Vu la requête, enregistrée le 10 janvier 2012 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la SARL LE RAYON D'OR, dont le siège social est situé zone industrielle à Devecey (25870), par Me Grousset, avocat ; la SARL LE RAYON D'OR demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0908594 du 24 novembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à obtenir le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée pour un montant de 60 064 euros au titre de l'année 2008, majoré des intérêts moratoires ;
2°) d'ordonner le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée pour un montant de 60 064 euros au titre de l'année 2008, majoré des intérêts moratoires ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que le " forfait soins " versé par l'assurance maladie est une subvention qui ne peut être regardée comme la contrepartie d'une prestation à titre onéreux, directe et individualisée ; que les premiers juges ont commis une erreur de droit dès lors qu'ils n'ont pas examiné au fond les critères permettant de caractériser une activité située ou non dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée à la lumière de l'article 256 du code général des impôts, mais ont étudié la question au regard d'un texte définissant les modalités d'exonération ; qu'ils ont également commis une erreur de droit en jugeant que le " forfait soins " constituait la contrepartie d'une opération, sans caractériser la ou les opérations en cause, et ont retenu une approche globalisante, contraire à la 6ème directive ; que la convention tripartite ne définit pas la nature des prestations à rendre ; que les résidents ne sont pas informés de leur coût ; que le " forfait soins " n'a pas pour objet de rémunérer des prestations définies et individualisées servies au profit de bénéficiaires déterminés ; que son montant est sans lien avec la réalisation effective des prestations fournies ; que les trois critères permettant de caractériser l'existence d'une subvention ayant le caractère d'un complément de prix située dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée ne sont donc pas réunis ; que, pour refuser l'application de la doctrine, les premiers juges ont considéré qu'elle avait formé une demande de restitution, alors qu'elle a sollicité un remboursement de crédit de taxe ; qu'ils ont estimé à tort qu'il n'y avait pas lieu de saisir, à titre préjudiciel, la Cour de justice de l'Union européenne ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
Vu la 6ème directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, reprise par la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de l'action sociale et des familles ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu la loi n° 95-1347 du 30 décembre 1995 de finances rectificative pour 1995 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 janvier 2013 :
- le rapport de Mlle Rudeaux, premier conseiller,
- les conclusions de M. Soyez, rapporteur public,
- et les observations de Me Grousset, représentant la SARL LE RAYON D'OR ;
1. Considérant que la SARL LE RAYON D'OR, qui exploite un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, a estimé que les sommes que lui verse la caisse d'assurance maladie au titre du " forfait soins " se situaient hors du champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée et qu'elles ne devaient donc être prises en compte ni pour la détermination du prorata de déduction de la taxe sur la valeur ajoutée au titre des années 2006 et 2007, prévu par les dispositions de l'article 212 de l'annexe II au code général des impôts alors applicables, ni pour la fixation du coefficient de taxation au titre de l'année 2008, prévu par les articles 205 et suivants de l'annexe II au code précité ; qu'elle a rectifié pour les années en cause le montant de taxe déductible et a ainsi dégagé au 31 décembre 2008 un crédit de taxe sur la valeur ajoutée de 60 064 euros dont elle a vainement demandé le remboursement auprès de l'administration fiscale ; que la requérante relève appel du jugement n° 0908594 du 24 novembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à obtenir le remboursement de ce crédit de taxe, majoré des intérêts moratoires ;
2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. " ; qu'aux termes de l'article 11, A, paragraphe 1, sous a), de la 6ème directive, repris à l'article 73 de la directive 2006/112/CE et transposé en droit interne par les dispositions du a) du 1. de l'article 266 du code général des impôts : " La base d'imposition est constituée : / a) pour les livraisons de biens et les prestations de services [...] par tout ce qui constitue la contrepartie obtenue ou à obtenir par le fournisseur ou le prestataire pour ces opérations de la part de l'acheteur, du preneur ou d'un tiers, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations " ; qu'aux termes du 1° ter du 4. de l'article 261 du même code, sont exonérés de taxe sur la valeur ajoutée : " les soins dispensés par les établissements privés d'hébergement pour personnes âgées mentionnés au 6° du I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles, pris en charge par un forfait annuel global de soins en application de l'article L. 174-7 du code de la sécurité sociale (...) " ; qu'il résulte de ces dernières dispositions, éclairées par les travaux préparatoires de la loi de finances rectificative pour 1995 dont elles sont issues, que le législateur a entendu exonérer de la taxe sur la valeur ajoutée le " forfait soins " perçu par les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) afin notamment d'alléger les dépenses de la caisse nationale d'assurance maladie, laquelle supporte in fine le coût du financement des prestations de soins ;
3. Considérant, d'autre part, que les EHPAD assurent à la fois des prestations relatives à l'hébergement, à la dépendance et aux soins, lesquelles font chacune l'objet d'une tarification propre ; qu'aux termes de l'article L. 174-7 du code de la sécurité sociale : " Les dépenses afférentes aux soins médicaux dispensés aux assurés sociaux et aux bénéficiaires de l'aide sociale dans les établissements et services mentionnés à l'article L. 162-24-1 sont supportées par les régimes d'assurance maladie ou au titre de l'aide sociale, suivant les modalités fixées par voie réglementaire, éventuellement suivant des formules forfaitaires. " ; que, conformément aux dispositions de l'article L. 313-12 du code de l'action sociale et des familles, les EHPAD ayant signé une convention pluriannuelle avec le président du conseil général et l'autorité compétente de l'Etat perçoivent un forfait global de soins ; qu'aux termes de l'article R. 314-161 de ce code, dans sa rédaction alors applicable : " Le tarif afférent aux soins recouvre les prestations médicales et paramédicales nécessaires à la prise en charge des affections somatiques et psychiques des personnes résidant dans l'établissement ainsi que les prestations paramédicales correspondant aux soins liées à l'état de dépendance des personnes accueillies. " ;
4. Considérant, enfin, que les modalités de calcul du " forfait soins " tiennent compte du nombre de résidents accueillis dans chaque établissement et de leur niveau de dépendance, évalués selon les conditions définies aux articles R. 314-170 et R. 314-171 du code de l'action sociale et des familles, et de coefficients historiques déterminés au niveau national et actualisés chaque année sur la base des dépenses moyennes de l'ensemble des EHPAD ;
5. Considérant que la SARL LE RAYON D'OR soutient que les dispositions précitées du 1° ter du 4. de l'article 261 du code général des impôts, en ce qu'elles prévoient d'exonérer de taxe sur la valeur ajoutée des sommes qui seraient, selon elle, situées en dehors du champ d'application de cette taxe, sont contraires à la 6ème directive et à la directive 2006/112/CE susvisées ; qu'elle fait notamment valoir à l'appui de cette affirmation que les modalités de calcul du " forfait soins " ne permettent pas de le qualifier de subvention directement liée au prix des prestations de soins dispensées par l'EHPAD aux résidents dès lors, d'une part, que les prestations rendues aux résidents ne sont ni définies à l'avance ni individualisées et que leur prix n'est pas porté à la connaissance des résidents, d'autre part, que, dès lors que le législateur a posé le principe de la gratuité des soins médicaux dispensés au sein des EHPAD, les résidents sont assurés de bénéficier de cette gratuité quels que soient le montant de la subvention accordée à l'établissement et son degré d'adéquation avec les coûts qu'elle vise à couvrir et, enfin, que le montant de la dotation perçue par un établissement donné ne coïncide pas avec le coût effectif des soins ;
6. Considérant que la réponse au moyen ainsi soulevé dépend de la question de savoir si l'article 11, partie A, paragraphe 1, sous a), de la 6ème directive, repris à l'article 73 de la directive 2006/112/CE, doit être interprété en ce sens que le " forfait soins " versé par les caisses d'assurance maladie aux établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, conformément aux dispositions de l'article L. 174-7 du code de la sécurité sociale, et exonéré de taxe sur la valeur ajoutée en application des dispositions du 1° ter du 4. de l'article 261 du code général des impôts, constitue une subvention directement liée au prix des prestations de soins rendues aux résidents et entrant à ce titre dans le champ d'application de la taxe à la valeur ajoutée ;
7. Considérant que cette question est déterminante pour la solution du litige que doit trancher la Cour ; qu'elle présente une difficulté sérieuse ; qu'il y a lieu, par suite, d'en saisir la Cour de justice de l'Union européenne en application de l'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et, jusqu'à ce que celle-ci se soit prononcée, de surseoir à statuer sur la requête de la SARL LE RAYON D'OR ;
DECIDE :
Article 1er : Il est sursis à statuer sur la requête présentée par la SARL LE RAYON D'OR jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union européenne se soit prononcée sur la question suivante : l'article 11, partie A, paragraphe 1, sous a), de la 6ème directive, repris à l'article 73 de la directive 2006/112/CE, doit-il être interprété en ce sens que le " forfait soins " versé par les caisses d'assurance maladie aux établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, conformément aux dispositions de l'article L. 174-7 du code de la sécurité sociale, et exonéré de taxe sur la valeur ajoutée en application des dispositions du 1° ter du 4. de l'article 261 du code général des impôts, constitue une subvention directement liée au prix des prestations de soins rendues aux résidents et entrant à ce titre dans le champ d'application de la taxe à la valeur ajoutée '
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N° 12VE00079