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18/01/2024 | FRANCE | N°22DA01128

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 18 janvier 2024, 22DA01128


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse devant le tribunal administratif :



M. E... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler le titre exécutoire du 5 mars 2015 d'un montant de 14 784 euros et les deux titres exécutoires du 10 mars 2015 d'un montant respectif de 468 euros et de 576 euros, émis par le maire de Coudekerque-Branche pour le recouvrement des sommes engagées par la commune au titre des travaux exécutés d'office sur un bâtiment qu'il possède en indivision avec son frère, ainsi que la décharge des cr

éances correspondantes.



Par un jugement n°1504836 du 19 juillet 2018, le ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse devant le tribunal administratif :

M. E... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler le titre exécutoire du 5 mars 2015 d'un montant de 14 784 euros et les deux titres exécutoires du 10 mars 2015 d'un montant respectif de 468 euros et de 576 euros, émis par le maire de Coudekerque-Branche pour le recouvrement des sommes engagées par la commune au titre des travaux exécutés d'office sur un bâtiment qu'il possède en indivision avec son frère, ainsi que la décharge des créances correspondantes.

Par un jugement n°1504836 du 19 juillet 2018, le tribunal administratif a annulé le titre exécutoire du 10 mars 2015 d'un montant de 468 euros, déchargé M. B... de l'obligation de payer la somme correspondante et rejeté le surplus de sa demande.

Procédure contentieuse devant la cour avant cassation :

Par une requête enregistrée sous le n°18DA01907 le 17 septembre 2018 et un mémoire enregistré le 24 septembre 2019, M. E... B..., représenté par Me Marie-Agnès Lestoille, demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement ;

2°) d'annuler ces trois titres exécutoires et de le décharger, à tout le moins à hauteur de sa part dans l'indivision, de l'obligation de payer les sommes correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Coudekerque-Branche la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué, qui a omis de rechercher si l'arrêté de péril imminent forme avec les titres exécutoires les éléments d'une même opération complexe, est entaché d'une première irrégularité ;

- les premiers juges ont entaché leur jugement d'une seconde irrégularité en omettant de répondre au moyen tiré de l'impossibilité dans laquelle M. B... se trouvait de réaliser les travaux prescrits par l'arrêté de péril imminent dans le délai d'un mois imparti par cet arrêté ;

- l'arrêté de péril imminent du 5 novembre 2014 est illégal et forment une opération complexe avec les titres contestés ;

- il lui a été impossible de réaliser les travaux dans le délai prescrit par cet arrêté de péril imminent ;

- le montant des titres exécutoires ne saurait excéder ses droits dans l'indivision qu'il forme avec son frère ;

- la somme de 14 784 euros mise à sa charge au titre des travaux de démolition ne correspond pas au coût des travaux effectivement réalisés ;

- la société chargée par la commune d'exécuter ces travaux ne disposait pas des qualifications requises et elle a été choisie sans mise en concurrence ;

- la somme de 576 euros mise à sa charge au titre de frais d'expertise excède les missions de l'expert désigné ;

- la commune n'établit pas la nature de la somme de 468 euros mise à sa charge par le titre émis le 10 mars 2015, de sorte que c'est à bon droit que les premiers juges l'ont déchargé de l'obligation de payer cette somme ;

- la commune n'établit pas avoir effectivement avancé les sommes recouvrées par les titres en litige.

Par un mémoire en défense enregistré le 4 août 2019, la commune de Coudekerque-Branche, représentée par Me Julien Robillard, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. B... de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les conclusions tendant à l'annulation du titre exécutoire déjà annulé par le jugement attaqué sont irrecevables ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 15 janvier 2020, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

Par un arrêt du 9 mars 2020, la cour, à la demande de M. B..., a annulé le titre exécutoire du 5 mars 2015 d'un montant de 14 784 euros et le titre exécutoire du 10 mars 2015 d'un montant de 576 euros, en tant qu'ils excèdent, respectivement, les sommes de 7 392 euros et de 288 euros, a déchargé M. B..., dans cette mesure, de l'obligation de payer les sommes mises à sa charge et a rejeté le surplus de sa requête.

Par une décision n°440499 du 24 mai 2022, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé, à la demande de la commune de Coudekerque-Branche, cet arrêt du 9 mars 2020 en tant qu'il a fait droit à l'appel de M. B..., a rejeté le pourvoi incident de M. B... et a renvoyé, dans la mesure de l'annulation prononcée, l'affaire devant la cour, où elle a été enregistrée sous le n°22DA01128.

Procédure contentieuse devant la cour après cassation :

Par des mémoires enregistrés les 15 mai 2023, 17 octobre 2023 et 27 novembre 2023, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, M. E... B..., représenté par la SCP Bauer-Violas Feschotte-Desbois Sebagh, conclut aux mêmes fins que précédemment et à la mise à la charge de la commune de Coudekerque-Branche de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient en outre que :

- les titres exécutoires attaqués ne sont pas signés ;

- ils ne sont pas assortis des pièces justificatives ;

- ils ne lui ont pas été notifiés à M. D... B... de sorte que la solidarité entre coindivisaires ne peut être mise en œuvre ;

- il a effectué les démarches nécessaires à l'exécution des travaux prescrits et le délai d'intervention de la société ERDF ne peut lui être reproché ;

- le montant des travaux réclamés pour la démolition est excessif ;

- les frais d'expertise ne peuvent être mis à sa charge ;

- son frère a réglé le titre exécutoire émis à son encontre par la commune.

Par des mémoires enregistrés les 16 juin 2023 et 15 novembre 2023, la commune de Coudekerque-Branche, représentée par Me Julien Robillard, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'appelant de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens nouveaux contenus dans la requête ne sont pas fondés.

Par un courrier du 6 décembre 2023, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des moyens contestant la régularité des titres exécutoires litigieux dès lors que ces moyens ont été soulevés pour la première fois devant la cour après l'expiration du délai d'appel et qu'aucun moyen se rattachant à une telle cause juridique n'avait été soulevé devant la cour avant l'expiration de ce délai.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Stéphane Eustache, premier conseiller,

- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,

- et les observations de Me Olivia Feschotte-Desbois, représentant M. B..., et de Me Julien Robillard, représentant la commune de Coudekerque-Branche.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 5 novembre 2014, le maire de Coudekerque-Branche a mis en demeure M. B... et son frère, propriétaires indivis d'un immeuble situé route de Bourbourg dans cette commune, de réaliser dans un délai d'un mois les travaux nécessaires à la cessation du péril causé par ce bâtiment. Estimant que ces travaux n'avaient pas été réalisés dans le délai imparti, le maire de Coudekerque-Branche les a fait exécuter d'office et a émis à l'encontre de M. B... trois titres exécutoires correspondant à l'ensemble des dépenses exposées par la commune, le 5 mars 2015 pour un montant de 14 784 euros et le 10 mars 2015 pour des montants respectifs de 576 et 468 euros.

2. Par un jugement n°1504826 du 19 juillet 2018, le tribunal administratif de Lille, à la demande de M. B..., a annulé le titre exécutoire émis le 10 mars 2015 d'un montant de 468 euros, a prononcé la décharge de cette somme et a rejeté le surplus de sa demande tendant à l'annulation des autres titres. Par un arrêt n°18DA01907 du 9 mars 2020, la cour, à la demande de M. B..., a annulé le titre exécutoire du 5 mars 2015 en tant que son montant excède la somme de 7 392 euros, a annulé le titre exécutoire émis le 10 mars 2015 d'un montant de 576 euros en tant que son montant excède la somme de 288 euros, a prononcé la décharge des sommes correspondantes, a confirmé l'annulation du titre exécutoire émis le 10 mars 2015 d'un montant de 468 euros et a rejeté le surplus de la requête tendant à l'annulation du jugement du 19 juillet 2018.

3. Par une décision n°440499 du 24 mai 2022, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé, à la demande de la commune de Coudekerque-Branche, cet arrêt du 9 mars 2020 en tant qu'il a fait droit à l'appel de M. B..., a rejeté le pourvoi incident formé par M. B... et a renvoyé, dans la mesure de l'annulation prononcée, l'affaire devant la cour, où elle a été enregistrée sous le n°22DA01128. Par l'effet de ce renvoi, il y a lieu de se prononcer dans la présente instance sur la légalité du titre exécutoire du 5 mars 2015 d'un montant de 14 784 euros en tant que ce montant excède la somme de 7 392 euros, la légalité du titre exécutoire du 10 mars 2015 d'un montant de 576 euros en tant que ce montant excède la somme de 288 euros ainsi que sur la demande de décharge des sommes correspondantes.

Sur la fin de non-recevoir :

4. Eu égard à la teneur de ses écritures, l'appelant doit être regardé comme demandant à la cour l'annulation du jugement attaqué en tant que celui-ci n'a pas fait droit à ses demandes présentées en première instance. Il s'ensuit qu'à la date d'introduction de la requête, le litige n'avait pas perdu son objet. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par la commune de Coudekerque-Branche doit être écartée.

Sur la régularité du jugement attaqué :

5. En premier lieu, pour écarter les moyens tirés de l'illégalité de l'arrêté de péril imminent du 5 novembre 2014, les premiers juges ont relevé, au point 3 de leur jugement, que cet arrêté avait été notifié à M. B... le 8 novembre 2014, qu'il était devenu définitif à la date d'introduction de la requête de première instance et que, par suite, sa légalité ne pouvait plus être contestée par voie d'exception.

6. Contrairement à ce que soutient l'appelant, le tribunal n'était pas tenu d'indiquer les raisons pour lesquelles les titres exécutoires attaqués ne formaient pas avec cet arrêté de péril imminent une opération complexe, alors qu'au demeurant, aucun argument en ce sens n'était soulevé par les parties. L'appelant n'est pas ainsi fondé à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'insuffisance de motivation.

7. En second lieu, au point 8 du jugement attaqué, les premiers juges ont tenu compte, par des motifs suffisamment précis, des démarches entreprises par M. B... auprès de la société ERDF aux fins de procéder à la dépose des câbles électriques apposés sur la façade à démolir, ainsi qu'auprès de la société Debeer. Si l'appelant conteste les motifs du jugement attaqué qualifiant ces démarches de " tardives ", une telle contestation a trait au bien-fondé du jugement, et non à sa régularité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne l'office du juge :

8. L'annulation d'un titre exécutoire pour un motif de régularité en la forme n'implique pas nécessairement, compte tenu de la possibilité d'une régularisation par l'administration, l'extinction de la créance litigieuse, à la différence d'une annulation prononcée pour un motif mettant en cause le bien-fondé du titre.

9. Il en résulte que, lorsque le requérant choisit de présenter, outre des conclusions tendant à l'annulation d'un titre exécutoire, des conclusions à fin de décharge de la somme correspondant à la créance de l'administration, il incombe au juge administratif d'examiner prioritairement les moyens mettant en cause le bien-fondé du titre qui seraient de nature, étant fondés, à justifier le prononcé de la décharge.

10. Dans le cas où il ne juge fondé aucun des moyens qui seraient de nature à justifier le prononcé de la décharge mais retient un moyen mettant en cause la régularité formelle du titre exécutoire, le juge n'est tenu de se prononcer explicitement que sur le moyen qu'il retient pour annuler le titre : statuant ainsi, son jugement écarte nécessairement les moyens qui assortissaient la demande de décharge de la somme litigieuse.

11. Si le jugement est susceptible d'appel, le requérant est recevable à relever appel en tant que le jugement n'a pas fait droit à sa demande de décharge. Il appartient alors au juge d'appel, statuant dans le cadre de l'effet dévolutif, de se prononcer sur les moyens, soulevés devant lui, susceptibles de conduire à faire droit à cette demande.

En ce qui concerne le bien-fondé des créances :

S'agissant des moyens tirés, par voie d'exception, de l'illégalité de l'arrêté de péril imminent :

12. D'une part, aux termes de l'article L. 511-3 du code de la construction et de l'habitation dans sa rédaction applicable au litige : " En cas de péril imminent, le maire, après avertissement adressé au propriétaire, demande à la juridiction administrative compétente la nomination d'un expert qui, dans les vingt-quatre heures qui suivent sa nomination, examine les bâtiments, dresse constat de l'état des bâtiments mitoyens et propose des mesures de nature à mettre fin à l'imminence du péril s'il la constate. / Si le rapport de l'expert conclut à l'existence d'un péril grave et imminent, le maire ordonne les mesures provisoires nécessaires pour garantir la sécurité, notamment, l'évacuation de l'immeuble. / Dans le cas où ces mesures n'auraient pas été exécutées dans le délai imparti, le maire les fait exécuter d'office. En ce cas, le maire agit en lieu et place des propriétaires, pour leur compte et à leurs frais (...) ".

13. Aux termes de l'article R. 511-5 du même code : " La créance de la commune sur les propriétaires ou exploitants née de l'exécution d'office des travaux prescrits en application des articles L. 511-2 et L. 511-3 comprend le coût de l'ensemble des mesures que cette exécution a rendu nécessaires, notamment celui des travaux destinés à assurer la sécurité de l'ouvrage ou celle des bâtiments mitoyens, les frais exposés par la commune agissant en qualité de maître d'ouvrage public et, le cas échéant, la rémunération de l'expert nommé par le juge administratif ".

14. D'autre part, l'illégalité d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure que si cette dernière décision a été prise pour l'application du premier acte ou s'il en constitue la base légale. S'agissant d'un acte non réglementaire, l'exception n'est recevable que si l'acte n'est pas devenu définitif à la date à laquelle elle est invoquée, sauf dans le cas où l'acte et la décision ultérieure constituant les éléments d'une même opération complexe, l'illégalité dont l'acte serait entaché peut être invoquée en dépit du caractère définitif de cet acte.

15. En premier lieu, il est constant que l'arrêté du 5 novembre 2014 par lequel le maire de Coudekerque-Branche a mis en demeure M. B... de réaliser les travaux nécessaires à la cessation du péril causé par l'immeuble en cause lui a été régulièrement notifié le 8 novembre 2014. En l'absence de recours, administratif ou contentieux, cet arrêté était devenu définitif à la date à laquelle M. B... a soulevé par voie d'exception son illégalité devant le tribunal administratif de Lille.

16. En second lieu, si les sommes réclamées par les titres exécutoires litigieux correspondent aux coûts des travaux ordonnés par l'arrêté du 5 novembre 2014 et aux frais d'expertise accessoires, ils n'ont toutefois été édictés à l'encontre de M. B... qu'à la suite de l'exécution d'office de ces travaux, alors que l'arrêté du 5 novembre 2014 prescrivait leur exécution par MM. B... en leur qualité de propriétaires de l'immeuble causant le péril. Par suite, en l'absence de lien nécessaire entre cet arrêté du 5 novembre 2014 et les titres exécutoires litigieux, ceux-ci ne constituent pas une opération complexe.

17. Il s'ensuit que l'appelant n'est pas recevable à se prévaloir, par voie d'exception, de l'illégalité de l'arrêté de péril imminent du 5 novembre 2014 devenu définitif. Par suite, les moyens tirés de l'illégalité de cet arrêté doivent être écartés.

S'agissant du moyen tiré de l'impossibilité d'exécuter les travaux :

18. En premier lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés ci-dessus, l'appelant n'est pas recevable à contester le caractère suffisant du délai d'un mois fixé par l'arrêté du 5 novembre 2014 pour l'exécution des travaux qu'il a ordonnés.

19. En deuxième lieu, à supposer que l'exécution des travaux ordonnés par l'arrêté du 5 novembre 2014 exigeât le retrait préalable de branchements électriques par la société ERDF, M. B... soutient, sans produire aucun élément justificatif probant, avoir sollicité cette société dès le 10 novembre 2014. De même, s'il soutient n'avoir reçu que le 26 novembre 2014 un devis de cette société, il ne produit aucun élément probant à l'appui de ses allégations, alors que le devis produit est daté du 17 novembre 2014.

20. En outre, si la société ERDF n'a procédé que le 16 décembre 2014 au retrait des branchements électriques apposés sur la partie de l'immeuble à démolir, il ne résulte pas de l'instruction que M. B..., qui avait connaissance de l'urgence des travaux à entreprendre, aurait procédé aux diligences utiles pour obtenir une intervention plus rapide de cette société. Si M. B... soutient que cette date d'intervention a été décidée " en coordination avec la mairie ", il ne produit aucun élément probant à l'appui de ses allégations, alors que, dans un courrier du 12 décembre 2014, le maire de Coudekerque-Branche relevait que la société ERDF était venue sur les lieux à deux reprises et que ses services avaient transmis à l'intéressé " l'ensemble des éléments nécessaires à leur intervention ".

21. En troisième lieu, si l'appelant relève que la commune de Coudekerque-Branche ne l'a pas informé de la date de réalisation d'office des travaux, comme elle l'avait annoncé dans son courrier du 10 décembre 2014, cette circonstance est toutefois sans incidence sur les retards antérieurement accumulés dans l'exécution des travaux, qui demeurait urgente. En outre, si l'appelant soutient qu'il aurait pu exécuter les travaux le 18 décembre 2014, soit un jour après leur réalisation d'office par la commune, il ne produit aucun élément probant à l'appui de ses allégations.

22. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'impossibilité de réaliser les travaux prescrits par l'arrêté de péril imminent, en raison de circonstances survenues après son édiction, doit être écarté.

S'agissant des travaux exécutés d'office :

23. Pour justifier le montant du titre exécutoire du 5 mars 2015, qui s'élève à 14 784 euros TTC, la commune de Coudekerque-Branche produit une facture établie le 30 décembre 2014 par la société Entreprise générale de démolition (EGD), chargée de réaliser les travaux prescrits par l'arrêté de péril imminent du 5 novembre 2014.

24. En premier lieu, si le devis établi le 9 décembre 2014 par la société EGD mentionne à tort, parmi les postes de travaux à réaliser, la " démolition des sous-sols ", cette erreur matérielle ne figure plus sur la facture établie le 31 décembre 2014. En outre, si cette facture mentionne que le bâtiment démoli était situé " 14 " route de Bourbourg à Coudekerque-Branche, alors que ce bâtiment serait situé au 14 ter de cette même voie publique, cette seule erreur matérielle ne remet pas en cause la réalité des travaux facturés.

25. En deuxième lieu, si l'appelant soutient qu'avant l'intervention de la société EGD, la société Dam Rénov avait intégralement déposé le 16 décembre 2014 la partie de la couverture métallique devant être retirée et que la facture du 31 décembre 2014 mentionne à tort une telle prestation, il ne produit à l'appui de ses allégations qu'une attestation établie le 10 août 2019 par le gérant de la société Dam Rénov, indiquant que la partie de la couverture métallique " reposant sur le mur de la façade de l'entrepôt " avait été déposée le 16 décembre 2014.

26. Or ni cette attestation ni les photographies qui y sont jointes n'établissent de manière probante que les travaux de toiture prescrits par l'arrêté de péril imminent auraient été intégralement exécutés par la société Dam Rénov avant l'intervention de la société EGD, alors que cet arrêté prescrivait " la dépose de la première travée du bâtiment " et que, selon le constat d'huissier établi le 17 décembre 2014, les travaux réalisés à cette date par la société EGD ont consisté à démolir le mur de façade et à déposer des " taules de la couverture ", dont certaines étaient encore pendantes. Par suite, l'appelant n'est pas fondé à contester le bien-fondé des sommes réclamées au titre des travaux de démolition de la couverture.

27. En troisième lieu, si l'appelant soutient que les gravats produits par les travaux de démolition effectués le 17 décembre 2014 n'ont pas été enlevés du site, alors que la facture établie par la société EGD mentionne une telle prestation, il produit à l'appui de ses allégations des photographies des lieux montrant certes la présence de gravats, mais sans établir leur origine, alors que ces photographies ont été prises le 29 janvier 2017, soit plusieurs années après la réalisation des travaux litigieux. Dans ces conditions, l'appelant n'est pas fondé à contester le bien-fondé des sommes réclamées au titre de ces prestations d'enlèvement de gravats.

28. En quatrième lieu, si l'appelant soutient que le montant de la facture établie par la société EGD, qui s'élève à 12 320 euros HT, est excessif au regard des prestations fournies, il produit à l'appui de ses allégations un devis établi le 20 novembre 2014 par la société Debeer ne mentionnant que des travaux de démolition et d'enlèvement de la " charpente métallique " et des " murs en briques " de la première travée du bâtiment pour un montant de 8 800 euros HT, alors que la société EGD a réalisé, outre ces travaux, la " démolition des maçonneries mitoyennes laissées en état " afin de sécuriser le site, comme le prescrivait l'arrêté de péril imminent.

29. Si l'appelant produit en outre, à titre de comparaison, un devis établi par la société Debeer le 5 novembre 2007 mentionnant des travaux de " démolition de la maison " pour un montant de 5 750 euros, il ne résulte pas de l'instruction que ces travaux seraient similaires, par leur nature et leur ampleur, à ceux litigieux qui portaient sur la démolition partielle d'un entrepôt industriel d'une hauteur de quinze mètres. Dans ces conditions, l'appelant n'est pas fondé à contester le bien-fondé des sommes réclamées au titre des travaux de démolition.

30. En cinquième lieu, si l'appelant soutient que la société EGD n'était pas qualifiée pour procéder aux travaux prescrits par l'arrêté de péril imminent, il ne produit aucun élément précis et circonstancié à l'appui de ses allégations. S'il soutient en outre que cette société n'a pas été régulièrement choisie par la commune, en l'absence de procédure de mise en concurrence, cette circonstance, à la supposer établie, est sans incidence sur le bien-fondé de la créance litigieuse. Enfin, il résulte de l'instruction et notamment des mandats de paiement produits que la commune de Coudekerque-Branche a effectivement réglé la facture établie par la société EGD.

31. Dans ces conditions, les moyens contestant le montant des travaux exécutés d'office doivent être écartés.

S'agissant des frais d'expertise :

32. Pour justifier le montant du titre exécutoire du 10 mars 2015 qui s'élève à 576 euros TTC, la commune de Coudekerque-Branche produit une facture établie le 9 décembre 2014 par M. A... C..., expert désigné, correspondant aux opérations de constat effectuées à cette date sur les lieux des travaux à exécuter. Si l'appelant conteste le bien-fondé de cette créance, il se borne à soutenir qu'une telle prestation n'étaient pas expressément mentionnée par l'arrêté de péril imminent du 5 novembre 2014.

33. Or cette prestation avait pour objet de vérifier l'état d'avancement des travaux prescrits par la commune, alors que le délai d'un mois fixé par l'arrêté de péril imminent avait expiré et que les risques ayant justifié son édiction n'avaient pas cessé. Par son objet et eu égard aux circonstances de l'espèce, cette prestation était rendue directement nécessaire pour l'exécution des travaux prescrits par l'arrêté de péril imminent. Par suite, en application des dispositions précitées de l'article R. 511-5 du code de la construction et de l'habitation, la commune était fondée à réclamer le remboursement de cette somme, qu'elle a effectivement réglée comme l'indique le mandat produit, sans être tenue de justifier de l'impossibilité de réaliser à moindres frais cette prestation par ses propres services.

34. Par suite, le moyen contestant les frais d'expertise litigieux doit être écarté.

S'agissant de la mise en œuvre de la solidarité entre les indivisaires :

35. Aux termes de l'article L. 541-2-1 du code de la construction et de l'habitation : " Lorsqu'un arrêté pris en application de l'article (...) L. 511-2 du présent code concerne un immeuble en indivision, à compter de la notification qui a été adressée aux indivisaires par l'autorité administrative, ceux-ci sont solidairement tenus du paiement des sommes résultant des mesures exécutées d'office (...). / Lorsque, faute d'avoir pu identifier la totalité des indivisaires, l'autorité administrative n'a pas été en mesure de notifier l'arrêté à chacun d'entre eux, la solidarité entre les indivisaires identifiés court à compter de la publication de l'arrêté au fichier immobilier ou au livre foncier (...) ".

36. Il est constant que MM. E... B... et D... B... sont propriétaires indivis, à parts égales, de l'immeuble ayant causé le péril. Il résulte de l'instruction et notamment des justificatifs de réception postale produits que la commune de Coudekerque-Branche a notifié l'arrêté de péril imminent du 5 novembre 2014 à chacun des indivisaires. Dans ces conditions et alors même que les titres litigieux n'auraient pas été notifiés à M. D... B..., les indivisaires étaient, en application des dispositions précitées de l'article L. 541-2-1 du code de la construction et de l'habitation, solidairement tenus au paiement des sommes correspondant aux coûts des mesures exécutées d'office par la commune.

37. Sur le fondement de cette solidarité, la commune de Coudekerque-Branche a pu légalement décider d'émettre les titres litigieux à l'encontre de M. E... B... pour la totalité de la somme due par l'indivision qu'il formait avec son frère.

38. Si, pour l'exécution de l'arrêt n°18DA01907 du 9 mars 2020 mentionné ci-dessus, la commune a émis en juillet 2020 des titres exécutoires à hauteur de la moitié des sommes dues par l'indivision à l'encontre de M. D... B..., qui les a réglés, ces circonstances sont sans incidence, ainsi que l'a d'ailleurs relevé le Conseil d'Etat au point 3 de sa décision n°440499 du 24 mai 2022, sur le présent litige qui porte sur la légalité des titres exécutoires émis à l'encontre de M. E... B.... Lorsque la commune procèdera au recouvrement des sommes dues par ce dernier, il lui appartiendra cependant de tenir compte des sommes déjà versées par son frère au titre de l'indivision.

39. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 541-2-1 du code de la construction et de l'habitation doit être écarté.

En ce qui concerne la régularité des titres exécutoires :

40. Les moyens contestant la régularité des titres exécutoires litigieux, tirés d'un défaut de signature et de motivation, ont été soulevés pour la première fois devant la cour après l'expiration du délai d'appel. Or aucun moyen se rattachant à une telle cause juridique n'a été soulevé devant la cour avant l'expiration de ce délai. Par suite, ces moyens doivent être écartés comme irrecevables.

41. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes tendant à l'annulation du titre exécutoire émis le 5 mars 2015 pour un montant de 14 784 euros et du titre exécutoire émis le 10 mars 2015 pour un montant de 576 euros, et à la décharge des sommes correspondantes.

Sur les frais liés à l'instance :

42. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la commune de Coudekerque-Branche, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, au titre des frais exposés par l'appelant et non compris dans les dépens.

43. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de M. B... le versement d'une somme de 2 000 euros à la commune de Coudekerque-Branche au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : M. B... versera une somme de 2 000 euros à la commune de Coudekerque-Branche sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B... et à la commune de Coudekerque-Branche.

Copie en sera transmise pour information au préfet du Nord.

Délibéré après l'audience publique du 21 décembre 2023 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,

- M. Stéphane Eustache, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 janvier 2024.

Le rapporteur,

Signé : S. Eustache

La présidente de la 1ère chambre,

Signé : G. Borot

La greffière,

Signé : C. Sire

La République mande et ordonne au préfet du Nord en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Nathalie Roméro

N°22DA01128

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22DA01128
Date de la décision : 18/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Stéphane Eustache
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : SCP BAUER-VIOLAS - FESCHOTTE-DESBOIS - SEBAGH

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-18;22da01128 ?
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