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11/03/2025 | FRANCE | N°24NT02681

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 1ère chambre, 11 mars 2025, 24NT02681


Vu les autres pièces du dossier.



Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.



Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.



Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Viéville,

- les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public.

- et les observations de Me de Baynast représentant M. B....





Considérant ce qui s

uit :



1. M. A... B..., né en 1995, a présenté le 23 décembre 2019 au rectorat de l'académie de Nantes une demande tendant à l'indemnisa...

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Viéville,

- les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public.

- et les observations de Me de Baynast représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., né en 1995, a présenté le 23 décembre 2019 au rectorat de l'académie de Nantes une demande tendant à l'indemnisation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait des manquements de l'Etat au regard de ses obligations légales lors de sa scolarisation au sein d'établissements successifs pour les années scolaires 2009-2010 à 2013-2014. L'administration n'a pas répondu à cette demande. M. B... a demandé au tribunal administratif de Nantes, d'une part, d'annuler la décision implicite par laquelle la rectrice de l'académie de Nantes a rejeté sa demande préalable indemnitaire, d'autre part, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 3 365 290 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis et, enfin, d'annuler le mémoire en défense du 12 mai 2021 par lequel la rectrice de l'académie de Nantes a opposé la prescription quadriennale aux créances dont M. B... se prévaut. Par un jugement du 4 juillet 2024, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa requête. M. B... relève appel de ce jugement.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 111-1 du code de l'éducation : " (...) Le droit à l'éducation est garanti à chacun afin de lui permettre de développer sa personnalité, d'élever son niveau de formation initiale et continue, de s'insérer dans la vie sociale et professionnelle, d'exercer sa citoyenneté. (...) ". Aux termes de l'article L. 111-2 du même code : " Tout enfant a droit à une formation scolaire qui, complétant l'action de sa famille, concourt à son éducation. / (...) / Pour favoriser l'égalité des chances, des dispositions appropriées rendent possible l'accès de chacun, en fonction de ses aptitudes et de ses besoins particuliers, aux différents types ou niveaux de la formation scolaire. / (...) ". Aux termes de l'article L. 112-1 de ce code : " Pour satisfaire aux obligations qui lui incombent en application des articles L. 111-1 et L. 111-2, le service public de l'éducation assure une formation scolaire, professionnelle ou supérieure aux enfants, aux adolescents et aux adultes présentant un handicap ou un trouble de la santé invalidant. Dans ses domaines de compétence, l'Etat met en place les moyens financiers et humains nécessaires à la scolarisation en milieu ordinaire des enfants, adolescents ou adultes handicapés. / (...) ".

3. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions, d'une part, que le droit à l'éducation étant garanti à chacun quelles que soient les différences de situation et, d'autre part, que l'obligation scolaire s'appliquant à tous, les difficultés particulières que rencontrent les enfants en situation de handicap ne sauraient avoir pour effet ni de les priver de ce droit, ni de faire obstacle au respect de cette obligation. Ainsi, il incombe à l'Etat, au titre de sa mission d'organisation générale du service public de l'éducation, de prendre l'ensemble des mesures et de mettre en œuvre les moyens nécessaires pour que ce droit et cette obligation aient, pour les enfants en situation de handicap, un caractère effectif. Il s'ensuit que la carence de l'Etat à assurer effectivement le droit à l'éducation des enfants soumis à l'obligation scolaire est constitutive d'une faute de nature à engager sa responsabilité. Si le caractère propre que constitue la liberté d'organisation des établissements privés sous contrat est garanti par les dispositions de l'article L. 442-1 du code de l'éducation, les établissements privés d'enseignement sous contrat d'association participent à la mission de service public de l'enseignement et sont donc à cet égard soumis au contrôle de l'Etat.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article D. 351-9 du code de l'éducation : " Lorsque la scolarité d'un élève, notamment en raison d'un trouble de la santé invalidant, nécessite un aménagement sans qu'il soit nécessaire de recourir aux dispositions prévues par les articles D. 351-5 à D. 351-7, un projet d'accueil individualisé est élaboré (...). Si nécessaire, le projet d'accueil individualisé est révisé à la demande de la famille ou de l'équipe éducative de l'école ou de l'établissement scolaire concerné. Hormis les aménagements prévus dans le cadre du projet individualisé, la scolarité de l'élève se déroule dans les conditions ordinaires. ".

5. Il résulte de l'instruction que M. B... présente une malformation congénitale des pouces qui l'empêche d'écrire au-delà d'une durée de cinq minutes, une scoliose thoracique droite sévère et un problème de lenteur idéo-motrice. Un projet d'accompagnement individualisé (PAI) a été mis en place le 11 octobre 2008 prévoyant d'une part, la poursuite d'aménagements déjà mis en place (photocopies, tutorat), un accès aux outils informatique pour se familiariser au traitement de texte et, d'autre part, s'agissant des évaluations écrites, la possibilité de recours à la dictée, une adaptation de la difficulté des évaluations, l'octroi de temps supplémentaires, la réduction du nombre d'exercices ou la correction sur les 2/3 du travail effectué. Un second projet d'accompagnement individualisé qui complète le premier, signé le 10 février 2010, a prévu un " objectif " de scolarisation chaque matin.

6. M. B... a été scolarisé au sein du collège Amiral C... au Château-d'Olonne au cours de l'année scolaire 2009-2010. Il a achevé l'année scolaire 2010-2011 en recourant aux services du centre national d'enseignement à distance (CNED) après avoir débuté l'année au sein du lycée Sainte-Marie du Port à Olonne-sur-Mer. Il s'est ensuite inscrit au lycée de Bretagne à Nantes pour les années scolaires 2011-2012, 2012-2013 et 2013-2014 mais ne s'est pas présenté aux épreuves de la session 2014 du baccalauréat. M. B... a donc été inscrit sans discontinuité dans différents établissements scolaires choisis par ses représentants légaux en raison de la capacité de ces établissements à pouvoir l'accueillir.

7. M. B... soutient que l'administration est fautive en raison de son incapacité à prendre en compte correctement son handicap et que cette carence de l'administration l'a conduit à une situation d'exclusion scolaire.

8. Cependant, le courrier adressé par les parents de l'appelant le 4 décembre 2009 qui souligne que la mise en place du projet d'accompagnement individualisé a eu un effet contraire à celui espéré et la lettre d'un praticien hospitalier du CHRU de Nantes ne sont pas de nature à établir qu'aucun projet d'accompagnement individualisé n'aurait été mis en place. En effet, si M. B... soutient que le rectorat est resté inactif face à sa situation et ce malgré de nombreux courriers, il résulte de l'instruction que postérieurement à la demande formulée en décembre 2009, le projet d'accompagnement individualisé a été modifié dès le mois de février 2010. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que la mère de M. B... a adressé un courrier au chef d'établissement, qui a répondu par un courrier circonstancié du 3 octobre 2013. Mme B... a ensuite adressé un courrier le 23 novembre 2013 au rectorat, faisant état d'obstacles à la mise en place du projet d'accompagnement individualisé préconisé par les médecins auquel le recteur a répondu en mentionnant l'absence de difficulté dans la mise en place du plan et qu'aucun dossier n'avait été déposé auprès de la médecine scolaire et du service d'aide pédagogique à domicile pour en formaliser un nouveau. Au début de l'année 2014, la mère du requérant a été reçue par le chef d'établissement à la suite de l'envoi de plusieurs courriers et le chef d'établissement lui a répondu le 7 janvier 2014 en rappelant l'ensemble des mesures déjà mises en place, que l'élève ne se présente pas aux tutorats et qu'aucune demande de mise à disposition d'un ordinateur n'a été formulée. Enfin, Mme B... sera reçue au rectorat le 22 mai 2014. Dans ces conditions, l'appelant n'est pas fondé à soutenir que l'administration aurait été réticente à la mise en place et l'adaptation d'un plan d'accompagnement individualisé.

9. En outre, si M B... soutient que les diagnostics médicaux démontrent l'incapacité de l'administration à s'adapter à son handicap, le compte rendu de la psychologue clinicienne du 9 juillet 2015 faisant état de l'incompréhension du collège dans lequel il a été scolarisé dans l'application du projet n'est pas de nature à établir que les absences de M. B... résulteraient de la carence des différents établissements qui l'ont accueilli à appliquer le projet d'accompagnement individualisé alors que ces établissements ont été choisis par ses parents eu égard à l'environnement favorable au déroulement de sa scolarité.

10. Par ailleurs, si M B... fait valoir que le projet d'accompagnement individualisé était insuffisamment précis, que cet outil était inadapté à son handicap et que projet personnalisé de scolarisation aurait dû être précisé, il ne résulte pas de l'instruction que la situation dans laquelle s'est trouvée M. B... résulterait de l'inadaptation ou de la mauvaise exécution de ce projet d'accompagnement individualisé. Ainsi, et contrairement à ce qui est allégué dans le courrier du 4 décembre 2009, il ne résulte pas des termes précités du projet que les cours auraient dû être photocopiés par le personnel des différents établissements fréquentés à compter de la rentrée 2011 et M. B... n'établit par aucune pièce qu'il n'a pas pu bénéficier de la possibilité de photocopier des cours. Par ailleurs, si dans le même courrier du 4 décembre 2009 adressé au rectorat, les parents de M. B... mettent en cause l'effectivité du tutorat prévu dans le projet, il ne résulte pas des termes précités du projet qu'il devait bénéficier de séances de tutorat individualisées assurées par un professeur. En outre, lors que le projet d'accueil individualisé mentionne qu'il ne recommande pas l'utilisation d'un portable pour la prise de notes en cours, le requérant ne démontre pas que le recours à l'outil informatique n'a jamais été envisagé. Enfin, s'agissant des dispositions du projet d'accompagnement individualisé relatives aux modalités d'évaluation, le courrier du 4 décembre 2009 n'est pas davantage de nature à établir la réalité du non-respect des modalités prévues alors qu'il est constant que M. B... a été absent de manière très importante dès l'année scolaire 2009-2010, ne permettant pas par suite de l'évaluer de manière effective et suffisante dans le respect des préconisations du projet.

11. Enfin, si M. B... soutient qu'il appartenait à l'administration de prendre l'initiative de modifier son projet d'accompagnement individualisé, ce que lui permettent les dispositions précitées de l'article D. 351-9 du code de l'éducation, il ne résulte pas de l'instruction que ce projet aurait présenté des lacunes ou n'aurait pas été appliqué par les différents établissements dans lesquels M. B... a été inscrit.

12. Il résulte de tout ce qui précède, alors qu'aucune faute susceptible d'engager la responsabilité de l'État ne peut être retenue, que les conclusions indemnitaires doivent être rejetées. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'exception de prescription quadriennale opposée en défense, il M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa requête. Par voie de conséquence, les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la ministre de l'éducation nationale de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Délibéré après l'audience du 14 février 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Quillévéré, président de chambre,

- M. Penhoat, premier conseiller,

- M. Viéville, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 mars 2025.

Le rapporteur

S. VIÉVILLELe président

G. QUILLÉVÉRÉ

La greffière

H. DAOUD

La République mande et ordonne à la ministre de l'éducation nationale de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 24NT0268102


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24NT02681
Date de la décision : 11/03/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. QUILLÉVÉRÉ
Rapporteur ?: M. Sébastien VIEVILLE
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : DE BAYNAST

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-03-11;24nt02681 ?
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