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05/08/2025 | FRANCE | N°24PA02481

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 1ère chambre, 05 août 2025, 24PA02481


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :





Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 2 juin 2023 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans et l'a informée qu'elle faisait l'objet d'un si

gnalement dans le système d'information Schengen.



Par un jugement n° 2308117 du 7 mai 2024, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 2 juin 2023 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans et l'a informée qu'elle faisait l'objet d'un signalement dans le système d'information Schengen.

Par un jugement n° 2308117 du 7 mai 2024, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 8 juin 2024, Mme A..., représentée par Me Besse, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2308117 du 7 mai 2024 du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) à titre principal, d'annuler l'arrêté du 2 juin 2023 du préfet de la Seine-Saint-Denis en toutes ses décisions et d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié ", dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

3°) à titre subsidiaire, d'annuler les décisions d'obligation de quitter le territoire français et d'interdiction de retour et d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer sa situation en lui délivrant une autorisation provisoire de séjour durant cet examen, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision de refus de titre de séjour est entachée de défaut de motivation et d'examen particulier de sa situation ;

- cette décision est entachée d'erreur de droit, dès lors que le préfet ne pouvait se fonder sur le seul fait qu'elle ait fait usage d'une fausse carte d'identité italienne pour refuser de lui délivrer un titre de séjour en qualité de salariée ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision d'obligation de quitter le territoire français est illégale par voie d'exception d'illégalité du refus de titre de séjour ;

- cette décision est entachée de méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision de refus de délai de départ volontaire est insuffisamment motivée ;

- cette décision méconnaît les articles L. 612-1, L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision d'interdiction de retour est insuffisamment motivée ;

- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 25 avril 2025, le préfet de la Seine-Saint-Denis conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Irène Jasmin-Sverdlin,

- et les observations de Me Besse, représentant Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... A..., ressortissante tunisienne née le 11 août 1997, est entrée en France le 16 juin 2017 sous couvert d'un visa de court séjour. Le 13 octobre 2022, elle a sollicité son admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 2 juin 2023, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans lui accorder de délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans et l'a informée qu'elle faisait l'objet d'un signalement dans le système d'information Schengen. Mme A... relève appel du jugement du 7 mai 2024 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, Mme A... reprend en appel, avec la même argumentation qu'en première instance, les moyens tirés de l'insuffisante motivation de la décision de refus de titre de séjour, du défaut d'examen particulier de sa situation et l'erreur de droit liée au fait que la décision litigieuse serait à tort fondée sur l'utilisation d'une fausse carte d'identité italienne. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges aux points 2, 3 et 8 du jugement attaqué.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 / (...) ". Cet article est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant tunisien souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 435-1 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-tunisien, au sens de l'article 11 de cet accord. Toutefois, si l'accord franco-tunisien ne prévoit pas, pour sa part, de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, il y a lieu d'observer que ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un titre de séjour à un ressortissant tunisien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.

4. D'une part, Mme A... soutient qu'elle réside sur le territoire français depuis juin 2017 et qu'elle justifie d'une parfaite intégration professionnelle, dès lors qu'elle travaille depuis mai 2019 et bénéficie du soutien de son employeur. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que la requérante, qui n'établit sa résidence en France que depuis mai 2019, ne justifie exercer, depuis cette date, une activité professionnelle en qualité de vendeuse en boulangerie qu'à temps incomplet et pour des salaires mensuels compris entre 420 et 779 euros. D'autre part, si Mme A... fait valoir qu'elle a tissé des liens sociaux, amicaux et professionnels en France, il ressort des pièces du dossier que l'intéressée est célibataire, sans charge de famille et qu'elle n'établit pas être dépourvue d'attaches privées et familiales en Tunisie, où résident ses parents et un membre de sa fratrie. Par suite, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation de Mme A... dans l'exercice de son pouvoir de régularisation.

5. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

6. Pour les mêmes motifs que ceux exposées au point 4, la décision par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de délivrer à Mme A... un titre de séjour n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, cette décision n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour ces mêmes motifs, cette décision n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation de Mme A....

En ce qui concerne la décision d'obligation de quitter le territoire français :

7. En premier lieu, les moyens dirigés contre la décision portant refus de titre de séjour ayant été écartés, l'exception d'illégalité de cette décision invoquée par Mme A... à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision d'obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écartée par voie de conséquence.

8. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation seront écartés.

En ce qui concerne la décision de refus de délai de départ volontaire :

9. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; (...) / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Et aux termes de l'article L. 612-3 de ce code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) 2° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa (...)sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...)7° L'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ou a fait usage d'un tel titre ou document ;(...). ".

10. En premier lieu, la décision contestée, qui vise les articles L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, indique notamment que la requérante a exercé son activité professionnelle sous couvert d'une fausse carte d'identité italienne. La décision litigieuse comporte ainsi les motifs de droit et de fait qui la fondent. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté.

11. En second lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que Mme A... se trouvait dans les cas prévus au 1° et au 3° de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi qu'aux 2° et 7° de l'article L. 612-3 permettant de regarder comme établi, sauf circonstances particulières qui ne sont pas établies en l'espèce, le risque qu'elle se soustraie à la mesure d'éloignement prise à son encontre. Ainsi, le préfet de la Seine-Saint-Denis a pu, sans commettre d'erreur de droit, ni d'erreur manifeste d'appréciation, refuser à l'intéressée le bénéfice d'un délai de départ volontaire.

Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

12. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour (...) ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".

13. En premier lieu, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision litigieuse sera écarté pour les motifs retenus à bon droit par les premiers juges, au point 17 du jugement attaqué.

14. En second lieu, Mme A..., qui s'est vu refuser un délai de départ volontaire, ne justifie d'aucune circonstance humanitaire s'opposant à ce qu'une interdiction de retour sur le territoire français soit prononcée à son encontre. Eu égard aux motifs exposés précédemment, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées en fixant à deux ans la durée de cette interdiction et n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.

15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'annulation, d'injonction sous astreinte et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 3 juillet 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- M. Stéphane Diémert, président-assesseur,

- Mme Irène Jasmin-Sverdlin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 août 2025.

La rapporteure,

I. JASMIN-SVERDLINLe président,

I. LUBEN

La greffière,

Y. HERBER

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 24PA02481 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24PA02481
Date de la décision : 05/08/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Irène JASMIN-SVERDLIN
Rapporteur public ?: M. GOBEILL
Avocat(s) : BESSE

Origine de la décision
Date de l'import : 20/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-08-05;24pa02481 ?
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