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19/04/2024 | FRANCE | N°22NT03689

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 4ème chambre, 19 avril 2024, 22NT03689


Vu la procédure suivante :



Par une requête et des mémoires, enregistrés les 25 novembre 2022 et 27 décembre 2023, la SAS Auchan Hypermarché, représentée par Me Renaux, demande à la cour :



1°) d'annuler l'arrêté du 26 septembre 2022 par lequel le maire de la commune de Conlie a délivré un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale à la SAS Conedis ;



2°) d'enjoindre à la commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) de réexaminer son recours ;



3°) de mettre

à la charge de l'Etat et de la SAS Conedis chacun la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 25 novembre 2022 et 27 décembre 2023, la SAS Auchan Hypermarché, représentée par Me Renaux, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 26 septembre 2022 par lequel le maire de la commune de Conlie a délivré un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale à la SAS Conedis ;

2°) d'enjoindre à la commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) de réexaminer son recours ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat et de la SAS Conedis chacun la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- son recours devant la CNAC était recevable alors que ses établissements se trouvent dans un rayon de 16 minutes du projet, que cette limite est insuffisante compte tenu de l'équipement commercial en cause et n'a pas été appliquée également par la Commission, même en l'absence de barrières économiques, géographiques ou psychologiques et le projet aura une influence significative sur son activité économique ;

- la demande aurait dû être présentée de nouveau devant la CDAC de la Sarthe en application de l'article L. 752-15 dès lors que la SAS Conedis a complété sa demande d'autorisation d'exploitation commerciale à deux reprises, les 19 janvier et 28 juin 2022 et porte désormais sur " le réaménagement d'une partie des espaces extérieurs " de l'ensemble commercial.

Par des mémoires, enregistrés les 9 mars 2023 et 8 janvier 2024, ce dernier non communiqué, la SAS Conedis, représentée par Me Camus, conclut au rejet de la requête de la SAS Auchan Hypermarché et à ce que la cour mette à la charge de celle-ci la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que la requête de la SAS Auchan Hypermarché est irrecevable et que ses moyens ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 10 juillet 2023, la commune de Conlie, représentée par Me Boidin, conclut au rejet de la requête de la SAS Auchan Hypermarché et à ce que la cour mette à la charge de celle-ci la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que la requête de la SAS Auchan Hypermarché est irrecevable et que ses moyens ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Derlange, président assesseur,

- les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique,

- et les observations de Me de Cirugeda, substituant Me Renaux, pour la SAS Auchan Hypermarché, de Me Camus, pour la SAS Conedis et de Me Boidin, pour la commune de Conlie.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Conedis a déposé, le 15 octobre 2021, une demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour un projet d'extension de 1 016 m² de la surface de vente et de cinq pistes du " drive " d'un ensemble commercial de 3 064 m² qu'elle exploite à Conlie (Sarthe), comportant un supermarché à l'enseigne " Super U " et un opticien. Le 8 décembre 2021, la commission départementale d'aménagement commercial (CDAC) de la Sarthe a émis un avis favorable sur le projet. Le 21 avril 2022, la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) a rejeté comme irrecevable, faute d'intérêt pour agir, le recours de la SAS Auchan Hypermarché contre cet avis. En conséquence, le maire de Conlie, par un arrêté du 26 septembre 2022, a délivré le permis de construire sollicité par la SAS Conedis. La SAS Auchan Hypermarché, demande à la cour de prononcer l'annulation de cet arrêté en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale et d'enjoindre à la CNAC de se prononcer de nouveau sur son recours.

Sur le motif retenu par la CNAC :

2. Aux termes de l'article L. 752-17 du code de commerce : " Conformément à l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme, (...) tout professionnel dont l'activité, exercée dans les limites de la zone de chalandise définie pour chaque projet, est susceptible d'être affectée par le projet (...) peuvent, dans le délai d'un mois, introduire un recours devant la Commission nationale d'aménagement commercial contre l'avis de la commission départementale d'aménagement commercial (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article R. 752-3 du même code : " Pour l'application du présent titre, constitue la zone de chalandise d'un équipement faisant l'objet d'une demande d'autorisation d'exploitation commerciale l'aire géographique au sein de laquelle cet équipement exerce une attraction sur la clientèle. Elle est délimitée en tenant compte notamment de la nature et de la taille de l'équipement envisagé, des temps de déplacement nécessaires pour y accéder, de la présence d'éventuelles barrières géographiques ou psychologiques et de la localisation et du pouvoir d'attraction des équipements commerciaux existants. ".

3. Pour l'application de l'article L. 752-17 du code de commerce précité, tout professionnel dont l'activité, exercée dans les limites de la zone de chalandise d'un projet, est susceptible d'être affectée par celui-ci, a intérêt à former un recours devant la commission nationale d'aménagement commercial contre l'autorisation donnée à ce projet par la commission départementale puis, en cas d'autorisation à nouveau donnée par la commission nationale, un recours contentieux. S'il en va ainsi lorsque le professionnel requérant est implanté dans la zone de chalandise du projet, un tel intérêt peut également résulter de ce que, alors même que le professionnel requérant n'est pas implanté dans la zone de chalandise du projet, ce dernier est susceptible, en raison du chevauchement de sa zone de chalandise et de celle de l'activité commerciale du requérant, d'avoir sur cette activité une incidence significative.

4. D'une part, la zone de chalandise de l'équipement commercial de la SAS Conedis a été déterminée par un consultant indépendant, au vu de sept critères, ayant conduit à réduire une base isochrone de 30 minutes de temps d'accès au site à 16 minutes dans sa partie sud-est, malgré l'absence constatée de barrières naturelles, psychologiques et géographiques, essentiellement du fait de barrières économiques liées à la présence d'autres pôles commerciaux. Il ressort des pièces du dossier que l'ensemble commercial de la SAS Auchan Hypermarché, situé à la Chapelle-Saint-Aubin et Saint-Saturnin, au nord-ouest de l'entrée du Mans, dans la zone d'aménagement commercial (ZACOM) dite Secteur Nord de l'agglomération du Mans, identifiée au document d'orientation et d'objectifs (DOO) du schéma de cohérence territoriale (SCoT) du Pays du Mans, comportant un hypermarché d'une surface de vente de 13 200 m² et une galerie marchande attenante de soixante-et-onze boutiques de plus de 8 500 m² de surface de vente, ainsi que douze pistes de " drive ", eu égard à son importance et à sa localisation exerce effectivement un pouvoir d'attraction commerciale réduisant l'attractivité du supermarché de la SAS Conedis et limitant sa zone de chalandise, ce qui justifie de réduire à 16 minutes l'appréciation du temps maximum de trajet que ses clients ainsi influencés sont susceptibles de faire pour le fréquenter. Il en résulte que la CNAC a pu légalement déduire de l'article L. 752-17 du code de commerce précité que la SAS Auchan Hypermarché n'avait pas intérêt à former un recours contre l'autorisation donnée au projet de la SAS Conedis par la CDAC de la Sarthe faute d'être implantée dans la zone de chalandise du projet.

5. D'autre part, s'il ressort des pièces du dossier et n'est d'ailleurs pas contesté, que les zones de chalandise des deux sociétés se chevauchent partiellement, la SAS Auchan Hypermarché ne justifie pas, en produisant notamment des données extraites de son fichier informatique de cartes de fidélité, dont le caractère probant n'est pas établi, que l'activité développée par la SAS Conedis après l'extension en cause aurait une incidence significative sur sa propre activité, compte tenu en particulier de la situation constituée résultant de l'attraction commerciale forte qu'elle exerce du fait de sa situation géographique et de sa taille d'où il résulte notamment que les deux exploitations ne sauraient être regardées comme appartenant à la même catégorie d'ensembles commerciaux.

6. Par suite, la SAS Auchan Hypermarché n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que la CNAC a considéré qu'elle n'avait pas intérêt à former un recours contre l'autorisation donnée au projet de la SAS Conedis par la CDAC de la Sarthe. Pour ce seul motif et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres fins de non-recevoir soulevées en défense, il y a lieu de rejeter la requête de la SAS Auchan Hypermarché.

Sur les frais liés au litige :

7. Les conclusions présentées par la SAS Auchan Hypermarché au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées dès lors qu'elle est partie perdante.

8. En revanche, il y lieu de mettre à sa charge la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser respectivement à la SAS Conedis et à la commune de Conlie.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SAS Auchan Hypermarché est rejetée.

Article 2 : La SAS Auchan Hypermarché versera respectivement à la SAS Conedis et à la commune de Conlie une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Auchan Hypermarché, à la SAS Conedis, à la commune de Conlie et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée, pour information à la Commission nationale d'aménagement commercial.

Délibéré après l'audience du 2 avril 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président assesseur,

- Mme Picquet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 avril 2024.

Le rapporteur,

S. DERLANGE

Le président,

L. LAINÉ

Le greffier,

C. WOLF

La République mande et ordonne au préfet de la Sarthe et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui les concernent, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT03689


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT03689
Date de la décision : 19/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINÉ
Rapporteur ?: M. Stéphane DERLANGE
Rapporteur public ?: Mme ROSEMBERG
Avocat(s) : SARL MAUDET-CAMUS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-19;22nt03689 ?
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