Vu la requête, enregistrée le 3 mai 2013, complétée des mémoires enregistrés les 20 janvier 2014 et 25 février 2014, présentée pour la société Etudes Ingénierie Développement Energies Renouvelables (EIDEN), ayant son siège 2 rue du Pratel à Morhange (57340), par MeA... ;
La société EIDEN demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1102081 en date du 5 mars 2013 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 29 août 2011 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a refusé la délivrance d'un permis de construire trois parcs éoliens de quatre éoliennes à Ferrières et Velle-sur-Moselle, six éoliennes à Romain et Méhoncourt et six éoliennes à Bayon, Brémoncourt et Haigneville ;
2°) de faire droit à sa demande d'annulation de l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle en date du 29 août 2011 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
La société EIDEN soutient que :
- le jugement est entaché d'irrégularités tenant au défaut de signature et à l'absence de visa et d'analyse de plusieurs mémoires produits dans la procédure, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative ;
- le moyen tiré de l'absence d'avis du responsable du service de l'Etat chargé de l'urbanisme dans le département, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 421-28 du code de l'urbanisme alors applicable, est recevable et fondé ;
- les dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme ne sont pas méconnues par le projet de la société EIDEN et ne peuvent justifier tout au plus qu'un refus partiel au regard de la divisibilité du permis de construire ;
- les dispositions de l'article R. 122-3 du code de l'environnement ont été respectées par le dossier de demande de permis de construire ;
Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 28 octobre 2013, présenté par le ministre de l'égalité des territoires et du logement qui conclut au rejet de la requête ;
Le ministre soutient que :
- le jugement n'est pas irrégulier ;
- le refus de permis de construire n'est pas entaché d'erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme ;
- l'étude d'impact de la société EIDEN était insuffisante et justifiait le refus litigieux ;
Vu le mémoire en intervention, enregistré le 13 janvier 2014, complété par un mémoire enregistré le 6 mars 2014, présenté pour l'association pour le développement durable du Saintois et la commune de Haussonville qui concluent au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société EIDEN une somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
L'association pour le développement durable du Saintois et la commune de Haussonville soutiennent que :
- le jugement n'est pas irrégulier ;
- le refus de permis de construire n'est pas entaché d'erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme ;
- l'étude d'impact de la société EIDEN était insuffisante et justifiait le refus litigieux ;
Vu le courrier en date du 13 février 2014 avertissant les parties, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur un moyen soulevé d'office par la Cour ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de l'environnement ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 mars 2014 :
- le rapport de M. Richard, premier conseiller,
- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,
- et les observations de Me Guérin, avocat de la société EIDEN ;
Vu, enregistrée le 14 mars 2014, la note en délibéré, présentée pour la société EIDEN ;
Sur l'intervention de l'association pour le développement durable du Saintois et de la commune d'Haussonville :
1. Considérant, en premier lieu, que l'article 13 des statuts de l'association pour le développement durable du Saintois stipule que son président " a notamment qualité pour ester en justice au nom de l'association " ; que, par suite, son président, contrairement à ce que soutient la société Etudes Ingénierie Développement Energies Renouvelables (EIDEN), a qualité pour intervenir au soutien du mémoire en défense du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie tendant au rejet de la requête ;
2. Considérant, en second lieu, que l'association pour le développement durable du Saintois vise à " la préservation du développement durable du Saintois, du Bayonnais et de la Lorraine, ses paysages, ses sites, son cadre de vie, son équilibre écologique et historique " aux termes de l'article 2 de ses statuts ; que la commune d'Haussonville, limitrophe du parc, fait état de la concurrence visuelle créée par les éoliennes et de l'atteinte portée à son attractivité touristique et à son paysage ; que dans ces conditions, eu égard à la nature et à l'objet du litige relatif à un refus de permis de construire portant sur trois parcs éoliens situé dans le Bayonnais et à proximité de la commune intervenante, l'association pour le développement durable du Saintois et la commune d'Haussonville justifient d'un intérêt à intervenir au soutien des conclusions du ministre de égalité des territoires et du logement tendant au rejet de la requête présentée par la société EIDEN ;
3. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les interventions de l'association pour le développement durable du Saintois et de la commune d'Haussonville sont recevables ;
Sur la régularité du jugement :
4. Considérant qu'il ressort de la minute du jugement contesté que celui-ci vise et analyse l'ensemble des mémoires produits par la société EIDEN, notamment en ce qui concerne sa critique du motif tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact, et comporte la signature des membres de la formation de jugement; que la société requérante n'est ainsi pas fondée à soutenir que le jugement, lequel est au demeurant suffisamment motivé, est irrégulier au regard des dispositions des articles R. 741-2 et R. 741-7 du code de justice administrative ;
Sur la légalité du refus de permis de construire en date du 29 août 2011 :
5. Considérant, en premier lieu, que la société EIDEN invoque le moyen tiré de ce que le responsable de l'Etat en charge de l'urbanisme dans le département n'a pas émis d'avis dans les conditions prévues par les dispositions alors applicables de l'article R. 421-28 du code de l'urbanisme préalablement à la décision litigieuse ; qu'un tel moyen de légalité externe, qui relève d'une cause juridique distincte de celle des moyens invoqués par la société requérante dans le délai d'appel, est dès lors irrecevable, alors même qu'il avait été invoqué en première instance, et ne peut qu'être écarté ;
6. Considérant, en second lieu, que la société EIDEN conteste les deux motifs qui lui ont été opposés par le préfet de Meurthe-et-Moselle pour justifier le refus de permis de construire litigieux et tiré, d'une part, de l'insuffisance de l'étude d'impact produite à l'appui de la demande de permis de construire, d'autre part, de l'atteinte à l'intérêt et au caractère des lieux avoisinants, aux sites et aux paysages naturels en méconnaissance des dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme ;
7. Considérant qu'aux termes de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales " ;
8. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, si les constructions projetées portent atteinte aux paysages naturels avoisinants, l'autorité administrative compétente peut refuser de délivrer le permis de construire sollicité ou l'assortir de prescriptions spéciales ; que, pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage naturel de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il lui appartient d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site ; que les dispositions de cet article excluent qu'il soit procédé dans le second temps du raisonnement, pour apprécier la légalité des permis de construire délivrés, à une balance d'intérêts divers en présence, autres que ceux visés à l'article R. 111-21cité ci-dessus ;
9. Considérant que dans son arrêté en date du 29 août 2011, le préfet de Meurthe-et-Moselle a estimé que le projet de la société EIDEN relatif aux six éoliennes situées sur le territoire des communes de Bayon, Haigneville et Brémoncourt doit " s'implanter à moins de 3 500 mètres des monuments historiques de Froville et ne ménageait pas cette zone de sensibilité qu'est l'arrière plan paysager, écrin du village et de ses monuments " et portait donc atteinte au caractère des lieux et en particulier à la sensibilité du paysage entourant l'église de Froville "; que le préfet a également fait valoir dans ses écritures que l'atteinte au caractère des lieux et aux paysages naturels est non seulement constituée pour le parc de Bayon, Haigneville et Brémoncourt mais aussi en ce qui concerne les deux autres parcs éoliens ce qui justifie également le refus de permis de construire opposé ;
10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'implantation des trois parcs éoliens projetés est prévue sur des crêtes des collines du pays de Bayon, considéré par la direction régionale de l'environnement de Lorraine comme étant au nombre des paysages patrimoniaux majeurs, très pittoresques, qui jouent un rôle stratégique pour l'attractivité et pour l'image de marque de la Lorraine, et qu'il convient de préserver et de valoriser, eu égard notamment à leur relief, aux cultures diversifiées, dont de nombreux vergers, et aux routes sinueuses offrant des découvertes successives ; que les projets sont également situés au sud des collines du Vermois, considérées comme un site emblématique de la Lorraine ; que si le document intitulé " les parcs éoliens dans les paysages de Meurthe-et-Moselle " qualifie de " peu sensible " ladite zone d'implantation, elle se trouve néanmoins à proximité immédiate du Saintois, sur l'autre rive de la Moselle, qualifié par ce document de très sensible ; que, notamment, il ressort des photomontages et des cartes produites par la société pétitionnaire après le premier avis défavorable émis par la direction régionale de l'environnement de Lorraine le 20 juillet 2007, que les éoliennes envisagées seront perceptibles sur l'horizon, bien que cette vision soit atténuée par la distance, depuis la table d'orientation de la colline de Sion, première valeur patrimoniale paysagère de Lorraine, et que ladite colline de Sion est visible depuis certains des sites projetés d'implantation des éoliennes, et par conséquent co-visible avec elles ;
11. Considérant, s'agissant du parc éolien de Velle-sur-Moselle et Ferrières consistant en la construction d'un poste de livraison et de quatre éoliennes d'une hauteur maximale de 147 mètres, implantées en ligne sur la crête d'un plateau, d'une altitude moyenne de 330 mètres, séparant la vallée de la Moselle et le vallon du ruisseau des Prés, où se trouve le village d'Haussonville, le long de la route départementale 112 et de deux lignes électriques de 63 kV et de 225 kV, qu'il ressort des pièces du dossier que, d'une part, lesdites éoliennes seront visibles non seulement de la zone du plateau d'implantation, mais également de la vallée de la Moselle et seront co-visibles avec les perspectives ouvertes sur cette vallée depuis les collines ; que, d'autre part, la distance entre l'éolienne la plus proche et la première construction du village d'Haussonville, qui se situe en fond de vallon, avec un dénivelé de plus de cinquante mètres, sans qu'aucun obstacle physique ne s'interpose entre lui et les éoliennes en surplomb sur le plateau, est de moins de 1000 mètres, ce qui a pour conséquence un fort impact visuel du parc éolien depuis le village d'Haussonville, dont le château est au demeurant classé monument historique, même si ses rues ne sont pas dans l'axe de vue des éoliennes ;
12. Considérant, s'agissant du parc éolien de Méhoncourt et Romain consistant en la construction d'un poste de livraison et de six éoliennes de 147 mètres de hauteur sur la crête d'un plateau orienté selon un axe nord-ouest sud-est à proximité des villages d'Haussonville, de Romain et de Méhoncourt, qu'il ressort des pièces du dossier que le village d'Haussonville étant à une altitude d'environ 293 mètres et les éoliennes à une altitude s'étageant entre 343 et 352 mètres, l'éolienne n° 5 étant à 552 mètres du village et l'éolienne n° 4 à 590 mètres, pour les plus proches, il en résulte une situation de surplomb du village par lesdites éoliennes, qui n'a été que légèrement atténuée par la demande de modification d'implantation présentée par la société pétitionnaire ; qu'au demeurant, le volet paysager de l'étude d'impact relève que la côte présente une dénivellation d'une soixantaine de mètres et qu'à l'intérieur du village la hauteur des éoliennes cumulée à la hauteur du relief pourra créer un surplomb assez impressionnant ; que la proximité et le surplomb des éoliennes sont tels que le village sera affecté par les ombres portées de certaines de ces éoliennes ;
13. Considérant, s'agissant du parc éolien de Bayon, Brémoncourt et Haigneville consistant en la construction de six éoliennes d'une hauteur de 127 mètres sur la crête de la butte du Haut de la Sue, située perpendiculairement à la vallée de la Moselle qu'elle domine, à proximité du village d'Haigneville, que ce dernier, situé à un peu plus de 1 000 mètres de l'éolienne la plus proche, est à une altitude d'environ 287 mètres, alors que les éoliennes sont implantées à une altitude comprise entre 384 et 400 mètres environ ; que, même si seules quatre éoliennes seront visibles du village et qu'aucune d'elles ne se trouve dans les axes de découverte du village, le dénivelé d'environ 100 mètres existant entre les éoliennes et le village d'Haigneville au fond de son vallon créerait une situation de surplomb pour ce dernier, comme il ressort au demeurant des photomontages ; que, de plus, l'intégralité des six éoliennes serait visible du village de Brémoncourt, situé à 1 500 mètres de celles-ci, bien que, situé sur un bord du plateau, il souffrirait moins de l'effet de dominance ; que certaines des éoliennes seront également visuellement très présentes depuis le centre ville de Bayon, distant d'environ 1 500 mètres, situé en contrebas, comme il ressort des photomontages; qu'enfin les éoliennes seront en situation de co-visibilité avec le village de Froville, distant d'environ trois kilomètres, qui comprend un prieuré et une église romane classée, la plus ancienne de Lorraine ;
14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en estimant que la réalisation des parcs éoliens projetés par la société EIDEN était de nature à porter atteinte au caractère et à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels, le préfet de Meurthe-et-Moselle n'a entaché son refus de permis de construire d'aucune erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme ;
15. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet de Meurthe-et-Moselle aurait pris la même décision s'il s'était fondé sur ce seul motif, qui justifiait à lui seul le rejet du permis de construire sollicité, sans retenir en outre l'insuffisance de l'étude d'impact ;
16. Considérant qu'il résulte de ce tout ce qui précède que la société EIDEN n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 29 août 2011 ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative:
17. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société EIDEN demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
18. Considérant que l'association pour le développement durable du Saintois et de la commune d'Haussonville n'étant pas parties à l'instance, leurs conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er : L'intervention présentée par l'association pour le développement durable du Saintois et la commune d'Haussonville est admise.
Article 2 : La requête de la société EIDEN est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de l'association pour le développement durable du Saintois et de la commune d'Haussonville tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société EIDEN, à l'association pour le développement durable du Saintois, à la commune d'Haussonville et au ministre de l'égalité des territoires et du logement.
Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.
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