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24/06/2025 | FRANCE | N°23VE02756

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 4ème chambre, 24 juin 2025, 23VE02756


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Par trois demandes séparées, M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision du 2 mars 2023 par laquelle l'Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ) a invalidé la phase " socle " de son diplôme d'études spécialisées (DES) de médecine générale, la décision de classement intra-facultés choix ambulatoire semestre 2 promotion 2022 émise par cette même université par un courriel du 14 février 2023 et la décision du 2 j

uin 2023 par laquelle la commission régionale du DES de médecine générale de l'Île-de-France a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par trois demandes séparées, M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision du 2 mars 2023 par laquelle l'Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ) a invalidé la phase " socle " de son diplôme d'études spécialisées (DES) de médecine générale, la décision de classement intra-facultés choix ambulatoire semestre 2 promotion 2022 émise par cette même université par un courriel du 14 février 2023 et la décision du 2 juin 2023 par laquelle la commission régionale du DES de médecine générale de l'Île-de-France a prescrit à son endroit la réalisation d'un nouveau stage en médecine générale de niveau 1, ainsi que la décision du même jour par laquelle l'UVSQ l'a affecté en stage à Magny-en-Vexin pour la période courant du mois de juin à novembre 2023.

Par un jugement nos 2302875, 2303188 et 2305083 du 19 octobre 2023, le tribunal administratif de Versailles a joint ces trois demandes et les a rejetées.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 18 décembre 2023 et le 15 janvier 2025, M. D..., représenté par Me Yahia, demande à la cour :

1°) d'annuler la décision du 2 mars 2023 par laquelle l'UVSQ a invalidé la phase " socle " de son DES de médecine générale ;

2°) d'annuler la décision de classement intra-facultés choix ambulatoire semestre 2 promotion 2022 émise par cette même université par un courriel du 14 février 2023 ;

3°) d'annuler la décision du 2 juin 2023 par laquelle la commission régionale du DES de médecine générale de l'Île-de-France lui a prescrit la réalisation d'un nouveau stage en médecine générale de niveau 1, ainsi que la décision du même jour par laquelle l'UVSQ l'a affecté en stage à Magny-en-Vexin pour la période courant des mois de juin à novembre 2023 ;

4°) d'enjoindre à l'UVSQ de le réintégrer afin qu'il effectue un stage ambulatoire lui permettant de valider la phase socle de son DES de médecine générale en l'intégrant dans la procédure de choix de stage prévue par l'article 44 de l'arrêté du 12 avril 2017 ;

5°) d'enjoindre à l'UVSQ de procéder à l'établissement d'un nouveau classement pour la procédure de choix de stage en prenant en compte les trois semestres d'ancienneté de son internat depuis novembre 2021 ;

6°) de mettre à la charge de UVSQ la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

s'agissant de la régularité du jugement :

- les moyens du mémoire en défense de l'UVSQ ont été insuffisamment analysés en méconnaissance de l'article R. 741-2 du code de justice administrative ;

- les premiers juges ont répondu à tort à un moyen qu'il n'avait pas soulevé, tiré de la discrimination dont il aurait été victime en raison de son handicap ;

- les premiers juges ont considéré à tort que le rejet des conclusions d'annulation de la décision du 2 mars 2023 entrainait par voie de conséquence le rejet des conclusions tendant à l'annulation de la décision du 14 février 2023 ;

s'agissant de la légalité de la décision du 2 mars 2023 :

- le conseil exécutif du département de médecine générale était incompétent pour édicter la décision du 2 mars 2023 et même, si tel était le cas, pour édicter un avis ;

- la décision du 2 mars 2023 a été prise en méconnaissance des droits de la défense et de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 ;

- elle est entachée d'erreur d'appréciation des faits dès lors que le stage prescrit au centre hospitalier de Versailles a été validé au même titre que son premier stage au centre hospitalier de Rambouillet ;

- elle est entachée de détournement de procédure et constitue une sanction déguisée ;

s'agissant de la légalité de la décision du 14 février 2023 :

- la décision du 14 février 2023 est entachée d'erreur d'appréciation en ce qui concerne le calcul de ses semestres d'ancienneté ;

- elle est entachée d'erreur de droit et d'un défaut de base légale en raison de l'absence irrégulière de prise en compte du stage qu'il a accompli au centre hospitalier de Versailles, pourtant validé et validant ;

s'agissant de la légalité des décisions du 2 juin 2023 :

- les décisions du 2 juin 2023 ont été prises dans des conditions méconnaissant le principe d'impartialité, dès lors que le professeur A... était membre de la commission de recours de la commission régionale d'Île-de-France du DES de médecine générale ;

- elles sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation eu égard à son handicap ;

- elles sont entachées d'erreur de droit et violent l'article 44 de l'arrêté du 12 avril 2017 portant organisation du troisième cycle des études de médecine, dès lors qu'un stage lui a été imposé au lieu de faire l'objet d'un choix en fonction de son ancienneté.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 29 novembre 2024 et le 4 avril 2025, l'UVSQ, représentée par Me Jourdan, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. D... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'éducation ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- l'arrêté du 12 avril 2017 portant organisation du troisième cycle des études de médecine ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Pham,

- les conclusions de Mme Villette, rapporteure publique,

- et les observations de Me Yahia pour M. D....

Une note en délibéré présentée pour M. D... a été enregistrée le 18 juin 2025.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... D... a débuté ses études de médecine en 2016 et a validé ses deux premiers cycles au sein de l'université de Paris. En 2021, il est entré dans la phase dite " de l'internat ", correspondant au troisième cycle des études de médecine et a débuté un diplôme d'études spécialisées (DES) de médecine générale à l'Unité de Formation et de Recherche (UFR) Simone-Veil Santé de l'Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ). Après validation du stage de son premier semestre, effectué aux urgences du centre hospitalier de Rambouillet de novembre 2021 à avril 2022, il a effectué son stage du second semestre du 2 mai au 1er novembre 2022 chez trois praticiens généralistes, les docteurs Bories-Desjardin, E... et Klepper. Ce stage n'a toutefois pas été validé. Il lui a alors été prescrit la réalisation d'un nouveau stage au centre hospitalier de Versailles, de novembre 2022 au 1er mai 2023. L'UVSQ a, par une décision du 2 mars 2023, invalidé la phase dite " socle " de son DES de médecine générale. Par ailleurs, l'ordre de classement des internes de médecine intra-facultés choix ambulatoire semestre 2 - promotion 2022, émis par l'UVSQ en vue de l'attribution des stages ambulatoires de second semestre, a été transmis à l'intéressé par un courriel du 14 février 2023. Sur demande de M. D... et par ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Versailles du 4 mai 2023, la décision du 2 mars 2023 a été suspendue et il a été enjoint à l'université de le réintégrer dans la phase " socle " du troisième cycle des études de médecine. Par une décision du 2 juin 2023, la commission régionale du DES de médecine générale d'Île-de-France a prononcé la réintégration de l'intéressé dans la phase " socle " et lui a prescrit la réalisation d'un nouveau stage en médecine générale. Par une autre décision du même jour, l'UVSQ l'a affecté en stage auprès de médecins généralistes à Magny-en-Vexin pour la période courant du mois de juin 2023 à novembre 2023. Par trois demande séparées, M. D... a sollicité auprès du tribunal administratif de Versailles l'annulation des décisions du 2 mars 2023, du 14 février 2023 ainsi que des deux décisions du 2 juin 2023. Il relève appel du jugement nos 2302875, 2303188 et 2305083 du 19 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Versailles a joint ces trois demandes et les a rejetées.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, le tribunal pouvait, sans entacher son jugement d'irrégularité, se borner, dans l'analyse des mémoires en défense produits devant lui par l'UVSQ, à relever que cette dernière faisait valoir que les moyens présentés par M. D... n'étaient pas fondés, dès lors que ces mémoires se limitaient à la réfutation des moyens présentés par ce dernier.

3. En deuxième lieu, M. D... soutient que le tribunal aurait examiné, à l'aune de la décision invalidant la phase socle de son DES, le moyen tiré de la discrimination dont il a fait l'objet alors qu'il l'aurait soulevé contre la décision du 2 mars 2023. Toutefois, concernant la décision portant invalidation de son diplôme, ce moyen d'appel est inopérant, dès lors que le moyen tiré de la discrimination a été écarté par les premiers juges. En tout état de cause, le moyen était bien soulevé dans le mémoire du 30 août 2023 produit au soutien de la requête n° 2302875 tendant à l'annulation de la décision du 2 mars 2023.

4. En troisième lieu, si M. D... soutient que les premiers juges ont considéré à tort que le rejet des conclusions aux fins d'annulation de la décision du 2 mars 2023 entrainait celui des conclusions aux fins d'annulation de la décision du 14 février 2023, de telles circonstances, qui sont seulement susceptibles d'affecter le bien-fondé du jugement dont le contrôle est opéré par l'effet dévolutif de l'appel, sont sans incidence sur la régularité du jugement attaqué. Il en est de même des moyens tirés de ce que les premiers juges auraient commis une erreur de droit et une erreur manifeste d'appréciation.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la légalité de la décision du 2 mars 2023 qui a invalidé la phase socle de M. D... :

5. En premier lieu, aux termes de l'article R. 632-14 du code de l'éducation : " Il est institué pour chaque spécialité mentionnée à l'article R. 632-17 au niveau de la subdivision : / 1° Une commission locale de coordination de la spécialité chargée de s'assurer du respect de la formation suivie par l'étudiant et de son accompagnement à l'appui, notamment, du contrat de formation mentionné à l'article R. 632-26. / Elle assure la coordination des enseignements et le contrôle des connaissances avec le collège des directeurs des unités de formation et de recherche (UFR) qui comprend, le cas échéant, le collège des directeurs d'UFR de pharmacie. / Elle élabore des propositions relatives à l'organisation des enseignements et à l'évaluation de la formation de la spécialité concernée et les transmet à la commission régionale de coordination de la spécialité mentionnée à l'article R. 632-13. / Elle est présidée par un coordonnateur local et comprend, notamment, des représentants étudiants. Sa composition, les modalités de désignation de ses membres ainsi que son fonctionnement sont définis par arrêté des ministres chargés de l'enseignement supérieur et de la santé ". Aux termes de l'article R. 632-39 du même code : " La commission locale de coordination de la spécialité, mentionnée à l'article R. 632-14, vérifie que l'étudiant a acquis les connaissances et les compétences nécessaires à la validation de chaque phase telles que définies dans le contrat de formation. Il transmet son avis au directeur de l'unité de formation et de recherche qui décide de la validation de la phase. Si la phase est validée, l'étudiant accède à la phase suivante (...) ". Aux termes de l'article 11 de l'arrêté du 12 avril 2017 portant organisation du troisième cycle des études de médecine : " (...) La commission locale (de coordination de la spécialité) est chargée : (...) 7° De proposer au directeur de l'unité de formation et de recherche de médecine, ou de pharmacie, le cas échéant, la validation de chaque phase de formation (...) ".

6. M. D... soutient que la décision du 2 mars 2023 est irrégulière, dès lors qu'elle a été prise après avis du conseil exécutif et non de la commission pédagogique. L'UVSQ soutient que le conseil exécutif est une modalité d'organisation de la commission pédagogique de la coordination du DES de médecine générale. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que la composition de ce conseil n'est pas conforme à celle prévue pour la commission pédagogique de la coordination du DES de médecine générale par l'arrêté du 12 avril 2017 portant organisation du troisième cycle des études de médecine auquel renvoie l'article R. 632-14 précité. En outre, les statuts du département universitaire de médecine générale de l'UFR Simone Veil-Santé, approuvés par délibération du 14 mars 2023, prévoient que le département comprend une commission pédagogique chargée notamment de la validation des semestres et phases, alors que le conseil exécutif, organe distinct, a pour mission de mettre en œuvre la politique et les missions du département, d'assurer le suivi des conventions et des partenariats avec les différents acteurs, d'instruire et de proposer au conseil plénier les projets à mener, de faire le point sur les besoins du département et de répondre aux problématiques spécifiques de fonctionnement. Par suite, il y a lieu de faire droit au moyen tiré du vice de procédure.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 59 de l'arrêté du 12 avril 2017 précité : " I. - L'évaluation s'effectue au regard des modalités précisées dans les maquettes de formation définies par arrêté des ministres chargés de l'enseignement supérieur et de la santé et du ministre de la défense. L'évaluation comprend les apprentissages en stage et hors stage. La non-validation d'une phase par le directeur de l'unité de formation et de recherche compétent interdit l'accès à la phase suivante. (...) V. - En cas de non-validation de la phase socle, la commission locale de la spécialité propose une réorientation de l'étudiant ou une prolongation de la phase socle d'un semestre dans un lieu de stage agréé, désigné par elle-même pour permettre la validation au cours de ce semestre supplémentaire du ou des items non validés. Le directeur de l'unité de formation et de recherche concerné rend sa décision sur la base de la proposition de la commission. (...) ". Les maîtres de stage universitaires de M. D... n'ayant pas donné leur accord pour la validation de son stage ambulatoire, l'UVSQ a prescrit au requérant un stage au service des urgences du centre hospitalier de Versailles, qu'il a qualifié de " stage de remise à niveau " dans sa décision du 2 mars 2023 et a en conséquence prolongé la phase socle du requérant. Par suite, l'UVSQ a justement appliqué les dispositions précitées.

8. Il résulte de ces dispositions que le stage effectué au centre hospitalier de Versailles ne constituait pas un semestre susceptible de faire l'objet d'une validation propre, d'autant moins qu'il était effectué au service des urgences alors que M. D... devait valider un semestre en ambulatoire pour compléter la phase socle, mais que ce semestre supplémentaire pouvait éventuellement permettre, en cas de progression de l'intéressé, de rattraper les lacunes auparavant constatées et de valider le semestre en ambulatoire non validé. Par suite, M. D... n'est fondé à soutenir ni que l'UVSQ aurait dû automatiquement valider sa phase socle dès lors que son maître de stage universitaire aurait proposé la validation de son semestre au centre hospitalier de Versailles, ni que l'UVSQ aurait commis une erreur de droit en fondant notamment la décision de non validation de sa phase socle sur les appréciations portées au cours du semestre en ambulatoire non validé.

9. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que les docteurs Bories-Desjardin, E... et Klepper, avec qui M. D... avait effectué son stage ambulatoire au titre de la phase socle, ont tous trois relevé le manque de disponibilité de celui-ci, qui ne venait au plus qu'une demi-journée par semaine, ainsi que ses nombreuses et importantes insuffisances professionnelles, notamment en ce qui concerne la gestion du logiciel, la qualité de son relationnel avec les patients et ses prescriptions. Le docteur E... affirme avoir constaté des lacunes qu'il n'avait jamais rencontrées chez d'autres internes, comme ne pas savoir poser des électrodes, donner de l'ibuprofène à un nourrisson enrhumé, ne pas savoir interpréter une analyse médicale de thyréostimuline ou ne pas connaître la posologie et l'indication de médicaments usuels comme l'amoxicilline. Tous ont également indiqué qu'en se prévalant d'un plan d'accompagnement de l'étudiant en situation de handicap qu'il ne leur a pas montré spontanément, M. D... les avait laissés dans le doute quant à la possibilité pour lui d'effectuer des gardes de nuit, et qu'il n'avait ainsi sollicité et effectué aucune garde de nuit, alors que les prescriptions de son plan d'accompagnement le lui permettaient. Par ailleurs, son maître de stage universitaire au service des urgences, qui avait validé le premier semestre de sa phase socle, a également attesté que M. D... avait voulu quitter le stage plus tôt, qu'il n'avait effectué aucune garde de nuit et peu de gardes de jour. S'il avait validé ce premier semestre, il relève toutefois que la maîtrise de certaines techniques a été estimée intermédiaire et non satisfaisante, et qu'il avait indiqué en appréciation que l'intéressé devait approfondir les gestes techniques et poursuivre sa formation théorique. Le requérant soutient que ces déclarations auraient été créées de toutes pièces par l'UVSQ mais ne produit lui-même aucune attestation de ces mêmes médecins. Les pièces qu'il produit, à savoir un relevé des heures effectuées pendant le seul mois de novembre 2022 et des attestations laconiques d'autres médecins avec qui il a effectué un précédent stage, ne sont pas de nature à remettre en cause les déclarations de ses maîtres de stage universitaires, qui sont concordantes. Si le docteur B..., avec qui M. D... a effectué son stage au centre hospitalier de Versailles, a fait part d'appréciations plus positives, celles-ci restent néanmoins mesurées, dès lors que ce praticien a conclu que M. D... " a le niveau d'un jeune interne qui doit poursuivre sa formation ". Par ailleurs, lors de ce stage, le requérant n'avait, encore une fois, ni évoqué la possibilité pour lui d'effectuer des gardes de nuit malgré son handicap, ni effectué aucune garde de nuit. Ainsi, ce stage supplémentaire, au cours duquel les progrès de M. D... sont restés mesurés, n'a pas permis à l'UVSQ de revenir sur son appréciation et de valider son deuxième semestre. Il ne ressort pas des pièces du dossier que, pour fonder sa décision, l'UVSQ se serait fondée sur le refus de l'intéressé d'abandonner son second travail, ou sur son refus d'effectuer des gardes de nuit. Ce dernier refus pouvait toutefois légitimement être pris en compte pour expliquer les insuffisances de M. D..., qui résultaient notamment d'un manque de pratique, ainsi que pour apprécier la possibilité pour lui d'améliorer suffisamment ses connaissances et sa pratique au cours du stage de remise à niveau. Par ailleurs, l'université n'avait pas forcément à attendre, en application de l'article 59 de l'arrêté du 12 avril 2017, une durée de six mois de stage de remise à niveau pour décider si elle validait ou non le second semestre de M. D... et pouvait décider que, au vu de son niveau, de son refus d'effectuer des gardes de nuit ainsi que du nombre réduit de gardes de jour effectué, il était impossible qu'il atteigne le niveau requis avant la fin de ce stage. Le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit en conséquence être écarté. Au vu de ces éléments, il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que la décision attaquée constituait une sanction disciplinaire déguisée.

10. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner le moyen tiré de la violation des droits de la défense, que M. D... est seulement fondé à demander l'annulation de la décision du 2 mars 2023 en raison de son illégalité externe.

En ce qui concerne la légalité de la décision du 14 février 2023, qui a établi l'ordre de classement des internes de médecine intra-facultés choix ambulatoire semestre 2 - promotion 2022 en ne prenant en compte qu'un seul semestre d'ancienneté pour M. D... :

11. En premier lieu, M. D... conteste la décision de classement du 14 février 2023, prise sur la base d'un seul semestre d'ancienneté, en faisant valoir que le stage qu'il a effectué au centre hospitalier de Versailles doit être considéré comme validé. Toutefois, il résulte de ce qui précède que le stage au centre hospitalier de Versailles n'était pas susceptible de faire l'objet d'une validation prise en compte pour le calcul de l'ancienneté du requérant. La circonstance que le site de l'Agence régionale de santé Île-de-France indiquerait qu'il possède trois semestres d'ancienneté n'est pas de nature à remettre en cause la légalité de la décision attaquée.

12. En second lieu, aux termes de l'article R. 632-32 du code de l'éducation : " I. - Les stages non validés sont pris en compte dans le calcul de l'ancienneté lorsque le motif d'invalidation est lié à l'une des situations suivantes : 1° Etat de grossesse ; 2° Congé de maternité, congé d'adoption et congé de paternité et d'accueil de l'enfant ; 3° Affection pouvant donner lieu à un congé de longue durée prévu à l'article R. 6153-15 du code de la santé publique ou à un congé de longue maladie prévu à l'article R. 6153-16 du même code ; 4° Activité syndicale prévue aux articles R. 6153-24-1 et R. 6153-24-2 du code de la santé publique. Les stages non validés ne sont pas pris en compte dans les obligations de formation universitaire prévues pour chaque diplôme postulé. Dans ce cas, l'étudiant de troisième cycle des études de médecine concerné accomplit un stage complémentaire. Les stages non validés ne sont pas pris en compte dans les obligations de formation universitaire prévues pour chaque diplôme postulé. Dans ce cas, l'étudiant de troisième cycle des études de médecine concerné accomplit un stage complémentaire. L'étudiant qui se trouve dans l'une des situations mentionnées aux 1°, 2° et 3° consulte, par dérogation à l'article R. 6153-7 du code de la santé publique, le service de santé au travail de son centre hospitalier universitaire de rattachement. Ce service se rapproche du service de santé au travail de l'entité où l'étudiant accomplit son stage. L'étudiant transmet au directeur général de l'agence régionale de santé dont il relève les justificatifs nécessaires dont les avis médicaux et l'avis du médecin du service de santé au travail. ". M. D... ne peut se prévaloir de ces dispositions, dès lors qu'il n'établit ni entrer dans une des hypothèses mentionnées, ni avoir entrepris une démarche auprès du service de santé au travail de son centre hospitalier universitaire de rattachement pour faire valoir ses droits.

En ce qui concerne la légalité des décisions du 2 juin 2023 par lesquelles l'UVSQ a prononcé la réintégration de l'intéressé dans la phase " socle ", lui a prescrit la réalisation d'un nouveau stage en médecine générale et l'a affecté en stage ambulatoire à Magny-en-Vexin pour la période courant des mois de juin 2023 à novembre 2023 :

13. En premier lieu, M. D... soutient que les décisions du 2 juin 2023 sont entachées de partialité dès lors qu'elles ont été prises par la commission de recours de la commission régionale Île-de-France du DES de médecine générale dans laquelle siégeait M. A..., qui était également co-signataire de la décision du 2 mars 2023. Toutefois, la simple circonstance que M. A... avait décidé la non validation de la phase socle du requérant ne l'empêchait pas de siéger en toute impartialité dans la commission régionale, qui a décidé des mesures d'exécution de l'ordonnance du 4 mai 2023 du juge des référés suspendant la décision du 2 mars 2023. Par ailleurs, la décision prise, qui indique que M. D... devra démontrer son implication en stage et dans ses travaux personnels afin d'attester de sa progression et de son niveau de compétences de manière régulière au cours de ce nouveau stage ambulatoire, ne porte aucun jugement sur la personne du requérant. Si ce dernier soutient que M. A... aurait montré un acharnement à son égard, il n'établit pas la réalité de ses allégations en se bornant à produire une attestation de son père.

14. En deuxième lieu, M. D... soutient que la décision l'affectant en stage dans un établissement situé à Magny-en-Vexin procède d'une erreur d'appréciation du handicap dont il souffre, dès lors que son état de santé ne lui permet pas de supporter un trajet de plus d'une demi-heure. Toutefois, le requérant n'établit pas l'impossibilité pour lui de se loger à proximité de son lieu de stage, alors qu'il perçoit une rémunération au titre de son internat et qu'il affirme que l'emploi de consultant qu'il exerce auprès de la Banque Mondiale s'exerce intégralement en télétravail. Au vu de ces éléments, M. D... n'est pas non plus fondé à soutenir qu'il ferait l'objet d'une discrimination en raison de son handicap.

15. En troisième lieu, M. D... soutient que l'UVSQ a commis une erreur de droit dès lors que son stage n'a pas été choisi en fonction de son ancienneté, en méconnaissance de l'article 44 de l'arrêté du 12 avril 2017. Toutefois, le stage ambulatoire de M. D... n'ayant pas été validé par ses maîtres de stage universitaires, le nouveau stage qui lui est prescrit s'inscrit dans le cadre des dispositions du V de l'article 59 de l'arrêté du 12 avril 2017 aux termes duquel, en cas de non-validation de la phase socle, la commission locale de la spécialité peut proposer une prolongation de la phase socle d'un semestre dans un lieu de stage agréé, désigné par elle-même pour permettre la validation au cours de ce semestre supplémentaire du ou des items non validés. Il incombait donc à la commission de choisir le lieu de stage. Le moyen doit en conséquence être écarté.

16. En dernier lieu, la décision contestée ne rentre dans aucune des hypothèses envisagées à l'article L. 211-1 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

17. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 2 mars 2023.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

18. Le présent arrêt implique nécessairement que l'administration statue à nouveau sur la situation de l'intéressé. Dès lors, il y a lieu d'enjoindre à l'UVSQ, en application de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, de réexaminer la situation de M. D... après la réalisation du stage auquel il a été affecté auprès de médecins généralistes à Magny-en-Vexin.

Sur les frais liés au litige :

19. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a lieu de faire droit ni aux conclusions de M. D..., ni à celles de l'UVSQ présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La décision du 2 mars 2023 de l'Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines est annulée.

Article 2 : Il est enjoint à l'UVSQ de réexaminer la situation de M. D... après la réalisation du stage auquel il a été affecté auprès de médecins généralistes à Magny-en-Vexin.

Article 3 : Le jugement nos 2302875, 2303188 et 2305083 du tribunal administratif de Versailles du 19 octobre 2023 est réformé en ce sens.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. D... ainsi que les conclusions de l'Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et à l'Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines.

Délibéré après l'audience du 27 mai 2025, à laquelle siégeaient :

M. Etienvre, président de chambre,

M. Pilven, président-assesseur,

Mme Pham, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 juin 2025.

La rapporteure,

C. Pham

Le président,

F. Etienvre

La greffière,

S. Diabouga

La République mande et ordonne à la ministre d'Etat, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23VE02756


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23VE02756
Date de la décision : 24/06/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. ETIENVRE
Rapporteur ?: Mme Christine PHAM
Rapporteur public ?: Mme VILLETTE
Avocat(s) : SELARL YAHIA AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-24;23ve02756 ?
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