Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler l'arrêté du 15 janvier 2020 par lequel le préfet de La Réunion a ordonné l'interruption des travaux qu'elle a engagés pour la construction d'un caveau funéraire surélevé d'une chapelle, ainsi que la décision du 9 juin 2020 rejetant son recours gracieux.
Par un jugement n° 2000651 du 30 mars 2023, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 3 juillet 2023, Mme B... représentée par Me Rapady, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de La Réunion du 30 mars 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Réunion du 15 janvier 2020 et la décision du 9 juin 2020 rejetant le recours gracieux formé à son encontre ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle est bien titulaire d'une décision du maire de Saint-Paul l'autorisant à construire un monument funéraire sur la concession qu'elle a acquise au sein du cimetière marin de la commune ; la circonstance que sa demande a été instruite par le service chargé de la gestion des cimetières et non par le service d'urbanisme de la commune ne lui est pas opposable ; il appartenait à la commune de rediriger sa demande vers le bon service instructeur et de solliciter l'avis de l'architecte des bâtiments de France dès lors que la teneur de son dossier était identifiable et portait clairement sur une demande d'autorisation de construire ; son dossier devait être regardé comme complet dans la mesure où le maire ne l'a pas invitée à le compléter dans le délai d'un mois suivant son dépôt conformément aux dispositions de l'article R. 423-22 du code de l'urbanisme ; elle est donc devenue titulaire d'une autorisation créatrice de droits devenue définitive qui ne pouvait plus être retirée ;
- c'est à tort que le tribunal a considéré que la commune n'avait pas été saisie d'une demande d'autorisation d'urbanisme ;
- l'application de l'article R. 421-2 du code de l'urbanisme conduit à considérer que la construction d'un monument funéraire dans un site classé doit être précédée d'une déclaration préalable ; son projet ne porte pas atteinte à l'aspect de l'immeuble classé ni n'en compromet la conservation ;
- le préfet a méconnu la procédure contradictoire préalable applicable aux décisions individuelles défavorables devant être motivées dès lors que la décision ordonnant l'interruption des travaux relève de cette catégorie ;
- la décision n'est pas motivée en méconnaissance de l'article L. 480-2 du code de l'urbanisme ;
- le préfet ne pouvait procéder à son retrait en méconnaissance du délai prévu par l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme puisqu'elle bénéficiait d'une autorisation d'urbanisme implicitement acquise le 13 décembre 2017.
Par un mémoire en défense enregistré le 13 février 2025, le ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 14 février 2025, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 28 février 2025 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code du patrimoine ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Valérie Réaut,
- les conclusions de M. Julien Dufour, rapporteur public,
- et les observations de Me Tamil, substituant Me Rapady, représentant Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... relève appel du jugement du 30 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de La Réunion du 15 janvier 2020 lui ordonnant de cesser immédiatement les travaux de construction d'un monument funéraire sur la concession dont elle est titulaire dans le cimetière marin de Saint-Paul et de la décision du 9 juin 2020 par laquelle la même autorité a rejeté le recours gracieux formé contre cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 480-2 du code de l'urbanisme : " (...) Dès qu'un procès-verbal relevant l'une des infractions prévues à l'article L. 480-4 du présent code a été dressé, le maire peut également, si l'autorité judiciaire ne s'est pas encore prononcée, ordonner par arrêté motivé l'interruption des travaux. (...) Dans le cas de constructions sans permis de construire (...), le maire prescrira par arrêté l'interruption des travaux ainsi que, le cas échéant, l'exécution, aux frais du constructeur, des mesures nécessaires à la sécurité des personnes ou des biens ; (...). Dans tous les cas où il n'y serait pas pourvu par le maire et après une mise en demeure adressée à celui-ci et restée sans résultat à l'expiration d'un délai de vingt-quatre heures, le représentant de l'État dans le département prescrira ces mesures et l'interruption des travaux par un arrêté dont copie sera transmise sans délai au ministère public. "
3. Mme B..., bénéficiaire de la concession funéraire n° 162 d'une superficie de 5 m² au sein du cimetière marin de Saint-Paul, a décidé d'y faire construire un monument funéraire doté d'une chapelle. A la suite d'un procès-verbal de constat d'infraction dressé par un agent assermenté de la direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement de La Réunion le 9 janvier 2020, et la mise en demeure adressée au maire de Saint-Paul de faire cesser les travaux étant restée vaine, le préfet de La Réunion a ordonné, par un arrêté du 15 janvier 2020, l'interruption immédiate des travaux au motif qu'ils avaient été entrepris sans autorisation d'urbanisme.
En ce qui concerne la nécessité d'une autorisation d'urbanisme :
4. Aux termes de l'article L. 2223-13 du code général des collectivités territoriales : " Les bénéficiaires de la concession peuvent construire sur ces terrains des caveaux, monuments et tombeaux. ". En vertu des articles L. 421-1 et L. 421-4 du code de l'urbanisme, les constructions ne relevant pas de la liste réglementaire faisant l'objet d'une simple déclaration préalable, doivent en principe être précédées de la délivrance d'un permis de construire. L'article R. 421-16 de ce code dispose que : " Tous les travaux portant sur un immeuble ou une partie d'immeuble inscrit au titre des monuments historiques sont soumis à permis de construire, à l'exception des travaux d'entretien ou de réparations ordinaires et des travaux répondant aux conditions prévues à l'article R. 421-8. ". Aux termes de l'article L. 621-27 du code du patrimoine : " Lorsque les constructions ou les travaux envisagés sur les immeubles inscrits au titre des monuments historiques sont soumis à permis de construire. (...) la décision accordant le permis (...) ne peut intervenir sans l'accord de l'autorité administrative chargée des monuments historiques."
5. Il ressort des pièces du dossier que, par un arrêté du préfet de la Réunion du 26 janvier 2012, le cimetière marin de Saint-Paul a été inscrit au titre des monuments historiques. Il s'ensuit que le projet de Mme B..., consistant à construire un monument funéraire avec une chapelle sur la concession dont elle bénéficie dans ce cimetière, doit faire l'objet d'un permis de construire soumis à l'accord de l'architecte des bâtiments de France.
En ce qui concerne l'existence d'une autorisation d'urbanisme :
6. Aux termes de l'article A 431-4 du code de l'urbanisme : " La demande de permis de construire prévue aux articles R. 421-1 et R. 421-14 à R. 421-16 est établie conformément aux formulaires enregistrés par la direction générale de la modernisation de l'État : (...) / b) Sous le numéro Cerfa 13409 lorsque la demande porte sur une construction autre qu'une maison individuelle ou ses annexes. (...) ". L'article A 434-1 du même code ajoute que : " Les modèles de formulaires, de bordereaux de dépôt des pièces jointes, (...) prévus par les sections I et II du chapitre Ier peuvent être obtenus auprès des mairies ou des services départementaux de l'État chargés de l'urbanisme et sont disponibles sur le site internet officiel de l'administration française : http://www.service-public.fr/. "
7. Il résulte des dispositions précitées qu'une demande de permis de construire est formalisée et doit être établie conformément aux formulaires accessibles à partir d'un site internet officiel. Si Mme B... soutient qu'elle a présenté une demande de permis de construire en vue de l'édification du monument funéraire sur sa concession en se prévalant des documents qu'elle a transmis au service funéraire de la commune, aucun de ces documents ne correspond au formulaire réglementaire prévu par les dispositions précitées. Mme B... ne pouvant être regardée comme ayant déposé une demande de permis de construire, elle ne peut utilement soutenir que le service funéraire de la commune aurait dû transmettre sa demande de permis de construire au service d'urbanisme ni, par suite, que le silence de l'administration aurait donné naissance à un permis de construire tacite. Elle ne peut davantage prétendre que le document que le service funéraire lui a délivré constituerait une autorisation de construire. Par conséquent, le préfet a pu régulièrement considérer que les travaux de construction du caveau dans le cimetière marin de Saint-Paul ont été réalisés sans autorisation et, à la suite de la vaine mise en demeure adressée au maire de Saint-Paul, ordonner à la requérante d'en interrompre l'exécution. Le motif de l'arrêté du 15 janvier 2020 n'est ainsi ni matériellement inexact ni entaché d'une erreur de droit.
8. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de La Réunion du 15 janvier 2020 et de la décision du 9 juin 2020 rejetant le recours gracieux formé à son encontre.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme B... demande au titre des frais non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation.
Délibéré après l'audience du 18 mars 2025 à laquelle siégeaient :
M. Laurent Pouget, président,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,
Mme Valérie Réaut, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 avril 2025.
La rapporteure,
Valérie RéautLe président,
Laurent Pouget Le greffier,
Christophe Pelletier
La République mande et ordonne au préfet de La Réunion en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 23BX01804