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18/10/2024 | FRANCE | N°23MA01625

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 2ème chambre, 18 octobre 2024, 23MA01625


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. E... B... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 5 mars 2023 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2301393 du 31 mai 2023, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.



Procéd

ure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 28 juin 2023, M. B..., représenté par Me Djerdjian, de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 5 mars 2023 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2301393 du 31 mai 2023, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 juin 2023, M. B..., représenté par Me Djerdjian, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 31 mai 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 5 mars 2023 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté a été pris par une autorité incompétente au vu de l'article 5 de l'arrêté portant délégation de signature du 7 février 2023 ; en tout état de cause, la compétence de l'auteur de l'arrêté ne pourrait valoir que pour les mesures d'éloignement et non pour la décision portant refus de séjour au titre de l'asile ;

- il est entaché d'une insuffisance de motivation ;

- le préfet a commis une erreur de fait ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et d'une erreur d'appréciation ;

- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

La requête a été transmise au préfet des Alpes-Maritimes et au ministre de l'intérieur qui n'ont pas produit de mémoire en défense.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 septembre 2023.

Par un courrier du 9 juillet 2024, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de ce que les conclusions et moyens présentés par M. B... tendant à l'annulation de l'arrêté en litige en tant qu'il refuse son admission au séjour au titre de l'asile sont irrecevables dès lors qu'elles sont dirigées contre une mesure qui est superfétatoire et qui ne revêt aucun caractère décisoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Danveau.

Considérant ce qui suit :

1. M. E... B..., ressortissant de nationalité nigériane né le 14 janvier 1973, a présenté le 8 juin 2020 une demande d'asile qui a été rejetée par décisions de l'office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 23 septembre 2021 puis de la cour nationale du droit d'asile du 22 avril 2022. Par un arrêté du 5 mars 2023, le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de sa destination. Le requérant relève appel du jugement du 31 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la légalité externe :

2. Aux termes du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° ; (...) ".

3. Lorsque le préfet fait précéder, dans le dispositif d'un arrêté portant obligation de quitter le territoire français pris sur le fondement du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, un article indiquant le rejet de la demande d'admission au séjour de l'étranger au titre de l'asile, cette mesure, qui ne revêt aucun caractère décisoire, est superfétatoire. En l'espèce, même s'il mentionne, à son article 1er, que " La demande de titre de séjour de M. E... B... est rejetée ", l'arrêté attaqué " portant refus de séjour d'une demande d'asile et obligation de quitter le territoire " ne peut être regardé comme lui refusant la délivrance d'un titre de séjour dès lors qu'il est constant que l'intéressé n'a pas présenté une demande de titre de séjour distincte sur un autre fondement que l'asile. Ainsi, cette mesure étant superfétatoire, en application des dispositions précitées du 4° de l'article L. 611-1, le moyen tiré de ce que Mme A..., cheffe du pôle de la sécurité routière, n'était pas compétente pour signer la décision portant refus de séjour doit être écarté comme irrecevable.

4. Par un arrêté n° 2023-101 du 7 février 2023, publié le même jour au recueil des actes administratifs spécial n° 32-2023 de la préfecture des Alpes-Maritimes, le préfet des Alpes-Maritimes a donné délégation, à Mme A..., cheffe du pôle de la sécurité routière, pour signer, notamment, l'ensemble des " mesures d'éloignement ", en cas d'absence ou d'empêchement d'autorités dont il n'est au demeurant allégué ni même établi qu'elles n'étaient pas absentes ou empêchées lors de la signature de l'arrêté contesté. Au regard de ces termes employés à l'article 6 de l'arrêté, cette compétence s'exerce sans préjudice de la compétence, décrite à l'article 5 du même arrêté, que détiennent Mme D..., cheffe du bureau des examens spécialisés, et Mme C..., son adjointe, pour signer notamment les " refus de séjour et obligation de quitter le territoire français au titre de l'asile en vertu des décisions défavorables de l'OFPRA et de la CNDA ". Par suite et alors même que la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise sur le fondement du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le moyen tiré de ce que Mme A... n'était pas compétente pour signer cette décision doit être écarté comme manquant en fait.

5. La décision contestée, qui vise notamment les dispositions des articles L. 611-1 et L. 542-1 à L. 542-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mentionne que M. B..., né le 14 janvier 1973, a présenté une demande d'asile le 8 juin 2020, rejetée par décisions de l'OFPRA du 23 septembre 2021 puis de la CNDA du 22 avril 2022, et relève que la mesure d'éloignement qui lui est opposée ne contrevient pas aux stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle comporte ainsi l'exposé des considérations de droit et de fait qui la fondent. Par suite, le préfet des Alpes-Maritimes, qui n'avait pas à faire état de l'ensemble des éléments de fait caractérisant la situation de M. B..., a suffisamment motivé sa décision.

En ce qui concerne la légalité interne :

6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ". Aux termes de l'article 3 de cette convention : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

7. M. B... soutient qu'il est arrivé en France en 2020, qu'il n'a pas d'attaches familiales dans son pays d'origine et qu'il est père de deux enfants vivant en France. Toutefois, le requérant n'apporte pas davantage en appel qu'en première instance d'éléments au soutien de ses allégations. Dans ces conditions, et en l'absence de tout élément probant en particulier sur sa situation personnelle et familiale en France, la décision contestée ne peut être regardée comme portant à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit également être écarté.

8. Contrairement à ce qu'affirme le requérant, le préfet des Alpes-Maritimes ne s'est pas borné à tirer les conséquences du rejet de sa demande d'asile par l'OFPRA et la CNDA mais a examiné la situation personnelle et familiale de l'intéressé et a relevé que ce dernier n'apportait aucun élément de nature à établir qu'il serait exposé à un risque d'atteinte grave en cas de retour au Nigéria. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen particulier ne peut qu'être écarté.

9. Il ressort des pièces du dossier que le requérant, dont la demande d'asile a été rejetée par l'OFPRA et la CNDA, reprend en appel le moyen invoqué en première instance tiré de ce que le préfet des Alpes-Maritimes a méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et a commis une erreur d'appréciation. Toutefois, il se borne à produire, ainsi que l'a relevé à bon droit le premier juge, un article général de Forum réfugiés portant sur les demandes d'asile présentées par les ressortissants nigérians. Par ailleurs, la circonstance que le préfet ait mentionné à tort que le Nigéria faisait partie des pays d'origine sûre au sens de l'article L. 531-25 du code de l'entrée et et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne saurait suffire à établir qu'il pourrait y faire l'objet de traitements inhumains ou dégradants. Par suite, les moyens ainsi invoqués par M. B... doivent être écartés.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'annulation doivent donc être rejetées. Par suite, doivent également être rejetées ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. B... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B..., à Me Djierdjian et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l'audience du 3 octobre 2024, où siégeaient :

- Mme Fedi, présidente de chambre,

- Mme Rigaud, présidente assesseure,

- M. Danveau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 octobre 2024.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA01625
Date de la décision : 18/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme FEDI
Rapporteur ?: M. Nicolas DANVEAU
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : DJIERDJIAN

Origine de la décision
Date de l'import : 23/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-18;23ma01625 ?
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