam KHAMEINY. En plus, vous auriez peur d’être traité comme un espion en cas d’un retour en Iran pour être parti à l’étranger.

Vous expliquez que votre père, que vous appelez uniquement « colonel (J) » tout au long de votre entretien concernant vos motifs de fuite, serait quelqu’un de haut placé au sein de la SEPAH et qui aurait participé à la guerre Iran-Irak. En tant que fils d’une telle personne, il serait attendu de vous que vous rejoigniez cette institution et votre père aurait eu les mêmes attentes. De même, il serait attendu de personnes comme votre père, qu’il grossisse les rangs de la SEPAH en faisant venir ses enfants. Vous ajoutez par la suite qu’une unité de la SEPAH aurait demandé aux personnes comme votre père de faire venir des jeunes, raison pour laquelle il aurait absolument tenu à ce que vous le rejoigniez. En outre, vous dites qu’hormis votre frère ayant une pathologie aux yeux, « toute » votre famille aurait rejoint la SEPAH. Il 2serait par ailleurs très difficile de rejoindre la SEPAH alors que « n’importe qui » ne pourrait les rejoindre, « Ce sont uniquement les familles des martyrs » (p. 9 du rapport d’entretien).

Vous ajoutez ensuite que les « autres familles » pourraient également adhérer à la SEPAH mais qu’uniquement les fils de martyrs pourraient monter en grade.

Vous dites que vous auriez pendant des années et plus d’une cinquantaine de fois par an, fait « pas mal de stages » (p. 6 du rapport d’entretien) au sein du ….. et de la SEPAH pour « connaître » le Gouvernement et pour vous familiariser avec les armes. Votre père vous aurait aussi amené à des réunions et vous vous seriez parfois trouvé à ses côtés lors de certaines cérémonies. Vous seriez également allé avec votre père, qui y donnerait des cours, à l’université (Q) pour suivre des cours politiques. Vous précisez qu’« au début », entre 2015 et 2017, vous auriez participé à tous ces événements mais qu’avec le temps, vous n’auriez plus voulu y aller parce que vous auriez compris qu’« ils font des choses qu’il ne faut pas faire » (p. 6 du rapport d’entretien) en expliquant par exemple qu’il faudrait tuer les gens opposés au régime et que ceux qui seraient contre la religion musulmane seraient à considérer comme des mécréants. Le « colonel (J) » vous aurait alors parfois amené de force à des cérémonies mais vous n’auriez plus suivi lesdits cours politiques. Interrogé quant à la façon de votre père d’emmener de force un homme dans sa vingtaine à ces cérémonies, vous répondez qu’il vous aurait simplement dit « Lève-toi, on y va » et qu’en Iran, on n’aurait pas le droit de s’opposer aux exigences d’une telle personne. Interrogé quant au fait que votre père vous aurait laissé faire des études en « ….. » alors qu’il aurait depuis des années voulu que vous rejoigniez la SEPAH, vous répondez que vous-même et votre mère n’auriez pas été d’accord avec son choix et que vous auriez réussi à le convaincre de pouvoir terminer vos études et de le rejoindre après.

En juillet 2018, votre père serait rentré à la maison avec une personne que vous n’auriez pas connue et qu’il aurait présenté comme étant (F). Ce dernier aurait commencé à parler de « certains sujets » (p. 7 du rapport d’entretien) auxquels vous auriez été opposé en exprimant notamment des reproches contre le « leader » et (A). (F) vous aurait alors reproché votre langage en vous rappelant qu’il faudrait parler de l’imam (A). A ce moment, votre père vous aurait reproché de parler comme un mécréant, vous aurait enfermé et frappé pendant trois jours dans votre cave. Ensuite, il vous aurait amené des papiers dont vous ignoreriez le contenu, en prenant de force vos empreintes et les aurait signés à votre place. Profitant ensuite de son absence, votre mère et votre frère vous auraient aidé à casser la porte de la cave pour vous permettre de vous enfuir. Vous vous seriez alors installé chez un ami qui vous aurait trouvé des personnes pour vous amener à …… Quelques jours plus tard, des gens travaillant pour la SEPAH seraient venus vous chercher à la maison, mais ils vous auraient confondu avec votre frère et auraient alors emmené ce dernier. Votre père serait par la suite allé récupérer votre frère en expliquant aux agents qu’il s’agirait d’(Z) et non pas d’(Z1). On lui aurait alors expliqué qu’ils auraient été à votre recherche parce que vous auriez insulté la religion et l’imam (A). Vous supposez dans ce contexte que (F) vous aurait dénoncé auprès de la SEPAH.

En août 2018, vous auriez quitté l’Iran de manière illégale en gagnant la Turquie, où un passeur vous aurait organisé un passeport iranien avec lequel vous seriez entré en Serbie.

Vous auriez par la suite gagné la Grèce où vous seriez resté pendant neuf mois. Vous y auriez été « obligé » d’introduire une demande de protection internationale le 22 février 2019, parce que vous vous seriez trouvé en prison (rapport du Service de Police Judiciaire), en utilisant l’alias d’(G1), né en 1988, qui serait en fait le nom porté par votre oncle. Vous auriez ensuite vécu dans une maison abandonnée et comme il serait « impossible » de vivre en Grèce, vous 3avez pris la décision de quitter ce pays moyennant une fausse carte d’identité grecque (Procès-verbal du 13 août 2019) avec laquelle vous auriez voyagé à bord d’un avion à destination de Berlin. Vous auriez ensuite pris le train pour venir introduire une nouvelle demande de protection internationale au Luxembourg. Vous précisez encore avoir initialement payé ….- euros à votre passeur pour qu’il vous amène jusqu’au Canada, or, une fois arrivé au Luxembourg, vous auriez été « fatigué » et vous auriez décidé de rester.

Vous ajoutez que vous craindriez de vous faire torturer ou exécuter en cas d’un retour en Iran parce que vous êtes parti à l’étranger et que vous seriez alors perçu comme un espion par les autorités iraniennes, d’autant plus que vous auriez vu « pas mal de villes » (p. 11 du rapport d’entretien) dans le cadre de vos stages.

Vous présentez une carte d’identité iranienne.

2. Quant à la motivation du refus de votre demande de protection internationale Suivant l’article 2 point h de la Loi de 2015, le terme de protection internationale désigne d’une part le statut de réfugié et d’autre part le statut conféré par la protection subsidiaire.

Monsieur, je soulève avant tout autre développement en cause que la sincérité de vos propos doit être réfutée au vu de vos déclarations incohérentes, contradictoires et non plausibles, d’informations en mes mains, de votre comportement adopté en Europe et du fait que vous n’êtes pas en mesure de prouver vos allégations par la moindre pièce.

En effet, je constate en premier lieu que vous n’avez versé aucune pièce à l’appui de vos dires et que vous ne semblez, à aucun moment lors de votre séjour en Europe et de votre recherche d’une protection internationale, avoir eu le réflexe ou l’envie de vous procurer une quelconque preuve qui permettrait d’appuyer vos dires, respectivement de vous faire envoyer ces documents. Or, on peut attendre d’un demandeur de protection internationale réellement persécuté respectivement à risque de subir des atteintes graves, qu’il mette au moins tout en œuvre pour prouver ses dires auprès des autorités desquelles il demande une protection, ce qui n’a manifestement pas été votre cas de sorte que l’ensemble de vos déclarations reste au stade de pures allégations.

Je conclus en tout cas que depuis votre arrivée en Europe en 2019, respectivement au Luxembourg, suite à un séjour en Turquie, en Serbie, en Grèce et en Allemagne, vous êtes resté totalement inactif dans ce domaine en ne jugeant à aucun moment opportun de corroborer la moindre partie de vos dires, grâce à des pièces qui seraient en mesure d’établir vos allégations notamment concernant votre situation et vie familiale, sociale, professionnelle, vos études, votre exemption du service militaire, votre démarche pour réussir à épargner ….

- euros pour financer votre voyage tout en n’ayant plus travaillé depuis 2017, le supposé rang de colonel occupé par votre père au sein des PASDARAN ainsi que le fait que « toute » votre famille aurait rejoint cette institution, vos prétendues formations sur plusieurs années au sein d’institutions tenues par les ….., vos prétendus stages au sein des PASDARAN, vos participations à des cérémonies ensemble avec votre père ou encore vos prétendus problèmes avec les autorités, le fait que vous seriez recherché ou l’arrestation et la libération de votre frère.

4Je souligne qu’à ce jour toute votre famille proche réside encore en Iran de sorte qu’il vous aurait été parfaitement possible de vous faire envoyer ces preuves. En effet, il ressort de vos dires que votre mère, votre frère et votre sœur, les personnes qui vous auraient aidé à vous enfuir de votre père, vivraient toujours chez ce dernier dans votre maison familiale à …… et apparemment sans problèmes. Je conclus en tout cas que vous n’avez à aucun moment entrepris des démarches pour appuyer votre demande de protection internationale avec une quelconque preuve.

En effet on est en droit d’attendre d’un demandeur de protection internationale réellement persécuté ou à risque d’être persécuté et en défaut de toute pièce et de toute preuve à l’appui de ses dires, qu’il présente du moins un récit crédible et cohérent. Or, tel n’est pas le cas en l’espèce, alors que vos dires présentent justement de nombreuses contradictions ou incohérences qui ne font que confirmer le constat selon lequel vous ne jouez pas franc-jeu avec les autorités desquelles vous souhaitez vous faire octroyer une protection internationale.

Ainsi, je soulève tout d’abord que votre prétendu vécu ne correspond nullement à celui d’une personne qui aurait été poussée, voire, obligée par son père à rejoindre les PASDARAN, respectivement, d’une personne de laquelle il aurait été attendu qu’elle rejoigne cette institution. En effet, il ressort de vos dires que jusqu’en 2017, vous auriez pu travailler dans le « marketing général » (p. 2 du rapport d’entretien) au sein d’une entreprise spécialisée dans la publicité ou le marketing. Ensuite, après que votre contrat de travail n’aurait plus été prolongé, vous auriez apparemment pu débuter, en 2018, des études en « ….. » (p. 2 du rapport d’entretien), études que vous auriez abandonnées avec votre départ pour l’Europe.

Bien que votre père aurait attendu de vous depuis des années, voire, depuis votre jeunesse, que vous le rejoigniez au sein des PASDARAN, il aurait donc tout simplement accepté que vous travailliez pendant des années pour une société de marketing, pour ensuite accepter que vous commenciez, à l’âge de 28 ans, des études universitaires censées durer plusieurs années. Vous n’avez donc manifestement pas été sous une sorte de pression constante de la part de votre père, voire, une obligation, de suivre ses pas ou dans le collimateur de votre père et des PASDARAN pour un recrutement prochain, s’il a vraiment accepté que vous débutiez des études universitaires. Ce constat vaut d’autant plus au vu des études choisies. En effet, on peut supposer qu’un père « colonel », dévoué aux PASDARAN et à la défense du pays, qui vous aurait poussé depuis toujours à rejoindre les PASDARAN, n’aurait pas autorisé que vous débutiez à l’âge de 28 ans des études aussi peu utilisables dans un cadre militaire que « ….. ».

Ce constat vaut d’autant plus que, tout comme les recrutements pour l’armée iranienne ordinaire, les recrutements pour les PASDARAN ou les ….. visent en règle générale des jeunes hommes âgés de 18 ou 19 ans, voire, même des mineurs et non pas des hommes atteignant la trentaine. J’ajoute pour être complet à ce sujet que les recherches ministérielles n’ont pas non plus permis de donner plus de poids à vos dires ou de retrouver une quelconque trace de votre père prétendument colonel et haut placé en Iran. Dans ce contexte je m’interroge d’ailleurs aussi sur vos raisons à vouloir à tout prix tout au long de votre entretien concernant vos motifs de fuite, préciser que vous parlez bien du « colonel (J) » plutôt que tout simplement désigner cette personne comme étant votre père. Il convient dans ce contexte de souligner que vous auriez sans aucun problème et sans effort pu, si vos allégations étaient vraies, pu apporter la preuve du lien de filiation entre ce colonel et vous. Car en effet rien n’est plus simple pour une personne que de prouver qui est son père de surcroit lorsque comme vous on a vécu pas moins 5de 30 ans avec cette personne dans un même lieu. Une simple photo, un acte de naissance, un échange de messages des choses simples et faciles à se procurer aurait pu établir vos dires.

Je constate ensuite que vous vous contredisez d’abord de manière diamétrale dans le cadre de vos explications concernant le statut de votre père ou de votre famille en rapport avec les « Isar Garan ». En effet, vous expliquez d’un côté que votre père aurait participé à la guerre Iran-Irak et que du coup « ceux qui ont perdu la vie suite à la défense du pays sont appelés « Isar Garan », ce sont des familles Martyrs » (p. 5 du rapport d’entretien). Or, dans le cadre de la relecture de votre entretien, vous expliquez tout à coup que « Isar Garan sont les personnes qui ont participé à la guerre et qui sont revenus vivants » dans le but probable de relier ce statut spécial à votre père qui n’est donc manifestement pas mort dans la défense de son pays. Il est d’autant plus étonnant que vous vous méprenez à un tel point, au vu des nombreux cours suivis et des nombreux stages effectués au sein de la SEPAH et des ….. qui auraient dû vous donner des connaissances de base un peu plus solides.

De plus, vous prétendez d’un côté que « pas n’importe qui » pourrait rejoindre les PASDARAN, « Ce sont uniquement les familles des martyrs » (p. 9 du rapport d’entretien), de sorte que vous voulez donc faire passer l’idée que votre famille serait perçue comme une telle famille martyre, bien que personne dans votre famille proche ne serait donc mort pendant la guerre Irak-Iran ou dans le cadre de la défense de son pays, en se basant sur vos déclarations.

Ensuite, vous changez de nouveau de version en précisant qu’en fait, tout le monde pourrait rejoindre les PASDARAN, mais qu’uniquement les membres de familles martyres pourraient monter en grade, tandis que les autres seraient limités à des travaux administratifs. Dans le cadre de cette deuxième explication, je m’interroge aussi sur le prétendu rang de colonel de votre père alors qu’il ne ressort donc à aucun moment de vos explications incohérentes au sujet des familles martyres et du vécu de votre famille, qu’un membre proche serait mort dans le cadre de la défense du pays. Il est dès lors inexplicable pourquoi votre père aurait pu monter en grade.

Il est ensuite manifestement pas crédible non plus qu’une personne, qui aurait été comme vous, forcée à participer à une cinquantaine de stages annuels pour les PASDARAN, qui aurait pendant des années suivi des cours organisés par cette même institution pour accroître ses connaissances sur l’Etat, qui aurait participé à de nombreuses cérémonies et à des réunions des PASDARAN, n’ait eu aucune idée qui aurait été la personne présentée comme (F) par son père colonel des PASDARAN en juillet 2018. En effet, il s’agit là du commandant en chef adjoint des PASDARAN entre 2009 et 2019, à savoir le deuxième homme le plus important et le plus visible au sein de cette institution, avant d’avoir été placé à sa tête en 2019. II est dès lors impensable que vous n’ayez tout simplement jamais entendu ce nom et jamais vu le visage de cet homme sur base de votre prétendu vécu jusqu’en juillet 2018. Il est pareillement impensable que si vous aviez vraiment ignoré l’identité de cette personne, votre père n’ait même pas eu le réflexe de vous présenter le deuxième homme le plus important des PASDARAN en le ramenant un jour à la maison tout en vous laissant discuter avec lui.

Je note encore dans le cadre de vos prétendus problèmes avec (F) qu’il n’est manifestement pas plausible non plus que les agents des PASDARAN aient été envoyés à l’adresse d’un de leurs colonels pour aller arrêter son fils majeur, mais qu’ils auraient carrément confondu la personne à arrêter en se contentant d’emmener la première personne masculine qui leur serait tombée sous les mains dans la maison d’un colonel des PASDARAN.

En effet, à moins de supposer un amateurisme prononcé, une telle démarche est tout simplement impensable pour une institution centrale de défense du pays qui serait 6définitivement au courant de la situation familiale du « colonel (J) » et du fait que vous vivriez encore chez vos parents avec votre frère et votre sœur et qui procéderait certainement à un contrôle d’identité dans le cadre d’une arrestation sur base d’un prétendu mandat émis contre vous.

Comme vous l’a déjà fait comprendre l’agent chargé de votre entretien concernant vos motifs de fuite, il n’est également pas plausible que des simples agents des PASDARAN, chargés de l’arrestation de personnes recherchées, viennent directement arrêter un fils d’un colonel des PASDARAN sans même lui en parler auparavant ou l’informer des faits.

A cela s’ajoute qu’il ne fait aucun sens non plus qu’après l’arrestation de votre frère, votre père se serait immédiatement déplacé chez les PASDARAN pour les informer qu’ils se seraient trompés de fils sans même encore avoir été mis au courant des raisons de leur venue dans la maison parentale et de l’arrestation de votre frère.

Concernant votre père, je soulève encore qu’il n’est pas imaginable comment il aurait fait pour vous agresser pendant trois jours de suite, tout en réussissant à vous garder enfermé dans la cave, alors que vous, un homme en bonne santé dans sa vingtaine, n’auriez apparemment pas trouvé de moyen de vous défendre ou d’empêcher de vous faire enfermer dans votre propre cave, tout en pouvant compter sur le soutien de votre mère, de votre frère et de votre sœur. Ce dernier constat vaut d’autant plus qu’il ne ressort par ailleurs à aucun moment de vos explications que ces derniers auraient de quelque façon que ce soit été punis par votre père alors qu’ils l’auraient en principe trahi en vous permettant de vous enfuir. Je rappelle dans ce contexte qu’il paraît encore plus invraisemblable que telle serait la façon de procéder d’une mère et d’enfants iraniens par rapport à un père « colonel », hautement croyant et défenseur fervent des valeurs de la révolution islamique. Il est en effet inimaginable qu’une telle personne se laisserait traiter de cette manière par sa propre famille et il serait par ailleurs hautement embarrassant pour un colonel des PASDARAN de devoir avouer qu’il ne contrôle même pas sa propre famille et qu’il n’a même pas non plus réussi à recruter son propre fils.

Au vu de tout ce qui précède, je déduis que la sincérité de vos déclarations doit manifestement être réfutée et que vous n’avez par conséquent nullement vécu les incidents mentionnés et que vous n’êtes pas non plus recherché par les PASDARAN pour avoir prétendument été dénoncé chez eux par (F) en personne. Un constat qui vaut d’autant plus que les gardes révolutionnaires ne sont certainement pas intéressés à recruter, supposément de force, une personne atteignant la trentaine qui ne partagerait nullement leurs idéaux ; bien au contraire, les personnes recrutées doivent justement passer un examen scrupuleux concernant notamment leur foi et leur dévouement au régime. Je rappelle dans ce contexte que les recrutements pour les PASDARAN s’organisent sur base de volontaires qui doivent faire les démarches nécessaires pour présenter leur candidature. Je précise encore que les bureaux de recrutement se trouvent souvent en proximité de mosquées, justement dans le but de pouvoir recruter les plus croyants parmi la jeunesse iranienne.

Il convient également de souligner que le comportement que vous avez adopté depuis votre départ d’Iran n’est manifestement pas celui d’une personne réellement en danger. Ainsi, vous avez d’abord séjourné en Turquie avant de quitter ce pays pour une raison inconnue en direction de la Serbie et finalement gagner la Grèce. En Grèce, vous vous seriez retrouvé en prison pour une raison inconnue, vous auriez pas risqué un éloignement vers l’Iran et vous vous seriez alors senti « obligé » d’y introduire une demande de protection internationale tout 7en ayant recours à une fausse identité. Dans ce contexte il est évidemment tout aussi étonnant que vous prétendez que votre passeur vous aurait conseillé d’utiliser l’identité de votre oncle pour sortir de prison. A part le fait que je m’interroge sur le comment et le pourquoi votre passeur connaîtrait votre oncle, je me demande aussi pourquoi l’utilisation de l’identité de votre oncle vous permettrait de sortir de prison en Grèce. A cela s’ajoute que vous prétendez que l’utilisation de cette identité n’aurait pas fonctionné et ne vous aurait pas permis de sortir de prison, bien que vous êtes donc selon toute logique sorti de prison en Grèce. Après neuf mois passés en Grèce, vous auriez décidé qu’il serait « impossible » d’y vivre et auriez alors entamé un voyage vers l’Allemagne, où vous auriez séjourné pendant une période inconnue, avant de vous décider à venir introduire une nouvelle demande de protection internationale au Luxembourg.

Or, je soulève qu’on est en droit d’attendre d’une personne réellement persécutée ou à risque d’être persécutée et vraiment dans le besoin d’une protection qu’elle introduise une demande de protection internationale dans le premier pays sûr rencontré et dans les plus brefs délais. De même, je soulève qu’on est évidemment aussi en droit d’attendre d’une telle personne qu’elle ne se sente pas « obligée » d’introduire une demande de protection internationale en ayant de surcroît recours à un alias. En effet, la recherche d’une telle protection constitue a priori le but recherché par une personne qui ait été obligée de quitter son pays.

Au vu de tout ce qui précède, je conclus qu’une protection internationale ne vous est pas accordée alors que votre récit laisse d’être crédible dans son ensemble.

 Quant au refus du statut de réfugié Les conditions d’octroi du statut de réfugié sont définies par la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après dénommée « la Convention de Genève ») et par la Loi de 2015.

Aux termes de l’article 2 point f de la Loi de 2015, qui reprend l’article 1A paragraphe 2 de la Convention de Genève, pourra être qualifié de réfugié : « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 45 ».

L’octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués soient motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 point f de la Loi de 2015, que ces actes soient d’une gravité suffisante au sens de l’article 42 paragraphe 1 de la prédite loi, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l’article 39 de la loi susmentionnée.

Monsieur, au vu de tout ce qui précède, la crédibilité de vos dires est donc formellement réfutée et j’en déduis que des motifs économiques ou de convenance personnelle sous-tendent votre demande de protection internationale, demande que vous étoffez avec des éléments plus « dramatiques » censés augmenter vos chances de vous faire octroyer le statut de réfugié.

8 Ce constat vaut d’autant plus au vu de votre comportement adopté en Europe, qui n’est donc manifestement pas celui d’une personne réellement en danger et à la recherche d’une protection. En effet, alors qu’on peut attendre d’une personne réellement persécutée ou à risque de subir des atteintes graves, qu’elle introduise sa demande de protection internationale dans le premier pays sûr, vous avez préféré quitter sans raison apparente la Turquie, devenue terre d’accueil pour de nombreux Iraniens, puis la Grèce après avoir conclu après neuf mois qu’il serait « impossible » d’y vivre, puis de nouveau l’Allemagne sans raison apparente pour venir au Luxembourg.

Ce n’est qu’après votre arrivée au Luxembourg, un pays qui pourrait vous garantir un style de vie plus élevé, respectivement qui propose des avantages sociaux ou des prestations sociales plus intéressantes, en apparence, par rapport aux autres pays visités, que vous avez choisi de vous installer dans ce pays pour y rechercher une protection internationale. Or, un tel comportement ne correspond pas à celui d’une personne qui aurait été forcée à quitter son pays à la recherche d’une protection internationale et qui aurait forcément été reconnaissante de pouvoir profiter de la protection des pays visités, mais votre façon de procéder correspond à pratiquer du forum shopping en soumettant votre demande dans l’Etat membre qui, selon vos estimations, satisfera au mieux vos attentes.

Que des motifs économiques sous-tendent votre demande de protection internationale est conforté davantage par le constat que vous avez décidé de quitter l’Iran en août 2018, soit à un moment où le pays était touché de plein fouet par une crise économique majeure et à une dévalorisation massive de sa monnaie ayant surtout appauvri les familles de la classe moyenne dont fait partie la vôtre et ayant conduit à une hausse de l’émigration des Iraniens, notamment vers la Turquie ou l’Europe.

Des motifs économiques ou de convenance personnelle ne sauraient toutefois pas justifier l’octroi du statut de réfugié alors qu’ils ne sont nullement liés aux cinq critères prévus par la Convention de Genève et la Loi de 2015, à savoir votre race, votre nationalité, votre religion, vos opinions politiques ou votre appartenance à un certain groupe social.

Quand bien même un grain de crédibilité devrait être accordé à vos dires et que votre père serait effectivement colonel des PASDARAN et attendrait de vous que vous le rejoigniez dans cette institution, je soulèverais qu’un tel fait ne saurait tout de même pas suffire pour justifier l’octroi d’une protection internationale.

En effet, je constaterai en premier lieu que ce fait ne serait aucunement lié à votre race, votre nationalité, votre religion, vos opinions politiques ou votre appartenance à un certain groupe social, tel que prévu par les textes précités.

Quand bien même un lien avec la Convention devrait être établi, je constate que bien que votre père vous aurait, depuis des années, poussé à rejoindre les PASDARAN, vous auriez apparemment pu facilement vous opposer à ce choix, puisque vous auriez donc travaillé jusqu’en 2017 pour une société de publicité ou de marketing et en 2018, vous auriez pu débuter des études universitaires en « … » censées s’étirer sur plusieurs années. Vous confirmez par ailleurs avoir simplement pu décider d’arrêter de suivre les cours organisés par les …..

auxquels votre père vous aurait accompagné, sans que ce dernier ne se serait opposé à votre décision. Hormis l’enfermement dans votre cave qui reste réfuté pour manque de crédibilité évident, vous ne faites d’ailleurs pas état d’une quelconque menace, d’agressions ou 9d’intimidations de la part de votre père. En effet, vous vous limitez à préciser que ce dernier vous aurait « amené de force » à des cérémonies en vous disant « Lève-toi (sic), on y va » (p.

6 du rapport d’entretien).

Or, il est clair que ces éléments, au vu de leur manque de gravité évident, ne sauraient suffire pour constituer un acte de persécution tel que défini par la Convention de Genève, respectivement, pour établir dans votre chef une crainte fondée de persécution au sens de la loi, alors qu’il aurait donc uniquement été attendu de vous que vous rejoigniez les PASDARAN tout en ayant eu la possibilité depuis des années d’éviter ce choix.

Quant à vos prétendus problèmes avec (F) qui vous aurait dénoncé auprès des PASDARAN et qui seraient depuis à votre recherche, il y a lieu de retenir, à l’instar de votre enfermement dans la cave, qu’ils ne sauraient définitivement pas être retenus en raison du défaut évident de crédibilité développé ci-dessus. En effet, il est clair que vous avez inventé cette partie de votre récit de toutes pièces dans le but d’y intégrer un élément plus « dramatique » censé augmenter vos chances de vous faire octroyer une protection par le Luxembourg.

Enfin, Monsieur, je note que vos prétendues craintes de mort ou d’être torturé en Iran pour avoir quitté le pays, à les supposer réelles, ce qui n’est pas le cas, ne sauraient aucunement être retenues comme étant fondées ou justifiées. En effet, votre seul départ du pays, voire même, l’introduction de vos demandes de protection internationale en Europe, suivis d’un retour en Iran, ne sont pas punis par la loi iranienne et vous risqueriez tout au plus à devoir payer une amende pour avoir quitté l’Iran prétendument de manière clandestine : « Millions of Iranians travel into and out of Iran each year without difficulty, including the large Iranian diaspora residing in North America, Europe, the United Arab Emirates and Australia. Iranian nationals must pay an exit tax each time they depart Iran, which increases with each outbound journey. ».

De plus: « There is no law in Iranian legislation that makes applying for asylum abroad a punishable offence. An illegal exit is punishable on the basis of Section 34 of Iranian criminal law. Leaving the country without a valid or personal passport can be punished with a fine, a prison sentence of two to six months or both, depending on the circumstances. In actual practice, people are only given a fine for an illegal exit, as [it] is evident from research by the Danish Immigration Service (DIS). If a person has left Iran illegally but was not wanted by the authorities, only a fine will be issued. If a person was wanted by the authorities, they will only be punished for the crime committed, but not for illegally leaving the country. ».

Votre seul départ du pays ne justifie donc clairement pas non plus une quelconque crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève et de la Loi de 2015.

Eu égard à tout ce qui précède, il échet de relever que vous n’apportez aucun élément de nature à établir qu’il existerait de sérieuses raisons de croire que vous auriez été persécuté, que vous auriez pu craindre d’être persécuté respectivement que vous risquez d’être persécuté en cas de retour dans votre pays d’origine, de sorte que le statut de réfugié ne vous est pas accordé.

10  Quant au refus du statut conféré par la protection subsidiaire Aux termes de l’article 2 point g de la Loi de 2015 « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes 1 et 2, n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays » pourra obtenir le statut conféré par la protection subsidiaire.

L’octroi de la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués soient qualifiés d’atteintes graves au sens de l’article 48 de la Loi de 2015 et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l’article 39 de cette même loi. L’article 48 définit en tant qu’atteinte grave « la peine de mort ou l’exécution », « la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine » et « des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Monsieur, au vu du manque de crédibilité général retenu, du manque manifeste de gravité dans le cadre de votre prétendu conflit avec votre père « colonel » et des motifs économiques et de convenance personnelle qui sous-tendent votre demande de protection internationale, il ne saurait conséquemment pas être établi que vous risqueriez être victime d’une telle atteinte grave en cas d’un retour en Iran.

Eu égard à tout ce qui précède, il échet de relever que vous n’apportez aucun élément pertinent de nature à établir qu’il existerait de sérieuses raisons de croire que vous encouriez, en cas de retour dans votre pays d’origine, un risque réel et avéré de subir des atteintes graves au sens de l’article 48 précité, de sorte que le statut conféré par la protection subsidiaire ne vous est pas accordé. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 19 mai 2021, Monsieur (G) fit introduire un recours tendant à la réformation de la décision, précitée, du ministre du 14 avril 2021 refusant de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.

Par jugement du 7 février 2023, le tribunal déclara non fondé le recours en réformation, en rejoignant en substance la conclusion du ministre ayant mis en question la crédibilité du récit de Monsieur (G), et condamna celui-ci au paiement des frais et dépens de l’instance.

Par requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 8 mars 2023, Monsieur (G) a régulièrement relevé appel de ce jugement du 7 février 2023.

Arguments des parties à l’instance A l’appui de sa requête d’appel, l’appelant reprend de prime abord les faits et rétroactes tels que relatés ci-avant, ainsi que les raisons l’ayant amené à déposer une demande de protection internationale au Luxembourg.

11En droit, il reproche au tribunal d’avoir retenu un défaut de crédibilité de ses déclarations. En l’occurrence, il reproche au tribunal de ne pas avoir pris en compte la situation ayant régné en Iran au moment du prononcé du jugement, et plus particulièrement les révoltes et manifestations continues depuis septembre 2022 et d’avoir limité son analyse à la seule question de la crédibilité de son récit et en l’occurrence aux prétendues incohérences, contestées par lui. Selon l’appelant, le tribunal aurait dû accorder plus d’importance au fait qu’il aurait clairement indiqué lors de son audition qu’il se serait distancié de l’islam et ce d’autant plus au regard du contexte politique actuel en Iran, qui témoignerait du sort réservé aux opposants au régime iranien rejetant la religion musulmane. Le tribunal aurait ainsi dû examiner en détail la situation des personnes non musulmanes voire des athées en Iran afin de pouvoir exclure tout risque de persécutions en cas de retour en Iran. Par ailleurs, l’appelant insiste sur le fait qu’il se serait fait baptiser au Luxembourg au courant de l’année 2022 auprès de l’église protestante et que depuis, il fréquenterait régulièrement les cultes de cette église et serait considéré comme un membre très engagé dans cette communauté. Ainsi, sa conversion corroborerait ses déclarations selon lesquelles il ne se considérait plus comme musulman et sa distanciation de l’islam et serait partant tout à fait cohérente avec ses déclarations lors de ses auditions. Sa conversion au protestantisme devrait ainsi être prise en compte dans l’examen des risques de persécutions en cas de retour en Iran.

L’appelant déclare ensuite maintenir l’ensemble de ses déclarations faites auprès de la direction de l’immigration, de sorte qu’il demande à la Cour de prendre en compte tous les éléments personnels ayant motivé sa demande de protection internationale, à savoir :

- le fait qu’il serait le fils d’un colonel des forces armées des PASDARAN, fidèle aux valeurs islamiques, - le fait qu’il serait le seul fils de la famille qui pourrait rejoindre ces forces armées afin d’assurer la sauvegarde de l’honneur de la famille après le départ en retraite de son père, - le fait qu’avant sa fuite de l’Iran, il aurait clairement exposé sa répulsion à l’encontre de l’islam en proclamant qu’il est athée, et - sa conversion au Grand-Duché de Luxembourg au protestantisme.

L’appelant donne ensuite à considérer que dès qu’il avait l’âge de s’engager dans la carrière militaire, tel que son père le lui demandait, il aurait rejeté cet avenir. La pression pesant sur lui de rejoindre les forces armées aurait fortement augmenté après l’annonce que son frère ne pouvait pas rejoindre les PASDARAN, voire les SEPAH pour des raisons de santé, de sorte que l’honneur de sa famille aurait reposé exclusivement sur ses propres épaules, son père ayant tout fait pour qu’il rejoigne les PASDARAN. Ce serait dans cet ordre d’idées que son père aurait accepté le compromis qu’il achève d’abord ses études universitaires pour rejoindre ensuite les PASDARAN, voire les SEPAH.

Toutefois, au courant de ses études, il aurait développé des opinions de plus en plus critiques vis-à-vis du régime politique iranien et il serait devenu de plus en plus évident pour lui qu’il ne pourrait pas rejoindre un quelconque regroupement de forces armées en Iran et il se serait par ailleurs distancé de plus en plus des valeurs de l’islam.

Il aurait ainsi développé une réelle idéologie personnelle basée sur le libéralisme et le pacifisme.

12Ainsi, au lieu d’attacher une grande importance aux prétendues incohérences relevées dans ses déclarations, le ministre et par suite le tribunal de première instance, auraient dû examiner les risques de persécutions dans le chef d’un jeune homme iranien s’opposant au système politique et religieux de son pays et à ses valeurs intrinsèquement liées à l’islam, l’appelant soulignant qu’il résulterait clairement de ses auditions qu’il s’opposerait au régime politique iranien et à l’islam.

Il donne encore à considérer que les manifestations en Iran depuis le mois de septembre 2022 témoigneraient du sort réservé aux personnes s’opposant au régime politique iranien et à ceux ne voulant pas suivre de manière scrupuleuse les valeurs et principes religieux basés sur l’islam, l’appelant se référant à différentes sources, versées à titre de pièces, au sujet de la situation générale régnant en Iran.

Il conclut qu’au regard des seuls événements les plus récents en Iran, il serait fondé à craindre des persécutions après son retour dans son pays d’origine si les autorités iraniennes devaient découvrir qu’il n’est pas un fidèle du régime politique iranien. De plus, il estime qu’il pourrait être qualifié de manière non équivoque de personne iranienne ayant renié l’islam. A cet égard, il se fonde sur diverses sources internationales à propos du sort réservé aux personnes reniant l’islam en Iran, en l’occurrence à un rapport de l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR) de 2018.

Ensuite, l’appelant donne à considérer que le fait qu’il aurait déjà renié l’islam avant sa fuite en 2018 aurait connu des suites concrètes en ce qu’il se serait entretemps converti au protestantisme.

Dans ce contexte, il se prévaut d’un arrêt de la Grande chambre de la Cour européenne des droits de l’homme (CourEDH) du 23 mars 2016 dont il déduit qu’il appartiendrait aux autorités luxembourgeoises de procéder à une appréciation ex nunc des conséquences de sa conversion, ce d’autant plus que la situation de personnes converties à une autre religion que l’islam serait dramatique en Iran, l’appelant se référant à cet égard à une publications de l’Organisation internationale pour la défense des chrétiens dans le monde « Open Doors » et à un rapport de l’OSAR de 2018.

L’appelant fait valoir qu’en cas de retour en Iran, il pourrait légitimement craindre d’être persécuté en tant qu’opposant politique et protestant converti, tout en soulignant que depuis septembre 2022, il serait de notoriété publique que le régime iranien actuel n’hésiterait pas à recourir aux actes de persécutions, y compris le plus grave, à savoir la peine capitale, pour apeurer les manifestants, les opposants politiques et toutes les personnes heurtant les principes et valeurs de l’islam, l’appelant se référant à diverses publications sur la situation générale régnant en Iran. Il en déduit que les autorités iraniennes procéderaient rapidement à des arrestations arbitraires des personnes qui ne se comportent pas conformément aux règles édictées par le régime politique iranien et partant à l’islam. L’appelant en déduit que s’il devait retourner dans son pays d’origine, il y aurait un risque important qu’il sera rapidement répertorié par les autorités iraniennes comme une personne qui se distancie du régime politique et qui se serait détournée de l’islam. Cette crainte serait d’autant plus sérieuse que son père serait un officier de haut rang. Il estime dès lors que sa situation s’aggraverait rapidement dès que les autorités iraniennes découvrent qu’il avait fui en 2018 son pays d’origine pour échapper à un recrutement par les PASDARAN et à la pratique religieuse musulmane et qu’il s’est par la suite converti au protestantisme.

13Au regard de l’ensemble des publications citées par lui en ce qui concerne la situation générale régnant en Iran, l’appelant est d’avis que les chances seraient actuellement très minimes voire inexistantes qu’il puisse échapper à des actes de persécutions en cas de retour dans son pays d’origine.

En tout cas, le seul fait de retourner en tant que protestant en Iran l’exposerait à une crainte réelle d’être exécuté par les autorités iraniennes.

Ensuite, l’appelant donne à considérer qu’il ne pourrait bénéficier d’aucune protection dans son pays d’origine, les persécutions émanant des autorités étatiques.

Enfin, il insiste sur l’octroi dans son chef d’une protection subsidiaire sur base des article 2, point g) et 48, points a) et b), de la loi du 18 décembre 2015, en donnant à considérer que sa conversion au protestantisme serait un fait désormais irréfragable qui devrait être pris en compte conformément à l’arrêt précité de la CourEDH du 23 mars 2016. A cet égard, il souligne que même si la crédibilité de son récit n’était pas retenue, il aurait néanmoins démontré à suffisance qu’il veut se distancier de l’islam. Ainsi, après avoir vécu dans une phase d’athéisme, il aurait trouvé sa foi dans le protestantisme et se serait converti en 2022.

Or, selon la loi iranienne, il serait interdit de convertir de l’islam vers une autre religion et la conversion aboutirait à des arrestations, détentions, actes de torture et à la peine capitale.

Le délégué du gouvernement sollicite en substance la confirmation du jugement entrepris et se rallie aux conclusions du tribunal, tout en estimant que les nouvelles pièces et développements produits par l’appelant ne seraient pas de nature à invalider les conclusions des premiers juges.

En l’occurrence, en ce qui concerne la conversion de l’appelant au protestantisme, il donne à considérer que l’appelant n’aurait jamais fait valoir une quelconque conversion religieuse, que ce soit au cours de l’instruction de sa demande de protection internationale, que ce soit en cours de première instance ou même lors des plaidoiries du 27 septembre 2022.

Le délégué du gouvernement en déduit que cette prétendue conversion semblerait avoir été inexistante dans le chef de l’appelant tout au long de la procédure de première instance et du moins n’aurait pas été si importante au point de la mentionner au cours de la procédure. Il serait encore surprenant que les nouvelles pièces relatives à la conversion auraient été versées uniquement dans le cadre de la requête d’appel, alors que le certificat de baptême daterait déjà du 13 mars 2022, de sorte à avoir pu être versé en première instance.

La partie étatique est d’avis que cette conversion semblerait avoir été opérée dans le but d’obtenir une protection internationale, alors que l’appelant n’aurait, lors de ses auditions, avancé aucune crainte concrète dans ce contexte, n’aurait eu aucune réelle connaissance sur la foi protestante et n’aurait versé aucune pièce à ce sujet. Dès lors, les nouvelles pièces versées en cause ne donneraient pas davantage de crédibilité au récit de l’appelant, mais au contraire aucune explication ne serait fournie pour quelle raison son litismandataire avait attendu l’instance d’appel avant d’informer l’Etat de la conversion. La partie étatique déclare dès lors maintenir sa position dans la mesure où les raisons de cette conversion seraient sujettes à caution pour ne pas être sincères.

En tout état de cause, le délégué du gouvernement est d’avis que l’appelant ne risquerait pas d’être dans le collimateur des autorités iraniennes, alors qu’il n’aurait jamais ouvertement exposé sa foi protestante, tout en soulignant qu’il serait possible d’exercer sa foi 14en Iran de façon discrète, alors que les autorités iraniennes ne viseraient que les individus présentant un réel risque pour eux au niveau idéologique ou au niveau politique ou encore religieux.

Analyse de la Cour La Cour constate de prime abord que le moyen de légalité externe tenant à défaut d’instruction suffisante de la demande de protection internationale, tel qu’examiné par le tribunal, n’a pas été repris par l’appelant en instance d’appel, de sorte que la Cour n’est pas saisie de ce volet du jugement.

Ensuite, en ce qui concerne la légalité interne de la décision de refus d’octroi d’une protection internationale, la Cour relève que la notion de « réfugié » est définie par l’article 2 sub f) de la loi du 18 décembre 2015 comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner (…) ».

Il se dégage de la lecture combinée des articles 2 sub h), 2 sub f), 39, 40 et 42, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond y définis, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1), et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

La loi du 18 décembre 2015 définit la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d'origine, elle « courrait un risque réel de subir des atteintes graves définies à l'article 48 », ledit article 48 loi énumérant en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ». L'octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c) de l'article 48 de la loi du 18 décembre 2015, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d'acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.

Les premiers juges ont souligné à juste titre que dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait que l’une d’entre elles ne soit pas 15valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié ou de celui conféré par la protection subsidiaire.

Ils ont encore retenu à bon droit que l’octroi de la protection internationale n’est pas uniquement conditionné par la situation générale existant dans le pays d’origine d’un demandeur de protection internationale, mais aussi et surtout par la situation particulière de l’intéressé qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

Dans le cadre de l’examen au fond d’une demande de protection internationale, l’évaluation de la situation personnelle d’un demandeur d’asile ne se limite point à la pertinence des faits allégués, mais elle implique un examen et une appréciation de la valeur des éléments de preuve et de la crédibilité des déclarations du demandeur d’asile. La crédibilité du récit de ce dernier constitue en effet un élément d’appréciation fondamental dans l’appréciation du bien-fondé de sa demande de protection internationale, spécialement lorsque des éléments de preuve matériels font défaut.

A cet égard, en l’absence d’éléments de preuve tangibles, le demandeur de protection internationale doit, dans ses déclarations, bénéficier du doute en application de l’article 37, paragraphe (5), de la loi du 18 décembre 2015, si et à condition que son récit puisse être généralement considéré comme crédible, s’il s’est réellement efforcé d’étayer sa demande, s’il a livré tous les éléments dont il disposait et si ses déclarations sont cohérentes et ne sont pas en contradiction avec l’information générale et spécifique disponible.

En l’espèce, la Cour relève de prime abord une certaine évolution des motifs des craintes telles qu’exprimées par l’appelant depuis le dépôt de sa demande de protection internationale.

En effet, force est, d’une part, de constater que l’appelant a invoqué le motif tiré de ses convictions religieuses et de sa conversion au protestantisme pour la première fois en instance d’appel. Ainsi, si à l’appui de sa demande de protection internationale et au cours de la phase contentieuse en première instance, il a fait état d’une crainte de retourner en Iran au motif (i) que son père voudrait le forcer à rejoindre le corps des gardiens de la révolution islamique, appelé PASDARAN ou SEPAH, et (ii) que ce groupe paramilitaire serait à sa recherche en raison de propos critiques qu’il aurait tenus en présence de son père et d’un dénommé (F), ce n’est qu’à l’appui de sa requête d’appel, déposée au greffe de la Cour le 8 mars 2023, que l’appelant non seulement focalise ses craintes sur la situation générale régnant en Iran, et plus particulièrement celle depuis septembre 2022, mais surtout fait état de sa conversion au protestantisme et de son baptême qui aurait eu lieu en mars 2022 et des conséquences de ce fait qu’il craint en cas de retour dans son pays d’origine.

D’autre part, l’appelant a ajouté, en phase contentieuse, une connotation politique, voire religieuse à ses craintes qui ne se dégage toutefois pas dans cette mesure de ses déclarations faites en phase précontentieuse, que ce soit devant la police grand-ducale ou que ce soit lors de ses auditions. En effet, si lors de son audition par la police grand-ducale le 28 juin 2019, il a exclusivement fait état de sa crainte de devoir rejoindre le SEPAH, et si lors de son audition auprès du ministère, il a toujours insisté sur sa crainte de devoir rejoindre le corps des PASDARAN et celle de subir les conséquences de déclarations qu’il aurait faites en présence du dénommé (F), sans se décrire comme un opposant politique ayant ouvertement et de façon répétée affiché ses opinions contraires au régime, ou encore comme une personne 16ayant renié l’islam, force est de constater qu’à l’appui de son recours, il entend attribuer à ses craintes une portée politique et religieuse plus importante, puis ensuite, pour la première fois en instance d’appel se qualifier d’opposant politique et religieux.

C’est au regard de ce caractère évolutif des craintes exprimées par l’appelant que la crédibilité de ses dires et le sérieux de ses craintes seront appréciés par la Cour, étant rappelé que, tel que relevé ci-avant, la cohérence des déclarations du demandeur de protection internationale est un élément important à prendre en considération au niveau de l’appréciation de sa crédibilité, de même que le fait qu’il a livré tous les éléments dont il disposait.

Ceci étant relevé, la Cour retient qu’au regard de l’analyse exhaustive faite par les premiers juges des diverses incohérences, contradictions et invraisemblances pointées par le ministre, analyse à laquelle elle peut entièrement souscrire, la conclusion du ministre selon laquelle le récit de l’appelant en ce qu’il est fondé sur une crainte de subir des conséquences d’un refus de rejoindre les PASDARAN ou encore de propos qu’il aurait tenus en présence d’un haut gradé de ce corps armé n’est pas crédible et selon laquelle sa demande de protection internationale, en ce qu’elle se base sur ces éléments, est en réalité fondée sur des motifs d’ordre économique, voire de convenance personnelle, motifs qui ne sont pas de nature à justifier une demande de protection internationale pour ne répondre à aucune des conditions prémentionnées, auxquelles est soumis l’octroi du statut de réfugié ou celui conféré par la protection subsidiaire, n’est pas sujette à critique.

En l’occurrence, la Cour ne peut que rejoindre la conclusion des premiers juges ayant retenu un défaut global de crédibilité du récit de l’appelant et ce au regard (i) du fait que le père de l’appelant l’a laissé poursuivre des études ainsi qu’une occupation rémunérée, attitude qui se trouve en contradiction avec l’image de son père telle que dépeinte par l’appelant, à savoir un militaire, fervent défenseur de l’Etat et de l’islam, exerçant une pression constante sur son fils pour rejoindre le corps des PASDARAN, (ii) de l’âge dorénavant atteint par l’appelant mis en relation avec les pratiques de recrutement des PASDARAN, (iii) des circonstances peu plausibles de la libération de l’appelant par sa mère, son frère et sa sœur et l’absence de suites pour ceux-ci de l’aide qu’ils lui auraient apportée, (iv) des contradictions et incohérences relevées par le tribunal au niveau des déclarations de l’appelant en relation avec le statut de sa famille et avec les PASDARAN, (v) des invraisemblances des déclarations de l’appelant en relation avec ses prétendues dires en présence du dénommé (F) et des conséquences en découlant prétendument pour lui et (vi) de son comportement depuis sa fuite de l’Iran, qui est incompatible avec une personne se sentant réellement persécutée, y compris l’usage d’une fausse identité, qui serait celle de son oncle, à l’appui de la demande de protection internationale introduite en Grèce après un séjour durant 9 mois dans ce pays sans avoir ressenti le besoin d’y demander une protection internationale pendant ce temps.

Force est ensuite de constater qu’à l’appui de sa requête d’appel, l’appelant n’a pas clarifié davantage ses explications et n’a pas pris plus concrètement position par rapport aux critiques du ministre, confirmées par les premiers juges. Tel que cela a été relevé à juste titre par la partie étatique, il n’a entrepris aucun effort supplémentaire pour rendre plus plausible son récit, mais, au contraire, se limite à affirmer qu’il maintenait ses dires.

La Cour est encore amenée à confirmer l’analyse des premiers juges ayant retenu que le seul fait pour l’appelant de devoir retourner en Iran après avoir quitté ce pays ne justifie pas non plus sa demande de protection internationale, l’appelant n’ayant à l’appui de son appel 17pas fourni d’avantage de preuves ou d’explications permettant de sous-tendre le sérieux des craintes qu’il en déduit.

En ce qui concerne ensuite l’argumentaire de l’appelant qui entend dorénavant ajouter une dimension politique ou religieuse plus importante à ses déclarations, en ce qu’il se présente comme une personne ayant renié l’islam, la Cour constate que, contrairement aux dires actuels de Monsieur (G), il ne s’est pas décrit, lors de ses auditions, comme étant un opposant politique ou religieux. S’il est vrai que questionné sur sa religion, il a répondu que « Je n’ai pas de religion. Je suis Musulmam mais je déteste cette religion »1, il n’en reste toutefois pas moins que cette déclaration n’a été faite que de façon incidente au sujet des questions portant sur ses données personnelles et que Monsieur (G) n’y est plus revenu lors de son audition et plus particulièrement n’a pas fait état de ce qu’il aurait ouvertement manifesté ses opinions politiques en Iran ou encore qu’il aurait été une personne ayant renié ouvertement la religion musulmane ou se serait affichée comme telle. Il n’a pas non plus fait état de circonstances concordantes et crédibles qui permettraient de conclure qu’il pourrait avoir été perçu comme un opposant politique ou une personne reniant l’islam, étant relevé que la Cour vient de confirmer l’analyse des premiers juges ayant retenu comme étant non crédible son affirmation selon laquelle il aurait critiqué le régime en présence du dénommé (F). La Cour relève qu’au contraire, à l’appui de son recours, Monsieur (G) a insisté sur le fait qu’il ne se serait pas ouvertement opposé à la volonté de son père qu’il rejoigne les rangs des PASDARAN et qu’il aurait laissé croire celui-ci qu’il allait se plier à son désir, ce qui expliquerait que son père l’ait laissé étudier et travailler jusqu’à l’âge de 28 ans et qu’il ait toujours participé aux formations du SEPAH ou des BASJ. Or, ces explications fournies en première instance permettent davantage de retenir que Monsieur (G) ne s’est pas opposé ouvertement au régime ou à la religion étatique, ni qu’il a adopté une attitude susceptible d’être perçue comme telle. En tout cas, le seul fait que lors du contexte confidentiel de son entretien au sein du ministère il a indiqué ne pas avoir de religion n’implique pas qu’il risque d’être perçu par les autorités iraniennes comme un opposant politique ou une personne ayant renié l’islam.

Au vu de ces considérations, la Cour ne saurait partager la thèse de l’appelant qui dorénavant affirme avoir été, dès avant sa fuite de l’Iran, un opposant politique et religieux ou avoir été perçu comme tel, mais elle est, au contraire, amenée à retenir qu’à défaut par Monsieur (G) d’avoir mentionné lors de ses auditions de façon circonstanciée et crédible d’avoir affiché une attitude d’opposant à l’islam ou au régime iranien, cette connotation politique ou religieuse de son récit n’a été ajoutée par lui que pour augmenter ses chances d’obtenir une protection internationale, de sorte que les explications fournies à cet égard par l’appelant à l’appui de son appel ne sont pas davantage de nature à justifier sa demande de protection internationale.

En ce qui concerne ensuite les craintes de l’appelant de subir des persécutions ou des atteintes graves en relation avec la situation générale régnant en Iran et surtout celle y régnant depuis septembre 2022, la Cour retient que, sous réserve de l’examen d’une situation de violence aveugle au sens du point c) de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015, non invoqué par l’appelant de sorte que la Cour n’a pas à examiner cette question, il lui appartient d’examiner la situation générale régnant en Iran au regard de la situation particulière du demandeur de protection internationale. Sous cet aspect, l’appelant affirme à tort que la seule 1 Page 2 du rapport d’entretien 18situation générale régnant dans son pays d’origine serait suffisante pour justifier sa demande de protection internationale.

Comme la Cour vient de confirmer l’analyse des premiers juges au sujet du défaut de crédibilité du récit de l’appelant en ce qu’il est fondé sur une crainte de subir les conséquences d’un refus de sa part de rejoindre les PASDARAN ou encore de propos qu’il aurait tenus en présence d’un haut gradé de ce corps armé et qu’elle vient, par ailleurs, de retenir que l’appelant n’a pas fait état de façon crédible d’une qualité d’opposant politique ou religieux, réelle ou lui attribuée, ces considérations ne permettent pas davantage de justifier sa demande de protection internationale vue devant le contexte de la situation générale régnant en Iran, que ce soit celle ayant y régnée au moment où il a quitté son pays ou que ce soit celle plus tendue y régnant depuis septembre 2022.

Pour ce qui est, enfin, de la conversion de l’appelant au protestantisme, invoquée pour la première fois en instance d’appel, la Cour retient de prime abord, de concert avec l’appelant, que la circonstance qu’il s’est converti au Luxembourg après avoir quitté son pays d’origine ne s’oppose pas par principe à la prise en compte de cet élément au niveau de sa demande de protection internationale, mais il appartient au contraire aux autorités luxembourgeoises, et partant aussi aux juridictions administratives, saisies d’un recours en réformation dans le cadre duquel elles sont amenées à examiner la demande de l’intéressé au regard de la situation telle qu’elle se présente au moment où le tribunal ou la Cour statuent, d’examiner ces craintes et le risque en découlant sur base d’une appréciation ex nunc, tel que cela se dégage des enseignements à déduire des jurisprudences de la CourEDH citées par les parties à l’instance2, l’omission d’examiner à suffisance une telle conversion étant jugée contraire aux articles 2 et 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH), et tel que la CourEDH vient de le confirmer dans une affaire plus récente à propos de l’expulsion d’un demandeur de protection internationale originaire du Pakistan, converti de l’islam au christianisme en Suisse3.

En l’espèce, la partie étatique, sans contester la réalité de la conversion de l’appelant, met toutefois en question la sincérité de celle-ci et fait en substance valoir que de ce fait, Monsieur (G) ne courrait aucun risque en cas de retour dans son pays et qu’il pourrait y vivre en ne pratiquant pas ouvertement sa nouvelle religion.

A cet égard, la Cour relève, tel que cela est reconnu par la CourEDH par référence aux Principes directeurs du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, en abrégé « HCR »4, qu’il est généralement très difficile d’apprécier si une personne s’intéresse sincèrement à l’activité qu’elle a commencé à poursuivre dans son pays d’accueil ou si elle ne s’y est engagée que pour justifier après coups sa fuite, le HCR ayant relevé à ce sujet ce qui suit :

2 CourEDH 23 mars 2016, affaire F.G. c. Suède, requête n° 43611/11 à propos de l’expulsion d’un ressortissant iranien converti au christianisme dont le risque lié à cette conversion n’avait pas été examiné par les autorités suédoises, et CourEDH 19 décembre 2017, affaire A. c. Suisse, requête n° 60342/16, à propos de l’expulsion d’un ressortissant iranien s’étant converti en Suisse au christianisme, dont le risque lié à cette conversion avait été examiné par les autorités suisses.

3 CourEDH du 26 juillet 2022, affaire M.A.M. c. Suisse, requête n° 29836/20.

4 CourEDH 23 mars 2016, affaire F.G. c. Suède, point 123.

19« [34. Dans les cas de demande « sur place »], des préoccupations particulières en terme de crédibilité ont tendance à émerger et un examen rigoureux et approfondi des circonstances et de la sincérité de la conversion sera nécessaire (…) 36. Des activités soi-disant « intéressées » ne créent pas de crainte fondée de persécution pour un motif de la Convention dans le pays d’origine du demandeur si la nature opportune de ces activités est évidente pour tous, y compris pour les autorités du pays, et que le retour de l’intéressé n’aurait pas des conséquences négatives graves ».

Il convient dès lors, au regard des contestations afférentes de la partie étatique, qui estime en substance que la conversion de Monsieur (G) serait intervenue in tempore suspecto, d’examiner la sincérité de celle-ci.

A cet égard, selon les enseignements de la jurisprudence de la CourEDH à propos de l’application des articles 2 et 3 de la CEDH dans des affaires d’éloignement liées à l’asile, transposables en l’espèce puisque la présente analyse de la Cour porte, entre autres, sur la question de savoir si l’appelant risque des traitements contraires à ces mêmes dispositions en cas de retour en Iran, que les autorités internes doivent vérifier si la conversion est sincère et a atteint un degré suffisant de force, de sérieux, de cohérence et d’importance et ensuite rechercher si le converti serait exposé au risque de subir un traitement contraire aux articles 2 et 3 de la CEDH en cas de retour dans son pays d’origine5. Dans l’affaire M.A.M. c. Suisse du 26 juillet 2022, précitée, la CourEDH a en l’occurrence jugé insuffisant l’examen effectué par les autorités internes suisses de la situation et notamment de la manière dont le requérant manifestait sa foi et entendait la manifester, et des risques qu’il courrait de ce fait.

C’est à l’aune de ces enseignements que la Cour examine les craintes avancées par l’appelant du fait de sa conversion au protestantisme.

Force est de prime abord de constater que la réalité du baptême de l’appelant n’est pas remise en question par la partie étatique et se dégage, par ailleurs, des pièces versées aux débats et en l’occurrence du certificat de baptême et des photos afférentes à la cérémonie, encore qu’il existe un certain flou en ce qui concerne l’époque exacte du début de l’engagement de l’appelant dans la voie de la conversion et par suite du baptême, en ce que l’attestation du 13 mars 2022 signée par le pasteur de l’église protestante fait mention d’un baptême le même jour, alors que le même pasteur confirme dans son attestation du 21 avril 2023 que le baptême ayant été réalisé selon la même attestation le 13 mars 2022, aurait été demandé « fin 2022 », le litismandataire de l’appelant attribuant, sur question afférente de la Cour à l’audience des plaidoiries, cette incohérence au niveau des dates à une erreur matérielle de la dernière attestation et affirmant que ladite attestation serait à lire en ce sens que l’intérêt de l’appelant à être baptisé se serait manifesté dès fin 2021 et non pas fin 2022.

En ce qui concerne ensuite la question de savoir si la conversion a atteint un degré suffisant de force, de sérieux, de cohérence et d’importance, l’appelant fait valoir qu’il serait devenu un membre engagé dans la communauté protestante.

A cet égard, force est de constater que selon l’attestation précitée du pasteur de l’église protestante, qui certes ne correspond pas aux formes des attestations testimoniales pour en l’occurrence ne pas être rédigée de façon manuscrite, mais dont le contenu n’a pas autrement 5 Guide sur la jurisprudence de la CourEDH – immigration, mis à jour au 31 août 2022.

20été contesté par la partie étatique, de sorte à pouvoir être prise en compte par la Cour, Monsieur (G) « a montré un grand intérêt et engagement pendant [les cours de catéchisme ayant précédé son baptême] » et que « depuis ce temps [la date du baptême], M. (G) a fréquenté régulièrement les cultes […] » et qu’il « est toujours très engagé », qu’il « a toujours volontairement donné un coup de main pour préparer le café après le culte et pour ranger et faire la vaisselle » et enfin qu’il « est un membre très engagé de [son] Eglise ».

Si au regard de ces explications, une certaine implication de l’appelant dans l’Eglise protestante depuis sa conversion ne saurait être niée, la Cour constate néanmoins que l’appelant n’a donné aucune explication concrète sur l’époque à partir de laquelle il a commencé à entrer en contact avec l’église protestante et les circonstances de cette entrée en contact et de son intérêt pour cette religion. A cet égard, l’attestation du pasteur de l’église protestante fait uniquement état d’une demande de fin 2021 d’être baptisé, suivie d’un baptême quelques mois plus tard, soit début mars 2022, alors que la requête d’appel se limite à mentionner que l’appelant aurait « vécu pendant une phase d’athéisme » et aurait ensuite « trouvé sa foi religieuse dans le Protestantisme », sans que d’autres précisions ne soient fournies.

Surtout, la Cour relève que l’appelant est resté en défaut d’expliquer son défaut d’avoir fait état plus tôt de sa conversion et des craintes qu’il en déduit à l’heure actuelle. En effet, bien que, selon les attestations versées par lui, son intérêt d’être baptisé se soit manifesté fin 2021, qu’il ait été baptisé 3 mois après et que selon les dires du pasteur, il ait suite à son baptême fréquenté de façon régulière les cultes et bien que l’ensemble de ces faits se soient produits au cours de l’instance devant le tribunal administratif, l’appelant n’a fait état de cette conversion à aucun moment au courant de cette procédure, alors que pourtant il aurait eu l’occasion de le faire, puisqu’il aurait pu déposer des pièces jusqu’au jour des plaidoiries le 27 septembre 2022, aurait pu solliciter la production d’un mémoire additionnel en raison de la survenance de circonstances nouvelles ou encore faire état de sa conversion de façon orale lors des plaidoiries. Il s’agit là d’un comportement qui se trouve en contradiction avec celui que l’on peut raisonnablement atteindre d’une personne se sentant réellement en danger en raison de sa conversion religieuse intervenue dans son pays d’accueil.

A l’audience des plaidoiries devant la Cour, le litismandataire de l’appelant a reconnu être incapable de donner une quelconque explication quant au défaut par celui-ci ou par son précédant litismandataire d’avoir mentionné cette conversion au protestantisme et ce bien qu’à l’heure actuelle, il la présente comme étant la raison principale de ses craintes de subir des persécutions ou des atteintes graves.

Ce silence est d’autant plus incompréhensible qu’actuellement l’appelant entend placer sa conversion et ses craintes de ce fait sur la toile de fond de la détérioration de la situation dans son pays d’origine depuis septembre 2022, situation qui pourtant était aussi connue de sa part bien avant que le jugement attaqué n’ait été rendu le 7 février 2023 et était prévisible au moment des plaidoiries, tel que l’appelant le souligne justement en reprochant aux premiers juges de ne pas en avoir tenu compte. Pourtant, il n’a à aucun moment ressenti le besoin, que ce soit lors des plaidoiries ou même en cours du délibéré, de faire état d’un risque aggravé compte tenu de l’évolution de la situation en Iran ou encore de risques accrus qu’il pourrait dorénavant encourir du fait de sa conversion.

La Cour est amenée à retenir que ce silence gardé par l’appelant au sujet de sa conversion, dont les circonstances concrètes sont par ailleurs restées inexpliquées, compte tenu 21aussi du fait que, par ailleurs, la crédibilité de son récit tel qu’il a été présenté à l’appui de sa demande de protection internationale a été jugé non crédible, est de nature à semer le doute sur la force, le sérieux, l’importance et surtout sur la cohérence de sa conversion, qui est intervenue a priori en temps suspect, à savoir plus de 3 ans après son départ de l’Iran en août 2018, mais quelques mois après qu’il s’est vu refuser sa demande de protection internationale introduite au Luxembourg pour défaut de crédibilité de son récit. L’attitude de l’appelant est d’autant plus incohérente qu’en instance d’appel, il déclare pour la première fois avoir renié l’islam déjà avant sa fuite de l’Iran en août 2018, avoir ensuite transité par une phase d’athéisme, pour ensuite ne trouver la voie du protestantisme que fin 2021 et être baptisé quelques 3 mois après.

C’est sur la toile de fond des doutes quant au sérieux des convictions religieuses de l’appelant que ses craintes d’être considéré comme avoir renié l’islam doivent être examinées, étant relevé que la CourEDH a, dans son arrêt du 19 décembre 20176, invoqué par le délégué du gouvernement, avalisé l’analyse des autorités suisses ayant fait la distinction selon la manière plus ou moins ouverte que le converti entend vivre sa nouvelle religion en Iran, voire son exposition plus ou moins importante aux autorités iraniennes, les autorités suisses ayant, en effet, estimé qu’en cas de retour en Iran des musulmans convertis risqueraient des mauvais traitements uniquement s’ils manifestaient ouvertement leur foi et ayant jugé que dans cette espèce, le demandeur d’asile, simple membre de la communauté chrétienne sans être particulièrement dans le collimateur des autorités, ne courrait pas de risque réel d’être soumis à des mauvais traitements.

Il est certes vrai qu’il se dégage des sources invoquées par l’appelant et plus particulièrement du rapport de l’OSAR de 2018 et de la publication de l’Organisation internationale pour la défense des chrétiens dans le monde « Open Doors » que (i) les convertis au christianisme ne peuvent pas enregistrer leur nouvelle appartenance religieuse, de sorte qu’ils continuent à être considérés comme des membres de l’islam, (ii) les convertis ne jouissent pas des mêmes droits en Iran que les chrétiens reconnus et notamment au niveau du mariage et de la consommation d’alcool (iii) le prosélytisme à l’égard des musulmans est sanctionné par la peine de mort, (iv) le fait de renier l’islam risque, selon certaines interprétations religieuses, d’être puni par la peine de mort, bien que le Code pénal iranien ne punisse pas l’apostasie, (v) la conversion de l’islam à une autre religion n’est pas autorisée, (vi) la conversion est perçue par les autorités iraniennes comme un rapprochement avec l’Occident et partant comme une activité politique, (vii) les rencontres religieuses de convertis ne sont possibles que dans des églises secrètes et (viii) il existe pour les convertis un risque d’être surveillés et arrêtés pour « crime contre la sécurité nationale », ces conclusions étant encore en substance confirmées par les sources citées par la CourEDH dans ses arrêts des 23 mars 2016 et 19 décembre 2017, précités, au sujet de la situation des convertis au christianisme retournant en Iran, qui font état de risques d’arrestations, d’actes de torture et d’exécution. Les sources citées par la CourEDH font néanmoins encore en substance la distinction selon le risque que la conversion sera connue par les autorités iraniennes, ce qui rejoint la thèse du délégué du gouvernement selon laquelle l’appelant ne courrait pas de risque du moment qu’il exerce sa foi de façon discrète.

Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, la Cour est amenée à retenir que si l’existence de risques pour des musulmans convertis retournant en Iran ne saurait être 6 Affaire A. c. Suisse, requête n° 60342/16 22niée, en l’espèce, au regard des doutes émis ci-avant quant à la cohérence, le sérieux et la sincérité de la conversion de l’appelant, celui-ci étant tout au plus à considérer comme simple membre de l’église protestante, et dans la mesure où il n’a pas fait état de façon crédible d’éléments qui permettraient de retenir qu’il soit particulièrement visé par les autorités iraniennes, celui-ci n’ayant pas fait état d’une activité d’opposant et son récit en relation avec des propos tenus à l’égard d’un haut gradé des PASDARAN n’étant pas considéré comme crédible, l’appelant n’est pas fondé à faire état d’une crainte de subir des persécutions ou encore un risque réel de subir des atteintes graves en cas de retour en Iran du fait de sa conversion.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que les premiers juges sont à confirmer dans leur analyse selon laquelle le récit de l’appelant tel que présenté devant eux n’est pas crédible, de sorte que le ministre a, à juste titre, refusé l’octroi d’une protection internationale sur base de ces dires et que les considérations nouvelles présentées par l’appelant devant la Cour ne sont pas davantage de nature à lui conférer le bénéfice d’une protection internationale, prise dans son double volet.

C’est dès lors à juste titre que l’octroi d’une protection internationale a été refusée à l’appelant.

Quant à l'ordre de quitter le territoire contenu dans la décision de refus de protection internationale, force est de constater que dès lors que le jugement entrepris est à confirmer en ce qu’il a refusé à l’appelant le statut de la protection internationale - statut de réfugié et protection subsidiaire - et que le refus d’octroi de pareil statut est automatiquement assorti d’un ordre de quitter le territoire par le ministre, la demande de réformation de l’ordre de quitter le territoire, que ce soit comme conséquence de la réformation du refus d’octroi d’une protection internationale ou que ce soit en ce qu’elle est fondée sur une violation de l’article 129 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, est à rejeter à son tour et le jugement est à confirmer en ce qu’il a refusé de réformer ledit ordre.

Il suit de l'ensemble des considérations qui précèdent que le jugement du 7 février 2023 est à confirmer et l'appelant est à débouter de son appel.

PAR CES MOTIFS la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause, reçoit l’appel du 8 mars 2023 en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute l’appelant, partant, confirme le jugement entrepris du 7 février 2023, donne acte à l’appelant qu’il est bénéficiaire de l’assistance judiciaire, condamne l’appelant aux dépens de l’instance d’appel.

23 Ainsi délibéré et jugé par:

Serge SCHROEDER, premier conseiller, Lynn SPIELMANN, premier conseiller, Annick BRAUN, conseiller, et lu par le premier conseiller en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier assumé de la Cour ….

s. … s. SCHROEDER Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 16 mai 2023 Le greffier de la Cour administrative 24


Synthèse
Numéro d'arrêt : 48665C
Date de la décision : 16/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 25/05/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2023-05-16;48665c ?

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