La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/07/2015 | FRANCE | N°13LY01877

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 21 juillet 2015, 13LY01877


Vu la requête, enregistrée le 16 juillet 2013, présentée pour Mme B... A..., domiciliée... ;

Mme A... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1201175 du 6 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à ce que l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) de Chantelle soit condamné à lui verser une somme de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

2°) de condamner l'EHPAD de Chantelle à lui verser à ce titre une somme de 40 000 euros ;

3°) de mettre à l

a charge de l'EHPAD de Chantelle une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 d...

Vu la requête, enregistrée le 16 juillet 2013, présentée pour Mme B... A..., domiciliée... ;

Mme A... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1201175 du 6 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à ce que l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) de Chantelle soit condamné à lui verser une somme de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

2°) de condamner l'EHPAD de Chantelle à lui verser à ce titre une somme de 40 000 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'EHPAD de Chantelle une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif a jugé que les dispositions des articles L. 1221-2, alinéa 1, et L. 1226-6 et suivants du code du travail ne s'appliquaient pas aux agents publics, dès lors que ces dispositions posent des règles relevant des principes généraux du droit du travail ;

- les textes internationaux et communautaires, et en particulier la convention de l'Organisation internationale du Travail (OIT) n° 158 sur le licenciement ainsi que la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne prohibent la pérennisation de contrats précaires ;

- les trente-sept contrats à durée déterminée qu'elle a signés avec l'EHPAD de Chantelle avaient vocation à pourvoir à un emploi permanent ; elle doit être regardée comme étant titulaire d'un contrat à durée indéterminée ; contrairement à ce qu'allègue l'EHPAD, elle a été, à l'exception de la première année, embauchée de manière continue ;

- l'EHPAD, en embauchant de nombreux salariés dans les mêmes conditions qu'elle, a détourné l'objet de l'article 9 de la loi du 9 janvier 1986 ;

- elle subit une perte de revenus de 600 euros mensuels par rapport à la période où elle travaillait ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu l'ordonnance en date du 30 septembre 2013 fixant la clôture d'instruction au 29 novembre 2013, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 15 octobre 2013, présenté pour l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes de Chantelle, représenté par son représentant légal en exercice, qui conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 000 euros soit mise à la charge de Mme A...en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que :

- le code du travail ne s'applique pas aux agents contractuels de la fonction publique hospitalière, qui sont des agents publics ;

- si Mme A...invoque la violation de textes internationaux, elle n'assortit ce moyen d'aucune précision ; en tout état de cause, la convention de l'OIT et l'article 30 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ne concernent que les cas de licenciement et non ceux de non-renouvellement de contrats à leur terme ;

- aucune disposition législative ou réglementaire n'interdit le non-renouvellement du contrat d'un agent contractuel en congé de maladie ;

- Mme A...ne remplissait pas les conditions pour voir son contrat de travail requalifié en contrat à durée indéterminée, dès lors qu'elle n'a pas été recrutée pour pourvoir des emplois permanents ; l'article 9-1 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986, dans sa version alors en vigueur, permet de recruter des agents contractuels pour assurer le remplacement d'agents indisponibles ; tous les contrats de travail de Mme A...mentionnaient qu'elle était recrutée pour effectuer de tels remplacements, ce que confirme leur discontinuité ;

- un agent en contrat à durée déterminée n'a aucun droit acquis au renouvellement de son contrat de travail ; Mme A...n'est, dès lors, pas fondée à se prévaloir d'une perte de revenus qu'elle aurait subie du fait de la décision de ne pas reconduire son contrat de travail ;

Vu le mémoire, enregistré le 21 novembre 2013, présenté pour Mme A..., qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;

elle ajoute que :

- les contrats conclus entre le 1er juillet 2010 et le 31 décembre 2011 l'ont été en méconnaissance des dispositions de l'article 5-2 du décret n° 91-155 du 6 février 1991 ;

- la référence, dans ces contrats conclus à compter du 1er janvier 2010, à l'alinéa 2 de l'article 9 de la loi du 9 janvier 1986 ne pouvait fonder le recours à des contrats à durée déterminée ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;

Vu le décret n° 91-155 du 6 février 1991 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels des établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 juin 2015 :

- le rapport de Mme Peuvrel, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Clément, rapporteur public ;

1. Considérant que Mme B...A...a conclu avec l'établissement public pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) de Chantelle des contrats de travail à durée déterminée successifs à compter du 10 juin 2002 ; que, par courrier du 30 novembre 2011, l'EHPAD l'a informée que son contrat de travail conclu le 1er juillet 2011, succédant à des contrats de durées variables conclus sans discontinuité depuis le 13 octobre 2003 et dont le terme intervenait le 31 décembre 2011, ne serait pas renouvelé ; que Mme A...a saisi l'EHPAD d'une demande indemnitaire par courrier du 20 juin 2012, demeuré sans réponse ; qu'elle relève appel du jugement du 6 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à ce que l'EHPAD soit condamné à l'indemniser à raison des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de la décision du 30 novembre 2011 ;

Sur les conclusions indemnitaires :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 9 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Par dérogation à l'article 3 du titre Ier du statut général, les emplois permanents mentionnés au premier alinéa de l'article 2 peuvent être occupés par des agents contractuels lorsque la nature des fonctions ou les besoins du service le justifient, notamment lorsqu'il n'existe pas de corps de fonctionnaires hospitaliers susceptibles d'assurer ces fonctions ou lorsqu'il s'agit de fonctions nouvellement prises en charge par l'administration ou nécessitant des connaissances techniques hautement spécialisées. / Les emplois à temps non complet d'une durée inférieure au mi-temps et correspondant à un besoin permanent sont occupés par des agents contractuels. / Les agents ainsi recrutés peuvent être engagés par des contrats d'une durée indéterminée ou déterminée. Les contrats à durée déterminée mentionnés ci-dessus sont d'une durée maximale de trois ans. Ces contrats sont renouvelables, par décision expresse. La durée des contrats successifs ne peut excéder six ans. / Si, à l'issue de la période de reconduction mentionnée à l'alinéa précédent, ces contrats sont reconduits, ils ne peuvent l'être que par décision expresse et pour une durée indéterminée. (...). " ; que selon l'article 9-1 de la même loi : " Les établissements peuvent recruter des agents contractuels pour assurer le remplacement momentané de fonctionnaires hospitaliers indisponibles ou autorisés à exercer leurs fonctions à temps partiel. Les agents ainsi recrutés sont engagés par des contrats d'une durée déterminée. (...). " ; qu'aux termes de l'article 5-2 du décret du 6 février 1991 susvisé : " Le contrat de travail à durée déterminée doit être établi par écrit et comporter la définition précise de son motif en référence aux articles 9, 9-1 ou 27-II de la loi du 9 janvier 1986 susvisée. Le contrat doit comporter toutes les indications nécessaires selon un modèle fixé par arrêté. " ;

3. Considérant, en premier lieu, que, si les contrats conclus par Mme A...stipulent tous en leur article 1er qu'ils sont conclus conformément aux dispositions de l'alinéa 2 de l'article 9 de la loi du 9 janvier 1986 précité, lesquelles permettent le recrutement d'agents contractuels sur des emplois à temps non complet et correspondant à un besoin permanent, il résulte de l'article 4 de ces mêmes contrats que le recrutement de Mme A...se fondait, de fait, sur le premier alinéa de l'article 9-1 précité de la même loi permettant le recrutement de contractuels pour des remplacements temporaires de fonctionnaires hospitaliers ; qu'il résulte des stipulations de l'article 4 de chacun des contrats que Mme A...est embauchée pour " remplacement sur congés annuels ", " remplacement sur arrêt maladie ", " mensualité de remplacement ", " remplacements congés d'été ", " remplacement congé maternité " ou " crédits de remplacement " ; que, dans ces conditions, quand bien même l'article 1er des contrats conclus entre l'intéressée et son employeur comporte une erreur sur la définition du motif du recrutement, les prescriptions de l'article 5-2 du décret du 6 février 1991 ne peuvent être regardées comme ayant été méconnues, le fondement du recrutement étant dûment mentionné et entrant dans le champ de ces dispositions ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que le moyen tiré de ce que l'EHPAD de Chantelle détournerait l'article 9 de la loi du 9 janvier 1986 ne peut qu'être écarté, l'erreur figurant à l'article 1er des contrats ne constituant qu'une erreur matérielle dont il ne résulte pas de l'instruction que l'établissement aurait tiré un quelconque avantage ;

5. Considérant, en troisième lieu, et d'une part, que, dès lors qu'elle n'a pas été recrutée sur le fondement de l'article 9 mais sur celui de l'article 9-1 de la loi du 9 janvier 1986, Mme A...ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article 9 pour faire valoir que son contrat devait être requalifié en contrat à durée indéterminée ; qu'aucune disposition ne prévoit la requalification en contrat à durée indéterminée des contrats à durée déterminée conclus en application de l'article 9-1 ; que, d'autre part, le moyen tiré de ce que le non-renouvellement du contrat de travail de MmeA..., lequel ne saurait s'analyser comme un licenciement, méconnaîtrait le premier alinéa de l'article L. 1221-2, alinéa 1 du code du travail, aux termes duquel le contrat de travail à durée indéterminée est la forme normale et générale de la relation de travail, est inopérant, ces dispositions n'étant pas applicables aux agents contractuels de la fonction publique hospitalière ;

6. Considérant, en quatrième lieu, que la décision du 30 novembre 2011 de ne pas renouveler le contrat de travail de Mme A...est motivée par le fait qu'alors qu'elle était embauchée pour remplacer des fonctionnaires, elle a elle-même été absente et a dû être remplacée, ne pouvant, ainsi, plus honorer le motif pour lequel elle était recrutée ; que, si Mme A... fait valoir que cette décision, intervenue après une période d'arrêt maladie, méconnaît les dispositions des articles L. 1226-6 et suivants du code du travail relatives à la rupture du contrat de travail après suspension de ce contrat pour motif médical, ce moyen est inopérant, le non-renouvellement de son contrat de travail étant intégralement régi par le statut général de la fonction publique, celui de la fonction publique hospitalière et le décret du 6 février 1991 susvisé ;

7. Considérant, en cinquième lieu, qu'il incombe au juge, pour apprécier si le recours, en application des dispositions de l'article 9-1 précité de la loi du 9 janvier 1986, à des contrats à durée déterminée successifs présente un caractère abusif, de prendre en compte l'ensemble des circonstances de fait qui lui sont soumises, notamment la nature des fonctions exercées, le type d'organisme employeur ainsi que le nombre et la durée cumulée des contrats en cause ; qu'à cet égard, il résulte de l'instruction que Mme A...a exercé des fonctions d'agent d'entretien au sein de l'EHPAD de Chantelle, du 10 juin 2002 au 30 juin 2003, du 7 juillet 2003 au 14 septembre 2003 et du 13 octobre 2003 au 31 décembre 2011 ; que, si ces fonctions ont été exercées, aux termes de la plupart des contrats, en remplacement d'agents indisponibles pour cause de congés ou d'arrêts maladie, elles l'ont été, selon les contrats signés entre le 1er janvier 2009 et le 31 décembre 2011, sur " crédits de remplacement ", sans plus de précision ; qu'elles ont donné lieu à trente-sept contrats au total, dont sept successivement entre juin 2002 et juin 2003 et vingt-huit successivement entre octobre 2003 et décembre 2011 ; que, dans ces conditions, Mme A...est fondée à soutenir que l'EHPAD de Chantelle a recouru abusivement à une succession de contrats à durée déterminée ;

8. Considérant, toutefois, que Mme A...se borne à invoquer un préjudice qui aurait pu résulter de ce que son contrat devait être regardé comme un contrat à durée indéterminée, de ce qu'il ne pouvait être rompu pendant une période de suspension pour maladie ou accident et de ce que la procédure de licenciement prévue par le décret du 6 février 1991 susvisé a été méconnue ; que, dès lors qu'elle ne se prévaut, ainsi, d'aucun préjudice qui serait directement lié à l'abus ci-dessus établi, ses conclusions indemnitaires ne peuvent qu'être écartées ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 6 juin 2013, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa requête ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que l'EHPAD de Chantelle n'étant pas la partie perdante, les conclusions de Mme A...tendant à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à sa charge en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... la somme que demande l'EHPAD de Chantelle au titre des mêmes dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes de Chantelle tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A...et à l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes de Chantelle.

Délibéré après l'audience du 30 juin 2015, à laquelle siégeaient :

M. Martin, président de chambre,

Mme Dèche, premier conseiller,

Mme Peuvrel, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 juillet 2015.

''

''

''

''

1

2

N° 13LY01877


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY01877
Date de la décision : 21/07/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-12-03-02 Fonctionnaires et agents publics. Agents contractuels et temporaires. Fin du contrat. Refus de renouvellement.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTIN
Rapporteur ?: Mme Nathalie PEUVREL
Rapporteur public ?: M. CLEMENT
Avocat(s) : SCP LARDANS TACHON MICALLEF

Origine de la décision
Date de l'import : 11/08/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-07-21;13ly01877 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award