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05/08/2025 | FRANCE | N°25NT00018

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 1ère chambre, 05 août 2025, 25NT00018


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du

2 avril 2024 par lequel le préfet de la Sarthe lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office lorsque le délai sera expiré et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans.



Par un jugement n° 2405468 du 3 dé

cembre 2024, la vice-présidente désignée du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.



P...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du

2 avril 2024 par lequel le préfet de la Sarthe lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office lorsque le délai sera expiré et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2405468 du 3 décembre 2024, la vice-présidente désignée du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 janvier 2025, M. B..., représenté par

Me Murillo, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 3 décembre 2024 de la vice-présidente désignée du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler l'arrêté du 2 avril 2024 du préfet de la Sarthe ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Sarthe, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou de réexaminer sa situation et de le munir, dans l'attente, d'une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- il peut bénéficier d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions des articles

L. 423-1, L. 423-7 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'ancienneté de sa présence sur le territoire français et l'ancienneté de travail peuvent également justifier son admission exceptionnelle au séjour et la délivrance d'un titre de séjour mention salarié ;

S'agissant de la décision portant refus de délai volontaire :

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en l'absence de menace à l'ordre public ;

S'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français et de l'absence de délai de départ volontaire ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- cette décision est insuffisamment motivée ;

- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 mars 2025, le préfet de la Sarthe conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 1er août 2025.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Penhoat a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant marocain né le 30 mai 1989 déclare être entré en France le 1er juin 2003. Il a obtenu à compter de 2008 des titres de séjour portant la mention

" vie privée et familiale " renouvelés jusqu'en 2019. Le 28 novembre 2019, le préfet de la Sarthe a refusé de lui renouveler à nouveau son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire sans délai et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans. Les recours formés par M. B... contre ces décisions devant le tribunal administratif de Nantes et la cour administrative d'appel de Nantes ont été rejetés. Sa demande ultérieure de titre de séjour en qualité de conjoint de Français, à la suite de son mariage, le 13 juin 2020, avec une ressortissante française, a été rejetée par le préfet de la Sarthe par une décision du 10 février 2022, assortie d'une obligation de quitter le territoire et d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Le recours de M. B... contre cette décision a été rejeté par le tribunal administratif de Nantes par un jugement du 27 décembre 2022, devenu définitif. Par un arrêté du 2 avril 2024, le préfet de la Sarthe lui a de nouveau fait obligation de quitter le territoire français sans délai, en application des 1° et 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans. M. B... relève appel du jugement du

3 décembre 2024 par lequel la vice-présidente désignée du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté attaqué :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger marié avec un ressortissant français, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an lorsque les conditions suivantes sont réunies : 1° La communauté de vie n'a pas cessé depuis le mariage ; 2° Le conjoint a conservé la nationalité française ; 3° Lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, il a été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ". L'article L. 423-7 du même code dispose que : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ". Aux termes de l'article L. 423-23 de ce code : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de

leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Enfin, l'article L. 412-5 dispose que " La circonstance que la présence d'un étranger en France constitue une menace pour l'ordre public fait obstacle à la délivrance et au renouvellement de la carte de séjour temporaire, de la carte de séjour pluriannuelle et de l'autorisation provisoire de séjour prévue aux articles

L. 425-4 ou L. 425-10 ainsi qu'à la délivrance de la carte de résident et de la carte de résident portant la mention " résident de longue durée-UE " ".

3. L'autorité administrative ne peut légalement prendre une obligation de quitter le territoire à l'encontre d'un étranger lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour. M. B... fait valoir qu'il détient un droit au séjour en sa qualité de conjoint de ressortissant français, de parent d'un enfant français mineur et au regard de sa vie privée et familiale, par application des articles L. 423-1, L. 423-7 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et ne peut donc pas faire l'objet d'une mesure d'éloignement. Toutefois, il résulte des dispositions de l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la circonstance que la présence d'un étranger en France constitue une menace pour l'ordre public fait obstacle à la délivrance d'un titre de séjour sollicité par cet étranger sur ces fondements.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a fait l'objet entre 2007 et 2021 de onze condamnations pénales dont huit à des peines d'emprisonnement allant de trois à six mois pour dégradation du bien d'autrui, violence avec usage ou menace d'une arme, usage illicite de stupéfiants, violation de domicile à l'aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, vol avec destruction ou dégradation, outrage à personne dépositaire de l'autorité publique et violence en état d'ivresse manifeste. M. B... a exécuté, à compter du 2 janvier 2024, sa dernière condamnation à cinq mois d'emprisonnement, prononcée par un jugement du tribunal correctionnel du Mans du 3 novembre 2021 pour des faits de violence avec usage d'une arme commis en 2019, et aménagée par le juge d'application des peines. Compte tenu de la gravité de ces faits, de leur caractère récent et répété, le préfet de la Sarthe a pu estimer que le comportement M. B... représentait une menace pour l'ordre public et faisait obstacle à la délivrance d'un titre de séjour comme le prévoient les dispositions de l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le moyen tiré de ce que le requérant pouvait, sur les fondements des articles L. 423-1, L. 423-7 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qu'il invoque, prétendre de plein droit à la délivrance d'un titre de séjour, ce qui ferait obstacle à l'édiction d'une mesure d'éloignement à son encontre, doit être écarté.

5. En second lieu, le requérant ne saurait utilement se prévaloir à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français de ce qu'il pourrait prétendre à un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que ces dispositions ne prévoient pas la délivrance d'un titre de séjour de plein droit.

En ce qui concerne la décision portant refus de délai volontaire :

6. En premier lieu, il convient d'écarter, par adoption des motifs retenus par la première juge, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 612-2 du code de l'entrée

et du séjour des étrangers et du droit d'asile, moyen que M. B... réitère en appel sans apporter d'éléments de fait ou de droit nouveaux.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans :

7. En premier lieu, il convient d'écarter, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, les moyens tirés de ce que la décision contestée est insuffisamment motivée, méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur d'appréciation, moyens que M. B... réitère en appel sans apporter d'éléments de fait ou de droit nouveaux.

8. En second lieu, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et refus de départ volontaires n'étant pas annulées, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans doit être annulée par voie de conséquence.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

9. En premier lieu, la décision fixant le pays de destination mentionne la nationalité marocaine de M. B..., vise l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et précise qu'il ne justifie pas être exposé personnellement à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine. Cette décision comporte ainsi, contrairement à ce que soutient le requérant, un énoncé suffisant des motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement.

10. En second lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas annulée, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la vice-présidente désignée du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre d'État, ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise, pour information, au préfet de la Sarthe.

Délibéré après l'audience du 4 juillet 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Quillévéré, président,

- M. Penhoat, premier conseiller,

- M. Viéville, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 août 2025.

Le rapporteur

A. PENHOATLe président

G. QUILLÉVÉRÉ

La greffière

A. MARCHAIS

La République mande et ordonne au ministre d'État, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N°25NT00018 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 25NT00018
Date de la décision : 05/08/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. QUILLÉVÉRÉ
Rapporteur ?: M. Anthony PENHOAT
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : CABINET PIGEAU MEMIN CONTE MURILLO

Origine de la décision
Date de l'import : 20/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-08-05;25nt00018 ?
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