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20/09/2018 | FRANCE | N°18DA00530

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 20 septembre 2018, 18DA00530


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 25 juillet 2017 par lequel le préfet de l'Eure a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination de l'éloignement, d'enjoindre au préfet de l'Eure de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de ret

ard ou, à défaut, de lui enjoindre de délivrer, dans un délai de huit jours à ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 25 juillet 2017 par lequel le préfet de l'Eure a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination de l'éloignement, d'enjoindre au préfet de l'Eure de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de lui enjoindre de délivrer, dans un délai de huit jours à compter de la notification du jugement, une autorisation provisoire de séjour sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de procéder au réexamen de sa situation, et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au bénéfice de son conseil sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 1702524 du 5 décembre 2017, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 mars 2018, MmeC..., représentée par Me D...B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 25 juillet 2017 par lequel le préfet de l'Eure a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de l'éloignement ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Eure de lui délivrer une carte de séjour temporaire valable un an, portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; subsidiairement, dans l'hypothèse ou seul un moyen de légalité externe serait retenu, de lui enjoindre de délivrer, dans un délai de huit jours à compter de l'arrêt à intervenir, une autorisation provisoire de séjour, dans l'attente du réexamen de sa situation, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros au titre des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou, subsidiairement, de mettre à la charge de l'Etat la même somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Hervé Cassara, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. MmeC..., ressortissante de la République démocratique du Congo, née le 12 avril 1990, déclare être entrée en France le 17 mai 2015. Elle a demandé l'asile le 1er décembre 2015, qui lui a été refusé par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides par décision du 27 juillet 2016, décision confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 22 mai 2017 qui lui a été notifiée le 31 mai 2017. Par un courrier du 3 juillet 2017, reçu le 4 juillet 2017, Mme C...a indiqué au préfet de l'Eure souhaiter retirer un dossier de demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade. Par arrêté du 25 juillet 2017, le préfet de l'Eure a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de l'éloignement. Mme C...relève appel du jugement du 5 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de la décision de refus de titre de séjour :

2. Tout d'abord, la décision en litige, qui vise les textes législatifs et réglementaires appliqués à la situation d'espèce, mentionne le déroulement de la procédure, les éléments dont Mme C...a fait état lors de sa demande de titre de séjour, les vérifications opérées par les services préfectoraux, ainsi que la nationalité de l'intéressée et la circonstance que celle-ci n'établit pas encourir des risques de traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans son pays d'origine, énonce ainsi les considérations de droit et de fait qui ont conduit à son adoption. Mme C...est ainsi mise à même de la contester utilement devant le juge de l'excès de pouvoir. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cette décision en fait et en droit doit, par suite, être écarté.

3. Ensuite, Mme C...soutient de nouveau en cause d'appel qu'elle a complété sa demande de titre de séjour sur le fondement de l'asile par des éléments relatifs à son état de santé, et précise qu'elle a expressément demandé un titre de séjour en qualité d'étranger malade. Toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'elle a seulement indiqué par un courrier du 3 juillet 2017 qu'elle souhaitait " retirer un dossier de demande de titre de séjour en raison de [sa] situation médicale ", qu'elle était " soutenue dans [sa] démarche par [son] médecin traitant " et qu'elle était " en attente de l'obtention d'un passeport demandé le 16 janvier 2017 " , ce dont elle justifie aussi en produisant une attestation délivrée le 16 janvier 2017 par le consulat de la République démocratique du Congo à Anvers (Royaume de Belgique). Eu égard aux pièces du dossier et aux termes de ce courrier, dont il n'est pas établi qu'y auraient été joints des éléments précis et circonstanciés relatifs à son état de santé, notamment des certificats médicaux, Mme C... ne peut utilement soutenir en cause d'appel qu'elle a complété sa demande de titre de séjour, déposée au titre de l'asile, en sollicitant l'application du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors même qu'elle ne pouvait ignorer, après avoir reçu le 31 mai 2017 notification de l'arrêt du 22 mai 2017 de la Cour nationale du droit d'asile rejetant sa demande de reconnaissance de la qualité de réfugiée, que cette demande de titre de séjour au titre de l'asile allait être nécessairement rejetée par le préfet. En l'absence de fourniture d'un passeport, le préfet de l'Eure ne pouvait non plus être saisi d'une nouvelle demande sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le dossier de Mme C... n'étant pas complet.

4. Mme C...ne saurait dans ces conditions utilement se prévaloir en cause d'appel ni de ce que la décision attaquée, par laquelle le préfet a seulement statué sur sa demande de titre de séjour en qualité de réfugiée, a été prise au terme d'une procédure irrégulière, en l'absence de saisine du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), ni de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'ayant pu, ainsi qu'il vient d'être dit, être valablement saisi d'une demande de Mme C...sur ce fondement. Compte tenu de ces éléments et de ce qui a été précisé aux points 2 et 3, la décision en litige n'est pas non plus entachée d'un défaut d'examen de sa situation particulière.

5. Enfin, MmeC..., ressortissante de la République démocratique du Congo, a vu sa demande d'asile rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides par une décision du 27 juillet 2016, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 22 mai 2017. Le préfet de l'Eure était donc tenu de refuser à Mme C...la carte de résident qu'elle sollicitait sur le fondement des dispositions du 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui prévoient l'attribution de plein droit de ce titre à l'étranger qui a obtenu le statut de réfugié en application du livre VII de ce code. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'article L. 313-14 du même code, de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droit de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences du refus que le préfet lui a ainsi opposé sur sa situation personnelle, sont inopérants. Il en va de même du moyen tiré de l'absence de saisine préalable du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

6. Il résulte de ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que la décision lui refusant un titre de séjour est entachée d'illégalité.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français et fixant le délai de départ volontaire :

7. Il résulte de ce qui a été dit au point 6 que la décision contestée n'est pas illégale du fait de l'illégalité dont serait entachée la décision de refus de titre de séjour.

8. En application des dispositions du 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mentionné dans l'arrêté du 16 février 2017, l'obligation de quitter le territoire français qui assortit une décision de refus de titre de séjour, n'a pas à faire l'objet d'une motivation en fait distincte de celle de cette décision. Elle est, en l'espèce, suffisamment motivée. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de la motivation de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

9. MmeC..., qui a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile, a dès lors été mise à même de faire valoir, avant l'intervention de l'arrêté qui lui a refusé l'admission au séjour et l'a également obligée à quitter le territoire français avec un délai de départ volontaire, tous éléments d'information ou arguments de nature à influer sur le contenu de ces mesures. Par suite, la garantie consistant dans le droit à être entendu préalablement à la mesure d'éloignement, telle qu'elle est notamment consacrée par le droit de l'Union européenne, n'a pas été méconnue.

10. Il est constant que MmeC..., qui n'est présente en France que depuis deux ans et demi à la date de la décision en litige, n'a quitté son pays d'origine qu'à l'âge de vingt-cinq ans. Il ressort aussi des pièces du dossier que si elle avance que son compagnon a quitté la République démocratique du Congo, elle n'établit pas ni même n'allègue qu'il serait titulaire d'un titre de séjour en France, et n'est pas dépourvue d'attaches dans le pays dont elle a la nationalité, puisque ses trois enfants ainsi que les membres de sa famille y résident. Elle avance aussi qu'elle a dû quitter la République démocratique du Congo en raison des persécutions qu'elle y encourait, mais elle ne verse au dossier aucun élément probant de nature à établir qu'elle serait exposée personnellement à des traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans son pays d'origine. Sa demande d'asile, au demeurant, a été rejetée par la Cour nationale du droit d'asile. Elle soutient aussi avoir tissé des liens personnels et familiaux en France, mais elle ne justifie devant les premiers juges comme en cause d'appel d'aucune insertion sociale ou professionnelle d'une particulière intensité, ni même d'une perspective d'insertion professionnelle. La décision en litige n'a, dès lors, pas été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Au regard de ces éléments, pour l'obliger à quitter le territoire français, le préfet de l'Eure a examiné les particularités de sa situation et n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressée.

11. Il résulte de l'ensemble des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 et des articles R. 511-1 et R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que, dès lors qu'il dispose d'éléments d'information suffisamment précis permettant d'établir qu'un étranger, résidant habituellement en France, présente un état de santé susceptible de le faire entrer dans la catégorie des étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, le préfet doit, lorsqu'il envisage de prendre une telle mesure à son égard, et alors même que l'intéressé n'a pas sollicité le bénéfice d'une prise en charge médicale en France, recueillir préalablement l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

12. Il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment des productions de Mme C... en cause d'appel, que le préfet de l'Eure aurait disposé, à la date de la décision contestée, d'éléments d'information précis, et notamment de certificats ou avis médicaux, permettant d'établir que Mme C...présentait un état de santé susceptible de la faire entrer dans la catégorie des étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire. Par suite, le moyen tiré du défaut de saisine de ce collège doit encore être écarté.

13. Il résulte de ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que la décision l'obligeant à quitter le territoire français avec un délai de départ volontaire de trente jours est entachée d'illégalité.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

14. Compte tenu de ce qui a été dit au point 13, le moyen tiré de l'illégalité de la décision fixant le pays de destination du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.

15. La décision fixant le pays de destination vise le I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, mentionne la nationalité de l'intéressée et fait état de l'examen de sa situation personnelle au regard de ces textes. Elle est ainsi suffisamment motivée en fait et en droit. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

16. Pour le reste, MmeC..., ainsi qu'il a été dit au point 9, n'apporte aucun élément probant relatif aux traitements inhumains ou dégradants dont elle pourrait être directement et personnellement victime en cas de retour dans son pays d'origine. Le moyen tiré de la méconnaissance par le préfet de l'Eure des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.

17. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction et ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, par suite, être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...C..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à Me D...B....

Copie en sera adressée pour information au préfet de l'Eure.

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N°18DA00530


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18DA00530
Date de la décision : 20/09/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Hervé Cassara
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : SELARL MADELINE-LEPRINCE-MAHIEU

Origine de la décision
Date de l'import : 23/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2018-09-20;18da00530 ?
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