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25/04/2017 | FRANCE | N°15DA01707

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre - formation à 3 (ter), 25 avril 2017, 15DA01707


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... E...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler la décision du 4 septembre 2013 par laquelle le directeur du centre de détention de Val-de-Reuil a décidé son placement, à titre préventif, en cellule disciplinaire.

Par un jugement n°1303366 du 12 mai 2015, le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 octobre 2015, M.E..., représenté par Me C... B..., demande à la cour :

1°) d'an

nuler le jugement du tribunal administratif de Rouen du 12 mai 2015 ;

2°) d'annuler la décision du di...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... E...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler la décision du 4 septembre 2013 par laquelle le directeur du centre de détention de Val-de-Reuil a décidé son placement, à titre préventif, en cellule disciplinaire.

Par un jugement n°1303366 du 12 mai 2015, le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 octobre 2015, M.E..., représenté par Me C... B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rouen du 12 mai 2015 ;

2°) d'annuler la décision du directeur du centre de détention de Val-de-Reuil du 4 septembre 2013 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la minute du jugement n'est pas signée ;

- les premiers juges se sont limités à un contrôle restreint de la décision en litige, au lieu d'exercer un contrôle entier ;

- le sens des conclusions du rapporteur public, mis en ligne la veille de l'audience, n'était pas suffisamment précis, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 711-3 du code de justice administrative ;

- la signature de l'auteur de la décision est illisible, en méconnaissance des dispositions de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 ;

- la décision est entachée d'incompétence de son auteur, faute de signature lisible et de publicité suffisante de l'arrêté de délégation de signature ;

- elle a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière, en méconnaissance de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 mars 2017, le garde des Sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. E...ne sont pas fondés.

M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 juin 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de procédure pénale ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président assesseur,

- et les conclusions de M. Jean-Marc Guyau, rapporteur public.

1. Considérant que, par une décision du 4 septembre 2013, le directeur du centre de détention de Val-de-Reuil a décidé le placement, à titre préventif, de M. E...en cellule disciplinaire ; que celui-ci relève appel du jugement du 12 mai 2015 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience " ;

3. Considérant que, si M. E... soutient que le jugement attaqué serait irrégulier pour ne pas comporter, en méconnaissance des dispositions précitées, les signatures du président de la formation de jugement, du rapporteur de l'affaire et du greffier d'audience, il résulte de l'examen de la minute de ce jugement, jointe au dossier de première instance transmis à la cour, que ce moyen manque en fait ; que la circonstance que l'expédition notifiée au requérant ne comporterait pas ces signatures est sans incidence sur la régularité du jugement ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article R. 711-3 du code de justice administrative : " Si le jugement de l'affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, le sens de ces conclusions sur l'affaire qui les concerne (...) " ;

5. Considérant que la communication aux parties du sens des conclusions, prévue par les dispositions de l'article R. 711-3 du code de justice administrative, a pour objet de mettre les parties en mesure d'apprécier l'opportunité d'assister à l'audience publique, de préparer, le cas échéant, les observations orales qu'elles peuvent y présenter, après les conclusions du rapporteur public, à l'appui de leur argumentation écrite et d'envisager, si elles l'estiment utile, la production, après la séance publique, d'une note en délibéré ; qu'en conséquence, à peine d'irrégularité de la décision rendue sur les conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires doivent être mis en mesure de connaître, dans un délai raisonnable avant l'audience, l'ensemble des éléments du dispositif de la décision que le rapporteur public compte proposer à la formation de jugement d'adopter, à l'exception de la réponse aux conclusions qui revêtent un caractère accessoire, notamment celles qui sont relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les parties ont été mises en mesure de savoir, par l'intermédiaire du système informatique de suivi de l'instruction, dès le 11 avril 2015, soit trois jours avant la tenue de l'audience au cours de laquelle l'affaire allait être examinée, que le rapporteur public conclurait " au rejet au fond " de la requête introduite par M. E... devant le tribunal administratif de Rouen ; qu'eu égard aux caractéristiques du litige, cette mention indiquait de manière suffisamment précise le sens de la solution que le rapporteur public envisageait de proposer à la formation de jugement ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué aurait été rendu au terme d'une procédure irrégulière doit être écarté ;

7. Considérant que la circonstance que les premiers juges se seraient limités à un contrôle de l'erreur manifeste d'appréciation constitue un moyen affectant le bien-fondé du jugement ; que, dès lors, le moyen tenant à l'irrégularité, pour ce motif, du jugement doit être écarté ;

Sur la légalité de la décision :

8. Considérant qu'aux termes de l'article 4 de la loi susvisée du 12 avril 2000 désormais codifié à l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration : " (...) Toute décision prise par l'une des autorités administratives mentionnées à l'article 1er comporte, outre la signature de son auteur, la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci. " ;

9. Considérant que la décision en litige mentionne le nom, l'initiale du prénom et la qualité de son auteur ; qu'elle est revêtue de la signature de ce dernier ; que, dans ces conditions, et quand bien même cette signature serait " illisible ", comme le soutient M. E..., ce dernier était en mesure d'identifier l'auteur de l'acte ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 ne peut qu'être écarté ;

10. Considérant qu'aux termes de l'article R. 57-7-5 du code de procédure pénale : " Pour l'exercice de ses compétences en matière disciplinaire, le chef d'établissement peut déléguer sa signature à son adjoint, à un directeur des services pénitentiaires ou à un membre du corps de commandement du personnel de surveillance placé sous son autorité. / Pour les décisions de confinement en cellule individuelle ordinaire et de placement en cellule disciplinaire, lorsqu'elles sont prises à titre préventif, le chef d'établissement peut en outre déléguer sa signature à un major pénitentiaire ou à un premier surveillant. " ;

11. Considérant que, par une décision du 27 janvier 2011, le directeur du centre pénitentiaire de Val-de-Reuil a donné à M. A...D..., lieutenant placé sous son autorité, délégation permanente de signature à l'effet de placer les personnes détenues, à titre préventif, en confinement en cellule individuelle ordinaire ou en cellule disciplinaire ; qu'il ressort des pièces du dossier que cette décision a été publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture de l'Eure du 31 janvier 2011, et a, en outre, fait l'objet d'un affichage dans la salle de la commission de discipline ; que, dès lors, la mesure de publicité dont a ainsi fait l'objet cet acte réglementaire a été suffisante pour rendre celui-ci opposable à M. E... ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision en litige doit être écarté ;

12. Considérant qu'aux termes de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 désormais codifié aux articles L. 121-1, L. 121-2 et L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1 et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. L'autorité administrative n'est pas tenue de satisfaire les demandes d'audition abusives, notamment par leur nombre, leur caractère répétitif ou systématique. / Les dispositions de l'alinéa précédent ne sont pas applicables : 1° En cas d'urgence ou de circonstances exceptionnelles ; 2° Lorsque leur mise en oeuvre serait de nature à compromettre l'ordre public ou la conduite des relations internationales (...) " ;

13. Considérant que M. E...soutient qu'il n'a pas été mis à même de présenter ses observations avant l'édiction de la décision le plaçant, à titre préventif, en cellule disciplinaire ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que cette mesure a été prise en raison d'une altercation violente entre le requérant et un surveillant, et que la décision en litige précise que " la mise en prévention a été nécessaire afin de mettre un terme à l'incident " ; que, dans ces conditions, et en tout état de cause, la décision en litige pouvait compte tenu de l'urgence, en application des dispositions précitées de l'alinéa 1er de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, être édictée sans que M. E...ait été mis à même de présenter des observations ; qu'il ressort en outre du rapport d'enquête mentionné ci-dessus que le requérant a été entendu à 16h45, soit trois heures après le début de la mesure contestée ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ne peut qu'être écarté ;

14. Considérant que la décision de placement à titre préventif de M. E...en cellule disciplinaire expose les faits qui ont motivé la mesure, les qualifie de fautes du premier et du second degré, et précise que " la mise en prévention a été nécessaire afin de mettre un terme à l'incident " ; que, par suite, en précisant que les conditions de mise en oeuvre de cette mesure, telles que prévues par les dispositions de l'article R. 57-7-18 du code de procédure pénale, sont remplies, et alors même qu'il ne vise pas expressément ces dispositions, le directeur du centre de détention de Val-de-Reuil a suffisamment motivé sa décision ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision contestée ne peut qu'être rejeté ;

15. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. E...a physiquement bousculé un surveillant, puis a proféré des menaces à son encontre, que l'usage de la force a été nécessaire pour stopper l'incident ; que, compte tenu du comportement violent et agressif du requérant, son placement en cellule disciplinaire à titre préventif a été considéré comme le seul moyen de mettre fin à l'incident ; que M. E...n'établit, ni même n'allègue, qu'il aurait pu être placé à l'isolement dans sa propre cellule ; qu'au surplus, M. E...a proféré des menaces à l'égard du gardien qui l'escortait en cellule disciplinaire, et il se montrait toujours agressif lors de son entretien qui s'est déroulé trois heures après l'incident ; que, dans ces conditions, il n'est pas établi que le directeur du centre pénitentiaire de Val-de-Reuil aurait entaché sa décision d'une erreur d'appréciation en décidant de placer, à titre préventif, M. E... en cellule disciplinaire ;

16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M.F... E..., au garde des Sceaux, ministre de la justice et à Me C...B....

Délibéré après l'audience publique du 28 mars 2017 à laquelle siégeaient :

- M. Etienne Quencez, président de la Cour,

- M. Marc Lavail Dellaporta, président assesseur,

- Mme Muriel Milard, premier conseiller.

Lu en audience publique le 25 avril 2017.

Le rapporteur,

Signé : M. G... Le président de la Cour,

Signé : E. QUENCEZ

Le greffier,

Signé : M.T. LEVEQUE

La République mande et ordonne au garde des Sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier,

Marie-Thérèse Lévèque

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N°15DA01707


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre - formation à 3 (ter)
Numéro d'arrêt : 15DA01707
Date de la décision : 25/04/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

37-05-02-01 Juridictions administratives et judiciaires. Exécution des jugements. Exécution des peines. Service public pénitentiaire.


Composition du Tribunal
Président : M. Quencez
Rapporteur ?: M. Marc (AC) Lavail Dellaporta
Rapporteur public ?: M. Guyau
Avocat(s) : DAVID

Origine de la décision
Date de l'import : 09/05/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2017-04-25;15da01707 ?
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