(1ère chambre A)
VU la requête enregistrée au greffe de la cour le 13 janvier 1998 présentée pour la société BAUMGARTNER-MONTRAVERS, dont le siège social est situé ..., agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société ABC, par la SCP DEFRENOIS et LEVIS, avocat ; la société demande à la cour :
1 ) l'annulation du jugement en date du 10 décembre 1997 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de l'état exécutoire d'un montant de 1.140.831,11 F émis par le Port Autonome de Paris le 16 février 1996 ;
2 ) l'annulation de cet état exécutoire, ou, en toute hypothèse, l'annulation dudit état en tant qu'il porte sur une somme supérieure à 1.103.494,94 F ;
3 ) la condamnation du Port Autonome de Paris à lui verser une 15.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU la loi n 68-917 du 24 octobre 1968 relative au Port Autonome de Paris ;
VU le décret n 62-1587 du 29 décembre 1962 modifié portant règlement général sur la comptabilité publique ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 septembre 2001 :
- le rapport de M. LENOIR, premier conseiller,
- les observations de M. de X..., pour le Port autonome de Paris,
- et les conclusions de Mme MASSIAS, commissaire du Gouvernement ;
Considérant que, par deux conventions référencées n 1026 et n 1121 signées respectivement le 27 septembre 1993 et le 25 novembre 1994 avec le Port Autonome de Paris, la société ACB a été autorisée à occuper, pour une durée de cinq ans, deux terrains de 10.554 m2 et de 5.000 m2 situés sur le site de Bonneuil sur Marne afin d'y exercer son activité d'entreposage ; qu'il était expressément précisé, dans lesdites conventions, que la société ACB ne pourrait résilier ses engagements avant le terme prévu audit contrat, soit le 1er août 1998 en ce qui concerne la convention n 1026 et le 1er mai 1999 en ce qui concerne la convention n 1121 ; que, cependant, la société ACB a demandé, en 1995, qu'il soit mis fin aux engagements précités ; que, compte tenu de cette demande, le Port Autonome de Paris a émis à l'encontre de la société ACB, le 16 février 1996, un état exécutoire d'un montant de 1.140.831,11 F relatif au paiement des redevances restant dues à la suite de la résiliation des conventions précitées ; que, par une demande présentée devant le tribunal administratif de Paris le 17 avril 1996, la société ACB a contesté ledit état exécutoire ; que la société BAUMGARTNER-MONTRAVERS, agissant en qualité de liquidateur de cette société, conteste le jugement par lequel la demande de celle-ci a été rejetée ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'il ressort de l'examen des mémoires de première instance que la société ACB a contesté les redevances mises à sa charge en application des deux conventions précitées en invoquant la nullité de ces conventions en raison du caractère discriminatoire des tarifs qui lui ont été appliqués ; qu'en réponse à ce moyen, le tribunal s'est borné à indiquer, au titre de la seule redevance réclamée en application de la convention n 1026, que la circonstance que la société ABC aurait été conduite à cesser son activité en raison des conditions plus avantageuses consenties à une société concurrente n'avait pas d'influence sur la légalité du titre litigieux ; qu'il a ainsi insuffisamment motivé son jugement ; que celui-ci doit, dès lors, être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer sur les demandes présentées par la société ACB devant le tribunal administratif de Paris ;
Sur la légalité de l'état exécutoire du 16 février 1996 :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 164 du décret susvisé du 29 décembre 1962 relatif aux titres de paiement émis par les ordonnateurs des établissements publics nationaux à caractère administratif : "Les créances de l'établissement qui n'ont pu être recouvrées à l'amiable font l'objet d'états rendus exécutoires par l'ordonnateur ... Les états exécutoires peuvent être notifiés aux débiteurs par lettre recommandée avec accusé de réception. Leur recouvrement est poursuivi jusqu'à opposition devant la juridiction compétente" ; qu'aux termes de l'article 201 du même décret, relatif aux titres de paiement émis par les ordonnateurs des établissements publics à caractère industriel et commercial de l'Etat : "Lorsque les créances de l'établissement n'ont pu être recouvrées à l'amiable, les poursuites sont conduites conformément aux usages du commerce. Les poursuites peuvent également être conduites, selon la procédure de l'état exécutoire, dans les conditions prévues à l'article 164 ci-dessus ..." ; que ces dispositions n'ont eu ni pour objet, ni pour effet, d'instituer une phase amiable qui soit un préalable nécessaire à l'émission d'un état exécutoire et qui constitue une garantie en faveur des débiteurs des établissements publics ; qu'elles ont pour seul objet de définir une règle de comptabilité publique ; que, dès lors, la société BAUMGARTNER-MONTRAVERS n'est pas fondée à soutenir que l'état exécutoire contesté aurait été pris sur le fondement d'une procédure irrégulière ;
Considérant, en second lieu, qu'il ressort des pièces du dossier, et qu'il n'est pas contesté par la société requérante, que la tarification des occupations autorisées par les conventions précitées a été établie en conformité avec les dispositions de la délibération du conseil d'administration du Port Autonome de Paris en date du 23 mars 1978 instituant le cahier des charges fixant les conditions financières des amodiations consenties par cet établissement public et applicable à tous les amodiataires acceptés par le Port Autonome ; que ladite délibération n'a fait l'objet d'aucune critique de la part de la société requérante qui ne conteste pas davantage que l'état exécutoire fasse une exacte application de cette tarification reprise dans les conventions signées en 1993 et 1994 ; que la circonstance, d'ailleurs non établie faute de toute précision sur la nature et les modalités des accords qui auraient été conclus, qu'une société TTA aurait bénéficié, pour l'occupation d'emplacements sur le port de Gennevilliers, de conditions plus favorables que celles consenties à la requérante pour des emplacements situés sur le même port, pour une période d'ailleurs antérieure à celle en cause dans le présent litige, ne saurait être constitutive d'une rupture du principe d'égalité de nature à entacher d'illégalité l'état exécutoire critiqué ; que, par suite, la société BAUMGARTNER-MONTRAVERS n'est pas fondée à exciper, au motif de l'utilisation par le Port Autonome d'une tarification discriminatoire, de la nullité des conventions signées le 27 septembre 1993 et le 25 novembre 1994 pour demander l'annulation de l'état exécutoire du 16 février 1996 ;
Sur le décompte des sommes dues :
Considérant que selon les dispositions des articles 3 des conventions n°1026 et n° 1121 précitées, la société ACB ne pouvait pas procéder, avant le terme normal prévu par lesdits contrats, à la résiliation unilatérale de ses engagements ; qu'elle était donc tenue de procéder au règlement des sommes dues dès lors que le Port Autonome n'avait pas accepté d'y mettre fin ; que la circonstance qu'elle n'ait pas été en mesure de poursuivre son activité compte tenu de l'évolution défavorable des relations commerciales l'unissant à son principal client est sans influence à cet égard ;
Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que le Port Autonome de Paris a, sur le fondement des dispositions de l'article 1 05 A du cahier des charges précité du 23 mars 1978, accepté de procéder à la résiliation de la convention n°1121 à compter du 31 mai 1995 ; que, dès lors, la société ACB était tenue, quelles que soient par ailleurs les dispositions qu'elle avait prises pour cesser son activité sur le site concédé, de procéder jusqu'à cette date au règlement des redevances d'occupation, ainsi que des sommes annexes à ces redevances, dues au titre de cette convention ; qu'en conséquence, elle n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'aurait pas été redevable des sommes décomptées au titre du mois de mai 1995 en application de la convention n° 1121 ;
Considérant, en second lieu, que si le Port Autonome de Paris n'a pris aucune décision expresse concernant la résiliation de la convention n° 1026, il ne conteste pas avoir accepté tacitement que les obligations de la société ACB prennent fin à la date du 31 décembre 1995 ; que, dès lors, la société ACB était tenue de procéder jusqu'à cette date au règlement des redevances d'occupation résultant de l'application de la convention n° 1026 ; qu'ainsi, la société BAUMGARTNER-MONTRAVERS n'est pas fondée à soutenir que la société ACB n'aurait pas été redevable des sommes décomptées au titre du mois de décembre 1995 en application de la convention n° 1026 ;
Considérant, toutefois, qu'ainsi que le reconnaît le Port Autonome, l'état exécutoire du 16 février 1996 est entaché d'une erreur dans son décompte en ce qu'il a pris à tort en compte une période d'occupation au titre de la convention n°1121 concernant le mois de juin 1995 ; que, par suite, la société BAUMGARTNER-MONTRAVERS est fondée à demander la réduction à un montant de 1.103.494,94 F des sommes qui lui sont réclamées ;
Sur les conclusions du Port Autonome de Paris tendant à la condamnation de la société BAUMGARTNER-MONTRAVERS au versement d'une somme de 20. 000 F à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive :
Considérant que si le Port Autonome de Paris invoque le préjudice résultant du caractère abusif des procédures engagées à son encontre par la société requérante, il n'apporte cependant pas d'éléments permettant d'apprécier la réalité et l'ampleur du préjudice ainsi allégué ; qu'il y a lieu, en conséquence, de rejeter les conclusions présentées à cet effet ;
Sur l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que le Port Autonome qui n'est pas, dans la présente instance, la partie principalement perdante, soit condamné à payer à la société BAUMGARTNER-MONTRAVERS la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Considérant qu'il n'y pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative, de condamner la société BAUMGARTNER-MONTRAVERS à payer au Port Autonome de Paris la somme de 30.000 F qu'il réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du 10 décembre 1997 du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La somme due par la société ACB au Port Autonome de Paris au titre des redevances d'occupation du site de Bonneuil sur Marne est ramenée à un montant de 1.103.494,94 F.
Article 3 : Il est accordé à la société ACB décharge de la différence entre le montant de l'état exécutoire émis le 16 février 1996 et la somme de 1.103.494,94 F fixée par l'article 2 ci-dessus.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la société BAUMGARTNER-MONTRAVERS est rejeté.
Article 5 : Les conclusions du Port Autonome tendant à la condamnation de la société BAUMGARTNER-MONTRAVERS au versement de dommages et intérêts pour procédure abusive ainsi qu'au paiement d'une somme de 30.000 F en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.