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07/05/2024 | FRANCE | N°23PA00113

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 6ème chambre, 07 mai 2024, 23PA00113


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Par deux demandes, M. A... B... a sollicité du tribunal administratif de Montreuil, d'une part, l'annulation de la décision du 17 juillet 2018 par laquelle le maire de la commune de Tremblay-en-France l'a affecté au service enfance sur les questions de handicap, d'autre part, la condamnation de la commune de Tremblay-en-France à lui verser la somme globale de 10 595 euros au titre des préjudices de carrière et financier subis du fait de l'illégalité de cette décision et la som

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux demandes, M. A... B... a sollicité du tribunal administratif de Montreuil, d'une part, l'annulation de la décision du 17 juillet 2018 par laquelle le maire de la commune de Tremblay-en-France l'a affecté au service enfance sur les questions de handicap, d'autre part, la condamnation de la commune de Tremblay-en-France à lui verser la somme globale de 10 595 euros au titre des préjudices de carrière et financier subis du fait de l'illégalité de cette décision et la somme de 15 000 au titre des préjudices subis du fait du harcèlement moral et de la discrimination liée ses engagements syndicaux, dont il a été l'objet.

Par un jugement n° 1912652 et n° 1912665 du 9 novembre 2022, le tribunal administratif de Montreuil, après avoir prononcé la jonction des deux demandes, a condamné la commune de Tremblay-en-France à verser à M. B... la somme de 500 euros en réparation du préjudice moral subi du fait du harcèlement moral dont il a fait l'objet et a rejeté le surplus de ses conclusions.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 9 janvier 2023 et 9 février 2024, M. B..., représenté par Me de Froment, demande à la Cour :

1°) d'infirmer le jugement n° 1912652 et n° 1912665 du 9 novembre 2022 en tant qu'il a fixé le montant du préjudice moral subi à la somme de 500 euros ;

2°) de condamner la commune de Tremblay-en-France à lui verser la somme de 15 000 euros au titre du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence subis du fait du harcèlement moral dont il a été l'objet ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Tremblay-en-France la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement contesté méconnait les dispositions de l'article L. 9 du code de justice administrative en ce qu'il est insuffisamment motivé ;

- les premiers juges ont commis une erreur de fait en retenant que M. B... n'établissait pas avoir subi des troubles dans ses conditions d'existence ;

- les premiers juges ont commis une erreur d'appréciation en fixant le montant de son préjudice moral à la somme de 500 euros ;

- il est dès lors fondé à demander la condamnation de la commune de Tremblay-en-France à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral et 5 000 euros en réparation des troubles dans ses conditions d'existence.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 décembre 2023, la commune de Tremblay-en-France conclut au rejet de la requête d'appel et, à titre incident, à l'annulation du jugement en tant qu'il l'a condamnée à verser 500 euros à M. B... en réparation du préjudice moral subi, et, en tout état de cause, à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de celui-ci au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme d'Argenlieu,

- les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique,

- et les observations de Me Chevreul pour M. B... et de Me Derridj pour la commune de Tremblay-en-France.

Une note en délibéré, enregistrée le 24 avril 2024, a été présentée pour M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... a été titularisé dans le cadre d'emploi d'adjoints d'animation territoriaux de 2ème classe, par un arrêté du maire de la commune de Tremblay-en-France du 9 juillet 2010. Après avoir été coordonnateur jeunesse, il a été affecté à compter du 23 octobre 2014 au secteur " prévention sport " dans des fonctions de médiateur. Après la suppression de ce secteur, M. B... a, par une décision du 17 juillet 2018, été affecté au poste de référent au sein du service enfance sur les questions de handicap. Le 15 juillet 2019, il a adressé une demande indemnitaire au maire de la commune de Tremblay-en-France tendant, d'une part, au retrait de la décision du 17 juillet 2018, d'autre part, à ce que la commune soit condamnée à lui verser la somme totale de 35 595 euros en réparation de la perte de rémunération et du préjudice de carrière résultant de l'illégalité de cette décision, et du préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence résultant du harcèlement moral et de la discrimination subis du fait de ses engagements syndicaux. Par un jugement du 9 novembre 2022, dont M. B... fait partiellement appel, le tribunal administratif de Montreuil, saisi dans les mêmes termes que la demande indemnitaire préalable, a condamné la commune de Tremblay-en-France à verser à M. B... la somme de 500 euros en réparation du préjudice subi du fait du harcèlement moral dont il a été l'objet, puis a rejeté le surplus de la demande. La commune de Tremblay-en-France, par des conclusions d'appel incident, sollicite l'annulation du jugement en tant qu'il a engagé sa responsabilité.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Il ressort de l'examen du jugement attaqué que les premiers juges ont exposé les différents griefs formés par M. B..., indiqué ceux qui leur paraissaient fondés et de nature à faire regarder comme établi le harcèlement allégué, pour en conclure que le préjudice moral pouvait, par une juste appréciation, être évalué à 500 euros. Ils ont ainsi suffisamment motivé leur jugement. Le moyen tiré de la méconnaissance de cet article doit donc être écarté.

3. Si M. B... soutient également que le jugement attaqué serait irrégulier en ce qu'il serait entaché d'une erreur d'appréciation, ce moyen relève du bien-fondé du jugement et non de sa régularité. Il sera par conséquent écarté.

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

4. Aux termes du premier alinéa de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983, dont les dispositions sont désormais reprises à l'article L. 133-2 du code général de la fonction publique : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ". Il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'administration auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. Pour être qualifiés de harcèlement moral, ces agissements doivent être répétés et excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique.

5. Tout d'abord, M. B... soutient que sa vie professionnelle s'est dégradée à compter du mois de septembre 2015 du fait de son implication dans un mouvement syndical de grève organisé par les gardiens des équipements sportifs de la commune de Tremblay-en-France. Il indique qu'en raison de son engagement syndical, il a été la cible de menaces de la part de sa hiérarchie de supprimer le secteur " prévention sport " et a été mis à l'écart en n'étant plus convié aux réunions des responsables de ce secteur qui se tenaient en présence du directeur général adjoint en charge des sports et de l'élu délégué aux sports, ni aux autres réunions auxquelles il participait habituellement. M. B... ne produit toutefois à l'appui de ses allégations, contestées par la commune, qu'une lettre du secrétaire du syndicat Sud CT 93 du 25 septembre 2015, adressée au maire, relatant qu'au cours de la réunion tenue le même jour, M. B... avait été mis en cause personnellement et que la suppression de son poste avait été évoquée.

6. M. B... fait ensuite valoir que dès l'année 2015, la commune de Tremblay-en-France a cherché à lui nuire en lui fixant des objectifs inatteignables au regard des moyens mis à sa disposition, et en le dépossédant de toutes ses missions et responsabilités. Toutefois, l'intéressé ne produit aucune pièce à l'appui de ses allégations. Or, la commune verse au débat les comptes rendus d'évaluation professionnelle de M. B..., pour les années 2015, 2016 et 2017, lesquels ne relèvent aucune dégradation de ses relations avec sa hiérarchie, et ne contiennent aucun des griefs formulés par l'intéressé au contentieux. Au contraire, il en ressort que la majorité des objectifs fixés ont été atteints, que l'intéressé donne satisfaction, est un " meneur d'homme ", a une bonne connaissance du secteur et représente un " cadre en devenir ". Du reste, M. B... a pendant ces trois années été autorisé, à cette fin, à suivre plusieurs formations.

7. Il résulte en réalité de l'instruction qu'en 2018 la commune a estimé que le secteur " prévention sport ", face à l'augmentation de la violence urbaine, se révélait inadapté et que la police était davantage en mesure de répondre à ce phénomène. Par suite, sa suppression participait d'une politique globale de réorganisation de la direction des sports, à laquelle l'intéressé a du reste été associé, et ne saurait, contrairement à ce que soutient M. B..., être regardée comme une volonté de la commune de le harceler. Il a d'ailleurs, après la suppression de son poste, bénéficié d'une nouvelle affectation conforme à son cadre d'emploi et à son grade.

8. Certes, il est constant qu'en 2016 M. B... s'est vu attribuer avec un collègue un bureau isolé dans lequel les équipes de ménage ne passaient pas, ce que la commune ne conteste pas utilement. Toutefois, ces seuls faits, compte tenu de ce qui a été exposé ci-dessus, ne permettent pas de considérer que les agissements de la commune de Tremblay-en-France à l'égard de M. B..., lorsqu'il était affecté au secteur " prévention sport ", auraient été constitutifs d'un harcèlement moral de nature à engager sa responsabilité. Il s'ensuit, contrairement à ce que soutient l'intéressé, que les difficultés psychologiques, attestées par les certificats médicaux produits, et les troubles dans les conditions d'existence, qu'il dit avoir rencontrés lorsqu'il travaillait pour ce secteur, ne trouvent pas leur origine dans une faute de la collectivité.

9. Ainsi, il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil n'a pas fait droit au surplus de ses conclusions indemnitaires concernant le harcèlement moral dont il dit avoir été victime. La commune de Tremblay-en-France est en revanche fondée à demander l'annulation de l'article 1er du jugement attaqué par lequel le tribunal administratif de Montreuil l'a condamnée à verser à M. B... une somme de 500 euros en réparation du préjudice moral qu'il dit avoir subi.

Sur les frais liés à l'instance :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. B... demande au titre des frais liés l'instance et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... la somme réclamée par la commune de Tremblay-en-France sur le fondement de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : L'article 1er du jugement n° 1912652 et n° 1912665 du 9 novembre 2022 du tribunal administratif de Montreuil est annulé.

Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Tremblay-en-France sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la commune de Tremblay-en-France.

Délibéré après l'audience du 23 avril 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Bonifacj, présidente,

- M. Niollet, président-assesseur,

- Mme d'Argenlieu, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 mai 2024.

La rapporteure,

L. d'ARGENLIEULa présidente,

J. BONIFACJ

La greffière,

E. TORDO

La République mande et ordonne au préfet de la Seine-Saint-Denis en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA00113


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA00113
Date de la décision : 07/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BONIFACJ
Rapporteur ?: Mme Lorraine D'ARGENLIEU
Rapporteur public ?: Mme NAUDIN
Avocat(s) : DE FROMENT

Origine de la décision
Date de l'import : 12/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-07;23pa00113 ?
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