Vu la requête, enregistrée le 21 novembre 2013, présentée pour Mme B...D..., demeurant à "..., par MeA... ; Mme D...demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1302208 du 24 septembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 7 février 2013 du directeur du centre hospitalier Loire-Vendée-Océan prononçant à son encontre la sanction de mise à la retraite d'office ;
2°) d'annuler cette décision ;
3°) d'enjoindre au directeur de procéder à sa réintégration, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge du centre hospitalier Loire-Vendée-Océan une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
elle soutient que :
- la sanction contestée est insuffisamment motivée dès lors qu'elle ne fait état d'aucun grief précis et se cantonne à des termes généraux ;
- la matérialité des faits n'est pas établie en ce qui concerne les violences volontaires qui lui sont reprochées alors que celles-ci ne reposent que sur un seul témoignage qui est mensonger ; aucun certificat médical ne vient corroborer ces accusations ; un témoin direct conteste également ces faits qui ne sont pas reconnus par le résident censé avoir été agressé ; l'ensemble de ses collègues atteste qu'elle n'a jamais eu de gestes malveillants envers les résidents ;
- il n'est pas davantage établi qu'elle ait privé une résidente d'une seconde tasse de café qu'elle aurait réclamée ni diminué les portions de nourriture réservée aux résidents ;
- elle n'a pas tenu de propos irrespectueux ou vulgaires à l'encontre des résidents à l'exception d'un phrase adressée à l'une de ses collègues concernant une résidente difficile à prendre en charge ; elle était appréciée tant par les infirmières et les aides-soignantes que par le cadre de santé ; une pétition a contesté l'utilisation d'expressions péjoratives ;
- il n'est pas avéré qu'elle ait refusé sciemment de donner un bassin à une résidente ;
- il n'est pas établi qu'elle ait mentionné dans le dossier patient informatisé des soins qu'elle n'aurait pas réalisés ou seulement partiellement ;
- la sanction est manifestement disproportionnée ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 24 avril 2014, présenté pour le centre hospitalier intercommunal Loire-Vendée-Océan, qui conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à ce que soit mise à la charge de Mme D...la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
il soutient que :
- la décision contestée est suffisamment motivée dès lors qu'elle mentionne les faits incriminés permettant à la requérante d'identifier les faits reprochés ;
- le témoignage concernant la violence à l'encontre d'un résident est hautement crédible dès lors qu'il n'est pas isolé et s'inscrit dans un contexte général de maltraitance au sein de l'unité où la requérante était affectée, est corroboré par plusieurs témoignages et le rapport de la mission d'inspection de l'agence régionale de santé ; les attestations de collègues produites par la requérante doivent être prises en compte dans un contexte de négation collective de toute pratique déviante au sein du service ;
- l'agent à l'origine de ce témoignage n'avait aucun intérêt à nuire à l'intéressée ; elle a été choquée par une scène dont elle ne s'est libérée que lors d'une consultation auprès du médecin du travail et qu'elle a toujours relaté avec précision ; la valeur de ce témoignage est soulignée par le médecin du travail et la cellule interne de prévention de la maltraitance ;
- le récit de l'agent ayant témoigné en faveur de Mme D...n'est pas probant, eu égard au contexte de groupe sus-évoqué ;
- Mme D...ne peut se prévaloir du médecin traitant de la victime de maltraitance dans la mesure où celui-ci a méconnu le secret médical et alors que le résident qui bénéficie d'une mesure de protection judiciaire n'était pas en capacité de se remémorer les faits en cause ;
- l'attestation du cadre de santé en faveur de la requérante n'est pas davantage crédible, l'intéressée ayant fait l'objet d'un blâme et n'ignorant pas les pratiques déviantes au sein du service ;
- le comportement de Mme D...envers les résidents n'était pas exemplaire ;
- la privation de nourriture est suffisamment attestée par les pièces du dossier ; la consommation de denrées réservées aux résidents est reconnue par la requérante ;
- la matérialité des propos irrespectueux et vulgaires est démontrée alors même qu'ils n'ont pas été tenus devant les résidents de même que le refus de bassin ;
- Mme D...a apporté des informations erronées dans les transmissions de soins ;
- eu égard à la gravité des faits, la sanction infligée n'est pas disproportionnée ;
Vu le mémoire, enregistré le 20 février 2015, présenté pour Mme D..., qui conclut aux mêmes fins que précedemment ;
Vu le courrier en date du 9 mars 2015 adressé aux parties en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative ;
Vu l'ordonnance en date du 14 avril 2015 portant clôture immédiate de l'instruction en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ;
Vu la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 modifiée ;
Vu le décret n°89-822 du 7 novembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires relevant de la fonction publique hospitalière ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 mai 2015 :
- le rapport de M. Auger, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public ;
- les observations de Me A...pour MmeD... ;
- et les observations de Me C...pour le centre hospitalier Loire-Vendée-Océan ;
1. Considérant que MmeD..., aide-soignante affectée depuis janvier 2004 à la maison de retraite EHPAD " Aquarelle ", dépendant du centre hospitalier Loire-Vendée-Océan, a fait l'objet, par décision du 7 février 2013 du directeur, d'une sanction disciplinaire de mise à la retraite d'office aux motifs d'actes de maltraitance ; qu'elle relève appel du jugement du 24 septembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 susvisée : " (...) doivent être motivées les décisions qui : (...) infligent une sanction (...) " ; qu'aux termes de l'article 3 de la même loi : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter les considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision " ; qu'il résulte de ces dispositions que l'autorité qui prononce une sanction disciplinaire a l'obligation de préciser elle-même, dans sa décision, les griefs qu'elle entend retenir à l'encontre de l'agent intéressé, de sorte que celui-ci puisse à la seule lecture de la décision qui lui est notifiée, connaître les motifs de la sanction qui le frappe ; qu'il ressort des termes mêmes de la décision contestée qu'il est reproché à Mme D...d'avoir tenu des propos irrespectueux et vulgaires à l'encontre des résidents, d'avoir participé à des actes de privation de nourriture, d'avoir volontairement transmis des informations erronées et, enfin, fait subir des violences volontaires à une personne âgée ; que, par suite, le moyen tiré de son insuffisante motivation en fait doit être écarté ;
3. Considérant que Mme D...conteste la matérialité des faits reprochés en arguant de ce qu'ils n'ont été portés à la connaissance de la direction que tardivement et sur le fondement d'un unique témoignage d'une de ses collègues et se prévaut de plusieurs attestations de collègues de son service, dont une de la cadre de santé mentionnant son professionnalisme et la qualité de ses relations avec les personnes âgées ; qu'elle verse également au dossier un certificat d'un médecin référent d'un résident qui aurait indiqué ne pas avoir été frappé par l'intéressée ainsi que l'attestation d'une autre soignante contestant, lors de son service commun avec ces deux collègues, avoir été témoin de violences ; que, toutefois, d'une part, les attestations émanant de certains membres de l'équipe paramédicale du service ne peuvent être regardées comme suffisamment probantes pour nier l'exactitude des faits en cause compte tenu de l'implication de plusieurs agents de l'unité de travail, ayant également fait l'objet de sanctions disciplinaires pour des griefs de maltraitance, et des craintes de représailles d'autres agents ; qu'une enquête administrative de l'agence régionale de santé, diligentée à la demande de la direction suite au témoignage en cause, avait clairement constaté dans le service " des dysfonctionnements organisationnels et systémiques " à l'origine de " déviances et non respects de bonnes pratiques " ne pouvant être ignorés de la hiérarchie de proximité, la mission d'enquête n'excluant pas qu'un phénomène de loyauté de groupe ait entraîné une rétention d'informations ; que, par ailleurs, le caractère probant du témoignage rapporté par le certificat médical émanant du médecin référent précité est sérieusement mis en doute par la circonstance, mentionnée, que le pensionnaire victime de violences souffre d'un déficit cognitif léger avec troubles de l'attention dus à un traitement psychiatrique ;
4. Considérant, d'autre part, que si les éléments en débats ont été portés tardivement à la connaissance de l'autorité administrative, il ressort des pièces du dossier que ceux-ci ont été révélés le 22 octobre 2012 lors d'une consultation du médecin de travail par la collègue de MmeD... ; qu'ils ont été estimés suffisamment crédibles et circonstanciés, tant par ce praticien que par l'équipe pluridisciplinaire de prévention de maltraitance, réitérés dans les mêmes termes à plusieurs reprises, notamment devant le conseil de discipline, et confirmés par d'autres témoignages ; que l'existence de pratiques déviantes dans le service a été reconnue comme établie lors de l'inspection de l'agence régionale de santé, avec notamment des propos irrespectueux, privations de dessert, punitions et brimades, pauses cigarettes prolongées et comportements à risque dans la manutention des résidents, tous éléments également confirmés par l'attestation de l'ancienne psychologue du service ; qu'enfin, le centre hospitalier verse au dossier une attestation d'un médecin généraliste, fille d'une résidente, suffisamment précise et circonstanciée sur les carences des soins et la fréquence des chutes dans le service, évoquant également " de potentiels sévices sur personnes vulnérables " ; que, dans ces conditions, les faits reprochés doivent être regardés comme suffisamment établis ;
5. Considérant que les faits reprochés à la requérante constituaient des fautes de nature à justifier une sanction ; qu'au vu de la gravité des agissements de l'intéressée, portant atteinte à l'intimité, la dignité et la sécurité de personnes âgées vulnérables, l'autorité disciplinaire n'a pas, en l'espèce, pris une sanction disproportionnée en décidant de mettre l'intéressée à la retraite d'office ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête de MmeD..., n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction qu'elle présente ne peuvent être accueillies ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge du centre hospitalier Loire-Vendée-Océan, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme au titre des frais exposés par Mme D...et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme D...le versement d'une somme de 1 500 euros au bénéfice du centre hospitalier Loire-Vendée-Océan sur le fondement de ces mêmes dispositions ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme D...est rejetée.
Article 2 : Mme D...versera au centre hospitalier Loire-Vendée-Océan une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...D...et au centre hospitalier Loire-Vendée-Océan.
Délibéré après l'audience du 26 mai 2015, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Loirat, président-assesseur,
- M. Auger, premier conseiller,
Lu en audience publique le 16 juin 2015.
Le rapporteur,
P. AUGERLe président,
L. LAINÉ
Le greffier,
N. CORRAZE
La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 13NT03206