Vu, I, sous le n° 14NT00996, la requête enregistrée le 14 avril 2014, présentée pour M. D... B..., demeurant..., par Me Bouamrirene, avocat au barreau d'Orléans ; M. B... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement nos 11-12079, 12-263 du 11 février 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions des 25 mai et 14 octobre 2011 par lesquelles le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration a rejeté sa demande de réintégration dans la nationalité française ;
2°) d'annuler ces décisions ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de faire droit à sa demande de réintégration dans la nationalité française dans le délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, outre une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens engagés au titre de la procédure de première instance ;
il soutient que :
- il est très bien intégré en France, ainsi que sa famille, dont le mode de vie révèle une
adhésion aux valeurs de la société française incompatible avec les croyances salafistes qui lui sont reprochées ; la note des services de police datée de 2005, sur laquelle se fondent les décisions contestées et le jugement attaqué, est ancienne et peu circonstanciée ; l'association Ibn Badiss dont il est trésorier est une association socio-culturelle autorisée, laïque et tolérante, qui ne promeut pas un islam radical ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 14 mai 2014, présenté par le ministre de l'intérieur, qui conclut au rejet de la requête ; il fait valoir que :
- si M. B... entend critiquer la motivation des décisions contestées, un tel moyen est irrecevable dès lors qu'il n'avait soulevé aucun moyen de légalité externe en première instance ;
- la matérialité des éléments précis et circonstanciés relevés par la note de la direction centrale des renseignements généraux du 31 octobre 2005, qui ont pu être débattus dans le cadre d'une instruction contradictoire, n'est pas valablement remise en cause par les allégations du requérant, dont le comportement est de nature à créer un doute quant à son loyalisme envers la France ;
Vu le mémoire enregistré le 14 octobre 2014, après clôture de l'instruction, présenté pour M. B... ;
Vu, II, sous le n° 14NT00997, la requête enregistrée le 14 avril 2014, présentée pour Mme A... B..., demeurant..., par Me Bouamrirene, avocat au barreau d'Orléans ; Mme B... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement nos 11-12079, 12-263 du 11 février 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions des 25 mai et 13 décembre 2011 par lesquelles le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration a rejeté sa demande de réintégration dans la nationalité française ;
2°) d'annuler ces décisions ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de faire droit à sa demande de réintégration dans la nationalité française dans le délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, outre une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens engagés au titre de la procédure de première instance ;
elle soutient que :
- elle est très bien intégré en France, ainsi que sa famille, dont le mode de vie révèle une adhésion aux valeurs de la société française incompatible avec les croyances salafistes qui lui sont reprochées ; la note des services de police datée de 2005, sur laquelle se fondent les décisions contestées et le jugement attaqué, est ancienne et peu circonstanciée ; l'association Ibn Badiss dont son époux est trésorier est une association socio-culturelle autorisée, laïque et tolérante, qui ne promeut pas un islam radical ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 14 mai 2014, présenté par le ministre de l'intérieur, qui conclut au rejet de la requête ; il fait valoir que :
- si Mme B... entend critiquer la motivation des décisions contestées, un tel moyen est irrecevable dès lors qu'elle n'avait soulevé aucun moyen de légalité externe en première instance ;
- la matérialité des éléments précis et circonstanciés relevés par la note de la direction centrale des renseignements généraux du 31 octobre 2005, qui ont pu être débattus dans le cadre d'une instruction contradictoire, n'est pas valablement remise en cause par les allégations de la requérante, dont le comportement de l'époux est de nature à créer un doute quant à son propre loyalisme envers la France, compte tenu de la durée et de l'effectivité de leur communauté de vie ;
Vu le mémoire enregistré le 9 octobre 2014, présenté pour Mme B..., qui persiste dans les conclusions de sa requête, par les mêmes moyens ;
Vu les décisions du 4 août 2014 par lesquelles la section administrative du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes a accordé à M. et à Mme B... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code civil ;
Vu le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993, modifié, relatif aux déclarations de nationalité aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 octobre 2014 :
- le rapport de M. Pouget, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Delesalle, rapporteur public ;
1. Considérant que les requêtes susvisées de M. B... et de Mme C..., épouseB..., présentent à juger les mêmes questions et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
2. Considérant que M. et Mme B..., de nationalité algérienne, relèvent appel des jugements du 11 février 2014 par lesquels le tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des décisions du 25 mai 2011, confirmées respectivement les 14 octobre et 13 décembre 2011, par lesquelles le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités locales et de l'immigration a rejeté leurs demandes de réintégration dans la nationalité française ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
3. Considérant qu'aux termes de l'article 21-15 du code civil : " (...) l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger " ; qu'aux termes de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 susvisé : " Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions. Ce délai une fois expiré ou ces conditions réalisées, il appartient à l'intéressé, s'il le juge opportun, de déposer une nouvelle demande (...) " ; qu'en vertu de ces dispositions, il appartient au ministre de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la naturalisation à l'étranger qui la sollicite ; que, dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte les renseignements défavorables recueillis sur le comportement du demandeur ;
4. Considérant, en premier lieu, que M. B... ne peut utilement invoquer, à l'appui de ses conclusions à fin d'annulation des décisions qu'il conteste, une méconnaissance par le ministre chargé des naturalisations du délai d'instruction des demandes de réintégration dans la nationalité française, fixé à dix-huit mois par les dispositions de l'article 21-25-1 du code civil, dès lors que ce délai n'est pas prescrit à peine de nullité ;
5. Considérant, en second lieu, que, pour rejeter la demande de réintégration dans la nationalité française présentée par M. B..., le ministre chargé des naturalisations s'est fondé sur la circonstance que l'engagement de l'intéressé en faveur d'un mouvement extrémiste radical, dont les thèses sont incompatibles avec les valeurs de tolérance et de laïcité de la société française, témoigne d'un défaut de loyalisme envers les institutions françaises ;
6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment d'une note de la direction centrale des renseignements généraux du 31 octobre 2005 que M. B... exerce les fonctions de trésorier de l'association culturelle et cultuelle Ibn Badiss, dont il est l'un des principaux responsables et qui gère une salle de prière radicale à Orléans ; qu'il est précisé dans la note que M. B... milite au sein d'un groupe salafiste susceptible de se déplacer à l'étranger et de servir de relais logistique à des mouvements radicaux ; que si M. B..., qui admet ses liens avec l'association Ibn Badiss, conteste en revanche l'orientation radicale de celle-ci, qui n'a pas été interdite et prônerait selon lui un islam tolérant, et souligne le caractère ancien de la note des services de police, il n'apporte néanmoins, à l'appui de ses dénégations, aucun élément précis de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le préfet sur les énonciations circonstanciées de cette note ; que, s'il se prévaut d'un courrier adressé le 8 novembre 2013 par le préfet du Loiret à l'association Ibn Badiss lui indiquant qu'elle n'est pas répertoriée comme groupuscule salafiste dans les fichiers du service régional d'information générale, cet élément est en tout état de cause postérieur à la date de la décision contestée ; qu'en estimant à cette date, eu égard non seulement aux fonctions exercées par le postulant au sein de l'association Ibn Badiss mais aussi à la mise en cause plus générale de son action militante au sein de la mouvance fondamentaliste, qu'il existait un doute sur le loyalisme de l'intéressé envers la France, le ministre n'a pas, dans l'usage de son large pouvoir d'apprécier l'opportunité d'accorder la nationalité française, commis d'erreur de fait ni d'erreur manifeste d'appréciation et ce, alors même que M. B... vit en France depuis de nombreuses années et que son mode de vie reflèterait une adhésion aux valeurs de la République et de la société française ;
7. Considérant par ailleurs que si, pour rejeter une demande de naturalisation pour un motif autre que le défaut de résidence en France, l'administration ne peut légalement se fonder que sur des faits imputables au demandeur et non à son conjoint, il lui est toutefois possible, pour opposer un tel refus, de prendre en considération la durée et l'effectivité de la communauté de vie et le comportement du conjoint lorsqu'il est établi que ce comportement est susceptible de révéler un défaut de loyalisme ou d'adhésion aux valeurs de la République ; qu'il ressort des pièces du dossier que, mariée depuis 1985 et ayant une communauté de vie effective avec son époux, Mme B... ne pouvait ignorer son comportement ; que, dans ces conditions, le ministre a pu rejeter également la demande de naturalisation de l'intéressée sans entacher ses décisions ni d'une erreur de fait ni d'une erreur manifeste d'appréciation ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
9. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation des requêtes, n'implique aucune mesure d'exécution ; que, dès lors, les conclusions à fin d'injonction présentées par M. et Mme B... ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à M. et Mme B... des sommes demandées au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Les requêtes de M. et Mme B... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B..., à Mme A... C..., épouseB..., et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 16 octobre 2014, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- M. Millet, président-assesseur,
- M. Pouget, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 novembre 2014.
Le rapporteur,
L. POUGET Le président,
A. PÉREZ
Le greffier,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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Nos 14NT00996, 14NT00997