Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 4 avril 2020 de l'université de Lille en tant qu'elle refuse son inscription en master 2 études slaves, retire son admission du 22 août 2019 et refuse de lui délivrer son diplôme de master 1, ensemble le rejet implicite de son recours gracieux.
Par un jugement n° 2105582 du 26 janvier 2024, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 27 mai 2024, Mme B..., représentée par Me Bouhalassa, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler les décisions précitées de l'université de Lille ;
3°) de mettre à la charge de l'université de Lille une somme de 1 200 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- les premiers juges ont commis une erreur de droit lors de l'application de l'article 4.1 du règlement des études ;
- ils ont commis une erreur d'appréciation en écartant le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision attaquée n'est pas motivée, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;
- elle ne comporte pas les nom, prénom et qualité de son auteur, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration ;
- elle est entachée d'erreur de droit dès lors, d'une part, qu'elle aurait dû bénéficier du système de compensation prévue aux articles 4.4.1 et 4.4.3.1 du règlement des études et, d'autre part, que l'université aurait à tout le moins dû mettre en œuvre une évaluation de rattrapage en application de l'article 4.1 du même règlement ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle totalisait une moyenne générale de 16 sur 20 au premier semestre et de 13,25 sur 20 au second, soit une moyenne générale annuelle de 14,625 sur 20, qu'elle n'avait obtenu aucune note éliminatoire inférieure à 5 sur 20 et qu'elle avait ainsi toute sa place en deuxième année de master.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 octobre 2024, l'université de Lille, représentée par Me Malolepsy, conclut au rejet de la requête d'appel de Mme B....
Elle soutient que :
- la requête de première instance de Mme B... était tardive et, par suite, irrecevable ;
- aucun des moyens de la requête de Mme B... n'est fondé.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 mars 2024 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Lyon.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'éducation ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Guillaume Toutias, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Caroline Regnier, rapporteure publique,
- et les observations de Me Malolepsy, représentant l'université de Lille.
Une note en délibéré présentée pour l'université de Lille a été enregistrée le 12 mars 2025.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... B..., née le 18 octobre 1991, a été inscrite au titre de l'année universitaire 2018/2019 en première année de master en études slaves à l'université de Lille. Le 22 août 2019, elle a été destinataire d'un relevé de notes et de résultats mentionnant son admission avec une moyenne générale annuelle de 14,625 sur 20 et avec la mention bien. Le 12 septembre 2019, la gestionnaire pédagogique de son master l'a informée, par courriel, que ce relevé était erroné dès lors qu'elle n'avait pas validé l'unité d'enseignement n° 6 et qu'elle devait donc se réinscrire en première année de master pour pouvoir faire un nouveau mémoire et valider ainsi cette épreuve et cette unité d'enseignement. Le 9 octobre 2019, le jury a délibéré en ce sens en déclarant Mme B... " défaillante ". Mme B... déclare n'en avoir pris connaissance qu'en consultant son relevé de notes et de résultats sur son espace personnel en ligne le 4 avril 2020. Par courrier daté du 12 octobre 2020, elle a formé un recours gracieux auprès du président de l'université aux fins d'obtenir le retrait de " la décision du 4 avril 2020 ", révélée selon elle par la consultation de son relevé de notes et de résultats sur son espace personnel en ligne et portant refus d'inscription en deuxième année de master, retrait de l'admission initialement décidée le 22 août 2019 et refus de validation de sa première année de master. Une décision implicite de rejet est née du silence gardé par le président de l'université. Mme B... relève appel du jugement du 26 janvier 2024 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande d'annulation, que le tribunal a regardé comme étant dirigée contre les décisions révélées par la consultation de son espace personnel en ligne le 4 avril 2020 et le rejet implicite de son recours gracieux, sans que Mme B... ne conteste en appel la régularité de cette qualification.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. La circonstance, à la supposer même avérée, que les premiers juges auraient commis des erreurs de droit et d'appréciation en ce qui concerne les moyens tirés de la méconnaissance du règlement des études et de l'erreur manifeste d'appréciation entacherait seulement le bien-fondé de leur jugement et non sa régularité. Il s'ensuit qu'à supposer même que Mme B... ait entendu contester le jugement attaqué pour de tels motifs, ses moyens doivent être écartés. Il appartient en tout état de cause à la cour, dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur le bien-fondé des moyens tirés du règlement des études et de l'erreur manifeste d'appréciation dès lors que Mme B... les reprend en appel et les dirige contre les décisions attaquées.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; / 2° Infligent une sanction ; / 3° Subordonnent l'octroi d'une autorisation à des conditions restrictives ou imposent des sujétions ; / 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ; / 5° Opposent une prescription, une forclusion ou une déchéance ; / 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ; / 7° Refusent une autorisation, sauf lorsque la communication des motifs pourrait être de nature à porter atteinte à l'un des secrets ou intérêts protégés par les dispositions du a au f du 2° de l'article L. 311-5 ; / 8° Rejettent un recours administratif dont la présentation est obligatoire préalablement à tout recours contentieux en application d'une disposition législative ou réglementaire ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
4. En outre, aux termes de l'article L. 232-4 du même code : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. / Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. Dans ce cas, le délai du recours contentieux contre ladite décision est prorogé jusqu'à l'expiration de deux mois suivant le jour où les motifs lui auront été communiqués ". Aux termes de l'article D. 612-36-2 du code de l'éducation, dans sa rédaction applicable au litige : " Les établissements autorisés par l'Etat à délivrer le diplôme national de master peuvent organiser un processus de recrutement conformément aux dispositions de l'article L. 612-6. Les refus d'admission sont notifiés. Les motifs pour lesquels l'admission est refusée sont communiqués aux candidats qui en font la demande dans le mois qui suit la notification de ce refus ".
5. Les délibérations d'un jury d'examen chargé d'apprécier les mérites des candidats ainsi que les décisions par lesquelles le président d'une université refuse l'admission d'un étudiant en première ou en deuxième année de master n'entrent dans aucune des catégories de décisions devant être motivées en vertu de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. En outre, alors que les décisions attaquées, que Mme B... dit être révélées par la consultation de son relevé de notes et de résultats disponible sur son espace personnel en ligne, présentent un caractère implicite, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle ait demandé que les motifs lui en soient communiqués dans les conditions prévues à l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration ou à l'article D. 612-36-2 du code de l'éducation. Enfin, il ressort en tout état de cause des pièces du dossier, notamment des échanges que Mme B... a eus par courriel avec la gestionnaire pédagogique de sa formation les 12 septembre 2019 et 23 septembre 2020, qu'elle avait non seulement connaissance mais aussi compris les motifs de droit et de fait lui étant opposés. Le moyen tiré de l'absence de motivation doit, dès lors, être écarté.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci. / (...) ". S'agissant de la délibération d'un jury, il est satisfait aux exigences découlant de cet article dès lors qu'une telle délibération porte la signature du président du jury accompagnée des mentions, en caractères lisibles, de son prénom, de son nom et de sa qualité.
7. En l'espèce, Mme B... ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration dès lors que les décisions attaquées, révélées par le relevé de notes et résultats édité le 4 avril 2020 depuis son espace personnel en ligne, n'ont pas été formalisées. Ce moyen tiré du vice de forme doit, dès lors, être écarté.
8. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme B... a obtenu une note inférieure à 10 sur 20 à l'unité d'enseignement n° 6 dénommée " mémoire et pratique de la langue ". Si elle soutient que cette unité d'enseignement aurait dû être regardée comme étant validée par compensation puisqu'elle totalisait une moyenne générale semestrielle de 13,25 sur 20, les dispositions du règlement des études dont elle se prévaut, prévoyant un tel mécanisme de compensation, ne lui sont toutefois pas applicables dès lors qu'elles portent, d'une part, sur l'année universitaire suivante et, d'autre part, sur les formations scientifiques. Le règlement des études applicable à sa formation, produit en défense par l'université, exclut au contraire explicitement tout mécanisme de compensation et prévoit que les étudiants, pour valider leur semestre et leur année, doivent obtenir une note égale ou supérieure à 10 sur 20 à chacune des unités d'enseignement de la formation. Enfin, contrairement à ce que soutient également Mme B..., le règlement des études ne prévoit, s'agissant des modalités d'évaluation du mémoire, seule épreuve à laquelle elle a obtenu une note inférieure à 10 sur 20, aucun rattrapage possible. Le moyen d'erreur de droit tiré de la méconnaissance du règlement des études doit, dès lors, être écarté en toutes ses branches.
9. En quatrième lieu, même à supposer que le règlement des études laisserait une marge d'appréciation pour repêcher un étudiant qui n'aurait pas validé l'ensemble des unités d'enseignement de sa formation, il n'appartient en tout état de cause pas au juge de l'excès de pouvoir de contrôler l'appréciation des mérites et valeurs des candidats à un examen. Le moyen d'erreur manifeste d'appréciation soulevé par Mme B... doit, dès lors, être écarté.
10. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense par l'université de Lille à l'encontre de la requête de première instance, que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande d'annulation des décisions révélées par la consultation de son espace personnel en ligne le 4 avril 2020 et du rejet implicite de son recours gracieux.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'université de Lille, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme B... et Me Bouhalassa demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à l'université de Lille et à Me Bouhalassa.
Délibéré après l'audience publique du 11 mars 2025 à laquelle siégeaient :
- M. Benoît Chevaldonnet, président de chambre,
- M. Laurent Delahaye, président-assesseur,
- M. Guillaume Toutias, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 avril 2025.
Le rapporteur,
Signé : G. ToutiasLe président de chambre,
Signé : B. Chevaldonnet
La greffière,
Signé : A-S. Villette
La République mande et ordonne à la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
par délégation,
La greffière
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N°24DA01010