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07/05/2024 | FRANCE | N°22BX01606

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 5ème chambre, 07 mai 2024, 22BX01606


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Engie a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 7 mai 2019 par lequel le préfet des Pyrénées-Atlantiques lui a prescrit de réaliser un diagnostic et un plan de gestion de dépollution au droit de l'ancienne usine à gaz de Bizanos.



Par un jugement n° 1902024 du 30 mars 2022, le tribunal administratif de Pau a annulé l'arrêté du 7 mai 2019.



Procédure devant la cour :



Par un

e requête et un mémoire, enregistrés le 13 juin 2022 et le 24 juin 2022, le ministre de la transition écologique et de la cohé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Engie a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 7 mai 2019 par lequel le préfet des Pyrénées-Atlantiques lui a prescrit de réaliser un diagnostic et un plan de gestion de dépollution au droit de l'ancienne usine à gaz de Bizanos.

Par un jugement n° 1902024 du 30 mars 2022, le tribunal administratif de Pau a annulé l'arrêté du 7 mai 2019.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 13 juin 2022 et le 24 juin 2022, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 30 mars 2022 du tribunal administratif de Pau ;

2°) de rejeter la demande de la société Engie.

Il soutient que :

- le tribunal a commis une erreur de droit en n'accueillant pas l'exception de non-lieu partiel opposée par la société Engie ;

- la prescription trentenaire ne pouvait pas être opposée en l'espèce.

Par un mémoire enregistré le 15 novembre 2022, la société Engie, représentée par l'AARPI Foley Hoag, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 500 euros soit mise à la charge de l'État en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'elle n'a pas sollicité de non-lieu à statuer et que les moyens soulevés sont infondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Sébastien Ellie ;

- les conclusions de M. Stéphane Gueguein, rapporteur public ;

- et les observations de Me Chevalier, représentant la société Engie.

Considérant ce qui suit :

1. Une usine de production et de stockage de gaz de houille a été exploitée de 1853 à 1958 sur un ensemble de parcelles du territoire de la commune de Bizanos, notamment par la société Gaz de France, dernier exploitant de cette activité, au droit de laquelle est venue la société Engie. Une partie des parcelles a été cédée à une entreprise spécialisée dans la fabrication de systèmes de frein ferroviaire, qui a cessé son activité sur le site en 2008. Par un arrêté du 7 mai 2019, le préfet des Pyrénées-Atlantiques a prescrit à la société Engie d'établir un diagnostic des lieux sur l'ensemble du site de l'ancienne usine de production et de stockage de gaz, constitué des parcelles cadastrées AO n°2, 3, 7, 601, 603, 604, 607, 610, 611, 612, 624 et 625, ainsi que, sur la base des informations récoltées, un plan de gestion des pollutions constatées, compatible avec un usage industriel du site. Le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires relève appel du jugement du 30 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Pau a annulé l'arrêté du 7 mai 2019.

2. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique (...) ". L'article L. 512-6-1 du même code dispose que : " Lorsqu'une installation autorisée avant le 1er février 2004 est mise à l'arrêt définitif, son exploitant place son site dans un état tel qu'il ne puisse porter atteinte aux intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 et qu'il permette un usage futur du site déterminé conjointement avec le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'urbanisme et, s'il ne s'agit pas de l'exploitant, le propriétaire du terrain sur lequel est sise l'installation. (...) ". Aux termes de l'article R. 512-3 du même code : " Lorsqu'une installation classée soumise à autorisation est mise à l'arrêt définitif, (...) l'exploitant transmet au préfet dans un délai fixé par ce dernier un mémoire précisant les mesures prises ou prévues pour assurer la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 compte tenu du ou des types d'usage prévus pour le site de l'installation (...) ". L'article R. 512-39-4 de ce code dispose que : " I. - A tout moment, même après la remise en état du site, le préfet peut imposer à l'exploitant, par arrêté pris dans les formes prévues à l'article R. 181-45, les prescriptions nécessaires à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 (...) ". Enfin, l'article R. 512-39-5 du même code dispose que : " Pour les installations ayant cessé leur activité avant le 1er octobre 2005, le préfet peut imposer à tout moment à l'exploitant, par arrêté pris dans les formes prévues à l'article R. 181-45, les prescriptions nécessaires à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1, en prenant en compte un usage du site comparable à celui de la dernière période d'exploitation de l'installation ".

3. En premier lieu, si la société Engie soutenait à titre subsidiaire, en première instance, avoir exécuté entièrement les mesures prescrites par l'arrêté en cause, le tribunal administratif n'a pas commis d'irrégularité en ne retenant pas un non-lieu à statuer dès lors que les mesures en cause n'ont été que partiellement mises en œuvre, sur les seuls terrains dont la société Engie est aujourd'hui propriétaire, et que le préfet a indiqué vouloir demander des compléments d'analyse et prendre un arrêté encadrant les mesures de remise en état du site. En outre, l'arrêté en cause porte sur la remise en état d'un site après mise à l'arrêt définitif d'une installation classée, prescrite sur le fondement des dispositions des articles L. 512-6-1 et suivants du code de l'environnement et non sur une mise en demeure prise sur le fondement du pouvoir de police spéciale du préfet en application des dispositions des articles L. 171-7 et suivants du code de l'environnement. Dans ces conditions, l'élaboration d'un mémoire portant sur une partie des parcelles concernées par la remise en état du site n'est pas de nature à priver d'objet, même partiellement, le litige portant sur la légalité de l'arrêté.

4. En second lieu, en application des articles L. 511-1 et suivants du code de l'environnement, l'obligation de remise en état du site prescrite par les articles R. 512-39-1 et suivants du même code, pour les installations soumises à autorisation, pèse sur le dernier exploitant de l'installation ou sur son ayant-droit. Cette obligation est applicable aux installations de la nature de celles soumises à autorisation en application du titre 1er du livre V du code de l'environnement alors même qu'elles auraient cessé d'être exploitées avant l'entrée en vigueur de la loi du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement, dès lors que ces installations demeurent susceptibles de présenter les dangers ou inconvénients énumérés à l'article L. 511-1 de ce code. Dans cette hypothèse, l'obligation de remise en état du site pèse sur l'ancien exploitant ou, si celui-ci a disparu, sur son ayant-droit. Lorsque l'exploitant ou son ayant-droit a cédé le site à un tiers, cette cession ne l'exonère de ses obligations que si le cessionnaire s'est substitué à lui en qualité d'exploitant. Il incombe ainsi à l'exploitant d'une installation classée, à son ayant-droit ou à celui qui s'est substitué à lui, de mettre en œuvre les mesures permettant la remise en état du site qui a été le siège de l'exploitation dans l'intérêt, notamment, de la santé ou de la sécurité publique et de la protection de l'environnement. L'autorité administrative peut contraindre les personnes en cause à prendre ces mesures et, en cas de défaillance de celles-ci, y faire procéder d'office et à leurs frais.

5. L'obligation visée au point précédent se prescrit par trente ans à compter de la date à laquelle la cessation d'activité a été portée à la connaissance de l'administration, sauf dans le cas où les dangers ou inconvénients présentés par le site auraient été dissimulés. Toutefois, lorsque l'installation a cessé de fonctionner avant l'entrée en vigueur du décret du 21 septembre 1977 pris pour l'application de la loi du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement, qui a créé l'obligation d'informer le préfet de cette cessation, et hors le cas où les dangers ou inconvénients présentés par le site ont été dissimulés, le délai de prescription trentenaire court à compter de la date de la cessation effective de l'activité.

6. La société Gaz de France, aux droits de laquelle est venue la société Engie, a cessé son activité de production et de stockage de gaz de houille sur le territoire de la commune de Bizanos en 1958, les installations ayant été démantelées en 1965. En application des principes énoncés ci-dessus, en l'absence de dissimulation des dangers ou inconvénients présentés par le site, la prescription trentenaire doit être regardée comme acquise en 1988. Le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires fait valoir, pour justifier d'une telle dissimulation, que la société Engie n'a pas approfondi les conclusions d'un rapport de 1996, établi par un bureau d'études indépendant à la demande de Gaz de France, par la réalisation de diagnostics ultérieurs exhaustifs. Toutefois, à supposer même que ce rapport de 1996, réalisé sur une base volontaire, dans le cadre contractuel du Protocole d'accord relatif à la maîtrise et au suivi de la réhabilitation des anciens terrains d'usines à gaz signé le 26 avril 1996 entre Gaz de France et l'Etat, comporte des erreurs, notamment quant à l'information rapportée par le maire de la commune selon laquelle les cuves en maçonnerie enterrées auraient été vidées puis remplies de sable, ces circonstances ne suffisent pas à caractériser une dissimulation de l'état du site par la société Engie. Il en va de même des éventuelles erreurs dans le cadre de la réhabilitation du site après la cessation de l'activité. En outre, la prescription trentenaire était déjà acquise à la date de ce rapport, qui n'avait pas pour objet de répondre à une obligation de remise en état du site à la charge de Gaz de France puis d'Engie sur le fondement des dispositions du code de l'environnement. Il résulte de ce qui précède que le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Pau a annulé l'arrêté du 7 mai 2019 par lequel le préfet des Pyrénées-Atlantiques a prescrit à la société Engie de réaliser un diagnostic et un plan de gestion de dépollution au droit de l'ancienne usine à gaz de Bizanos.

7. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 1 500 euros à la société Engie en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires est rejetée.

Article 2 : L'État versera à la société Engie la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la société Engie.

Délibéré après l'audience du 9 avril 2024 où siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

M. Sébastien Ellie, premier conseiller,

Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 mai 2024.

Le rapporteur,

Sébastien Ellie

La présidente,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires de France, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°22BX01606


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX01606
Date de la décision : 07/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Sébastien ELLIE
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : FOLEY HOAG AARPI

Origine de la décision
Date de l'import : 12/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-07;22bx01606 ?
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