La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/03/2024 | FRANCE | N°23PA03343

France | France, Cour administrative d'appel, 7ème chambre, 06 mars 2024, 23PA03343


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 19 avril 2023 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.



Par un jugement n° 2309219/8 du 12 juillet 2023, le président du Tribunal administratif

de Paris a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :



Par une requête, enregistré...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 19 avril 2023 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 2309219/8 du 12 juillet 2023, le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 26 juillet 2023, M. A..., représenté par Me Coquery, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 12 juillet 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Hauts-de-Seine du 19 avril 2023 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine, à titre principal, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour en application de la directive 2001/55/CE du Conseil du 20 juillet 2001 relative à des normes minimales pour l'octroi d'une protection temporaire en cas d'afflux massif de personnes déplacées et à des mesures tendant à assurer un équilibre entre les efforts consentis par les États membres pour accueillir ces personnes et supporter les conséquences de cet accueil ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation de prolongation de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

5°) de condamner l'Etat aux entiers dépens.

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué n'est pas suffisamment motivé ;

- il est entaché d'un défaut d'examen de sa situation ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation ;

- il est entaché d'une erreur de droit ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 novembre 2023, le préfet des Hauts-de-Seine conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés et s'en remet à ses écritures de première instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la directive 2001/55/CE du Conseil du 20 juillet 2001 ;

- la décision d'exécution (UE) 2022/382 du Conseil du 4 mars 2022 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Desvigne-Repusseau,

- et les observations de Me Coquery, avocate de M. A....

Une note en délibéré, assortie d'une pièce, présentée pour M. A..., a été enregistrée le 6 février 2024.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 19 avril 2023, le préfet des Hauts-de-Seine a obligé M. A..., ressortissant ukrainien, né en 1993, à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. M. A... fait appel du jugement du 12 juillet 2023 par lequel le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, M. A... reprend en appel le moyen invoqué en première instance et tiré de ce que l'arrêté attaqué n'est pas suffisamment motivé. Il y a lieu de rejeter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

4. Si M. A... fait valoir qu'il est entré en France en novembre 2021 en compagnie de son épouse, également de nationalité ukrainienne, avec qui il s'est marié en Ukraine le 2 octobre 2020, et que celle-ci bénéficie sur le territoire français, depuis le 1er juin 2023, de la protection temporaire instituée en application de la directive 2001/55/CE du Conseil du 20 juillet 2001 relative à des normes minimales pour l'octroi d'une protection temporaire en cas d'afflux massif de personnes déplacées, il ressort cependant des pièces du dossier, notamment de pièces produites pour la première fois en appel, que l'épouse du requérant n'est entrée en France que le 14 avril 2023 et qu'elle ne bénéficiait pas de la protection temporaire à la date de l'arrêté attaqué. Ensuite, les pièces du dossier n'attestent d'une présence de M. A... sur le territoire français qu'à compter du 14 avril 2023, date à laquelle il a été embauché pour exercer l'emploi de peintre. Enfin, le requérant a déclaré, lors de son audition le 19 avril 2023 par les services de police, qu'il n'avait aucun enfant à charge en France. Dans ces conditions, l'arrêté attaqué n'a pas porté au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris. Par suite, cet arrêté n'a pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

5. En troisième lieu, aux termes, d'une part, de l'article L. 581-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le bénéfice du régime de la protection temporaire [instituée en application de la directive 2001/55/CE du Conseil du 20 juillet 2001 relative à des normes minimales pour l'octroi d'une protection temporaire en cas d'afflux massif de personnes déplacées] est ouvert aux étrangers selon les modalités déterminées par la décision du Conseil de l'Union européenne mentionnée à l'article 5 de [cette] directive (...), définissant les groupes spécifiques de personnes auxquelles s'applique la protection temporaire [et] fixant la date à laquelle la protection temporaire entrera en vigueur (...) ". Aux termes de l'article L. 581-3 de ce code : " L'étranger appartenant à un groupe spécifique de personnes visé par la décision du Conseil mentionnée à l'article L. 581-2 bénéficie de la protection temporaire à compter de la date mentionnée par cette décision. Il est mis en possession d'un document provisoire de séjour assorti, le cas échéant, d'une autorisation provisoire de travail. Ce document provisoire de séjour est renouvelé tant qu'il n'est pas mis fin à la protection temporaire / Le bénéfice de la protection temporaire est accordé pour une période d'un an renouvelable dans la limite maximale de trois années. Il peut être mis fin à tout moment à cette protection par décision du Conseil / (...) ". Aux termes de l'article R. 581-1 du même code : " Le bénéficiaire de la protection temporaire (...) se présente, s'il est âgé de plus de dix-huit ans, à la préfecture du département où il a sa résidence ou, à Paris, à la préfecture de police, pour solliciter la délivrance du document provisoire de séjour mentionné à l'article L. 581-3 / Il produit les pièces suivantes à l'appui de sa demande : / 1° Les indications relatives à son état civil et, le cas échéant, à celui de son conjoint et de ses enfants à charge / 2° Toutes indications portant sur les conditions de son entrée en France / 3° Tout document ou élément d'information attestant qu'il appartient à l'un des groupes spécifiques de personnes visés par la décision du Conseil de l'Union européenne mentionnée à l'article L. 811-2 / 4° Quatre photographies de face, tête nue, de format 3,5 cm x 4,5 cm, récentes et parfaitement ressemblantes / 5° Un justificatif de domicile ". Aux termes de l'article R. 581-4 du même code : " Lorsqu'il satisfait aux obligations prévues à l'article R. 581-1, le bénéficiaire de la protection temporaire est mis en possession d'une autorisation provisoire de séjour valable six mois portant la mention " bénéficiaire de la protection temporaire " / (...) ".

6. D'autre part, aux termes de l'article 5 de la directive 2001/55/CE du Conseil du 20 juillet 2001 relative à des normes minimales pour l'octroi d'une protection temporaire en cas d'afflux massif de personnes déplacées et à des mesures tendant à assurer un équilibre entre les efforts consentis par les États membres pour accueillir ces personnes et supporter les conséquences de cet accueil : " 1. L'existence d'un afflux massif de personnes déplacées est constatée par une décision du Conseil (...) / (...) / 3. La décision du Conseil a pour effet d'entraîner, à l'égard des personnes déplacées qu'elle vise, la mise en œuvre dans tous les États membres de la protection temporaire conformément aux dispositions de la présente directive. La décision contient au moins : / a) une description des groupes spécifiques de personnes auxquels s'applique la protection temporaire / b) la date à laquelle la protection temporaire entrera en vigueur/ (...) ". Aux termes de l'article 1er de la décision d'exécution (UE) 2022/382 du Conseil du 4 mars 2022 constatant l'existence d'un afflux massif de personnes déplacées en provenance d'Ukraine, au sens de l'article 5 de la directive 2001/55/CE, et ayant pour effet d'introduire une protection temporaire : " L'existence d'un afflux massif dans l'Union de personnes déplacées qui ont dû quitter l'Ukraine en raison d'un conflit armé est constatée ". Aux termes de l'article 2 de cette décision : " 1. La présente décision s'applique aux catégories suivantes de personnes déplacées d'Ukraine le 24 février 2022 ou après cette date, à la suite de l'invasion militaire par les forces armées russes qui a commencé à cette date : / a) les ressortissants ukrainiens résidant en Ukraine avant le 24 février 2022 / (...) / c) les membres de la famille des personnes visées [au point] a) (...) / (...) / 4. Aux fins du paragraphe 1, point c), les personnes suivantes sont considérées comme membres de la famille, dans la mesure où la famille était déjà présente et résidait en Ukraine avant le 24 février 2022 : / a) le conjoint d'une personne visée au paragraphe 1, point a) (...) ".

7. Indépendamment de l'énumération donnée par les articles L. 611-3 et L. 631-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement, qu'il s'agisse d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure d'expulsion, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une mesure d'éloignement à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour. Lorsque la loi ou un accord international prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure d'éloignement.

8. Si M. A... soutient qu'il est éligible à la protection temporaire instituée en application de la directive 2001/55/CE du Conseil du 20 juillet 2001, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'avant l'intervention de l'arrêté attaqué, il se serait personnellement présenté auprès des services de la préfecture territorialement compétente pour solliciter son admission au séjour au titre de la protection temporaire conformément aux dispositions précitées de l'article R. 581-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté attaqué, le requérant était en situation de se voir délivrer de plein droit une autorisation provisoire de séjour portant la mention " bénéficiaire de la protection temporaire ", dès lors qu'il ne justifie pas, par les pièces produites tant en appel qu'en première instance, qu'il résidait en Ukraine avant le 24 février 2022. Par suite, les moyens tirés d'un défaut d'examen de la situation du requérant ainsi que d'une erreur de droit ne peuvent qu'être écartés.

9. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 4 et 8, le moyen tiré d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation de M. A... doit être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Hauts-de-Seine.

Délibéré après l'audience du 6 février 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Auvray, président de chambre,

- Mme Hamon, présidente-assesseure,

- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mars 2024.

Le rapporteur,

M. DESVIGNE-REPUSSEAULe président,

B. AUVRAY

La greffière,

L. CHANA

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA03343


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA03343
Date de la décision : 06/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. AUVRAY
Rapporteur ?: M. Marc DESVIGNE-REPUSSEAU
Rapporteur public ?: Mme JURIN
Avocat(s) : COQUERY

Origine de la décision
Date de l'import : 10/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-06;23pa03343 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award