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17/04/2024 | FRANCE | N°22VE02154

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 6ème chambre, 17 avril 2024, 22VE02154


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 11 mai 2020 par lequel le maire de la commune de Neuilly-sur-Seine lui a infligé la sanction d'exclusion temporaire de fonctions de cinq jours ainsi que la décision tendant à la répétition d'un indu total de traitement de 3 676 euros par échéances mensuelles, révélée par ses bulletins de salaires depuis le 1er mars 2019. Il a par ailleurs demandé l'annulation de l'arrêté du 23 juill

et 2019 par lequel le maire de la commune de Neuilly-sur-Seine l'a suspendu de ses fonctio...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 11 mai 2020 par lequel le maire de la commune de Neuilly-sur-Seine lui a infligé la sanction d'exclusion temporaire de fonctions de cinq jours ainsi que la décision tendant à la répétition d'un indu total de traitement de 3 676 euros par échéances mensuelles, révélée par ses bulletins de salaires depuis le 1er mars 2019. Il a par ailleurs demandé l'annulation de l'arrêté du 23 juillet 2019 par lequel le maire de la commune de Neuilly-sur-Seine l'a suspendu de ses fonctions et l'arrêté du 3 janvier 2020 l'affectant d'office en tant qu'agent de médiathèque à compter du 7 janvier 2020.

Par un jugement n° 1911899, 2006631, 2008174 du 23 juin 2022, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé les arrêtés du 23 juillet 2019 portant suspension de fonctions et du 3 janvier 2020 portant changement d'affectation, a enjoint à la commune de Neuilly-sur-Seine de le réintégrer dans les fonctions qu'il occupait jusqu'au 2 janvier 2020 et a rejeté le surplus des conclusions de l'intéressé.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés respectivement les 29 août 2022, 17 mai 2023 et 21 mars 2024, M. A..., représenté par Me Sarrazin, avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement en tant qu'il n'a fait droit que partiellement à ses demandes ;

2°) d'annuler la décision du maire de la commune de Neuilly-sur-Seine du 11 mai 2020 prononçant une sanction d'exclusion temporaire de cinq jours ainsi que la décision non formalisée procédant à la répétition de la somme de 101,29 euros par mois entre le 1er mars 2019 et le 28 février 2020, soit une somme totale de 1 106,42 euros ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Neuilly-sur-Seine une somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est entaché d'irrégularité dès lors qu'il est insuffisamment motivé et que le tribunal administratif a omis de statuer sur un moyen tiré de ce que la sanction a été adoptée au terme d'une procédure irrégulière, en méconnaissance des droits de la défense, en l'absence d'enquête, de compte rendu d'entretien ou de relevé détaillé des faits ;

- le tribunal ne pouvait se fonder pour le sanctionner sur l'attestation établie par le directeur général des services qui n'établit pas la matérialité des faits qui lui sont reprochés ; par ailleurs, le directeur général des services qui lui avait demandé d'établir un faux témoignage se trouve en situation de conflit d'intérêts et son témoignage est entaché d'impartialité ;

- la sanction est disproportionnée dès lors qu'elle le prive d'un treizième mois alors que les faits relatifs à des pratiques dégradantes ne sont pas établis ;

- en ce qui concerne les sommes qui ont fait l'objet d'une répétition sur son traitement, la prescription de deux ans, prévue par l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 a été méconnue ; par ailleurs les heures supplémentaires en cause font l'objet d'un forfait mensuel de 25 heures ;

- enfin, cette décision de répétition des primes versées entre 2014 et 2018 constitue une décision de retrait d'une décision créatrice de droit ; elle n'a pas été motivée et n'a pas fait l'objet d'une procédure contradictoire préalable en méconnaissance des articles L. 121-1 et L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;

- l'appel incident n'est pas recevable dès lors qu'il soulève un litige distinct.

Par un mémoire, enregistré le 5 mars 2024, la commune de Neuilly-sur-Seine, représentée par Me Landot, avocat, conclut au rejet de la requête, à l'annulation du jugement en tant qu'il a annulé la décision portant suspension du 23 juillet 2019 et la décision portant changement d'affectation du 3 janvier 2020 et à ce qu'il soit mis à la charge de M. A... la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient par un appel incident que :

- la décision du suspension du 23 juillet 2019 était justifiée par la vraisemblance et la gravité suffisante des faits en cause, et le rapport émis par le directeur général des services du 23 juillet 2019 était suffisant pour établir ces faits ainsi que les témoignages de trois agents, même recueillis indirectement ; en tout état de cause, le seul témoignage portant sur l'attitude de M. A... se vantant de cracher dans les cafés servis aux visiteurs suffisait à justifier la décision de suspension ;

- la décision portant changement d'affectation était justifiée et ne pouvait faire l'objet d'un recours dès lors qu'il s'agissait d'une mesure d'ordre intérieur qui ne comporte aucun changement de résidence ni modification de sa situation, ni perte d'avantages pécuniaires, ni diminution sensible de ses responsabilités ; en tout état de cause, aucun vice de procédure ne peut être retenu dès lors qu'il a été mis à même de consulter son dossier ;

- sur la demande d'annulation de la sanction disciplinaire : le jugement est suffisamment motivé, et aucune substitution de motif n'est intervenue ; la procédure a été respectée ; la matérialité des faits est établie et la sanction est proportionnée aux fautes commises sans qu'aucun détournement de pouvoir ne puisse être retenu ;

- sur la demande tendant à l'annulation de la répétition des sommes dues : M. A... n'a pas effectué les heures supplémentaires dues ; la prescription quinquennale était applicable ; la décision n'avait pas à être motivée ; le moyen tiré d'une décision de retrait illégale est inopérant.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi du 22 avril 1905 portant fixation du budget des dépenses et des recettes de l'exercice 1905 ;

- la loi n° 83-637 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- la loi n° 2000-231 du 12 avril 2000 ;

- le décret n° 89-667 du 18 septembre 1989 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pilven,

- les conclusions de Mme Villette, rapporteure publique,

- et les observations de Me Sarrazin, pour M. A..., et de Me Carbonnel, substituant Me Landot, pour la commune de Neuilly-sur-Seine.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... est adjoint administratif principal de deuxième classe. Il a été titularisé le 1er juin 2005 et occupait depuis cette date les fonctions d'huissier au cabinet du maire de Neuilly-sur-Seine. Le 11 janvier 2019, il a été averti qu'un contrôle des heures supplémentaires effectuées avait fait apparaître de nombreuses anomalies et incohérences de sorte qu'il était redevable de la somme de 3 676 euros correspondant à 256 heures supplémentaires non effectuées de 2014 à 2018 et qu'une procédure de sanction disciplinaire était engagée à son encontre à ce titre. Le 7 février 2019, il a fait l'objet d'une exclusion temporaire de fonctions de trois jours et, à compter du mois de mars 2019, d'un prélèvement mensuel d'une somme de 101,29 euros, en répétition de cet indu. Par ailleurs, il a été suspendu de ses fonctions le 23 juillet 2019 en raison de sa manière de servir, notamment le 28 juin 2019, et une procédure disciplinaire a été engagée à son encontre. Le 23 janvier 2020, le conseil de discipline a rendu un avis favorable à un avertissement. Le 11 mai 2020, il a fait l'objet d'une exclusion temporaire de fonctions de cinq jours. Enfin, par un arrêté du 3 janvier 2020, il a été affecté en tant qu'agent de médiathèque à compter du 7 janvier suivant. Le 8 février 2020, M. A... a formé un recours gracieux devant le maire de Neuilly-sur-Seine afin de voir retirés d'une part la décision d'opérer une retenue sur ses salaires au motif d'heures supplémentaires non effectuées et d'autre part l'arrêté du 3 janvier 2020 procédant à son changement d'affectation. Ces demandes ont été rejetées le 10 avril 2020. Par trois requêtes, il a demandé au tribunal administratif l'annulation de la décision du 23 juillet 2019 le suspendant de ses fonctions, l'annulation de la sanction d'exclusion temporaire de fonctions du 11 mai 2020, l'annulation de la décision du 11 janvier 2019 mettant à sa charge un indu de 3 676 euros, des décisions révélées par ses bulletins de salaire fixant le montant des sommes ainsi répétées par prélèvement et de l'arrêté du 3 janvier 2020 procédant à son changement d'affectation, ainsi que du rejet de son recours gracieux. Par jugement du 23 juin 2022, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté du 23 juillet 2019, portant suspension de ses fonctions, et celui du 3 janvier 2020 portant changement d'affectation et rejeté le surplus de ses demandes. Par la présente requête, M. A... demande l'annulation de la sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de cinq jours du 11 mai 2020 et l'annulation de la décision non formalisée procédant à une retenue sur son traitement pour un montant de 1 106,42 euros. Par un appel incident, la commune de Neuilly-sur-Seine demande l'annulation du jugement du 23 juin 2022 en tant qu'il a annulé la décision de suspension du 23 juillet 2019 et la décision de changement d'affectation du 3 janvier 2020.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Et aux termes de l'article 6 du décret du 18 septembre 1989 : " Le fonctionnaire poursuivi (...) peut présenter devant le conseil de discipline des observations écrites ou orales, citer des témoins et se faire assister par un ou plusieurs conseils de son choix. ".

3. M. A... soutient que le tribunal a omis de se prononcer sur le moyen tiré de ce que la sanction d'exclusion temporaire de cinq jours aurait été adoptée au terme d'une procédure irrégulière au motif qu'il n'aurait pas été mis à même de présenter sa défense préalablement à l'adoption de la décision attaquée, retenant une sanction du deuxième groupe alors que le maire avait sollicité une sanction du troisième groupe. Au point 15 de son jugement, le tribunal administratif s'est toutefois prononcé par un rejet du moyen tiré de l'irrégularité de la procédure suivie devant le conseil de discipline, sur le point relatif à l'intervention de l'avocat de la commune pendant la séance du conseil de discipline. En revanche, la circonstance que M. A... ait fait l'objet d'une sanction relevant du deuxième groupe et non du troisième groupe, comme cela avait été sollicité par le maire, était sans influence sur la procédure suivie devant le conseil de discipline et le tribunal n'était pas tenu de répondre à une branche inopérante d'un moyen. Par suite, le moyen tiré de ce que le tribunal aurait entaché son jugement d'une omission à statuer doit être écarté.

4. Par ailleurs, le tribunal administratif, dans son jugement n'a pas procédé à une substitution de motifs non demandée par la commune mais à une neutralisation de motifs, qui relevait de son office en retenant uniquement les fautes relevées par le directeur général des services dans son attestation sur l'honneur, la gravité de ces fautes et la proportionnalité de la sanction à ces fautes. Par suite, le moyen tiré de ce que le tribunal aurait procédé d'office à une substitution de motifs doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la sanction du 11 mai 2020 :

5. En premier lieu, la circonstance que M. A... ait fait l'objet d'une sanction d'exclusion temporaire de fonctions pendant cinq jours, sanction du deuxième groupe, à l'issue du conseil de discipline du 23 janvier 2020, alors que le maire de la commune de Neuilly-sur-Seine avait sollicité une sanction d'exclusion temporaire de quatre mois, sanction du troisième groupe, est sans incidence sur la procédure disciplinaire prévue par le décret du 18 septembre 1989, relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires territoriaux. Il n'est pas contesté que M. A... a été convoqué au moins quinze jours avant la tenue du conseil de discipline, qu'il a pu prendre connaissance de son dossier dans un délai suffisant, se faire assister par un conseil de son choix, présenter ses observations pendant la tenue de ce conseil de discipline et citer des témoins. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance du principe des droits de la défense doit être écarté.

6. En deuxième lieu, il incombe au juge de l'excès de pouvoir, saisi de conclusions tendant à l'annulation d'une sanction disciplinaire, de vérifier si les faits reprochés à un agent public sont matériellement établis, s'ils constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes

7. M. A... soutient que l'attestation établie par le directeur général des services le 29 novembre 2019 est insuffisante pour établir la matérialité des faits qui lui sont reprochés. Toutefois, cette attestation porte sur des constatations faites directement par le directeur général des services, occupant un bureau au même niveau que le poste occupé par M. A..., et portant sur un usage excessif de son téléphone portable, sur ses absences non justifiées de son poste de travail et sur sa tendance à trop bavarder, ces comportements ayant fait l'objet de rappels à l'ordre par oral. Ces constatations faites directement par le directeur général des services permettent de justifier l'existence de fautes dans l'exercice de ses fonctions, qui ne sont pas sérieusement contestées par M. A.... Si celui-ci allègue que le directeur général des services aurait agi avec partialité et aurait été guidé dans sa volonté de le sanctionner en raison du refus qu'il avait opposé au directeur général des services de témoigner à l'encontre d'un autre collègue, il ne l'établit pas. Ces fautes, par leur caractère répétitif et par l'absence de prise en compte des remarques du directeur général des services par l'intéressé étaient de nature à justifier la sanction retenue d'exclusion temporaire de service pendant cinq jours, sans que cette sanction puisse être regardée comme disproportionnée. Par suite les moyens tirés de l'absence de matérialité des faits reprochés et du caractère disproportionné de la sanction du 11 mai 2020 doivent être écartés.

En ce qui concerne la décision portant répétition de l'indu :

8. En premier lieu, aux termes de l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983, alors en vigueur : " Les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant le traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire. ".

9. En appel, M. A... ne conteste pas sérieusement que les heures supplémentaires mensuelles le concernant avaient fait l'objet d'un signalement erroné, tenant notamment à ce qu'il contournait le système de pointage en partant déjeuner sans pointer et à des incohérences entre les horaires de pointage automatisé et les horaires de passage à l'entrée du parking ou à la caisse du restaurant du personnel et que ces incohérences portaient sur 256 heures supplémentaires non effectuées. Contrairement à ce qu'il soutient, ces heures supplémentaires ont été générées par de fausses informations relatives aux heures de déjeuner et d'entrée dans le parking le matin, comme cela ressort des informations croisées issues des tableaux de transactions à la caisse du restaurant, de l'état de caisse au restaurant et de l'historique des entrées au parking, de sorte qu'il doit être regardé comme ayant effectué, à la suite de ces informations erronées, un nombre d'heures supplémentaires nettement moins important que celui déclaré, pour un total de 256 heures.

10. Il soutient, en deuxième lieu, que la commune aurait méconnu les dispositions relatives à la prescription de deux ans, prévues par l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000.

11. Aux termes de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000, relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations : " Les créances résultant de paiements indus effectués par les personnes publiques en matière de rémunération de leurs agents peuvent être répétées dans un délai de deux années à compter du premier jour du mois suivant celui de la date de mise en paiement du versement erroné, y compris lorsque ces créances ont pour origine une décision créatrice de droits irrégulière devenue définitive. / Toutefois, la répétition des sommes versées n'est pas soumise à ce délai dans le cas de paiements indus résultant soit de l'absence d'information de l'administration par un agent de modifications de sa situation personnelle ou familiale susceptibles d'avoir une incidence sur le montant de sa rémunération, soit de la transmission par un agent d'informations inexactes sur sa situation personnelle ou familiale. ". Dans les deux hypothèses prévues par le deuxième alinéa de cet article, la somme peut être répétée dans le délai de droit commun de cinq ans, prévu à l'article 2224 du code civil.

12. Dès lors que les informations relatives aux heures supplémentaires effectuées par M. A... ont été reconnues comme inexactes en raison d'une prise en compte erronée des données relatives au pointage, l'administration était en droit, en application du 2ème alinéa de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000, de procéder à la répétition des sommes indûment payées de septembre 2014 à septembre 2018 pendant un délai de cinq ans et non de deux ans. Le moyen tiré d'une méconnaissance des dispositions de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 doit être écarté.

13. M. A... soutient, en troisième lieu, que la décision de répétition des heures supplémentaires versées entre 2014 et 2018 constitue une décision de retrait d'une décision créatrice de droits qui aurait dû être motivée et soumise à une procédure préalable contradictoire en application des dispositions des articles L. 121-1 et L. 121-2 du code des relations entre le public et l'administration, ainsi que les articles L. 211-2, L. 242-1 ou l'article L. 243-1 du même code.

14. Aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". Aux termes de l'article L. 122-1 du même code : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. L'administration n'est pas tenue de satisfaire les demandes d'audition abusives, notamment par leur nombre ou leur caractère répétitif ou systématique. ". Aux termes de l'article L. 211-2 du même code : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / (...) 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits (...) ". Aux termes de l'article L. 242-1 du même code : " L'administration ne peut abroger ou retirer une décision créatrice de droits de sa propre initiative ou sur la demande d'un tiers que si elle est illégale et si l'abrogation ou le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision. ". Et aux termes de l'article L. 242-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 242-1, l'administration peut, sans condition de délai : / 1° Abroger une décision créatrice de droits dont le maintien est subordonné à une condition qui n'est plus remplie ; / 2° Retirer une décision attribuant une subvention lorsque les conditions mises à son octroi n'ont pas été respectées. ". Aux termes de l'article L. 243-3 du même code : " L'administration ne peut retirer un acte réglementaire ou un acte non réglementaire non créateur de droits que s'il est illégal et si le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant son édiction. ".

15. Toutefois, comme l'a jugé à bon droit le tribunal administratif, les sommes prélevées chaque mois sur le traitement de M. A... doivent être regardées comme une répétition d'un trop-perçu par l'intéressé entre 2014 et 2018, d'un montant total de 3 676 euros, sur le fondement de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000. La décision non formalisée de procéder à cette répétition de l'indu pour la période comprise entre le 1er mars 2019 et le 28 février 2020 pour un montant de 1 106,42 euros ne peut donc s'analyser comme une décision de retrait d'une décision créatrice de droit ou d'un acte non créateur de droit, soumis au délai de quatre mois pour procéder à son retrait en application des dispositions du code des relations entre le public et l'administration citées au point 14, mais comme la correction d'une simple erreur de liquidation des heures supplémentaires qui n'ont pas été effectuées. Le maire de la commune de Neuilly-sur-Seine n'a en effet pas mis fin au régime prévoyant le paiement d'un montant d'heures supplémentaires évalué par simplification de manière forfaitaire à 25 heures mensuelles, mais a simplement constaté l'absence de réalisation de ces heures supplémentaires par M. A.... Le moyen tiré de la méconnaissance des articles L. 121-1 et L. 121-2 ainsi que des articles L. 211-2, L. 242-1 et L. 243-3 du code des relations entre le public et l'administration ne peut dès lors qu'être écarté.

16. Il suit de là que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté ses conclusions à fin d'annulation.

En ce qui concerne l'appel incident de la commune :

S'agissant de la décision de suspension du 23 juillet 2019 :

17. Aux termes de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983, alors en vigueur : " En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline. ". Ces dispositions trouvent à s'appliquer dès lors que les faits imputés à l'intéressé présentent un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité.

18. M. A... a fait l'objet d'une décision de suspension de fonctions à la date du 23 juillet 2019 en raison de faits de nature à perturber de manière importante le bon fonctionnement du service. Cette décision se fondait sur un rapport du même jour émanant du directeur général des services portant sur des pratiques dégradantes par M. A... et la tenue de propos indignes de la fonction qu'il occupe, comme huissier auprès du maire de la commune de Neuilly-sur-Seine.

19. Toutefois, comme l'a relevé le tribunal administratif, le rapport du directeur général des services se fondait sur plusieurs témoignages mais se limitait à en produire un seul, mentionnant que M. A... se vantait de cracher dans les cafés servis aux invités du maire de sorte que les faits relatifs à d'autres propos déplacés ou grossiers qu'aurait tenus M. A... ou à son manque de professionnalisme, relatés de manière générale et sans suffisamment de précision, ne présentaient pas, à la date de la décision de suspension, un caractère de vraisemblance suffisant. Quant à l'attitude certes fautive de M. A..., relative à ses propos tenus sur le service du café, eu égard à la mission d'huissier de justice au cabinet du maire en charge de l'accueil du public, elle ne présentait pas un caractère de gravité suffisant, s'agissant de simples propos sur des faits non établis, pour justifier une décision de suspension. Dès lors, la commune de Neuilly-sur-Seine n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé cette décision de suspension.

S'agissant de la décision de changement d'affectation du 3 janvier 2020 :

20. Les mesures prises à l'égard d'agents publics qui, compte tenu de leurs effets, ne peuvent être regardées comme leur faisant grief constituent de simples mesures d'ordre intérieur insusceptibles de recours. Il en va ainsi des mesures qui, tout en modifiant leur affectation ou les tâches qu'ils ont à accomplir, ne portent pas atteinte aux droits et prérogatives qu'ils tiennent de leur statut ou de leur contrat ou à l'exercice de leurs droits et libertés fondamentaux, ni n'emportent de perte de responsabilités ou de rémunération. Le recours contre de telles mesures, à moins qu'elles ne traduisent une discrimination ou une sanction, est irrecevable.

21. Par décision du 3 janvier 2020, M. A... a été affecté à la médiathèque Longchamp en qualité d'agent de médiathèque au sein de l'unité Collections. S'il n'est pas contesté que ces missions font partie de celles confiées à un adjoint administratif de 2ème classe, grade auquel appartient M. A..., et ne portent pas atteinte aux droits et prérogatives qu'il tient de son statut, il est constant que ce changement d'affectation a eu pour effet la perte de la prime de NBI, ayant ainsi pour effet une perte de rémunération, de sorte que cette décision ne pouvait être regardée comme une mesure d'ordre intérieur insusceptible de recours.

22. Aux termes de l'article 52 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires de la fonction publique territoriale, dans sa version applicable à la date de la décision attaquée : " L'autorité territoriale procède aux mouvements des fonctionnaires au sein de la collectivité ou de l'établissement. ". Par ailleurs aux termes de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 portant fixation du budget des dépenses et des recettes de l'exercice 1905 : " Tous les militaires, tous les employés et ouvriers de toutes administrations publiques ont droit à la communication personnelle et confidentielle de toutes les notes, feuilles signalétiques et tous autres documents composant leur dossier, soit avant d'être l'objet d'une mesure disciplinaire ou d'un déplacement d'office, soit avant d'être retardé dans leur avancement à l'ancienneté. ". Enfin aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable. ". Et aux termes de l'article L. 121-2 de ce code : " (...) Les dispositions de l'article L. 121-1, en tant qu'elles concernent les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ne sont pas applicables aux relations entre l'administration et ses agents. ".

23. La décision contestée a été prise à la suite de la suspension de fonctions de M. A... en raison des fautes reprochées à ce dernier dans l'exercice de ses fonctions et est motivée par la commune de Neuilly-sur-Seine par l'intérêt du service. M. A... avait droit, en application des dispositions de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905, à la communication de son dossier. Il ressort des pièces du dossier que son avocat a certes été informé, par lettre du 3 janvier 2020, de la volonté de la commune de l'affecter dans de nouvelles fonctions, mais pas M. A.... Par ailleurs, cette dernière lettre datant du même jour que celui de la décision attaquée, ne permettait pas à M. A... de consulter en temps utile son dossier et de présenter des observations.

24. Il suit de là, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de l'appel incident, que la commune de Neuilly-sur-Seine n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé ses décisions des 23 juillet 2019 et 3 janvier 2020.

Sur les frais de l'instance :

25. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par M. A... à ce titre. Il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre une somme à la charge de M. A... sur le fondement de ces dispositions à verser à la commune de Neuilly-sur-Seine.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de l'appel incident de la commune de Neuilly-sur-Seine sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la commune de Neuilly-sur-Seine.

Délibéré après l'audience du 28 mars 2024, à laquelle siégeaient :

M. Albertini, président de chambre,

M. Pilven, président-assesseur,

Mme Florent, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 avril 2024.

Le rapporteur,

J-E. PILVENLe président,

P.-L. ALBERTINILa greffière,

S. DIABOUGA

La République mande et ordonne au préfet des Hauts-de-Seine en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 22VE02154


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22VE02154
Date de la décision : 17/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Positions - Affectation et mutation - Affectation.

Fonctionnaires et agents publics - Rémunération - Indemnités et avantages divers.

Fonctionnaires et agents publics - Discipline.


Composition du Tribunal
Président : M. ALBERTINI
Rapporteur ?: M. Jean-Edmond PILVEN
Rapporteur public ?: Mme VILLETTE
Avocat(s) : SELARL LANDOT & ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-17;22ve02154 ?
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