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15/12/2022 | FRANCE | N°21-10783

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 15 décembre 2022, 21-10783


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 15 décembre 2022

Cassation partielle

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 1295 F-B

Pourvoi n° E 21-10.783

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 15 DÉCEMBRE 2022

M. [I] [F], domicilié [Adresse 5], a formé le

pourvoi n° E 21-10.783 contre l'arrêt rendu le 23 novembre 2020 par la cour d'appel de Nouméa (chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 15 décembre 2022

Cassation partielle

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 1295 F-B

Pourvoi n° E 21-10.783

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 15 DÉCEMBRE 2022

M. [I] [F], domicilié [Adresse 5], a formé le pourvoi n° E 21-10.783 contre l'arrêt rendu le 23 novembre 2020 par la cour d'appel de Nouméa (chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société QBE, dont le siège est [Adresse 7],

2°/ à M. [D] [V], domicilié [Adresse 3],

3°/ à la société Brousse service express, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2],

4°/ à la Caisse de compensation des prestations familiales, des accidents du travail et de prévoyance des travailleurs de Nouvelle-Calédonie (CAFAT), dont le siège est [Adresse 4],

5°/ à la Direction provinciale de l'action sanitaire et sociale Sud, dont le siège est [Adresse 1],

6°/ à Mme [W] [P], domiciliée [Adresse 6],

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Martin, conseiller, les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat de M. [F], de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société QBE, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 novembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Martin, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nouméa, 23 novembre 2020), le 12 mars 2016, à La Tamca, M. [F] a été victime, alors qu'il était passager transporté, d'un accident de la circulation impliquant un véhicule terrestre à moteur conduit par M. [V] et assuré auprès de la société QBE (l'assureur).

2. M. [F] a assigné l'assureur pour obtenir, notamment, l'indemnisation de ses pertes de gains professionnels futurs, de l'incidence professionnelle, des frais d'appareillages futurs, de logement adapté et de véhicule adapté.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

4. M. [F] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de condamnation de M. [V], sous la garantie de la société QBE, à lui régler la somme de 8 000 000 francs CFP à titre d'indemnisation de l'incidence professionnelle, alors « que, s'agissant d'une victime tétraplégique ayant perdu toute autonomie dans les gestes de la vie courante, en rejetant la demande d'indemnisation de l'incidence professionnelle au motif inopérant que la victime perçoit une pension d'invalidité de la Caisse de compensation des prestations familiales, des accidents du travail et de prévoyance des travailleurs de Nouvelle-Calédonie (CAFAT), la cour d'appel a violé l'article 3 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 29 et 31 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 et le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime :

5. Il résulte de ces deux textes que le juge, après avoir fixé l'étendue du préjudice résultant des atteintes à la personne et évalué celui-ci indépendamment des prestations indemnitaires qui sont versées à la victime, ouvrant droit à un recours subrogatoire contre la personne tenue à réparation ou son assureur, doit procéder à l'imputation de ces prestations, poste par poste.

6. Pour rejeter la demande d'indemnisation au titre de l'incidence professionnelle, après avoir énoncé qu'il est constant que l'indemnisation de la perte de gains professionnels futurs sur la base d'une rente viagère d'une victime privée de toute activité professionnelle pour l'avenir fait obstacle à une indemnisation supplémentaire au titre de l'incidence professionnelle, l'arrêt constate que M. [F] perçoit une pension invalidité de la Caisse de compensation des prestations familiales, des accidents du travail et de prévoyance des travailleurs de Nouvelle-Calédonie (CAFAT) et en déduit qu'aucune somme ne lui est due à ce titre.

7. En statuant ainsi, sans fixer le préjudice indemnisable de M. [F] au titre de l'incidence professionnelle avant d'imputer sur ce poste, s'il y a lieu, le montant de la rente invalidité perçue de la Caisse de compensation des prestations familiales, des accidents du travail et de prévoyance des travailleurs de Nouvelle-Calédonie (CAFAT), la cour d'appel a violé les textes et le principe susvisés.

Et sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

8. M. [F] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de réserve sur les frais de santé futurs, alors «que le juge ne doit pas dénaturer les conclusions des parties ; que M. [F] ayant demandé à la cour d'appel de réserver au titre du poste de préjudice "frais de santé futurs", les frais d'appareillages futurs, ainsi que d'aménagement de la voiture et du logement de la victime, en disant que ce poste "n'est pas contesté", la cour d'appel a violé l'interdiction faite au juge de dénaturer les conclusions des parties au regard des articles 4 et 5 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 4 et 5 du code de procédure civile :

9. Il résulte de ces textes que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties et que le juge doit se prononcer seulement sur ce qui est demandé.

10. Pour confirmer le jugement déféré en ce qu'il avait fixé à 5 365 121 francs CFP les dépenses de santé futures et à zéro l'indemnité complémentaire due à ce titre à M. [F], après avoir, par motifs adoptés, retenu que ce poste est totalement pris en charge par la Caisse de compensation des prestations familiales, des accidents du travail et de prévoyance des travailleurs de Nouvelle-Calédonie (CAFAT) et des dépendances et que, en l'absence de toute évaluation financière produite par M. [F], il ne lui revient aucune indemnité complémentaire, l'arrêt constate que ce poste de préjudice n'est pas contesté.

11. En statuant ainsi, alors que dans le dispositif de ses conclusions d'appel, M. [F] avait sollicité que soient réservés le poste de préjudice des frais de santé futurs incluant les frais d'appareillage ainsi que les postes d'aménagement du domicile et du véhicule, la cour d'appel, qui a dénaturé les conclusions d'appel, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, d'une part, il déboute M. [F] de sa demande présentée au titre de l'incidence professionnelle, d'autre part, il condamne in solidum M. [V] et la société QBE à payer à M. [F] la somme de 68 787 759 francs CFP en réparation de ses préjudices patrimoniaux et extra-patrimoniaux, l'arrêt rendu le 23 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Nouméa ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nouméa autrement composée.

Condamne la société QBE aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société QBE et la demande formée par M. [F] contre M. [V], la société Brousse service express, la Caisse de compensation des prestations familiales, des accidents du travail et de prévoyance des travailleurs de Nouvelle-Calédonie et la Direction provinciale de l'action sanitaire et sociale Sud et condamne la société QBE à payer à M. [F] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze décembre deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat aux Conseils, pour M. [F]

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

M. [F] fait grief à l'arrêt attaqué de lui avoir alloué une somme limitée à 9 417 808 francs CFP à titre de réparation des pertes de gains professionnels futurs quand il demandait 85 806 821 francs CFP ;

ALORS QUE, s'agissant d'une victime, ouvrier du bâtiment employé à durée déterminée au jour de l'accident ayant perdu toute autonomie dans les gestes de la vie courante, en limitant la demande d'indemnisation des gains professionnels « pour tenir compte du caractère aléatoire de son activité, car il ne justifie pas qu'il aurait travaillé en permanence à temps plein jusqu'à sa retraite » (arrêt, p. 8, § 1), cependant que ce type de contrat est habituel dans ce secteur professionnel et ne préjuge pas d'une carrière incomplète, la cour d'appel a violé l'article 3 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime.

DEUXIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :

M. [F] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté sa demande de condamnation de M. [V], sous la garantie de la compagnie d'assurance QBE, à lui régler la somme de 8 000 000 francs CFP à titre d'indemnisation de l'incidence professionnelle ;

ALORS QUE, s'agissant d'une victime tétraplégique ayant perdu toute autonomie dans les gestes de la vie courante, en rejetant la demande d'indemnisation de l'incidence professionnelle au motif inopérant que la victime perçoit une pension d'invalidité de la Caisse de compensation des prestations familiales, des accidents du travail et de prévoyance des travailleurs de Nouvelle-Calédonie (CAFAT), la cour d'appel a violé l'article 3 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime.

TROISIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :

M. [F] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté sa demande de réserve sur les frais de santé futurs ;

ALORS QUE le juge ne doit pas dénaturer les conclusions des parties ; que M. [F] ayant demandé à la cour d'appel de réserver au titre du poste de préjudice « frais de santé futurs », les frais d'appareillages futurs, ainsi que d'aménagement de la voiture et du logement de la victime, en disant que ce poste « n'est pas contesté » (arrêt, p. 7 – Dépenses de santé futures, § 2), la cour d'appel a violé l'interdiction faite au juge de dénaturer les conclusions des parties au regard des articles 4 et 5 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 21-10783
Date de la décision : 15/12/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

SECURITE SOCIALE, ACCIDENT DU TRAVAIL - Rente - Rente prévue à l'article L. 434-2 du code de la sécurité sociale - Objet - Indemnisation de la victime - Etendue - Pertes de gains professionnels, incidence professionnelle, déficit fonctionnel permanent - Effets - Demande de réparation au titre de l'incidence professionnelle - Office du juge

Viole les articles 29 et 31 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 et le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime une cour d'appel qui, sans avoir préalablement fixé son préjudice au titre de l'incidence professionnelle, rejette la demande de la victime de ce chef au motif qu'elle percevait une pension d'invalidité


Références :

Articles 29 et 31 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985.

Décision attaquée : Cour d'appel de Noumea, 23 novembre 2020

2e Civ., 14 octobre 2021, pourvoi n° 19-24456, Bull. (cassation).


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 15 déc. 2022, pourvoi n°21-10783, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre
Avocat(s) : SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 11/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:21.10783
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