La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/05/2024 | FRANCE | N°24NT00342

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 4ème chambre, 13 mai 2024, 24NT00342


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 24 janvier 2024 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine a décidé son transfert aux autorités roumaines, responsables de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que l'arrêté du même jour par lequel la même autorité l'a assignée à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.





Par un jugement n° 2400424 du 1er février 2024, la magistrate désignée par le prés

ident du tribunal administratif de Rennes, après avoir admis Mme B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle à ti...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 24 janvier 2024 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine a décidé son transfert aux autorités roumaines, responsables de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que l'arrêté du même jour par lequel la même autorité l'a assignée à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2400424 du 1er février 2024, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rennes, après avoir admis Mme B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire (article 1er), a annulé les deux arrêtés du 24 janvier 2024 du préfet d'Ille-et-Vilaine (article 2), a enjoint au préfet de procéder au réexamen de la situation administrative de Mme B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement (article 3) et a rejeté le surplus des conclusions de la requête (article 4 et 5).

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 février 2024, le préfet d'Ille-et-Vilaine demande à la cour d'annuler les articles 2 et 3 du jugement du 1er février 2024 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rennes et de rejeter la demande de Mme B....

Il soutient que l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 n'a pas été méconnu et que Mme B... n'a pas été privée d'une garantie.

La requête a été communiquée à Mme B... qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 avril 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (CE) n° 1560/2003 modifié du 2 septembre 2003

- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Chollet a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante éthiopienne née le 10 février 1998 à Bale Robe (Ethiopie), déclare être entrée en France le 6 novembre 2023. Elle a déposé une demande d'asile auprès des services de la préfecture de police de Paris qui a été enregistrée le 13 novembre 2023. Les recherches conduites par la préfecture dans le fichier Eurodac ont fait apparaître que M. B... avait sollicité l'asile auprès des autorités roumaines préalablement au dépôt de sa demande d'asile en France. Les autorités roumaines, saisies le 19 décembre 2023 en application du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, ayant donné leur accord explicite à la prise en charge de M. B... le 28 décembre 2023 sur le fondement du c du 1 de l'article 18 du règlement, le préfet d'Ille-et-Vilaine a pris le 24 janvier 2024 un arrêté portant transfert de l'intéressée aux autorités roumaines, ainsi qu'un arrêté l'assignant à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. Le préfet d'Ille-et-Vilaine relève appel du jugement du 1er février 2024 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rennes a annulé ses deux arrêtés du 24 janvier 2024.

2. Aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...) / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les Etats membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'Etat membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé ".

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... a été reçue le 22 novembre 2023 à la préfecture de police de Paris en entretien individuel, mené avec le concours d'un interprète en oromo. Toutefois, le compte-rendu d'entretien, qui a été signé par Mme B..., est seulement revêtu d'un cachet sommaire d'un service, ne contient aucune signature de la personne ayant mené l'entretien, aucune mention sur l'identité de cette personne, ni même de simples initiales désignant un agent de la préfecture nommément identifié ou identifiable. L'administration n'a apporté aucun élément de nature à établir la qualité de cet agent en produisant un organigramme du bureau de l'accueil de la demande d'asile où l'ensemble des noms des agents affectés dans les sections de ce bureau est anonymisé, pas davantage en invoquant un courriel de la préfecture de police de Paris précisant à quoi correspondent les mentions " S2, S3, S4 et S5 " figurant sur le cachet du service et en alléguant que l'ensemble des agents de ce bureau sont tous " qualifiés ". Dans ces conditions, il n'est pas établi que l'entretien a été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national au sens de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013.

4. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet d'Ille-et-Vilaine n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rennes a annulé ses deux arrêtés du 24 janvier 2024 et lui a enjoint de procéder au réexamen de la situation administrative de Mme B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

DECIDE :

Article 1er : La requête du préfet d'Ille-et Vilaine est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera transmise pour information au préfet d'Ille-et-Vilaine.

Délibéré après l'audience du 16 avril 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président assesseur,

- Mme Chollet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 mai 2024.

La rapporteure,

L. CHOLLET

Le président,

L. LAINÉ

Le greffier,

C. WOLF

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24NT00342


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NT00342
Date de la décision : 13/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINÉ
Rapporteur ?: Mme Laure CHOLLET
Rapporteur public ?: Mme ROSEMBERG
Avocat(s) : DELILAJ

Origine de la décision
Date de l'import : 19/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-13;24nt00342 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award