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16/04/2025 | FRANCE | N°23PA01662

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 6ème chambre, 16 avril 2025, 23PA01662


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler :

- les arrêtés du recteur de l'académie de Créteil des 15 mars, 1er avril, 30 avril, 1er juin, 12 juillet, 13 juillet, 1er septembre, 13 septembre, 15 novembre, 22 novembre et 14 décembre 2021, et du 12 janvier 2022, le plaçant en congé de maladie ordinaire dans l'attente de l'avis du comité médical départemental, entre le 2 mars 2021 et le 1er mars 2022 ;

- les arrêtés du rect

eur des 1er et 2 février 2022 et du 1er avril 2022 le plaçant en congé de longue maladie à plein tr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler :

- les arrêtés du recteur de l'académie de Créteil des 15 mars, 1er avril, 30 avril, 1er juin, 12 juillet, 13 juillet, 1er septembre, 13 septembre, 15 novembre, 22 novembre et 14 décembre 2021, et du 12 janvier 2022, le plaçant en congé de maladie ordinaire dans l'attente de l'avis du comité médical départemental, entre le 2 mars 2021 et le 1er mars 2022 ;

- les arrêtés du recteur des 1er et 2 février 2022 et du 1er avril 2022 le plaçant en congé de longue maladie à plein traitement pour cette même période ;

- les décisions révélées par ses bulletins de paie des mois de novembre et décembre 2021 et de juin, juillet et août 2022, le plaçant à demi-traitement ;

- l'arrêté du recteur du 24 août 2022 l'autorisant à reprendre ses fonctions, en tant qu'il fixe la date de reprise au 2 juin 2022, et non au 2 mars 2022.

Par un jugement n°s 2106594-2110633-2115008-2200627-2202534-2205202-2205230-2209001-2213202-2213346-2213509 du 16 février 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté les conclusions de M. A... dirigées contre les arrêtés du 1er avril 2022 et du 24 août 2022, et a constaté un non-lieu à statuer sur le surplus de ses conclusions à fin d'annulation.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 20 avril 2023, M. A..., représenté par Me Vernon, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montreuil du 16 février 2023 ;

2°) d'annuler les arrêtés du 1er avril 2022 par lesquels le recteur de l'académie de Créteil l'a placé en congé de longue maladie non imputable au service du 2 mars 2021 au 1er septembre 2021 puis du 2 septembre 2021 au 1er mars 2022 à plein traitement ;

3°) d'annuler l'arrêté du 24 août 2022 par lequel le recteur de l'académie de Créteil l'a autorisé à reprendre ses fonctions à compter du 2 juin 2022, en tant que cette date n'a pas été fixée au 1er mars 2022 ;

4°) d'enjoindre au recteur de l'académie de Créteil de le réintégrer dans ses fonctions à compter du 2 mars 2021 ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de sept jours sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 013 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté comme irrecevables ses conclusions dirigées contre les arrêtés du 1er avril 2022, qui ne constituaient pas des mesures d'ordre intérieur ;

- ces arrêtés sont insuffisamment motivés ;

- ils sont entachés d'incompétence ;

- ils sont entachés de vices de procédure ; ils ont été pris sans qu'il n'ait demandé sa mise en congé de longue maladie ; les dispositions de l'article 7 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986 n'ont pas été respectées ; le comité médical n'a été saisi qu'après le 15 mars 2021, date du premier arrêté le plaçant en congé pour une période de six mois, et après le 2 mars 2021, date d'effet de ce congé ; les arrêtés du 1er avril 2022 n'ont pas été précédés de l'attestation médicale, du rapport des supérieurs hiérarchiques et du rapport écrit du médecin du travail sur la compatibilité de son état de santé avec ses conditions de travail, exigés par l'article 34 du décret du 14 mars 1986 ; le premier congé décidé par ces arrêtés a été prolongé pour une seconde période de six mois sans nouvel examen médical par un médecin agréé et avant que le comité médical n'ait été saisi, contrairement à l'article 36 de ce décret ; en outre, alors que ces arrêtés équivalent à une sanction disciplinaire déguisée, il a été privé des garanties de la procédure disciplinaire ;

- ils sont entachés d'une erreur de droit en ce qu'ils décident d'office son placement en congé de longue maladie ;

- ils sont entachés d'une erreur de fait et d'appréciation dès lors qu'il n'est pas établi qu'il souffrirait d'une maladie le mettant dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, qui rendrait nécessaire un traitement et des soins prolongés et présenterait un caractère invalidant et de gravité confirmée ;

- les arrêtés du 15 novembre et du 22 décembre 2021, le plaçant rétroactivement en congé de maladie d'office à demi-traitement et ses bulletins de paie pour ces deux mêmes mois, sont entachés de rétroactivité illégale ; il est fondé à faire état de cette illégalité par la voie de l'exception, à l'encontre des arrêtés du 1er avril 2022 ;

- l'arrêté du 24 août 2022 est illégal en conséquence de l'illégalité de l'arrêté du 26 avril 2022, qui ne pouvait prolonger son placement en congé de longue maladie à demi-traitement jusqu'au 1er juin 2022 ; ce dernier arrêté ne lui a pas été notifié.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 septembre 2023, le recteur de l'académie de Créteil conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Par un mémoire en réplique, enregistré le 12 mars 2025, M. A... conclut aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens.

Par une ordonnance du 3 mars 2025, la clôture de l'instruction a été fixée au 19 mars 2025.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la fonction publique ;

- le code de l'éducation ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n°72-581 du 4 juillet 1972 ;

- le décret n°86-442 du 14 mars 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Niollet,

- les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique,

- et les observations de Me Vernon, pour M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., professeur certifié d'histoire-géographie, affecté au collège Madame D... à Gagny à compter du 1er septembre 2009, puis au lycée polyvalent Blaise Cendrars de Sevran, a adressé, dans les jours qui ont suivi l'assassinat d'un professeur d'histoire-géographie de l'académie de Versailles, des messages inappropriés à de nombreux destinataires, collègues et supérieurs hiérarchiques, à partir de sa messagerie professionnelle. Après avoir été suspendu pendant une durée de quatre mois par un arrêté du 30 octobre 2020, il a fait l'objet de plusieurs arrêtés du recteur de l'académie de Créteil le plaçant en congé de maladie ordinaire dans l'attente de l'avis du comité médical, puis, après cet avis, rendu le 8 janvier 2022, en congé de longue maladie à plein traitement, pour la période allant du 2 mars 2021 au 1er mars 2022. Par un arrêté du 26 avril 2022, le recteur a prolongé son placement en congé de longue maladie à demi-traitement jusqu'au 1er juin 2022. Enfin, par un arrêté du 24 août 2022, le recteur l'a autorisé à reprendre ses fonctions le 2 juin 2022. M. A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler les arrêtés le plaçant en congé de maladie ordinaire, puis en congé de longue maladie à plein traitement, ainsi que l'arrêté du 24 août 2022 en tant qu'il fixe la date de reprise de son activité au 2 juin 2022, et non au 2 mars 2022. Par un jugement du 16 février 2023 le tribunal administratif a notamment rejeté les conclusions de M. A... dirigées contre les arrêtés du 1er avril 2022 le plaçant en congé de longue maladie à plein traitement, et contre l'arrêté du 24 août 2022 fixant la date de reprise de son activité. M. A... fait, dans cette mesure, appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984, alors en vigueur : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 3° A des congés de longue maladie d'une durée maximale de trois ans dans les cas où il est constaté que la maladie met l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, rend nécessaire un traitement et des soins prolongés et qu'elle présente un caractère invalidant et de gravité confirmée. Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement pendant un an ; le traitement est réduit de moitié pendant les deux années qui suivent (...) ". Aux termes de l'article 34 du décret du 14 mars 1986, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Lorsqu'un chef de service estime, au vu d'une attestation médicale ou sur le rapport des supérieurs hiérarchiques, que l'état de santé d'un fonctionnaire pourrait justifier qu'il lui soit fait application des dispositions de l'article 34 (3° ou 4°) de la loi du 11 janvier 1984 susvisée, il peut provoquer l'examen médical de l'intéressé dans les conditions prévues aux alinéas 3 et suivants de l'article 35 ci-dessous. Un rapport écrit du médecin du travail attaché au service auquel appartient le fonctionnaire concerné doit figurer au dossier soumis au comité médical. "

3. Les mesures prises à l'égard d'agents publics qui, compte tenu de leurs effets, ne peuvent être regardées comme leur faisant grief, constituent de simples mesures d'ordre intérieur insusceptibles de recours. Il en va ainsi des mesures qui, tout en modifiant leur affectation ou les tâches qu'ils ont à accomplir, ne portent pas atteinte aux droits et prérogatives qu'ils tiennent de leur statut ou de leur contrat ou à l'exercice de leurs droits et libertés fondamentaux, ni n'emportent de perte de responsabilités ou de rémunération. Le recours contre de telles mesures, à moins qu'elles ne traduisent une discrimination ou une sanction, est irrecevable.

4. Les arrêtés du 1er avril 2022 plaçant M. A... en congé de longue maladie à plein traitement pour la période allant du 2 mars 2021 au 1er mars 2022 ont porté atteinte au droit à participer au service public de l'enseignement qu'il tient de son statut, notamment des dispositions du décret du 4 juillet 1972 relatif au statut particulier des professeurs certifiés, et du code de l'éducation. Ainsi, même s'ils ont été pris dans le but de régulariser sa situation après une suspension disciplinaire et après un placement en congé de maladie ordinaire dans l'attente de la réunion du comité médical départemental, ces arrêtés ne peuvent, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, être regardés comme de simples mesures d'ordre intérieur. M. A... est donc fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté ses conclusions dirigées contre ces arrêtés comme irrecevables.

5. Il y a lieu de se prononcer immédiatement par la voie de l'évocation sur les conclusions de M. A... dirigées contre les arrêtés du 1er avril 2022, et de statuer par l'effet dévolutif sur ses conclusions dirigées contre l'arrêté du 24 août 2022 fixant la date de reprise de son activité.

Sur les conclusions dirigées contre les arrêtés du 1er avril 2022 :

6. Aux termes de l'article 7 du décret du 14 mars 1986 : " Les comités médicaux sont chargés de donner à l'autorité compétente, dans les conditions fixées par le présent décret, un avis sur les contestations d'ordre médical qui peuvent s'élever à propos de l'admission des candidats aux emplois publics, de l'octroi et du renouvellement des congés de maladie et de la réintégration à l'issue de ces congés. / (...) / Le secrétariat du comité médical informe le fonctionnaire : - de la date à laquelle le comité médical examinera son dossier ; - de ses droits concernant la communication de son dossier et la possibilité de faire entendre le médecin de son choix ; - des voies de recours possibles devant le comité médical supérieur (...) ".

7. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... aurait été informé de la date à laquelle le comité médical devait examiner son dossier, de ses droits concernant la communication de son dossier et la possibilité de faire entendre le médecin de son choix, et des voies de recours possibles devant le comité médical supérieur. De telles omissions, qui ont privé M. A... d'une garantie, sont de nature à entacher d'illégalité les arrêtés du 1er avril 2022. M. A... est donc fondé à demander l'annulation de ces arrêtés.

Sur les conclusions dirigées contre l'arrêté du 24 août 2022 :

8. Compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, M. A... est fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 24 août 2022 fixant au 2 juin 2022 la date de reprise de son activité à l'issue de son congé de longue maladie à plein traitement, et à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses conclusions dirigées contre cet arrêté.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

9. Le motif d'annulation retenu ci-dessus implique seulement que le recteur de l'académie de Créteil réexamine la situation de M. A.... Il y a lieu, sans toutefois assortir cette injonction d'une astreinte, de lui enjoindre de procéder à ce réexamen dans un délai de trois mois, à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. A... d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 1er du jugement n°s 2106594-2110633-2115008-2200627-2202534-2205202-2205230-2209001-2213202-2213346-2213509 du tribunal administratif de Montreuil du 16 février 2023 est annulé.

Article 2 : Les arrêtés du recteur de l'académie de Créteil du 1er avril 2022 et du 24 août 2022 sont annulés.

Article 3 : Il est enjoint au recteur de l'académie de Créteil de réexaminer la situation de M. A... dans un délai de trois mois, à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à M. A... une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la ministre d'Etat, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Copie en sera adressée au recteur de l'académie de Créteil.

Délibéré après l'audience du 1er avril 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Bonifacj, présidente de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- M. Pagès, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 avril 2025.

Le rapporteur,

J-C. NIOLLETLa présidente,

J. BONIFACJ

La greffière,

A. LOUNIS

La République mande et ordonne à la ministre d'Etat, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 23PA01662


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA01662
Date de la décision : 16/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Positions - Congés - Congés de maladie.

Procédure - Introduction de l'instance - Décisions pouvant ou non faire l'objet d'un recours - Actes ne constituant pas des décisions susceptibles de recours - Mesures d'ordre intérieur.


Composition du Tribunal
Président : Mme BONIFACJ
Rapporteur ?: M. Jean-Christophe NIOLLET
Rapporteur public ?: Mme NAUDIN
Avocat(s) : VERNON

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-16;23pa01662 ?
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