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19/03/2025 | FRANCE | N°24PA03323

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 6ème chambre, 19 mars 2025, 24PA03323


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision implicite de rejet résultant du silence gardé pendant deux mois par la rectrice de l'académie de Créteil sur sa demande du 17 octobre 2023 tendant à l'exécution de la décision du 29 août 2023 par laquelle la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) du Val-de-Marne a attribué à son enfant, D... B..., une aide mutualisée aux élèves handicapés du 1er sep

tembre 2023 au 31 août 2026.



Par un jugement n° 2400173 du 24 mai 2024, le tribu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision implicite de rejet résultant du silence gardé pendant deux mois par la rectrice de l'académie de Créteil sur sa demande du 17 octobre 2023 tendant à l'exécution de la décision du 29 août 2023 par laquelle la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) du Val-de-Marne a attribué à son enfant, D... B..., une aide mutualisée aux élèves handicapés du 1er septembre 2023 au 31 août 2026.

Par un jugement n° 2400173 du 24 mai 2024, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 24 juillet 2024 et 30 septembre 2024, Mme B..., représentée par Me de Castelbajac, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 24 mai 2024 du tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler la décision implicite de rejet de la rectrice de l'académie de Créteil ;

3°) d'enjoindre au recteur de l'académie de Créteil, d'affecter à son fils, D..., un accompagnant des élèves en situation de handicap mutualisé dans les conditions prévues par la décision du 29 août 2023 de la CDAPH du Val-de-Marne, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif a estimé qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision litigieuse ;

- la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que son fils, D..., n'est pas accompagné en application de la décision du 29 août 2023 de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées du Val-de-Marne.

La requête a été communiquée au recteur de l'académie de Créteil qui n'a pas produit de mémoire en défense avant la clôture de l'instruction, en dépit d'une mise en demeure adressée le 5 décembre 2024.

Par ordonnance du 5 décembre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 janvier 2025 à 12 heures.

Un mémoire a été produit par le recteur de l'académie de Créteil le 26 février 2025, après la clôture de l'instruction, et n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de l'éducation ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Jayer,

- les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique,

- et les observations de M. Cerisier, avocat stagiaire, en la présence de Me Ouattara, maître de stage, représentant Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., représentante légale de son fils D... B... né le 8 mars 2015, a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision implicite, née le 17 décembre 2023, par laquelle la rectrice de l'académie de Créteil a rejeté sa demande d'attribution d'un accompagnant d'élèves en situation de handicap (AESH) au bénéfice de son fils, dans les conditions définies par la décision du 29 août 2023 de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) du Val-de-Marne. Mme B... relève appel du jugement du 24 mai 2024 par lequel le tribunal a considéré que sa demande était devenue sans objet.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Lorsque l'administration ne prend une décision faisant droit à la demande d'un administré qu'en vue d'assurer l'exécution de l'ordonnance par laquelle un juge des référés a suspendu l'exécution d'une décision de refus initiale et a enjoint à l'autorité administrative de procéder à un réexamen de la demande, une telle décision, qui revêt par sa nature même un caractère provisoire, n'a pas pour effet de priver d'objet les conclusions tendant à l'annulation de la décision initiale de refus.

3. Il ressort des pièces du dossier que la décision attaquée n'a été ni retirée, ni abrogée mais que ce n'est qu'en exécution de l'ordonnance du 1er février 2024 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Melun a suspendu son exécution et enjoint à la rectrice de l'académie de Créteil de réexaminer la demande de Mme B... dans un délai de huit jours à compter de sa notification que, par avenant à un contrat de travail du 29 février suivant, une accompagnante des élèves en situation de handicap a été affectée, notamment, auprès de D... B..., à proportion de cinq créneaux horaires par semaine. Dès lors, une telle mesure ne privait pas d'objet les conclusions d'excès de pouvoir présentées par la requérante.

4. Par suite, c'est à tort qu'après avoir relevé que la rectrice de l'académie de Créteil avait en définitive fait droit à la demande de la requérante, les premiers juges ont estimé que celle-ci était devenue sans objet et constaté qu'il n'y avait pas lieu d'y statuer. Le jugement du 24 mai 2024 doit, dès lors, être annulé.

5. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Melun.

Sur la légalité de la décision contestée :

6. D'une part, aux termes de l'article L. 111-1 du code de l'éducation : " L'éducation est la première priorité nationale. Le service public de l'éducation est conçu et organisé en fonction des élèves et des étudiants. (...) Il reconnaît que tous les enfants partagent la capacité d'apprendre et de progresser. Il veille à la scolarisation inclusive de tous les enfants, sans aucune distinction. (...) ". En vertu de l'article L. 111-2 du même code : " Tout enfant a droit à une formation scolaire qui, complétant l'action de sa famille, concourt à son éducation. (...) / Pour favoriser l'égalité des chances, des dispositions appropriées rendent possible l'accès de chacun, en fonction de ses aptitudes et de ses besoins particuliers, aux différents types ou niveaux de la formation scolaire. ". Aux termes de l'article L. 112-1 dudit code : " Pour satisfaire aux obligations qui lui incombent en application des articles L. 111-1 et L. 111-2, le service public de l'éducation assure une formation scolaire, professionnelle ou supérieure aux enfants, aux adolescents et aux adultes présentant un handicap ou un trouble de la santé invalidant. Dans ses domaines de compétence, l'Etat met en place les moyens financiers et humains nécessaires à la scolarisation en milieu ordinaire des enfants, adolescents ou adultes handicapés ". Enfin, selon l'article L. 112-2 : " Afin que lui soit assuré un parcours de formation adapté, chaque enfant (...) en situation de handicap a droit à une évaluation de ses compétences, de ses besoins et des mesures mises en œuvre dans le cadre de ce parcours, selon une périodicité adaptée à sa situation. (...) / En fonction des résultats de l'évaluation, il est proposé à chaque enfant (...) en situation de handicap ainsi qu'à sa famille, un parcours de formation qui fait l'objet d'un projet personnalisé de scolarisation assorti des ajustements nécessaires en favorisant, chaque fois que possible, la formation en milieu scolaire ordinaire. (...) ".

7. D'autre part, aux termes de l'article L. 146-9 du code de l'action sociale et des familles alors en vigueur : " Une commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées prend, sur la base de l'évaluation réalisée par l'équipe pluridisciplinaire mentionnée à l'article L. 146-8, des souhaits exprimés par la personne concernée dans son projet de vie, ou par son représentant légal s'il s'agit d'un mineur (...) et du plan personnalisé de compensation proposé dans les conditions prévues aux articles L. 114-1-1 et L. 146-8, les décisions relatives à l'ensemble des droits de cette personne, notamment en matière d'attribution de prestations et d'orientation, conformément aux dispositions des articles L. 241-5 à L. 241-11 ". Aux termes de l'article L. 351-3 du code de l'éducation : " Lorsque la commission mentionnée à l'article L. 146-9 du code de l'action sociale et des familles constate que la scolarisation d'un enfant dans une classe de l'enseignement public (...) requiert une aide individuelle dont elle détermine la quotité horaire, cette aide peut notamment être apportée par un accompagnant des élèves en situation de handicap recruté conformément aux modalités définies à l'article L. 917-1/Si cette scolarisation n'implique pas une aide individuelle mais que les besoins de l'élève justifient qu'il bénéficie d'une aide mutualisée, la commission mentionnée à l'article L. 146-9 du code de l'action sociale et des familles en arrête le principe et en précise les activités principales. Cette aide mutualisée est apportée par un accompagnant des élèves en situation de handicap recruté dans les conditions fixées à l'article L. 917-1 du présent code. / (...) ". Aux termes de l'article D. 351-16-2 du même code : " L'aide mutualisée est destinée à répondre aux besoins d'accompagnement d'élèves qui ne requièrent pas une attention soutenue et continue /Lorsqu'elle accorde une aide mutualisée, la commission mentionnée à l'article L. 146-9 du code de l'action sociale et des familles définit les activités principales de l'accompagnant ".

8. Il résulte des dispositions précitées, d'une part, que le droit à l'éducation étant garanti à chacun quelles que soient les différences de situation, et, d'autre part, que l'obligation scolaire s'appliquant à tous, les difficultés particulières que rencontrent les enfants en situation de handicap ne sauraient avoir pour effet, ni de les priver de ce droit, ni de faire obstacle au respect de cette obligation. Il incombe ainsi à l'Etat, au titre de sa mission d'organisation générale du service public de l'éducation, de prendre l'ensemble des mesures et de mettre en œuvre les moyens nécessaires pour que ce droit et cette obligation aient, pour ces enfants, un caractère effectif.

9. Il ressort des pièces du dossier que le 29 août 2023, la CDAPH du Val-de-Marne a estimé que la situation du jeune D... B..., scolarisé en classe de CE2 durant l'année scolaire 2023-2024, justifiait qu'une aide humaine mutualisée lui soit apportée par un accompagnant dans l'accès aux activités d'apprentissage, pour une période comprise entre le 1er septembre 2023 et le 31 août 2026. Si le recteur a produit en première instance un avenant du 29 février 2024 à un contrat de travail à durée déterminée recrutant Mme A... en qualité d'AESH pour la période du 1er septembre 2023 au 31 août 2026 qui prévoyait l'accompagnement du jeune D... les mardis et vendredis après-midi, cette seule mesure n'a pas suffi en l'espèce à assurer l'exécution de la décision de la CDAPH du 29 août 2023. En effet, il ressort des pièces du dossier qu'en dépit des demandes réitérées de sa mère, cet accompagnement, d'une part, n'a pas été apporté à l'élève du 1er septembre 2023 au 22 avril 2024 et, d'autre part, qu'il ne l'a plus été à compter de la rentrée de l'année scolaire 2024-2025. Dès lors qu'il appartenait aux services compétents de l'éducation nationale de s'assurer du caractère effectif de cette aide, de ce que l'élève bénéficie de l'accompagnement auquel il a droit dans ses activités d'apprentissage, en refusant de désigner un accompagnant à D... B..., sur l'intégralité de la période et selon les modalités fixées par la CDAPH, le service public de l'enseignement a méconnu les obligations qui lui incombent, telles que fixées par les articles L. 111-1, L. 111-2 et L. 351-3 du code de l'éducation.

10. Il résulte de ce qui précède que Mme B... est fondée à demander l'annulation de la décision née le 17 décembre 2023 de la rectrice de l'éducation nationale de l'académie de Créteil.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

11. Il y a lieu d'enjoindre au recteur de l'académie de Créteil de prendre, dans un délai d'un mois, les mesures nécessaires pour permettre à D... B... de bénéficier d'une aide mutualisée sur l'intégralité de la période fixée et selon les modalités définies par la CDAPH du Val-de-Marne dans sa décision. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais d'instance :

12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros à verser à Mme B..., en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2400173 du 24 mai 2024 du tribunal administratif de Melun et la décision implicite née le 17 décembre 2023 de la rectrice de l'académie de Créteil, sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au recteur de l'académie de Créteil de prendre dans un délai d'un mois les mesures nécessaires pour permettre à D... B... de bénéficier, conformément à la décision du 29 août 2024 de la CDAPH du Val-de-Marne, d'une aide mutualisée par un accompagnant des élèves en situation de handicap pour une période allant jusqu'au 31 août 2026.

Article 3 : L'Etat versera à Mme B... la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et à la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Copie en sera adressée, pour information, au recteur de l'académie de Créteil.

Délibéré après l'audience du 4 mars 2025, à laquelle siégeaient :

Mme Bonifacj, présidente de chambre,

M. Niollet, président-assesseur,

Mme Jayer, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 mars 2025.

La rapporteure,

M-D. JAYERLa présidente,

J. BONIFACJ

La greffière,

E. TORDO

La République mande et ordonne à la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24PA03323


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA03323
Date de la décision : 19/03/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BONIFACJ
Rapporteur ?: Mme Marie-Dominique JAYER
Rapporteur public ?: Mme NAUDIN
Avocat(s) : ORIER AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-03-19;24pa03323 ?
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