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16/04/2024 | FRANCE | N°22BX01221

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 5ème chambre, 16 avril 2024, 22BX01221


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :



M. A... a demandé au tribunal administratif de Pau de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquels il a été assujetti au titre des années 2014 et 2015, pour un montant total de 2 623 euros pour 2014 et de 1 278 082 euros pour 2015.



Par un jugement n°s 1901387, 1901388 du 10 février 2022, le tribunal administratif de Pau a prononcé un non-lieu à statuer sur les concl

usions des demandes à hauteur de 72 368 euros, a réduit les bases d'imposition sur le revenu de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Pau de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquels il a été assujetti au titre des années 2014 et 2015, pour un montant total de 2 623 euros pour 2014 et de 1 278 082 euros pour 2015.

Par un jugement n°s 1901387, 1901388 du 10 février 2022, le tribunal administratif de Pau a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions des demandes à hauteur de 72 368 euros, a réduit les bases d'imposition sur le revenu de M. A... de 73 864 euros et a déchargé ce dernier des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales correspondant à cette réduction de base d'imposition ainsi que des pénalités et a rejeté le surplus des demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 29 avril 2022 et le 28 décembre 2023, M. A..., représentée par Publica Avocats AARPI, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 10 février 2022 ;

2°) d'annuler la décision implicite de rejet de sa réclamation par l'administration ;

3°) de prononcer la décharge des impositions supplémentaires contestées ;

4°) d'enjoindre à l'administration de lui faire bénéficier du système du quotient en cas de maintien total ou partiel de ces impositions relatives à un revenu exceptionnel ou, en cas de requalification en cession de parts sociales, à titre subsidiaire, de lui faire bénéficier de l'ensemble des conséquences de cette requalification et notamment l'abattement pour durée de détention ;

5°) de statuer sur la fausse déclaration de la société Clinéa et son utilisation par l'administration et en tirer les conséquences de fait et de droit ;

6°) de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier :

o il a omis de statuer sur les conclusions de la requête tendant à faire application du système du quotient et des abattements de droit et à la défiscalisation de ses frais de procès et à la prise en compte des intérêts du prêt ayant financé l'acquisition de ses parts et actions pour l'imposition de l'indemnité transactionnelle ;

o il a omis de statuer sur le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure de rectification tiré de ce que l'administration n'avait pas mis ses enfants en mesure de présenter leurs observations ;

o il est insuffisamment motivé s'agissant d'une proposition de rectification lui ayant été adressée parallèlement par la direction des vérifications nationales et internationales et de l'absence de justification du chiffre de 9% d'un million d'euros retenu pour le préjudice moral ;

o le jugement est entaché d'une contradiction entre ses motifs et son dispositif, le paragraphe 5 du jugement indiquant que le montant de 800 000 euros constitutif de la part de l'indemnité transactionnelle versée à Mme A... et à ses enfants n'est pas imposable, alors que le dispositif du jugement réduit la base d'imposition de 9% d'un million d'euros, sans reprendre l'exonération d'impôt au titre des sommes versées pour réparer le préjudice de Mme A... et ses enfants ;

- la somme d'1,8 millions d'euros correspond en totalité à l'indemnisation du préjudice moral subi par lui, son épouse et ses enfants ; subsidiairement, une part au moins égale à 50 % de l'indemnité, en sus des 16 136 euros admis par l'administration, doit être regardée comme correspondant à son préjudice moral ;

- la doctrine fiscale référencée BOI-BNC-CHAMP-10-10-20-30-20160302 n° 70 indique que les indemnités destinées à réparer un préjudice moral ne sont pas imposables ;

- à titre subsidiaire, les abattements pour durée de détention des titres de la société doivent être appliqués de même que le système du quotient prévu par l'article 163-0 A du code général des impôts ;

- certaines dépenses reprises par l'administration étaient des dépenses professionnelles déductibles, notamment le voyage en Inde, l'achat d'une valise et l'abonnement au magazine Première ;

- les pénalités pour manquement délibéré sont injustifiées dès lors que l'administration n'apporte pas la preuve qu'il a eu l'intention d'éluder l'impôt ; son expert-comptable a commis une erreur et le montant de l'indemnité avait été déclaré au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune, démontrant sa bonne foi ; la commission des infractions fiscales a émis un avis défavorable à la proposition de poursuites devant le juge pénal en l'absence d'élément intentionnel.

Par deux mémoires enregistrés le 20 octobre 2022 et le 11 janvier 2024, ce dernier n'ayant pas été communiqué, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés sont infondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Par ordonnance du 29 décembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 12 janvier 2024.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Sébastien Ellie ;

- les conclusions de M. Stéphane Gueguein, rapporteur public ;

- et les observations de M. A... et de Me Riquier, représentant M. A....

Une note en délibéré, présentée par Me Riquier pour M. A..., a été enregistrée le 27 mars 2024.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... exerce la profession libérale de psychiatre et détenait des actions d'une clinique psychiatrique, la société par actions simplifiée (SAS) Clinique du Château de Préville, acquises le 29 juin 2001. En raison d'un différend avec ses associés dans cette clinique, il a conclu le 15 juillet 2015 un protocole transactionnel prévoyant notamment le versement d'une somme de 1 800 000 euros en réparation des préjudices moraux et matériels subis par lui, son épouse et leurs trois enfants. À la suite d'une vérification de comptabilité portant sur les années 2013, 2014 et 2015, deux propositions de rectification du 10 avril 2017 émanant de la direction départementale des finances publiques des Pyrénées-Atlantiques portant sur les années 2014 et 2015 lui ont été notifiées, à hauteur de 2 623 euros pour 2014 et 1 292 040 euros pour 2015. Dans le cadre de la procédure administrative précontentieuse, la somme de 1 292 040 euros a été ramenée à 1 278 082 euros, somme mise en recouvrement le 31 décembre 2017. Les réclamations contentieuses de M. A... ont été rejetées par l'administration. Par jugement du 10 février 2022, le tribunal administratif de Pau a prononcé un non-lieu sur la somme de 72 368 euros, a réduit sa base imposable d'un montant de 73 864 euros et l'a déchargé dans cette mesure des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mis à sa charge et des pénalités correspondantes. M. A... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Sur la régularité du jugement :

2. Le tribunal ayant considéré que l'indemnité en litige correspondait à la réparation du préjudice moral et du préjudice financier de M. A..., il n'avait pas à se prononcer sur les conclusions du requérant tendant à l'application des abattements pour durée de détention, ces conclusions étant présentées à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où le tribunal retiendrait que l'indemnité en litige correspondait à la cession des titres de la SAS. Il en va de même des conclusions tendant à la défiscalisation de ses frais de procès et la prise en compte des intérêts du prêt ayant financé l'acquisition de ses parts et actions. Le tribunal a enfin indiqué que l'administration avait fait application du système du quotient.

3. Le tribunal administratif de Pau a expressément répondu aux moyens contenus dans les mémoires produits par le requérant. En particulier, le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, n'avait pas à se prononcer sur la proposition de rectification transmise par la direction des vérifications nationales et internationales, qui n'était pas en litige. En revanche, le tribunal n'a apporté aucune explication portant sur le taux de 9% qu'il a retenu pour évaluer le préjudice moral subi par M. A.... Par suite, ce dernier est fondé à soutenir que le jugement est entaché d'une insuffisance de motivation sur ce point.

4. Il résulte en outre de l'instruction que le protocole d'accord transactionnel du 16 juillet 2015 fixe une indemnité de 1 800 000 euros destinée à compenser le préjudice matériel et moral de M. A... à hauteur d'un million d'euros, de son épouse à hauteur de 500 000 euros et de ses trois enfants à hauteur de 100 000 euros chacun. Après avoir admis au paragraphe 5 du jugement, le préjudice de Mme A... et de ses enfants à hauteur de 800 000 euros, le tribunal a relevé que ces derniers n'exerçaient pas d'activité professionnelle directement affectée par le conflit entre M. A... et la clinique et devaient être regardés comme ayant subi exclusivement un préjudice réparé par la somme qui leur a été allouée en application du protocole transactionnel. Le jugement indique également que le préjudice moral de M. A... est inclus dans la somme qui lui est allouée personnellement en vertu de ce même protocole, soit un million d'euros et doit être évalué à 9% de ce montant, soit 90 000 euros. Dans son dispositif, le jugement ne se prononce toutefois que sur la diminution de la base imposable de M. A... résultant de l'application de ce taux de 9% sur le seul montant de l'indemnité d'un million d'euros versée à celui-ci, sans indiquer que ces bases d'imposition sont également réduites de l'indemnité correspondant au préjudice subi par Mme A... et ses enfants et sans statuer sur le caractère imposable ou non de l'indemnité de 800 000 euros versée à Mme A... et à ses enfants. M. A... est ainsi fondé à soutenir que le jugement est entaché sur ce point d'une contrariété entre ses motifs et son dispositif et qu'il doit être annulé pour irrégularité en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

5. Il y a lieu pour la cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions restant en litige de la demande de M. A....

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

6. Si les enfants de C... et Mme A... sont concernés par l'indemnité fixée par le protocole transactionnel, il n'est pas contesté qu'ils sont rattachés au foyer fiscal de leurs parents et n'ont pas eux-mêmes fait l'objet d'une procédure d'imposition sur leur revenu, de sorte que le moyen tiré de la méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure à leur égard est inopérant et ne peut qu'être écarté.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne l'indemnité de 1,8 million d'euros résultant du protocole transactionnel :

7. Aux termes de l'article 93-1 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice à retenir dans les bases de l'impôt sur le revenu est constitué par l'excédent des recettes totales sur les dépenses nécessitées par l'exercice de la profession. Sous réserve des dispositions de l'article 151 sexies, il tient compte des gains ou des pertes provenant soit de la réalisation des éléments d'actif affectés à l'exercice de la profession, soit des cessions de charges ou d'offices, ainsi que de toutes indemnités reçues en contrepartie de la cessation de l'exercice de la profession ou du transfert d'une clientèle (...) ".

8. En cas de transaction, il appartient au juge de l'impôt, qui n'est pas lié par les termes retenus par les parties à la convention, de rechercher la qualification à donner à l'indemnité objet de la transaction. Par ailleurs, une indemnité versée à l'occasion d'une cessation d'activité ne peut être regardée comme ayant le caractère de dommages intérêts non imposables que si elle a pour objet de compenser un préjudice autre que celui résultant d'une perte de revenus.

9. Il résulte de l'instruction qu'après que M. A... ait acquis en 2001 26,44% des actions de la société Clinique du Château de Préville et conclu un contrat à durée indéterminée d'exercice privilégié praticien-clinique sur 14 lits, un litige est né entre lui et les autres associés de la clinique, résultant notamment de la caducité d'une promesse de cession de parts à M. A... puis de la détérioration des relations professionnelles entre les associés de la clinique. Plusieurs procédures ont été engagées devant les juridictions judiciaires et le conseil de l'Ordre des médecins. Un premier protocole transactionnel a été envisagé en 2004 mais n'a pas été conclu. Un second protocole a été signé le 16 juillet 2015 entre M. et Mme A..., d'une part, et la société Clinéa et la société Clinique du Château de Préville, d'autre part, la société Clinéa ayant racheté 73,56% des parts de la clinique du Château de Préville le même jour. Ce protocole a notamment pour objet de réparer le " préjudice moral et matériel " de M. A... à hauteur de 1 800 000 euros, réparti à hauteur de 1 million d'euros pour M. A..., 500 000 euros pour son épouse et 100 000 euros pour chacun de leurs trois enfants. En contrepartie de cette indemnité, M. A... s'engage à se désister de son action engagée auprès des juridictions judiciaires. Le protocole prévoit également, outre l'indemnité d'un montant de 1,8 million d'euros, le versement à M. A... de la somme de 483 964 euros pour l'acquisition de ses actions de la SAS Clinique du Château de Préville et des parts sociales de la SCI Les Bords du Gave, laquelle est propriétaire d'une maison hébergeant un médecin généraliste qui intervenait au sein de la clinique.

10. Il ressort du protocole transactionnel que l'indemnité en litige est justifiée par le fait que M. A... a été " injustement évincé de la clinique " à la suite d'un différend intervenu avec l'un de ses confrères actionnaires, que des " reproches infondés " lui ont été adressés pour justifier son éviction, que Mme A... et leurs trois enfants ont subi " un préjudice moral depuis plus de dix ans " en raison du contentieux avec la clinique, que le docteur A... a dû maintenir un cautionnement bancaire sans contrepartie, l'empêchant de réaliser d'autres investissements, qu'il n'a perçu aucun dividende après son éviction et qu'il a dû engager des procédures pour faire valoir ses droits.

11. L'indemnité de 1,8 million d'euros prévue par ce protocole transactionnel a donc pour objet de compenser le préjudice moral et financier subi par M. et Mme A... et leurs enfants et non la cession des parts de M. A... dans la société, indemnisée par ailleurs. Si M. A... avait, dans le cadre du contentieux engagé à la suite du premier protocole transactionnel envisagé, demandé une indemnité pour son préjudice moral à hauteur de 15 000 euros, ce dernier a nécessairement évolué en raison de la modification des termes de l'accord transactionnel, de la durée des procédures, et des atteintes alléguées et non sérieusement démenties par l'administration à sa réputation professionnelle et à l'exercice de sa profession, M. A... ayant été placé en congé maladie pendant 18 mois. M. A... ainsi que son foyer ont également subi des pertes de revenus, notamment de dividendes et d'honoraires. Dans ces circonstances, et au regard du contenu du protocole d'accord rappelé au point 10 du présent arrêt, il sera fait une juste appréciation de la répartition du préjudice moral et financier subi en l'espèce par M. et Mme A... et leurs enfants en l'évaluant à 50% de l'indemnité au titre du préjudice moral et 50% au titre du préjudice financier. Les revenus imposables de M. et Mme A... à l'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux au titre de l'année 2015 doivent ainsi être minorés de la somme de 900 000 euros correspondant à la partie non-imposable de l'indemnité prévue par le protocole transactionnel du 16 juillet 2015. Dans la mesure où l'administration a déjà admis une décharge en base à hauteur de 16 136 euros, la base imposable de M. et Mme A... doit être minorée de 883 864 euros.

12. Aux termes du point 70 du BOFIP BOI-BNC-CHAMP-10-10-20-30 : " Les sommes perçues à titre de dommages-intérêts en réparation d'un préjudice moral ne constituent pas des recettes imposables à la différence de celles perçues en compensation d'une perte temporaire de revenus professionnels. Cette doctrine ne contient pas une interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il est, en l'espèce, fait application par le présent arrêt.

En ce qui concerne la déductibilité de certaines dépenses :

13. Aux termes de l'article 93 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice à retenir dans les bases de l'impôt sur le revenu est constitué par l'excédent des recettes totales sur les dépenses nécessitées par l'exercice de la profession (...) ".

14. Si M. A... soutient qu'un certain nombre de ses dépenses rejetées par l'administration en 2014 pour 5 219 euros et 2015 pour 20 069 euros sont nécessaires à l'exercice de sa profession, notamment un abonnement au magazine Première mis à disposition de ses patients en salle d'attente, l'achat d'une valise nécessaire à ses déplacements professionnels et un voyage en Inde ainsi que des dépenses de restaurant et des déplacements le week-end, tout comme l'achat de certaines fournitures telles qu'un robot-pâtissier, un appareil photo ou une plaque électrique, il n'apporte aucune justification quant à la nécessité d'exposer ces dépenses pour son activité professionnelle, ni l'affectation de ces biens à l'exercice de sa profession. En particulier, si M. A... est psychiatre et pratique la méditation pleine-conscience et si l'Inde est une destination présentant un intérêt particulier pour la discipline pratiquée par M. A..., il n'apporte aucun élément permettant d'estimer que son voyage présentait un caractère professionnel et non privé. M. A... n'est donc pas fondé à demander la déductibilité des dépenses réintégrées par l'administration comme ne présentant pas le caractère de frais professionnels.

Sur les pénalités :

15. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt (...) entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ". La pénalité prévue par ces dispositions a pour seul objet de sanctionner la méconnaissance par le contribuable de ses obligations déclaratives. Pour établir ce manquement délibéré, l'administration doit apporter la preuve, d'une part, de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations et, d'autre part, de l'intention de l'intéressé d'éluder l'impôt.

16. Il résulte de l'instruction que M. A... a mentionné l'indemnité d'un montant de 1,8 million d'euros dans sa déclaration au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune, de sorte qu'il n'a pas tenté de masquer à l'administration fiscale l'existence même de cette somme. Si M. A... ne l'a pas déclarée au titre de l'impôt sur le revenu, il a pu considérer que cette indemnité venait compenser son préjudice moral et celui de sa famille, alors même que le protocole transactionnel évoquait également un préjudice matériel, sans que cette erreur caractérise un manquement délibéré à l'obligation de déclarer ses revenus imposables. Dans les conditions particulières de l'espèce, qui font ressortir un litige persistant entre M. A... et ses anciens associés et la réalité du préjudice moral subi par l'intéressé, l'administration fiscale n'apporte pas la preuve de l'intention de M. A... d'éluder l'impôt sur le revenu lié à la perception de l'indemnité en cause. Le requérant est donc fondé à demander la décharge de la pénalité qui lui a été appliquée sur le fondement de l'article 1729 du code général des impôts.

Sur les frais liés au litige :

17. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser à M. A... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 5 du jugement n°s 1901387, 1901388 du 10 février 2022 est annulé.

Article 2 : Les revenus imposables de M. A... à l'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux au titre de l'année 2015 sont minorés d'une somme de 883 864 euros.

Article 3 : M. A... est déchargé, en droits et intérêts de retard, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux pour l'année 2015 correspondant à la réduction des bases d'imposition mentionnée à l'article 2 du présent arrêt.

Article 4 : M. A... est déchargé des pénalités pour manquement délibéré qui lui ont été appliquées au titre de l'année 2015.

Article 5 : L'État versera à M. A... la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Une copie en sera adressée à la direction régionale de contrôle fiscal Sud-Ouest.

Délibéré après l'audience du 26 mars 2024 où siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

M. Sébastien Ellie, premier conseiller,

Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 avril 2024.

Le rapporteur,

Sébastien Ellie

La présidente,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22BX01221


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX01221
Date de la décision : 16/04/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Sébastien ELLIE
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : RIQUIER

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-16;22bx01221 ?
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